N° 675
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 septembre 2015 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur l' enquête de la Cour des comptes relative à la masse salariale de l' État ,
Par M. Albéric de MONTGOLFIER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel . |
PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
Mesdames, Messieurs,
En application de l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur les enjeux et les leviers de la maîtrise de la masse salariale de l'État .
Les dépenses de personnel (titre 2) constituent le principal poste budgétaire de l'État, pour un montant de 120,8 milliards d'euros en 2014 , soit 40 % du budget général .
Notre pays se singularise par le poids extrêmement élevé de l'emploi public au regard de ses voisins . À l'exception des pays scandinaves et de la République tchèque, la part de la masse salariale publique dans le produit intérieur brut (PIB) est ainsi plus élevée en France (plus de 13 %) que dans le reste des pays de l'OCDE.
Masse salariale publique dans les pays de l'OCDE
Source : Cour des comptes à partir des données de la Commission européenne et de l'OCDE
Entre 2003 et 2013, la masse salariale publique a augmenté à hauteur de 2,4 % par an en moyenne . Cette hausse résulte pour l'essentiel d'un choix politique tendant à privilégier l'accroissement des effectifs (+ 0,6 % par an en moyenne entre 2003 et 2013) au détriment des salaires (+ 0,2 % par en moyenne pour la fonction publique d'État sur la même période), à l'inverse de nombreux autres pays européens tels que le Royaume-Uni, l'Irlande, l'Espagne ou l'Italie.
À elle seule, la fonction publique de l'État compte ainsi près de deux millions d'agents . En y incluant la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, six millions d'agents sont ainsi employés par le secteur public pour une dépense de près de 280 milliards d'euros .
Fort de ce constat, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, le Sénat avait adopté des amendements présentés par votre rapporteur général au nom de la commission des finances visant à ralentir la progression du glissement vieillesse technicité (GVT) et à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique pour des économies estimées à respectivement 550 millions d'euros et 200 millions d'euros pour la seule fonction publique de l'État .
L'enquête de la Cour des comptes souligne qu'au-delà de l'enjeu budgétaire, la modernisation de la gestion de la fonction publique apparaît comme un préalable à la reconstitution de marges de manoeuvre permettant la mise en oeuvre de réformes destinées à maintenir l'attractivité de la fonction publique .
Votre rapporteur général partage la plupart des constats de la Cour des comptes. Il considère que certaines propositions d'économies devraient être rapidement mises en oeuvre en ce qui concerne notamment les effectifs, le temps de travail, la mobilité et les règles d'avancement .
1. Le double échec de la politique du Gouvernement : une trajectoire triennale 2015-2017 inatteignable, une modernisation ambitieuse de la gestion de la fonction publique rendue impossible
La croissance tendancielle de la masse salariale résultant de la politique mise en oeuvre depuis 2013 (stabilisation des effectifs, gel de la valeur du point de la fonction publique et réduction des mesures catégorielles) s'établit à 700 millions d'euros par an.
Pour respecter l'évolution inscrite dans le budget triennal fixé par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019 du 29 décembre 2014, qui prévoit une augmentation de la masse salariale de + 0,3 % par an (soit 250 millions d'euros), des économies de l'ordre de 450 millions d'euros sont nécessaires chaque année.
Le budget triennal 2015-2017 repose sur des hypothèses d'économies s'élevant à 590 millions d'euros par an (cf. tableau ci-après). Une dépense de 100 millions d'euros supplémentaires est toutefois prévue au titre de la garantie individuelle du pouvoir d'achat (GIPA) et de la revalorisation des bas salaires, ramenant ainsi l' économie totale à 490 millions d'euros par an.
