CONTRIBUTIONS ÉCRITES
1. Confédération française démocratique du travail (CFDT)
• Contribution de la Secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), Jocelyne Cabanal
Dans le cadre de la préparation de votre rapport sur le projet de prélèvement à la source (PAS), inclus dans le projet de loi de finances 2017, vous avez bien voulu solliciter notre avis et je vous en remercie.
En préalable, la CFDT tient à rappeler que le PAS n'est qu'un mode de paiement et ne constitue en rien la réforme de la fiscalité que propose la CFDT, qui passe, pour elle, par une réforme globale visant à accroître le poids de l'impôt sur le revenu dans la fiscalité, en contrepartie d'une baisse de la fiscalité indirecte, et d'une refonte de l'impôt sur le revenu sur le principe de l'individualisation.
Considérant la proportion importante de ménages qui voient leur revenu évoluer à la baisse d'une année sur l'autre et les grandes difficultés qu'ils peuvent rencontrer au moment de payer un impôt calculé sur des revenus antérieurs, supérieurs à ceux dont ils disposent, et ses acomptes, la CFDT s'est prononcée en faveur du principe du PAS. Elle posait néanmoins deux conditions :
- qu'il n'y ait pas de lien fiscal direct entre le salarié et l'entreprise, la DGFIP ou un organisme ad hoc pouvant servir d'intermédiaire par le biais de la DSN ;
- qu'à tout le moins, le salarié puisse, dans certaines limites, choisir son taux de prélèvement, de telle sorte que soit préservée vis-à-vis de l'employeur la confidentialité des caractéristiques de sa situation, qu'il s'agisse de sa vie privée ou des revenus globaux du ménage.
Le projet de loi soumis à la représentation nationale ne satisfait qu'en partie à ses conditions. Les membres d'un couple pourront effectivement opter pour l'individualisation, ce qui permet de garantir au membre du couple ayant les revenus les plus bas la confidentialité sur sa situation familiale et sur les revenus dont dispose le ménage. Il n'en est pas tout à fait de même pour l'autre membre du couple puisque son taux de prélèvement sera inférieur au taux calculé sur son seul revenu. De plus, s'il n'y a effectivement pas de lien direct entre l'employeur et le salarié, le premier aura bien communication du taux finalement convenu entre le contribuable et l'administration fiscale.
La CFDT s'inquiète, par ailleurs, du sort réservé aux retraités et aux fonctionnaires pour lesquels n'existe pas de véhicule d'information équivalent à la DSN. Un tel dispositif semble impossible à construire dans les mois qui viennent, ce qui signifie que ces millions de contribuables se verraient appliqué le taux neutre qui, par nature, ne tient pas compte du quotient familial et des éventuelles réductions ou crédits d'impôt dont peuvent bénéficier les personnes concernées. Compte tenu du niveau du barème fixé, de très nombreux contribuables seront donc prélevés d'un montant supérieur au montant réel dû et ne seront remboursés par l'administration fiscale que l'année suivante.
Le droit d'option pour le taux neutre présente le même inconvénient. Et dans le cas où le taux neutre serait inférieur au taux réellement dû, le contribuable devrait s'acquitter chaque mois de la différence auprès de l'administration fiscale. Manifestement, la simplification attendue, ne le sera pas pour tout le monde.
La CFDT regrette enfin la précipitation qui caractérise une réforme aussi importante. Basculer aussi vite et un jour donné d'un système à l'autre est source inévitable de troubles conséquents. D'abord pour les recettes de l'État. Ensuite pour les contribuables qui, peu informés, risquent de mal interpréter la baisse de salaire net qu'ils percevront en janvier 2018 ou qui se verront prélever des sommes supérieures à ce qu'ils doivent. Enfin, pour les agents accueillant le public qui ne seront vraisemblablement pas en mesure, faute de formation suffisante et en nombre trop réduit, de fournir les explications nécessaires aux très nombreux contribuables en quête d'information.
C'est d'autant plus regrettable que d'autres voies pouvaient être empruntées. Basculer progressivement d'un système à l'autre en prélevant à la source une fraction de l'impôt la première année, puis une part plus importante dans les deux ou trois années suivantes limiterait considérablement les risques de bugs et permettrait de prévenir les mécontentements des contribuables comme du personnel de l'administration fiscale.
Plus fondamentalement, asseoir le prélèvement sur la base des revenus de l'année N-2 apparaît comme une solution d'un autre âge. La DSN permettant de connaître chaque mois les revenus dont disposent les foyers fiscaux, il est tout à fait possible d'affiner au fil de l'année le taux d'imposition réel que la totalité des revenus d'activité de l'année en cours déterminera in fine à situation familiale inchangée. Ce qui est possible de faire pour les exonérations générales de cotisations sociales dites Fillon - calcul par anticipation pour chaque mois puis régularisation progressive au mois le mois, jusqu'à la fin de l'année - doit l'être pour le prélèvement de l'impôt. La méthode pressentie dans le projet de loi de finances aboutit à ce qu'un contribuable confronté à une baisse de ses revenus bénéficiera, certes, d'une baisse de prélèvement par effet d'assiette, mais pas de la baisse de taux qui sera celui de l'année N-2 et non celui qui lui sera appliqué in fine . Le but recherché ne sera donc qu'à moitié atteint.
