IV. LES IMPORTANTES RÉGULARISATIONS EX POST LIÉES AU PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE
Ainsi que cela a été indiqué précédemment, le nouvel article 204 A du CGI prévoit que lorsque les prélèvements à la source effectués sur les revenus perçus sont supérieurs à l'impôt dû au titre de ces mêmes revenus, l'excédent est restitué au contribuable par l'administration fiscale , et ce au mois d'août de l'année suivant les prélèvements. À l'inverse, lorsque les prélèvements se révèlent inférieurs à l'impôt dû, le contribuable doit verser le solde manquant à l'administration , en vertu d'un nouvel article 1663 B créé dans le CGI .
Ce dernier précise qu'« après imputation des réductions et crédits d'impôt, prélèvements, retenues à la source et acomptes, le solde de l'impôt sur le revenu et des autres impositions figurant dans le même article de rôle est recouvré dans les conditions fixées par les article 1663 et 1730 » - soit comme les autres impôts directs, produits et taxes assimilés et selon les mêmes sanctions ( alinéas 133 et 136 ). Le solde serait, en principe, prélevé par l'administration fiscale sur un compte bancaire ouvert par le contribuable ( alinéa 134 ). Dans l'hypothèse où le montant de ce solde excéderait 300 euros, celui-ci serait recouvré par prélèvements mensuels d'égal montant entre les mois de septembre et de décembre ( alinéa 135 ).
De toute évidence, les régularisations devant intervenir l'année suivant le prélèvement à la source pourraient se révéler tout à fait conséquentes . En effet, il a déjà été relevé que le taux du prélèvement serait calculé à partir de données relativement anciennes - vieilles d'une à deux années ; par suite, le taux du prélèvement ne s'adapterait qu'avec retard aux évolutions du revenu . À cet égard, la faculté, pour le contribuable, de moduler le niveau de son prélèvement serait d'une utilité tout à fait limitée, en raison de la complexité et du caractère dissuasif de la procédure prévue à cet effet (voir supra ) ; à titre de rappel, dans le cadre de la modulation, les revenus sont estimés sous la responsabilité du contribuable qui peut être sanctionné en cas d'erreur.
À en croire les arguments avancés par le Gouvernement, le prélèvement à la source permettrait un rapprochement du paiement de l'impôt de la perception des revenus auxquels il se rattache par le biais de l'« effet d'assiette » , dès lors que le montant du prélèvement varierait mécaniquement avec celui des revenus. Toutefois, outre le fait que cet « effet d'assiette » ne concerne nullement les contribuables faisant l'objet d'un prélèvement sous forme d'acompte, celui-ci serait nécessairement limité par le fait que le calcul du prélèvement à la source - qu'il s'agisse de la retenue à la source ou de l'acompte - ne tient aucunement compte des réductions et crédits d'impôt, qui ne bénéficient donc aux contribuables que l'année suivant le prélèvement, à la suite d'une éventuelle régularisation.
Par suite, la contemporanéité du prélèvement à la source serait tout à fait limitée, ce qui impliquerait nécessairement d'importantes régularisations ex post , dont l'ampleur serait considérablement accrue par la non-prise en compte des réductions et crédits d'impôt dans le calcul du prélèvement, comme le confirment les estimations réalisées par le Gouvernement.
Selon ces simulations, en septembre 2019 , à l'occasion de l'établissement du solde de l'impôt sur les revenus perçus en 2018, l'ensemble des foyers fiscaux se verraient ainsi restituer près de 5 milliards d'euros au total , soit environ 6,5 % du prélèvement à la source effectué en 2018 , correspondant principalement au bénéfice des réductions et crédits d'impôt. Si pour la plupart des contribuables la régularisation en n + 1 devrait donc se traduire par une restitution, environ 3,95 millions de foyers fiscaux, proches du seuil d'imposition, devraient acquitter une somme complémentaire globale de 520 millions d'euros, soit environ 130 euros par foyer en moyenne, au titre de l'impôt 2018. Par ailleurs, environ 130 000 foyers fiscaux, dont le taux de prélèvement à la source est supérieur à 25 %, verseraient, au total, 900 millions d'euros supplémentaires dans le cadre de la régularisation opérée à l'automne 2019, soit environ 6 850 euros en moyenne par foyer.