N° 713
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 septembre 2015 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur les financements en matière de lutte contre le changement climatique en faveur des pays les moins avancés ,
Par Mme Fabienne KELLER et M. Yvon COLLIN,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel . |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX
La France a fait depuis plusieurs années de la lutte contre le changement climatique une des priorités de sa diplomatie , qui s'illustre dans l'organisation - du 30 novembre au 11 décembre prochains - de la vingt-et-unième Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la « COP 21 ».
Ce sujet est souvent abordé sous l'angle des pays industrialisés ou des grands émergents, en oubliant les « pays les moins avancés » (PMA).
Certes, ces États ne sont pas des émetteurs importants de gaz à effet de serre, mais il est fondamental qu'ils adoptent dès aujourd'hui une stratégie de croissance bas carbone. De plus, ils sont les premiers à ressentir les effets du changement climatique , du fait de leur position géographique, de leur plus grande dépendance aux ressources naturelles et d'une plus faible capacité à s'adapter à l'évolution climatique, ce qui se traduira, entre autre, par des pressions migratoires importantes que l'Organisation des Nations unies estimait à 250 millions de personnes d'ici 2050. Enfin, la COP 21 ne pourra être un succès sans l'adhésion de ces pays .
1. Mieux prendre en compte la situation particulière des PMA dans la politique climat de la France
La France intègre dans les documents-cadre de sa politique d'aide publique au développement (APD) plusieurs objectifs qui concernent la lutte contre le changement climatique, à commencer par l'objectif de l'Agence française de développement (AFD) qu'au moins la moitié de son activité dans les pays en développement ait un « co-bénéfice climat ».
Cependant, les financements de l'agence - qui représentent une part prépondérante des « financements climat » de la France - en matière d'adaptation au changement climatique, qui sont ceux qui correspondent le mieux aux besoins des PMA par rapport aux financements en atténuation - ne représentent que 12 % (1,6 milliard d'euros) de ses « engagements climat » au cours des sept dernières années ; de même, sur cette période, les PMA n'ont bénéficié que de 9 % (1,1 milliard d'euros) de ces mêmes engagements.
C'est pourquoi vos rapporteurs spéciaux proposent de compléter les objectifs que s'est fixés la France en matière de financement climat, en prévoyant, d'une part, de consacrer au minimum 20 % des financements climats à des actions d'adaptation au changement climatique et, d'autre part, de consacrer au minimum 20 % des financements climats aux « pays les moins avancés ».
2. Soutenir activement le Fonds vert pour le climat
Le « Fonds vert pour le climat » est l'outil le mieux adapté aux besoins des PMA. À ce jour, 10,2 milliards de dollars de promesses de dons ont été faites pour la période 2015-2018, dont 1 milliard de dollars de la part de France. 42 % de ces promesses ont effectivement été transformées en engagements. L'objectif fixé dès 2009 d'allouer, d'ici 2020, 100 milliards de dollars par an aux pays en développement pour lutter contre le changement climatique est donc loin d'être atteint.
Vos rapporteurs spéciaux soulignent l'importance du Fonds vert pour le climat pour faciliter l'obtention d'un accord à Paris. Les efforts du Fonds pour faciliter l'accès aux financements des pays les plus vulnérables et pour rééquilibrer les financements au profit de l'adaptation seront fondamentaux. Il est donc nécessaire que la France fasse son possible, notamment dans le cadre de la COP 21, pour que ses partenaires des pays industrialisés contribuent à ce fonds et que, à terme, l'objectif de consacrer 100 milliards de dollars par an à la lutte contre le changement climatique soit atteint.
3. Surmonter la contrainte budgétaire actuelle grâce aux « financements innovants »
La contrainte budgétaire actuelle pourrait être surmontée grâce au recours à des « financements innovants » , c'est-à-dire à des taxes affectées, mises en place - idéalement - au niveau international, comme l'a été la taxe sur les billets d'avions.
Vos rapporteurs spéciaux ont plaidé à plusieurs reprises pour la mise en place d'une taxe sur les transactions financières (TTF) au niveau communautaire, dont le produit soit au moins partiellement affecté à l'aide publique au développement
Une autre source potentielle de financement pour l'aide publique au développement pourrait provenir du marché européen du carbone, le « schéma européen d'échange de quotas » (EU ETS). En effet, depuis 2013, une partie de ces quotas sont mis aux enchères. Leur produit dépend cependant du cours du CO 2 , qui est aujourd'hui à peine supérieur à 7 euros la tonne.
Enfin, les secteurs des transports aériens et maritimes pourraient également être mis à contribution. Vos rapporteurs spéciaux considèrent que la taxation du carburant des navires est une piste particulièrement intéressante . Certes, la mise en oeuvre d'une telle taxe pourrait être complexe juridiquement, mais la COP 21 offre justement un cadre aux États pour évoquer un tel sujet. Il est donc stratégique qu'une décision de principe pour la taxation des carburants de ces deux secteurs soit prise dans le cadre de la conférence de Paris .