Au total, en l'état du projet, la CFDT craint que cette réforme, nécessaire dans son principe à des millions de ménages qui voient leurs revenus baisser parfois fortement d'une année sur l'autre, aboutisse au contraire à accroître la méfiance des contribuables vis-à-vis de l'administration fiscale et entamer un peu plus le consentement des citoyens à l'impôt. Ce projet nécessite d'être amendé en profondeur, ce qui ne semble guère possible dans les délais impartis pour le débat sur la loi de finances. Pour notre organisation, il serait plus sage de se redonner du temps et de dégager les moyens d'aboutir à un projet moderne de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu.
2. Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)
Annoncée comme mesure permettant simplification et modernisation de la collecte de l'impôt, le prélèvement à la source tel que présenté dans le projet de loi recueille de la part de notre organisation un avis défavorable, tant sur l'efficacité du processus global de prélèvement que sur les dérives ultérieures qui seraient facilitées par sa mise en oeuvre.
Sur le processus
1) Une simplification qui n'en est pas une !
L'objectif principal affiché du prélèvement à la source est de rendre le paiement de l'impôt contemporain de la perception des revenus afin de s'affranchir de possibles décalages de trésorerie, qui peuvent d'ailleurs être autant favorables que défavorables aux contribuables, en cas d'évolution de leur situation personnelle.
Les motifs d'évolution de la situation personnelle en cours d'année sont très nombreux et donneront donc lieu à de multiples interventions et échanges « en temps réel » pour adapter le taux de prélèvement. À notre connaissance, aucune quantification de cet impact n'est disponible (on peut d'ailleurs douter qu'elle ait été effectuée), en particulier sur les coûts et temps passé par tous les acteurs impliqués dans ce nouveau processus de prélèvement.
La problématique des contribuables dont les revenus diminuent d'une année sur l'autre et pour lesquels une difficulté particulière de paiement de l'impôt peut survenir dans certains cas (peu nombreux en relatif par rapport au nombre total de contribuables) pourrait être adressée de manière plus simple par l'administration fiscale sans qu'il soit nécessaire de faire appel à ce processus complexe de prélèvement à la source impliquant un grand nombre d'acteurs (entreprises, caisses de retraite...).
La CFE-CGC déplore, une fois de plus, le choix d'une réforme complexe et génératrice de nombreux coûts comme réponse à une problématique limitée et qui pourrait être traitée plus simplement et plus efficacement.
2) Une relation tripartite source de dysfonctionnement potentiel
La particularité du prélèvement à la source est de faire entrer un nouvel acteur dans une relation jusqu'ici exclusive entre le contribuable et l'administration, induisant une relation tripartite source de dysfonctionnements potentiels, et générateur de risques supplémentaires.
À titre d'exemple, si le texte prévoit la possibilité pour le contribuable d'opter pour un taux de prélèvement appliqué par l'employeur différent de celui calculé par l'administration fiscale (ceci pour préserver la vie privée, ce que revendique la CFE-CGC), la solution proposée est potentiellement source de litige en cas de dysfonctionnement de transmission de l'information.
3) Une lisibilité incompréhensible
Du point de vue du contribuable, si le prélèvement à la source se veut gagner en lisibilité, la réalité est tout autre. Le contribuable devant toujours effectuer une déclaration, la simplification ne sera pas perceptible, puisque non mesurable à son échelle. Pire, dans le cas d'une demande de modification de taux, afin de respecter sa vie privée (et nombre de contribuables sont dans ce cas), il aura même à effectuer une démarche supplémentaire. Ainsi bon nombre de contribuables dans ce cas auront l'impression d'une complexification et non d'une simplification.
4) Une charge de travail supplémentaire pour l'administration fiscale
La CFE-CGC au travers de ses nombreux élus dans les Comités d'Entreprise, constate l'augmentation des changements de situation matrimoniale, sous l'effet des séparations et divorces plus nombreux.
Cette évolution, va générer une source de travail supplémentaire avec des demandes de modifications à la baisse très importante qui ne semble pas avoir été anticipée. Cela risque de générer une charge de travail importante pour l'administration concernée.
5) Des incertitudes
Pour la CFE-CGC, il y a encore de nombreuses zones d'ombre qui pourraient être pénalisantes pour les contribuables.
Par exemple, la prise en compte des réductions et crédits d'impôts après le passage au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu pose question. Si un contribuable doit attendre la régularisation de septembre en cours d'année pour que ses réductions ou crédits d'impôts soient pris en compte, cela le conduira automatiquement à faire des avances de trésorerie importantes.
De même, l'administration fiscale permettait jusqu'à présent aux contribuables d'étaler l'imposition de ses indemnités de rupture en cas de rupture de son contrat de travail. Sera-t-il encore possible de le faire après le passage au prélèvement à la source ? Pour la CFE-CGC, la fin de cette possibilité serait pénalisante pour les salariés confrontés à cette situation, et en particulier les salariés de l'encadrement.
Sur la philosophie
La CFE-CGC a rappelé à de nombreuses reprises son opposition au prélèvement à la source, étant, d'une part fortement attachée à la notion de foyer fiscal, et d'autre part opposée à cette personnalisation de l'impôt sur le revenu, perçue comme étape annonciatrice d'une fusion de cet impôt avec la CSG.
1) La notion de foyer fiscal est fondamentale
La notion de foyer fiscal défend une philosophie de répartition de l'impôt intégrant un des facteurs indispensables au développement de notre pays : la Natalité. La CFE-CGC est très attachée à ce mode de répartition, intégrant la notion de Quotient Familial, qui s'est fortement instituée dans notre pays, à en croire le nombre de Comités d'Entreprise, de crèches et autres services publics qui l'utilisent aujourd'hui. Cette notion de foyer fiscal rappelle aussi le rôle de Responsabilité que chaque déclarant doit avoir à l'égard des personnes qui sont à sa charge, sans oublier le rôle de solidarité que chacun doit jouer au sein de notre Collectivité. À une époque où l'esprit de solidarité est en crise, l'approche d'individualisation de l'impôt sur le revenu risque de venir amplifier cette crise dénoncée de façon presque unanime. Les conséquences de ce risque sont donc à nos yeux beaucoup plus fortes que les gains procurés par la meilleure lisibilité annoncée qu'est censé apporter le prélèvement à la source.
2) Une individualisation de l'impôt porte ouverte à une CSG progressive que la CFE-CGC refuse
La personnalisation de l'impôt sur le revenu est la porte ouverte à une éventuelle fusion entre l'IRPP et la CSG. La CFE-CGC conteste cette idée de fusion, dont les classes moyennes seraient les premières pénalisées par une CSG qui deviendrait mécaniquement progressive pour se fondre avec l'IRPP.
3. Confédération générale du travail (CGT)
Vote des recettes du projet de loi de finances pour 2017 en première lecture : soumission aux injonctions de Bruxelles !
Ce projet de loi de finances pour 2017 est taillé sur mesure pour répondre aux exigences de l'Union européenne. Il suffit pour s'en convaincre de se pencher sur les cinq recommandations 2016 du Conseil de la commission européenne à la France :
- réduction des dépenses des collectivités territoriales,
- diminution du coût du travail,
- réforme du système d'assurance chômage,
- réduction du taux de l'impôt sur les sociétés,
- mise en place du prélèvement à la source.
Cette législature aurait dû être celle d'une grande réforme fiscale pour rendre la fiscalité plus juste et plus efficace. En réalité, nous avons assisté à un basculement d'une partie de la fiscalité des entreprises vers les ménages.
Ainsi, depuis 2012, la contribution des entreprises à l'effort national a été réduite de 20 milliards, tandis que celle des particuliers a augmenté de 31 milliards d'euros. Ce constat est implacable, incontestable.
Cette politique a également été supportée par les plus modestes qui payent la TVA sur tous leurs achats. Cet impôt invisible est par ailleurs le plus injuste car demandant plus d'effort à ceux qui sont les plus démunis. Pour preuve, elle pèse pour plus de 10 % sur les revenus d'un foyer modeste et seulement 6 % pour un foyer avec 100 000 euros de revenus. La TVA représente un peu de la moitié des recettes fiscales, c'est dire si l'État encourage l'injustice fiscale.
En outre, le projet de prélèvement à la source ne sera une bonne chose, ni pour les contribuables ni pour les caisses de l'État. En réalité cela rendra plus complexes les relations entre les citoyens et l'administration fiscale. De plus, remettre dans les mains de l'employeur la collecte de l'impôt réduira forcément son taux de recouvrement actuellement de plus de 99 %. Le seul but de cette « réforme » est d'anéantir cet impôt progressif pour le fusionner avec la CSG contribution proportionnelle...
Un vraie réforme aurait été de redonner du dynamisme à notre impôt sur le revenu en réhabilitant sa progressivité (plus de tranches) et en faisant contribuer ceux qui en ont les moyens comme le précise la déclaration des droits de l'Homme dans son article 13 : « une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ».
Bien au contraire, c'est la voie de l'allègement de la fiscalité des entreprises qui a été privilégiée en abaissant le taux de l'impôt sur les sociétés de 33 à 28 %. Celui-ci ne représente que 12 % des recettes fiscales.
Les députés ont tout de même adopté plusieurs amendements qui pourraient aller dans le bon sens. Par exemple l'un d'entre eux étend la taxe sur certaines transactions financières et un autre augmente le nombre de retraités exonérés de CSG. Toutefois ces quelques points positifs ne pèsent pas lourd, ce projet de loi de finances 2017 reste bien le projet au service des plus puissants !
4. Force Ouvrière (FO)
• Contribution du secrétaire général de Force Ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly
La Confédération Force Ouvrière est opposée au prélèvement à la source. Comme nous n'avons cessé de le dire depuis notre première audition sur le sujet, le mode de collecte actuel fonctionne bien, voire très bien et à moindre coût grâce aux nombreux efforts de modernisation de l'administration fiscale - rappelons, s'il en était besoin, que la déclaration pré-remplie est généralisée, que la mensualisation concerne 70 % des contribuables et que le taux de recours aux paiements dématérialisés atteint 90 %.
Malgré ce constat, désormais unanimement admis, la décision de réformer le mode de recouvrement de l'impôt a été prise. La réforme proposée appelle de la part de notre organisation plusieurs commentaires.
Contrairement à ce qui est annoncé en introduction de l'exposé des motifs, cette réforme ne peut en aucun cas accroitre la lisibilité de l'impôt et encore moins garantir une relation simplifiée à l'administration fiscale et à l'impôt. Au contraire, cette réforme complexifie considérablement le recouvrement de l'IR alors que des solutions simples, qui ne nécessitaient pas de réforme d'ampleur, étaient parfaitement envisageables pour améliorer la fameuse « contemporanéité » de l'IR auprès, en particulier, des contribuables qui subissent d'importantes pertes de revenus. Faire mieux connaitre aux contribuables les modalités d'ajustement qui existent déjà et leur faire bénéficier d'un effet d'assiette était possible sans remettre en cause tout le système.
Fondamentalement, en quoi cette réforme peut-elle simplifier le paiement de l'IR quand elle fait intervenir un intermédiaire entre l'administration fiscale et le contribuable, qu'elle maintient toujours de la part du contribuable des démarches déclaratives et de régularisation en N+1, qu'elle instaure, pour des couples percevant des revenus de nature différente, des modes de recouvrement différents, qu'elle propose jusqu'à trois taux différents ou encore quand elle prend le risque de rompre l'égalité des contribuables devant l'impôt ?
Le gouvernement a fait le choix de l'employeur comme tiers-collecteur. Force Ouvrière y était totalement opposée au vu des conséquences que peut avoir sur la relation salariale la connaissance par l'employeur d'autres sources de revenus de l'employé, et plus globalement, la connaissance de tout ce qui caractérise le foyer fiscal de son salarié. Quoi qu'en dise le gouvernement, le taux de prélèvement dit déjà quelque chose des autres revenus du foyer, surtout s'ils sont importants au regard du seul salaire connu de l'employeur en cas par exemple de revenus très inégaux dans le couple ou de revenus du patrimoine élevés -, ou s'ils sont au contraire plutôt faibles grâce aux dépenses fiscales.
Si une partie des employeurs ne fera aucun cas de ce qu'il est possible de supposer à partir du taux de prélèvement, d'autres pourront s'en servir dans un contexte de négociation salariale toujours plus tendu et individualisé.
Conscient de ces risques, la réforme propose un « taux neutre » avec un barème proportionnel qui est si pénalisant qu'il ne sera pas choisi par les contribuables qui auraient pourtant souhaité préserver la confidentialité de leur taux de prélèvement. Avec ce barème en effet, quelques euros supplémentaires de revenus se traduiront par une importante augmentation d'impôt. Il n'est par ailleurs pas acceptable sur le plan de la justice fiscale que ce taux proportionnel soit obligatoire pour les jeunes entrants sur le marché du travail et pour les travailleurs employés en contrats de courte durée. Le risque est que ces contribuables soient sur-prélevés et que d'importantes régularisations en N+1 soient nécessaires. De ce point de vue, notre organisation s'interroge sur l'impact de ce « taux neutre » sur le consentement à l'impôt de ceux qui y seront assujettis. Sur le plan de la question cruciale du consentement à l'impôt, le choix de ne pas tenir compte dans le taux de droit commun des réductions et des crédits d'impôts - ce qui se traduira par des régularisations importantes pour de nombreux ménages qui n'appartiennent pas forcément aux déciles les plus aisés - pose également question.
Le choix de l'employeur (et de sa trésorerie) soulève aussi un risque majeur de perte de recettes fiscales. Sans même évoquer la possibilité de fraude (celle à la TVA coûte autour de 15 milliards), des erreurs de l'employeur dans la transmission ou l'application du taux sont à prévoir. Comment l'administration va-t-elle encore gérer l'instabilité de l'emploi, c'est-à-dire le fait de changer souvent d'employeurs ou d'en cumuler ? Pour les raisons évoquées plus haut, le taux par défaut ne peut pas être l'unique solution proposée. Qu'est-il encore prévu en cas d'insolvabilité de l'entreprise, de dépôt de bilan ? Quelles sont, de ce point de vue, les responsabilités juridiques de l'entreprise ?
Alors que cette réforme s'apparente à un transfert de la mission recouvrement de l'administration fiscale vers les entreprises, il n'est pas envisageable pour Force Ouvrière, sauf à accepter que l'État perde des recettes fiscales, que cela se traduise par de nouvelles suppressions d'emplois au sein de la DGIP car cette dernière demeurera toujours un intermédiaire indispensable pour le suivi, le recoupement d'informations, le recouvrement mais également le contrôle et le contentieux.
En conclusion, pour Force Ouvrière, cette réforme est non seulement un gâchis au vu de la qualité du système existant mais c'est aussi une erreur qui fait peser des risques importants sur les recettes fiscales et au-delà sur le consentement à l'impôt.
Compte tenu de tous ces éléments, il nous apparait difficilement compréhensible de mettre en place le prélèvement à la source sauf à considérer qu'il s'agit d'une étape préalable et non avouée de fusion de l'IRPP avec la CSG, ce qui poserait nombre de problèmes en termes de justice fiscale et de financement de la protection sociale collective.
5. Solidaires Finances Publiques
La question de la mise en place du prélèvement à la source n'est pas nouvelle. Elle réapparaît régulièrement dans le débat public et aujourd'hui, les mêmes qui y étaient favorables durant les dernières années rejettent son principe. Pire, en l'état, le projet présenté par le gouvernement est battu en brèche par les plus fervents partisans de sa mise en oeuvre.
Au final, cette réforme fait l'unanimité ou presque contre elle.
Solidaires Finances Publiques est pour le moins constant dans son rejet de cette évolution.
Les raisons de notre opposition tiennent à plusieurs facteurs.
- Ce n'est pas une réforme fiscale
De longue date, Solidaires Finances Publiques milite pour une mise à plat de l'ensemble du système fiscal français avec un rééquilibrage entre fiscalité des particuliers et fiscalité des entreprises et entre fiscalité directe et indirecte, basée sur une fiscalité plus juste (progressivité, redistribution...), moins complexe (suppression des mesures dérogatoires usuellement appelées « niches fiscales » dont le coût est conséquent et dont l'efficacité n'est pas probante) plus stable (permettrait d'avoir une meilleure lisibilité pour l'ensemble des contribuables). L'ensemble de ces facteurs contribuerait à retrouver le consentement citoyen à la contribution collective.
L'impôt contemporain : un idéal séduisant
Le principal atout du prélèvement à la source, pour ses partisans, résiderait dans la simultanéité entre la perception du revenu et le paiement de l'impôt y afférent.
