B. AMÉLIORER L'EFFICIENCE DE LA RÉSERVE SANITAIRE
1. Des coûts de gestion relativement élevés mais qui demeurent soutenables
Entre 2009 et 2014, le coût total de la réserve sanitaire s'est élevé à 27 millions d'euros , soit 2,8 % des dépenses totales de l'EPPRUS sur cette même période (cf. graphique supra ). Plus de la moitié de ce coût est imputable à la prise en charge des dépenses d'indemnisation des professionnels de santé mobilisés pour la campagne de vaccination contre la grippe A/H1N1 en 2009, ce qui a entraîné un surcroît de dépenses en 2010 (environ 15 millions d'euros).
La dépense totale liée à la réserve sanitaire comprend à la fois des dépenses de fonctionnement, qui incluent les frais de mission, les dépenses de communication et les remboursements des employeurs ayant mis à disposition leurs salariés ou fonctionnaires au profit de la réserve sanitaire, et des dépenses d'investissement correspondant principalement à l'acquisition de matériels et d'équipements (par exemple, tentes, tenus etc.). Par ailleurs, la rémunération des réservistes non-salariés (libéraux, retraités, étudiants) est comptabilisée en tant que dépense de personnel de l'EPRUS.
Selon les informations transmises à votre rapporteur spécial, le « rebond » des dépenses de fonctionnement de la réserve sanitaire en 2012 (3,9 millions d'euros) s'explique par le financement d'une grande campagne de communication afin de recruter davantage de réservistes. Celle-ci semble avoir été efficace puisque leur nombre a effectivement été multiplié par deux entre 2012 et 2014. En 2014, malgré la multiplication des missions de lutte contre l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest, le budget prévisionnel de la réserve sanitaire a été respecté. Une large part de la hausse des dépenses s'explique en effet par celle de l'investissement en matériels et équipements.
Si, comparativement aux dépenses de l'établissement pharmaceutique, le coût de la réserve sanitaire peut sembler modeste, les dépenses par réserviste - en considérant l'ensemble des contrats et non seulement les réservistes effectivement mobilisés - étaient d' environ 1 400 euros en 2014 . Cette situation s'explique notamment par un niveau de remboursement aux employeurs et d'indemnisation des non-salariés élevé.
2. Quel niveau d'indemnisation, pour quel type de réserviste ?
Les réservistes de l'EPRUS sont des volontaires et non des bénévoles . Outre la prise en charge de leurs frais de transport, de repas et d'hébergement, les salariés ont droit au maintien de leur rémunération et les non-salariés sont rémunérés ou indemnisés.
Ainsi, aux termes de l'article L. 3133-1 du code de la santé publique actuellement en vigueur, lorsque des réservistes salariés sont mis à la disposition de l'EPRUS, celui-ci est tenu de rembourser à l'employeur les rémunérations et traitements ainsi que les cotisations et contributions de sécurité sociale correspondant aux périodes d'emploi ou de formation accomplies dans la réserve. Les professionnels de santé exerçant à titre libéral et les étudiants sont rémunérés par journée d'activité ou de formation, selon des montants fixés par délibération du conseil d'administration de l'EPRUS, et les personnes retraitées reçoivent une indemnisation correspondant à 53 % de ces montants .
Ce système pose deux types de difficultés :
- le remboursement intégral à l'employeur est particulièrement lourd à gérer pour l'EPRUS , qui doit suivre chaque cas individuellement. Ceci entraîne des délais de remboursement relativement longs. De plus, l'établissement ne dispose d' aucun moyen pour contrôler l'exactitude du remboursement demandé par l'employeur, qui peut varier sensiblement d'un établissement à l'autre. C'est la raison pour laquelle l'article 42 quater du projet de loi de modernisation de notre système de santé , introduit en premier lecture à l'Assemble nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit de passer d'un système de remboursement à un système d'indemnisation , reposant sur des montants fixes en fonction de la spécialité ;
- les montants de rémunération journalière déterminés pour les non-salariés étaient, jusqu'à la fin de l'année 2014, très hétérogènes, voire incohérents , et particulièrement élevés pour certaines spécialités (à titre d'exemple, 1 889 euros pour un radiologue ou environ 1 000 euros pour un réanimateur ou un pneumologue) alors même que, dans le cadre de la réserve sanitaire, l'activité de ces professionnels ne nécessite pas d'investissement. Par conséquent, la grille de rémunération des réservistes exerçant à titre libéral, utilisée pour calculer l'indemnisation des retraités, a été refondue par le conseil d'administration , selon huit niveaux de rémunération plafonnés à 750 euros par jour , établis à partir des niveaux moyens de rémunération constatés et en fonction des niveaux de responsabilités.