Hypothèses retenues dans le cadre du budget triennal
Source : commission des finances du Sénat, d'après des données Cour des comptes
Or ces hypothèses semblent extrêmement fragiles compte tenu des évolutions constatées et des mesures déjà prises . Ainsi, s'agissant des économies devant être réalisées au titre :
- des mesures diverses , la Cour note que les économies prévues sur les opérations extérieures « apparaissent hypothétiques » . De même, la diminution des heures supplémentaires dans l'éducation nationale est peu probable dans la mesure où, d'une part, « les heures supplémentaires peuvent augmenter en même temps que le nombre d'enseignants si les besoins en heures de présence d'enseignants sont eux-mêmes croissants, par exemple du fait de l'aménagement des rythmes scolaires, de la réduction de la taille des classes ou de la diversification des matières enseignées » et, d'autre part, elles « constituent un complément important de la rémunération des enseignants, qui ont peu de primes et indemnités par rapport aux autres fonctionnaires » ;
- des mesures catégorielles , le coût des mesures déjà décidées s'élève à 199 millions d'euros pour 2016 et à 89 millions d'euros pour 2017. Ces montants correspondant à ceux fixés par la loi de programmation des finances publiques, il n'existe donc plus aucune marge de manoeuvre pour la mise en place de nouvelles mesures catégorielles ;
- du schéma d'emplois , le maintien de l'objectif de création de postes dans les ministères prioritaires et, en particulier, dans l'éducation nationale, apparaît incompatible avec la moindre réduction des effectifs au ministère de la défense (- 18 750 ETP) prévue par la loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense. Par ailleurs, avec 8 293 créations de postes prévues en 2016, hors opérateurs et budgets annexes, le solde des emplois créés depuis 2012 s'élèvera à environ 1 800 ETP, en contradiction avec l'objectif de stabilisation des effectifs affiché par le Gouvernement ;
- du GVT solde , l'économie attendue de 70 millions d'euros n'est pas fiable dans la mesure où cette estimation repose principalement sur des données issues du logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois) qui a connu d'importants dysfonctionnements .
Au total, dans l'hypothèse peu probable où ces différentes mesures atteignaient leurs objectifs et permettaient de contenir la progression de la masse salariale à un niveau proche de + 0,3 % par an, aucune marge de manoeuvre ne subsisterait pour la mise en oeuvre de mesures ambitieuses visant à améliorer la gestion de la fonction publique nécessairement coûteuses.
Selon Marie-Anne Lévêque, directrice générale de l'administration et de la fonction publique, le projet d'accord relatif à « l'avenir de la fonction publique : la modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations » du 9 juillet 2015 qui prévoit notamment un desserrement des grilles salariales ne devrait pas permettre un retour aux amplitudes 1 ( * ) antérieures . Pourtant, le coût des mesures contenues dans cet accord devrait, selon la Cour des comptes, atteindre progressivement un montant compris entre 2,5 milliards d'euros et 3 milliards d'euros pour la fonction publique d'État et entre 4,5 milliards d'euros et 5 milliards d'euros pour l'ensemble de la fonction publique à l'horizon 2020 . Or si des mesures d'économies sont prévues, elles apparaissent sans commune mesure avec le coût de la réforme . La Cour des comptes relève ainsi que « le coût de la réforme des grilles ne serait donc qu'en partie compensée par les mesures déjà annoncées, et il sera nécessaire de recourir à d'autres leviers d'économies ».
2. Un dogme du nombre qui devrait être abandonné au profit d'une réduction des effectifs reposant sur une rationalisation du périmètre des missions de l'État
Les effectifs ont crû à hauteur de + 0,6 % par an en moyenne au cours des dix dernières années, soit un taux deux fois supérieur à celui du secteur privé (+ 0,3 %) .
Une inflexion a cependant eu lieu entre 2006 et 2012 avec la mise en oeuvre de la règle du « non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ». En contrepartie, il a été prévu une augmentation des mesures catégorielles et d'accompagnement des restructurations. Selon l'Insee 2 ( * ) , la diminution des effectifs de la fonction publique d'État de 215 000 ETP entre 2006 et 2011 s'est ainsi accompagnée d'une augmentation des rémunérations d'environ 0,9 % .
À cet égard, le choix du Gouvernement de privilégier une stabilisation des effectifs apparaît regrettable dans la mesure où il réduit les perspectives salariales des fonctionnaires .
Ce choix apparaît en outre isolé à l'échelle européenne. Comme le note l'institut de l'entreprise dans une note de juin 2015 3 ( * ) , le Royaume-Uni a mis en place une politique de réduction drastique des effectifs avec le « non-remplacement de départs à la retraite, la mise en place de plans volontaires et des licenciements, y compris dans la fonction publique statutaire ». Une politique comparable a été mise en oeuvre en Irlande, en Espagne et en Italie.
C'est pourquoi il apparaît indispensable de revenir sur le « dogme » de la stabilité des effectifs afin, d'une part, de respecter la trajectoire triennale 2015-2017 et, d'autre part, de recréer des marges de manoeuvre permettant la mise en oeuvre d'une gestion plus efficiente de la fonction publique .
Pour autant, les mesures systématiques telles que le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ou la compensation des recrutements au sein des ministères « prioritaires » par la réduction des effectifs dans les autres administrations semblent avoir atteint leurs limites. En effet, de nombreux services n'ont plus les moyens humains de remplir dans des conditions satisfaisantes les missions qui leur sont assignées .
Aussi, la mise en oeuvre d'une politique plus rigoureuse de réduction des effectifs suppose qu'une réflexion soit menée en amont afin d'identifier les éventuels doublons, par exemple entre l'État et les collectivités territoriales (services d'entretien du réseau routier ou services d'instruction et de versement de certaines aides sociales par exemple), ainsi que, plus généralement, les missions qui ne devraient plus être exercées par la sphère publique.
3. Une explosion de la masse salariale des opérateurs ne résultant que partiellement de transferts de l'État
La Cour des comptes note que les effectifs des établissements publics administratifs (EPA), qui représentent 61 % des opérateurs, s'élevaient à « 464 000 agents en 2013, soit 19,5 % de la FPE, contre 7,8 % en 2002 ». Elle relève en outre qu' « un emploi sur quatre est localisé dans un EPA " dérogatoire " , c'est-à-dire dont le statut normal de recrutement est celui de non-titulaire, et qui peut embaucher certains agents hors de son plafond d'emploi ».
Entre 2009 et 2013, la masse salariale des opérateurs a ainsi crû de près de 50 %. Si les transferts de personnels (universités, voies navigables de France, agences régionales de santé) expliquent cette augmentation pour plus des deux tiers, le tiers restant résulte de décisions de recrutements internes .
Dès lors, il apparaît indispensable qu'au-delà de la stabilisation de leurs effectifs prévue par la loi de programmation des finances publiques 2014-2019, un effort particulier soit demandé aux opérateurs de l'État s'agissant de leurs dépenses de personnel .
Denis Morin, directeur du budget, a rappelé lors de son audition que l'article 64 de la loi de finances pour 2008 prévoit qu'« à compter du 1 er janvier 2009, le plafond des autorisations d'emplois des opérateurs de l'État est fixé chaque année par la loi de finances ». Ce plafond a été stabilisé à partir de la loi de programmation 2012-2017 et « une norme de baisse des subventions pour charge de service public et des taxes affectées a été retenue dans le budget triennal 2015-2017 ». Pour autant, comme le note la Cour des comptes, « le dynamisme des effectifs des opérateurs résultant principalement de l'emploi hors plafond (53 000 ETP, incluant la prévision d'une nouvelle augmentation de 1 000 ETP dans le budget 2016 contournant de fait la stabilisation du plafond d'emplois) concentré dans les secteurs " prioritaires ", ces instruments se révèlent insuffisants pour contraindre efficacement les opérateurs à modérer davantage leurs recrutements, en l'absence d'un durcissement des possibilités de dérogation ».
Le directeur du budget a par ailleurs indiqué que, depuis 2015, un plafond d'emplois global doit être voté annuellement par les conseils d'administration des opérateurs retraçant l'ensemble de leurs effectifs. Bien qu'utile pour affiner la connaissance des effectifs réels des opérateurs, cette mesure devrait rester inopérante s'agissant de la maîtrise de leurs dépenses de personnel dans la mesure où seuls les effectifs sous plafond d'emplois pourront faire l'objet d'un pilotage en loi de finances.
Il a enfin rappelé qu'en matière de rémunérations, le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP) prévoit l'extension des pouvoirs du contrôleur budgétaire lui permettant notamment de s'assurer de « la justesse de la hiérarchie des rémunérations ».
Si la mise en oeuvre de telles mesures semble aller dans le bon sens, il apparaît désormais indispensable de prévoir la fixation d'un objectif contraignant d'évolution du nombre d'agents.