Cette contemporanéité est pour le moins sujette à caution.
D'abord, le taux du prélèvement à la source qui sera appliqué aux revenus perçus à compter du 1 er janvier 2018 sera celui de l'impôt 2017 sur les revenus de 2016. Le montant prélevé au bout de l'année 2018 risque fort de ne pas correspondre au montant réel de l'impôt dû.
Pire, les possibilités offertes aux contribuables de faire varier leur taux de prélèvement au cours de l'année 2018, pour adapter le montant de leur cotisation mensuelle à leur situation réelle, sont extrêmement réduites et fortement encadrées.
Seules trois situations ouvrent droit sans restriction, en l'état actuel du texte, à l'opportunité de faire varier ce taux : mariage ou conclusion de PACS, divorce ou rupture de PACS, décès de l'un des deux conjoints. Dans ces trois cas, le changement du taux s'effectue, sans limites, à la demande du contribuable. Ce dernier pourra demander à changer de taux dans d'autres situations, à condition que ce changement ne conduise pas à faire varier (à la baisse) le montant de sa contribution de plus de 10 % et de 200 euros. Autant dire que très peu de redevables rempliront cette double condition.
La disposition ouvrant la possibilité offerte aux deux membres d'un même foyer fiscal d'individualiser leur taux de prélèvement est pour le moins fumeuse.
- Le coût moindre de la gestion de l'impôt
Le contexte budgétaire est souvent mis en avant pour argumenter sans cesse sur la dépense publique. Ainsi le PAS pour ses partisans serait un moyen de baisser le coût de la gestion de l'impôt en supprimant un certain nombre d'emplois de fonctionnaires à la DGFiP qui n'auraient plus d'utilité. Cet argument est fallacieux. En effet l'efficacité de la gestion de l'impôt est reconnue, car le taux de recouvrement de l'IR est assuré à près de 98 %. Ainsi si l'on veut comparer, il faut mettre en balance le nombre d'emplois consacrés à la gestion de l'IR dans son intégralité (assiette et recouvrement). La mise en oeuvre du PAS prévoit l'introduction d'un intermédiaire le collecteur qui est l'entreprise. Ce dernier devra prélever le montant de l'impôt sur chacun de ses salariés puis établir le reversement auprès de la DGFiP. Si nous savons que toutes les entreprises ne sont pas des fraudeuses, il n'en demeure pas moins que la fraude à la TVA (dont les entreprises jouent déjà ce rôle) est estimée à 14 milliards d'euros par la Cour des Comptes dans un rapport de 2015.
Si l'efficacité est recherchée par la mise en oeuvre du PAS, il ne faudra pas supprimer des emplois, mais bien en créer pour renforcer les services en charge du contrôle (SIE, CF).
De plus, les services d'accueil devront être renforcés, car les sollicitations seront sûrement nombreuses et les services de gestion de l'IR que sont les SIP auront toujours la gestion d'une déclaration puisque cette dernière n'est pas supprimée et sera inhérente au calcul du taux d'imposition, mais aussi pour effectuer les régularisations (restitution ou solde) puisqu'un certain nombre d'éléments notamment réduction et crédit d'impôt ne pourront être pris en compte qu'après le dépôt et la saisie de cette déclaration.
Enfin, la gestion du PAS impliquera deux services distincts, le SIE et le SIP, ce qui ne manquera pas de complexifier les processus de travail.
- Choc de simplification pour les contribuables
Le système de prélèvements obligatoires français est marqué par plusieurs spécificités qui expliquent aisément que le PAS n'ait pas été instauré jusqu'ici :
- la majorité des prélèvements français sont des prélèvements sociaux (cotisations sociales, CSG) prélevés à la source sur la fiche de paie ;
- l'imposition conjointe et le quotient familial n'existent qu'en France sous cette forme : ces spécificités rendent le PAS particulièrement complexe à mettre en oeuvre puisque les changements de situation personnelle ont un impact direct sur l'impôt à payer ;
- enfin, le grand nombre de « niches fiscales » vient ajouter à la complexité de l'impôt sur le revenu et, par conséquent, à celle du PAS.
Présenté comme une mesure de simplification pour le contribuable, le PAS n'est qu'un leurre ! Rappelons en préalable que, si les contribuables utilisent majoritairement la mensualisation, il faut toutefois noter une tendance instructive : le taux de contribuables mensualisés a baissé, il est passé de 70,8 % en 2012 à 65,9 % en 2014. Une réelle chute qui traduit les difficultés financières croissantes des contribuables qui sont de plus en plus nombreux à opter pour un autre mode de paiement de l'IR. Au total, ils étaient moins de 15 % à payer « par tiers » en 2012 et sont près de 20 % en 2014.
Cet arbitrage entre les différentes modalités de paiement de l'impôt n'existerait plus avec le PAS pour les salariés et les retraités puisque le mode de paiement obligatoire serait le PAS. Le contribuable sera toujours soumis à une obligation déclarative. En effet, la détermination du taux de prélèvement sera faite par cette dernière ainsi que les différentes régularisations. De plus, une vigilance particulière devra être faite pour voir si le taux appliqué sur la fiche de paie est correct, car il sera le responsable du taux déterminé et non du reversement qui relève de l'entreprise. Les contribuables devront être très réactifs à tous les changements qui pourraient avoir une influence sur le montant de l'impôt dû et donc sur le montant de l'acompte mensuel. Le délai fixé pour faire connaître ces changements est fixé à 60 jours et la modification du taux ne serait effective que deux mois après...