La nouvelle grille de rémunération, utilisée depuis le 1 er janvier 2015, et la réforme introduite par le projet de loi de modernisation de santé concernant les réservistes salariés sont des améliorations notables.
Toutefois, ces niveaux de rémunération ou d'indemnisation demeurent élevés , en particulier si l'on considère que certaines missions à l'étranger sont effectuées dans le cadre d'opérations humanitaires 31 ( * ) . Le ministère des affaires étrangères et du développement international a ainsi indiqué à votre rapporteur spécial que ce niveau de rémunération entraînait des difficultés pour obtenir des remboursements dans le cadre d'opérations financées par l'Office d'aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO), et ce d'autant plus qu'aucun partenaire européen ne pratique des tarifs aussi élevés.
Recommandation n° 14 : afin de renforcer l'efficience de la réserve sanitaire, étudier la possibilité de mettre en place une grille d'indemnisation spécifique pour les réservistes participant à des opérations de soutien humanitaire, en particulier pour les retraités et les étudiants. |
3. L'articulation entre les différentes réserves
La réserve sanitaire de l'EPRUS n'est pas le seul dispositif offrant la possibilité de mobiliser des professionnels de santé sur le territoire français en cas de situation sanitaire exceptionnelle. Il existe en effet au moins trois autres réserves qui peuvent comporter des professionnels de santé :
- la réserve du service de santé des armées ( SSA ) qui compte environ 3 000 réservistes pour 16 000 agents. À la différence de la réserve de l'EPRUS, cette réserve est mobilisée quotidiennement afin d'assurer le fonctionnement du SSA ;
- les réserves communales de sécurité civile (environ 600 personnes), constituées par les maires et chargées d'aider les secouristes et les pompiers en cas de catastrophe naturelle ou d'accident industriel pour effectuer les missions les plus simples ;
- les sapeurs-pompiers volontaires (environ 195 000), gérés par les services départementaux d'incendie et de secours.
À ces réserves s'ajoutent également les associations agréées de sécurité civile - telles que la Croix-Rouge française ou la Fédération française de sauvetage et de secourisme - qui comptent environ 70 000 personnes.
Selon la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, l'EPRUS apporte des compétences plus ciblées, qui ne sont généralement pas disponibles au sein de la sécurité civile. Elle reconnaît toutefois que la « multi-appartenance » à différentes réserves ou associations est un motif de préoccupation . Il existe en effet un « point mort collectif » concernant le nombre exact de personnes mobilisables en cas de crise. Ayant identifié ce problème, le SSA a recensé, parmi ses réservistes, 124 personnes qui ont également conclu un contrat de réserviste avec l'EPRUS et a mis en place une procédure de mobilisation spécifique.
Par ailleurs, les échanges entre les différentes réserves sont peu développés , en particulier entre la réserve sanitaire et la sécurité civile. Il n'existe ainsi pas de formations communes ouvertes à tous les réservistes et les exercices communs sont uniquement ponctuels.
Il convient par ailleurs de signaler que la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure 32 ( * ) , qui prévoit notamment la création d' une « réserve de sécurité nationale » mobilisant de façon obligatoire les réservistes de la réserve opérationnelle militaire, de la réserve civile de la police nationale, de la réserve sanitaire, de la réserve civile pénitentiaire et des réserves de sécurité civile en cas de crise majeure, sur décision du Premier ministre, n'a jamais reçu de décret d'application 33 ( * ) . L'élaboration de ce décret, confiée au SSA, n'aurait pas abouti en raison de désaccords concernant le statut des différents réservistes.
Recommandation n° 15 : afin d'améliorer la coordination entre les différents corps de réserve, prévoir l'obligation, pour les réservistes de l'EPRUS, de déclarer leur appartenance éventuelle à un autre corps de réserve et développer les exercices et les formations communs. |
* 31 À titre de comparaison, les volontaires de l'association Médecins sans frontières perçoivent une indemnisation de 1 013 euros mensuels non imposable et ses salariés une rémunération comprise entre 1 446 euros et 3 414 euros.
* 32 Loi n° 2011-892 du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.
* 33 Cf. rapport d'information n° 725 (2013-2014) fait par Marcel-Pierre Cléach au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois sur la mise en oeuvre de la loi n° 2011-892 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure.