II. LA RÉGULARITÉ DU PROJET DE DÉCRET AU REGARD DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES

A. DES CRITÈRES DE RÉGULARITÉ PUREMENT TECHNIQUES RESPECTÉS

1. Le respect de l'équilibre budgétaire : des ouvertures intégralement gagées par des annulations de crédits

Les ouvertures de crédits, aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, doivent s'accompagner d'annulations de même montant, conformément à l'article 13 de la LOLF qui dispose que les décrets d'avance ne doivent pas porter atteinte à l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances de l'année en cours.

Le présent projet de décret d'avance ne déroge pas à cette règle : les ouvertures de crédits demandées sont compensées par des annulations à due concurrence.

2. Des ouvertures et des annulations de crédits s'élevant à moins de 1 % des crédits prévus en loi de finances pour 2015

L'article 13 de la LOLF dispose que « le montant cumulé des crédits (...) ouverts (par décret d'avance) ne peut excéder 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année », et l'article 14 que « le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l'article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours » .

Les trois décrets d'avance de 2015 (décret n° 2015-402 du 9 avril 2015, décret n° 2015-1347 du 23 octobre 2015 et présent projet de décret d'avance) procèdent à l'ouverture de 2 794 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 2 196 millions d'euros en crédits de paiement , soit 0,47 % des autorisations d'engagement et 0,38 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale.

Les trois décrets d'avance précités et le décret d'annulation n° 2015-639 du 9 juin 2015 procèdent à l'annulation de 3 412 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 2 873 millions d'euros en crédits de paiement , ce qui représente respectivement 0,57 % et 0,49 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Les deux plafonds fixés par la LOLF sont donc respectés .

B. DES DÉPENSES DONT L'URGENCE EST MANIFESTE, MAIS PAS L'IMPRÉVISIBILITÉ

1. L'urgence : nécessité et imprévisibilité

L'article 13 de la LOLF dispose que les décrets d'avance sont pris « en cas d'urgence ». Le critère d'urgence répond selon la Cour des comptes 5 ( * ) « aux deux conditions que sont la nécessité , constatée au moment où est préparé le décret d'avance, et l' imprévisibilité des dépenses auxquelles ce dernier doit faire face ».

Ces deux composantes ne sont pas précisées explicitement dans la LOLF, mais elles se déduisent du caractère dérogatoire du décret d'avance. En effet, l'urgence ne saurait s'apprécier au seul regard de la nécessité d'ouvrir les crédits dans un délai contraint : toutes les dépenses du budget de l'État pourraient alors être considérées, à un moment ou à un autre de l'année, « urgentes ». En outre, le décret d'avance est défini comme un dispositif « exceptionnel » puisqu'il contrevient au principe selon lequel les crédits budgétaires ne peuvent être modifiés que par une loi de finances . Le caractère dérogatoire du décret d'avance implique donc que les dépenses qu'il finance n'auraient pas pu être intégrées à une loi de finances.

2. Un recours récurrent aux décrets d'avance pour financer les opérations extérieures, les contrats aidés et l'hébergement d'urgence : des dépenses certes urgentes mais pas imprévisibles

Votre rapporteur ne peut que constater l'urgence manifeste de l'ouverture de la plus grande partie des crédits : 442 millions d'euros recouvrent des dépenses de personnel dont le traitement ne peut être différé. En outre, plus de 501 millions d'euros - hors dépenses de personnel - sont liés aux surcoûts induits par les opérations extérieures (Opex) et intérieures (« Sentinelle ») de l'armée française : de façon similaire, la sécurité du pays exige un décaissement rapide de crédits.

Cependant, le recours fréquent aux décrets d'avance (trois décrets d'avance en 2015) est lié pour une large part à des sur-exécutions récurrentes et prévisibles , tant en matière d'opérations extérieures (Opex), que de dépenses d'intervention (en particulier contrats aidés et hébergement d'urgence) et de personnel. Votre rapporteur général souligne donc, une nouvelle fois, que le décret d'avance ne saurait se substituer à une budgétisation initiale sincère et que ces difficultés récurrentes en exécution invitent à mener de réelles réformes de structure afin de redonner de la visibilité et des marges de manoeuvre aux gestionnaires publics.

Concernant les dépenses de personnel, il convient d'ailleurs de noter que, si le principe de fongibilité asymétrique aurait dû permettre de dégager des marges de manoeuvre en gestion au profit des dépenses autres que de personnel, ce sont au contraire les dérapages sur les crédits de personnel d'un certain nombre de ministères qui pèsent sur les autres types de dépenses en exécution. Ces trois dernières années, ont également été pris des décrets d'avance en septembre ou en octobre , ce qui laisse à penser que l'exécution budgétaire est mise sous tension de façon accrue .

L'examen du projet de loi de finances rectificative, présentant le schéma de fin de gestion pour 2015 dont l'ampleur est inédite, éclairera donc utilement les débats quant à la sincérité de budgétisation initiale pour 2016.


* 5 Cour des comptes, « Rapport sur les crédits du budget de l'État ouverts par décret d'avance », décembre 2014, p. 12.

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