De plus, la possibilité donnée aux particuliers d'appliquer un taux dit neutre pour maintenir la confidentialité de ses revenus vis-à-vis de son employeur rajoute de la complexité. Il faut rajouter que l'application du taux neutre ne garantit aucunement la confidentialité : l'employeur pourra facilement être alerté quand deux salariés percevant le même salaire l'un des deux demande l'application d'un taux neutre. De surcroît, si l'application du taux neutre conduit à un prélèvement inférieur à ce qu'il aurait été par l'application du taux moyen d'imposition, le redevable légal, c'est-à-dire le salarié, devra verser spontanément la différence. Il existera donc deux canaux de recouvrement et potentiellement deux opérations de surveillance, de relance, voire de recouvrement forcé.
Pour les entreprises, le PAS est un transfert de charge d'une mission de service public. Le taux appliqué changera ou pourra changer au moins deux fois par an.
Ce transfert de charge vers l'entreprise aura un coût supplémentaire pour cette dernière soit en termes de charge de travail, soit en termes de charge financière facturation supplémentaire par les comptables... Il s'agit pour notre organisation d'une externalisation déguisée de la gestion de l'impôt qui relève de l'action publique mission pleine et entière de la DGFiP.
Il semblerait qu'une enveloppe budgétaire, dont nous ne connaissons pas le montant, soit prévue pour aider les entreprises notamment en termes d'adaptations des logiciels de paye, adaptation rendue nécessaire à la mise en place du PAS.
Au final, le projet, en l'état, n'apporte aucune simplification réelle. La contemporanéité n'est que très relative. Les gains de productivité pour les services de la DGFiP sont inexistants. Pire, la mise en place correcte du PAS nécessiterait des créations d'emplois. Le risque de voir s'affaisser le rendement de l'IR est réel.
6. Mouvement des entreprises de France (MEDEF)
Le MEDEF n'est pas hostile, par principe, à une réforme rendant contemporains le prélèvement de l'impôt et la perception des revenus et permettant, dans certaines situations, d'éviter des difficultés financières pour les contribuables.
Mais cette réforme, telle qu'elle est conçue, est précipitée et dangereuse pour les entreprises.
Aucune concertation préalable, au sens de la définition habituellement reconnue : « pratique qui consiste à faire précéder une décision d'une consultation des parties concernées », n'a eu lieu. Le principe même de la retenue à la source par les employeurs a été considéré comme acquis et non négociable.
Pourtant, la mise au point de tout projet de réforme devrait, normalement, être précédée d'une phase de définition de sa finalité et d'une étude comparative des avantages/inconvénients des différentes modalités permettant d'atteindre l'objectif.
Si ce travail a eu lieu, et si les arbitrages ont porté sur le choix de la retenue à la source en écartant une ou des solutions alternatives, cela n'a pas fait l'objet d'échanges avec les parties intéressées. Seule l'évaluation préalable publiée à l'appui du projet de loi envisage les solutions alternatives, mais les arguments avancés relèvent plutôt de la justification a posteriori.
Or, il existe véritablement une alternative qui ne transforme pas les employeurs en collecteurs d'un impôt sans lien avec leur activité.
Nous prétendons, en effet, avec le Conseil des prélèvements obligatoires, qu'une autre voie existe pour assurer la contemporanéité de l'impôt et des revenus.
Comme le démontre le CPO, l'objectif de contemporanéité peut être atteint, sans changer le mode de perception de l'impôt, en se contentant de passer à un paiement contemporain de l'impôt et donc sans mettre à la charge des entreprises de nouvelles obligations.
En effet, ce n'est pas la retenue à la source en elle-même qui supprime le décalage, c'est le fait qu'elle soit effectuée au moment de la perception du revenu imposable, alors qu'aujourd'hui l'impôt sur le revenu est payé avec un décalage d'un an puisqu'il porte sur les revenus perçus l'année précédente.
Ce prélèvement contemporain permettrait, comme la retenue à la source, de supprimer le décalage d'un an entre la perception des revenus et le paiement de l'impôt correspondant. Le taux de prélèvement serait calculé non pas avec le taux historique comme dans le projet de texte (taux n-2 puis n-1) mais en appliquant chaque mois, prorata temporis , le barème sur l'ensemble des revenus du foyer. Les contribuables subissant une baisse de revenu en cours d'année pourraient immédiatement moduler leurs acomptes mensuels et la loi pourrait prévoir une obligation de modulation en cas d'augmentation significative des revenus.
Les crédits et réductions d'impôt pourraient être pris en compte l'année même et non pas l'année suivante comme prévu dans le projet de texte.
Cette voie doit être véritablement approfondie, expertisée et faire l'objet d'une concertation.
I. Intégration du prélèvement à la source dans la déclaration nominative (DSN)
Il nous semble très prématuré d'intégrer le prélèvement à la source (PAS) à la déclaration sociale nominative (DSN) dès 2018. En effet, la DSN est conçue comme le support central du PAS. Or :
- loin des principes fondateurs qui guident la DSN d'alléger, de simplifier et réduire le nombre de données à déclarer par l'employeur, le PAS entraîne de nouvelles rubriques à compléter à la charge de l'employeur ;
- si les modalités de déclarations du PAS par l'employeur s'appuieront sur la DSN, les modalités de communication des taux de PAS à appliquer seront connues par le bais d'un support intitulé « compte rendu métier », qui est aujourd'hui peu utilisé et exploité par les entreprises. Certains organismes de protection sociale s'en servent pour communiquer aux entreprises les erreurs constatées en DSN.