Ainsi, s elon la Cour des comptes, une baisse annuelle des effectifs des opérateurs à hauteur de 1,5 %, qui était la norme fixée par la loi de programmation 2011-2014, permettrait de dégager une économie de l'ordre de 200 millions d'euros par an. À cet égard, il serait souhaitable qu'une revue de leurs missions ainsi que l'identification de gains de productivité soient rapidement menées.
4. Un temps de travail inférieur en moyenne à la durée légale
S'agissant du temps de travail, de grandes disparités existent selon les versants de la fonction publique, les ministères et les corps de fonctionnaires . Si la durée du travail est fixée, comme dans le secteur privé, à 35 heures hebdomadaires, soit 1 607 heures annuelles, la Cour des comptes relève qu'au sein de la fonction publique de l'État, les régimes spécifiques sont majoritaires (enseignants, militaires, policiers, personnels au forfait, etc.) et que « seuls 500 000 ETP environ sur 1,9 million dans les ministères sont ainsi soumis au régime de droit commun ».
Au total, elle estime que « le temps de travail annuel moyen, à temps complet, serait de 1 594 heures dans le secteur public, contre 1 684 heures dans le secteur privé », soit une durée du travail sensiblement inférieure à la moyenne des pays de l'OCDE (1 620 heures en 2011).
Le lancement d'une mission d'évaluation du temps de travail dans la fonction publique confiée en juillet 2015 par le Premier ministre à Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, dont les conclusions seront remises au début de l'année 2016, devrait permettre de dresser un panorama des pratiques existantes en matière de temps de travail.
Il serait souhaitable, qu'à cette occasion, un examen systématique des régimes de temps de travail dérogatoires à la durée légale soit réalisé, afin d'en apprécier la justification et, le cas échéant, de mettre un terme aux pratiques irrégulières .
Par ailleurs, afin de lutter contre l'absentéisme dans la fonction publique, la loi de finances pour 2012 avait instauré un jour de carence pour les fonctionnaires, mais celui-ci a été supprimé par la loi de finances pour 2014. Pourtant, cette mesure s'est traduite par une réduction de l'absentéisme . Ainsi, selon l'INSEE, la proportion d'agents en arrêt maladie de moins de 15 jours est passée de 1,2 % à 1 %, entre 2011 et 2012, dans la fonction publique de l'État, et de 0,8 % à 0,7 % dans la fonction publique hospitalière.
C'est pourquoi lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, le Sénat avait adopté un amendement présenté par votre rapporteur général au nom de la commission des finances visant à instaurer trois jours de carence dans la fonction publique.
5. Une faible mobilité des agents source d'inefficience dans la gestion des personnels
La mobilité, tant géographique qu'entre administrations, apparaît singulièrement limitée au sein de la fonction publique. Selon la Cour des comptes, parmi les agents titulaires, « seulement 2,5 % ont changé d'employeur, 3,0 % de bassin d'emploi et 0,3 % de statut ». Cette situation s'explique notamment par la persistance de disparités en matière de régimes indemnitaires.
La Cour des comptes relève ainsi que 84 % des mobilités résultent d'une décision de l'agent et non de l'administration. Elle constate en outre que la mobilité concerne pour l'essentiel les agents non titulaires.
Certes, comme l'a rappelé Marie-Anne Lévêque, directrice générale de l'administration et de la fonction publique, les mobilités à l'initiative des agents permettent, dans la grande majorité des cas, de combler une vacance de poste. Pour autant, la faible mobilité des fonctionnaires constitue un facteur d'inflation des effectifs dans la mesure où elle ne permet pas une allocation optimale des ressources .
Le projet d'accord du 9 juillet 2015, qui doit faire l'objet d'un accord majoritaire avant le 30 septembre 2015 , prévoit différentes mesures visant à favoriser les mobilités (simplification et clarification des règles de mobilité, publication plus large des vacances d'emplois, révision des outils statutaires et indemnitaires visant à concourir à l'attractivité de certains territoires, etc.). Ce projet se concentre néanmoins sur les mobilités « volontaires » .