- si la DSN est porteuse à terme de simplification pour les entreprises et, si ce chantier très structurant est en partie bien avancé, nous ne sommes pas encore au bout : la moitié des entreprises, soit plus de 800 000 entreprises, n'est pas encore passée à la DSN, parmi elles essentiellement des TPE-PME. Et toutes les déclarations ne sont pas encore remplacées. À titre d'illustration, le décret sur la DSN à la norme phase 3, qui doit intégrer de nouvelles déclarations (ex. : Agirc-Arrco, organismes assureurs) à compter de janvier 2017, n'est pas encore publié et les éditeurs de logiciels ne sont pas tous prêts sur cette phase 3. Il existe donc de fortes probabilités pour que toutes les entreprises ne soient pas prêtes en 2017, le calendrier de la généralisation à toutes les entreprises (rémunération de janvier 2017 et donc DSN de février) étant très tendu.
Faire reposer le PAS sur la DSN est en conséquence un exercice périlleux qui n'intègre pas un calendrier de mise en oeuvre pragmatique tenant compte des réalités opérationnelles.
II. Situation des employeurs devenus collecteurs d'impôt
1. Des entreprises collecteurs d'un impôt sans lien avec leur activité
Le projet a pour première conséquence de transférer la charge administrative de collecte de l'impôt sur le revenu de l'administration.
Le principe même de ce rôle de collecteur est contestable. Il n'y a aucune justification à faire recouvrer par les entreprises un impôt qui n'a strictement aucun lien avec leur activité (contrairement à la TVA ou aux cotisations sociales). Si de tels dispositifs ont pu se justifier dans le passé pour certains pays, c'était uniquement, comme le rappelait le Conseil des prélèvements obligatoires, dans un contexte de recouvrement de l'impôt insuffisant. Ce n'est évidemment pas le cas en France où, grâce aux divers moyens de paiement dématérialisés mis en oeuvre depuis des années, le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu est proche de 99 %.
2. De nouvelles contraintes et obligations coûteuses sans aucune contrepartie
Des coûts informatiques toutes proportions gardées non négligeables
Contrairement à ce qui est affirmé dans l'évaluation préalable annexée au projet de loi de finances 2017, les coûts d'adaptation des systèmes informatiques, y compris pour les entreprises dans le périmètre de la DSN et des logiciels de paye, ne seront pas négligeables et pas toujours inclus dans le contrat de maintenance de ces systèmes.
Les évolutions nécessaires seront plus nombreuses et plus coûteuses que ce qui est affirmé dans l'évaluation préalable annexée au projet de loi de finances :
Modifications du logiciel de paye :
- Intégration du taux de PAS
- implémentation d'un champ de calcul taux de PAS x revenu net imposable (montant déjà présent dans les fiches de paye)
- intégration du barème de taux par défaut et de la règle de calcul correspondante
- déduction du montant calculé du salaire à verser
- modification du calcul de la quotité disponible en cas de saisie sur salaire
- aménagement du bulletin de paye : le bulletin de paye devra mentionner le taux de PAS, la base de calcul et le montant prélevé
Nouvelle interface avec la DSN :
- pour réceptionner et récupérer le taux de PAS : actuellement aucune information que l'entreprise doive traiter et intégrer dans ses process ne lui est transmise via la DSN
- pour insérer dans la DSN pour chaque salarié le taux utilisé et le montant prélevé
- les coordonnées du compte de l'établissement financier sur lequel le PAS devra être prélevé par le Trésor public
Les éditeurs de logiciels consultés nous ont indiqué qu'il pourrait y avoir facturation de coûts supplémentaires. Parallèlement, les entreprises qui ont déjà entamé les échanges avec leurs éditeurs nous le confirment.
En tout état de cause, toutes les entreprises qui ont des systèmes informatiques internes devront supporter le coût de ces aménagements.
Ces coûts, quel qu'en soit le montant, et même s'ils peuvent parfois paraître faibles en valeur absolue, seront, et particulièrement pour les TPE-PME, toujours excessifs, s'agissant d'un projet sans aucun lien avec l'activité de l'entreprise et qui n'offre strictement aucun retour sur investissement.
Affirmer, comme indiqué dans l'évaluation préalable, que la mise en place du prélèvement à la source capitalisera pour toutes les entreprises privées sur les gains que ces dernières retirent de la DSN relève à tout le moins d'une erreur d'analyse.
Des coûts de mobilisation des ressources humaines inévitables
Au-delà des coûts informatiques, des coûts de formation des collaborateurs et d'information des salariés seront inévitablement à prévoir.
Reste, en outre, les coûts cachés liés au temps que devra passer le chef d'entreprise ou le responsable des ressources humaines à expliquer aux salariés, en particulier à ceux qui se trouvent dans une situation spécifique, les raisons des baisses de salaires nets qu'ils subiront inévitablement.
En conclusion, les entreprises demandent que ce rôle de collecteur de l'impôt sur le revenu soit assorti d'une contrepartie financière. Celle-ci pourrait prendre la forme d'une retenue forfaitaire sur le montant reversé au Trésor public comme cela se pratique dans certains pays (Suisse par exemple).
3. Des conséquences nocives au climat social dans l'entreprise
Le prélèvement de l'impôt à la source va engendrer des « tensions » au quotidien entre les entreprises et leurs salariés qui verront leur salaire net perçu baisser (même si le salaire réel ne change pas). Les salariés vont inévitablement se tourner d'abord vers le chef d'entreprise ou le DRH pour comprendre. Selon l'association des DRH, cette réforme va également « poser une petite difficulté » lors des négociations annuelles sur les salaires.