Or la mobilité dans l'intérêt du service devrait être considérée comme la contrepartie de la sécurité de l'emploi et mériterait donc, à ce titre, d'être développée.
Différentes mesures pourraient être prises telles qu' un meilleur accompagnement en termes de formation permettant d'accroître l'employabilité et l'adaptabilité des agents , l'identification et la suppression progressive des obstacles statutaires à la mobilité ou encore la réorientation des outils par un meilleur ciblage des dispositifs d'encouragement à la mobilité .
6. Une rationalisation nécessaire du « maquis » des primes et des indemnités
Les primes et indemnités perçues par les agents représentent en moyenne 30 % de la rémunération principale. Ce taux peut atteindre 86 % pour les emplois d'encadrement et de direction.
Si les primes et indemnités constituent souvent un palliatif à la rigidité des grilles salariales, les montants perçus au titre de ces éléments de rémunération dépendent davantage de l'appartenance à un ministère donné que des performances individuelles ou collectives enregistrées, du niveau de sujétion ou de responsabilités .
Des outils ont certes été développés pour individualiser davantage ces éléments de rémunération afin d'y intégrer une composante liée à la performance (nouvelle bonification indiciaire en 1990, prime de fonction et de résultat en 2010, régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique d'État en 2014), mais leur mise en oeuvre est difficile en raison du coût de la convergence des primes et indemnités qui se traduit, en règle générale, par un alignement sur le régime le plus favorable .
Par ailleurs, comme l'a rappelé Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes lors de l'audition « pour suite à donner » du 9 septembre 2015, l'existence de 1 500 éléments de paye distincts dans l'ensemble de la fonction publique constitue un frein à la mise en place d'instruments de pilotage et de gestion tels que l'opérateur national de paye ou encore le logiciel « Louvois ».
7. Une progression de carrière qui devrait être davantage corrélée à la valeur professionnelle des agents
Comme l'a indiqué Denis Morin, directeur du budget, lors de son audition, l'augmentation de l'ordre de 2 % par an du glissement vieillesse technicité dans un contexte d'inflation quasi nulle n'apparaît pas tenable.
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, le Sénat avait ainsi adopté un amendement de votre rapporteur général visant à ralentir la progression du glissement vieillesse technicité pour une économie estimée à 550 millions d'euros pour la seule fonction publique d'État.
La mise en oeuvre d'une telle mesure doit en outre avoir pour objectif une meilleure prise en compte de la valeur professionnelle des agents.
En effet, si les avancements et les promotions sont censés tenir compte de l'ancienneté et de la valeur professionnelle, dans les faits, ce second critère est rarement déterminant.
Si le projet d'accord du 9 juillet 2015 évoque la valeur professionnelle comme un critère permettant d'accélérer les carrières, dans le même temps, il fixe également le principe selon lequel « chaque fonctionnaire doit pouvoir dérouler une carrière complète sur au moins deux grades, dans toutes les catégories », ce qui semble aller à l'encontre de l'objectif d'une promotion au mérite et, à l'inverse, renforcer le caractère automatique des avancements.
Aussi, les pistes proposées par la Cour des comptes pourraient servir de fondement à des réformes utiles, en particulier :
- la diminution des taux de promus-promouvables . Selon les estimations de la Cour des comptes, le retour aux taux existant dans la période 2006-2008 permettrait une économie de 60 millions d'euros ;
- des examens professionnels plus fréquents pour certaines promotions ainsi que des règles s'agissant des réductions d'ancienneté et de l'avancement à l'ancienneté minimale . La Cour des comptes considère que ces mesures pourraient générer une économie de l'ordre de 240 millions d'euros ;
- la suppression du « coup de chapeau » (avancement à quelques mois de la retraite) lorsque qu'il n'est pas justifié par des résultats suffisants.
* 1 Il s'agit des écarts des traitements indiciaires de base entre corps et entre catégories, ainsi qu'entre le premier et le dernier échelon de chaque grade.
* 2 Insee Première, n° 1509, juillet 2014 et fiche thématique « Emplois et salaires », édition 2014.
* 3 Institut de l'entreprise, Consolidation budgétaire et redressement économique en Europe - Sortir de la crise : les enseignements de nos voisins européens, juin 2015.