Les modalités retenues dans le projet de texte, et notamment le calcul du taux de PAS sur le seul revenu imposable de l'année passée avant prise en compte des crédits et réductions d'impôts, même récurrents, en maximisant le montant prélevé mensuellement, vont accentuer ces difficultés.
Les campagnes d'information prévues par la DGFIP pour expliquer aux contribuables qu'ils ne doivent s'adresser qu'à la seule DGFIP n'auront aucun effet sur ces relations internes à l'entreprise.
4. Des responsabilités et risques de sanctions à la charge des entreprises exorbitants
Obligation de secret fiscal
Les employeurs seront soumis au secret fiscal, au même titre que les fonctionnaires des finances publiques, et des sanctions pénales lourdes sanctionneront d'éventuelles ruptures de ce secret.
L'existence de ce risque inquiète fortement les entreprises, d'autant plus que le taux et le montant du prélèvement à la source devront figurer sur le bulletin de paie.
Or, contrairement aux agents de la DGFIP, les employeurs ne détiendront qu'une seule information : le taux d'imposition communiqué par l'administration fiscale.
L'analogie des sanctions encourues est donc totalement disproportionnée.
Sanctions en cas de défaut de collecte
En cas de problème de collecte et reversement du PAS, l'employeur sera passible de lourdes pénalités, y compris si ces difficultés sont dues à des raisons techniques liées à la DSN. Or, il existe déjà des pénalités spécifiques à la DSN. Il est donc nécessaire d'éviter de superposer les pénalités pour éviter de faire peser sur les employeurs de bonne foi des redressements insupportables.
5. Définition des revenus exceptionnels versés aux salariés en 2017
Pour éviter les abus visant à maximiser des revenus en 2017, le projet de texte prévoit que seront exclus du crédit d''impôt modernisation du recouvrement les revenus surérogatoires. Il s'agit d'une notion totalement inconnue en droit fiscal permettant de définir les contours des revenus visés.
Les employeurs devront-ils informer dès 2017 leurs salariés de la nature de chaque revenu au regard du calcul du crédit d''impôt modernisation du recouvrement ?
Le flou juridique de la notion de revenus surérogatoires laisse une marge d'appréciation incompatible avec la sécurité juridique nécessaire et ferait peser sur les employeurs une responsabilité exorbitante.
Le risque est d'autant plus important que le projet de texte prévoit que pour l'impôt dû au titre de 2017, le droit de reprise de l'administration fiscale s'exerce jusqu'à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due.
7. Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME)
Éléments de cadrage
Tous les pays d'Europe sauf la Suisse et la France pratiquent le prélèvement à la source.
? Toutefois, la France se caractérise par un régime déclaratif basé sur le foyer fiscal. Deux quotients trouvent alors matière à s'appliquer : le quotient conjugal et le quotient familial. Elle se distingue aussi par une grande quantité de crédits/réductions d'impôt. Enfin, les pays qui ont basculé dans un système de retenue à la source l'on fait depuis bien longtemps et souvent dans le cadre d'une réforme de grande ampleur ce qui n'est pas le cas dans le projet qui est proposé puisqu'il s'agit d'une réforme de recouvrement et non d'assiette.
L'option pour le PAS répondait généralement à un besoin de simplification des démarches.
? Il est vrai que les cotisations sociales ou la CSG n'imposent au contribuable aucune formalité auprès de l'administration fiscale. Il en va différemment pour l'impôt sur le revenu dans la mesure où il s'agit d'un impôt complexe puisque ce dernier est personnalisé, impliquant la communication d'informations telles que la situation de famille. En outre, il nécessitera toujours une démarche proactive du salarié et une déclaration d'impôt.
Le niveau de taux de recouvrement des particuliers en France est de 98,40 % (dernier rapport DGE).
? Le taux de perception est très élevé, une réforme du système actuel est donc toujours risquée et ne pourra améliorer qu'à la marge la rentabilité du système actuel.
65,9 % des contribuables sont mensualisés en 2014 (dernier rapport DGE).
? La mensualisation est sur 10 mois aujourd'hui (au lieu de 12 avec le PAS).Toutefois, le contribuable peut décider de moduler sa mensualisation sur demande, ce qui permet d'ajuster l'impôt en fonction des revenus en année n.
L'impôt sur le revenu s'élèverait à 71,5 Md€ (PLF 2017).
? Il s'agit d'une recette fiscale non négligeable qui doit être garantie malgré la réforme.
Le surcoût du PAS est évalué entre 1,3 et 3,5 % de la valeur des impôts collectés.
? Le surcoût est difficile à prévoir car il existe des « couts réels » (modification et actualisation de l'informatique, formation du personnel, organisation à repenser) et des coûts cachés (information du salarié en cas de changement du salaire net en raison d'un taux qui passe du taux par défaut à un taux personnalisé...).
À noter, que la Suisse propose une compensation lorsque le collecteur est l'entreprise.
Il y a une réelle inquiétude des entreprises.
? La majorité des dirigeants de PME se dit inquiète vis-à-vis de cette réforme fiscale. Notre baromètre KPMG-CGPME du 2 mai 2016 précise que les principales raisons de cette inquiétude sont relatives à la complexité administrative de la procédure (89 %, dont 56 % y attribuant une influence déterminante), le temps à y consacrer (88 %, dont déterminante pour 49 %) et le coût de mise en place (85 %, dont déterminante pour 44 %).
Une expérimentation demandée mais non mise en oeuvre.
? La CGPME avait demandé une expérimentation sur un panel d'entreprises volontaires, toutefois cette proposition n'a pas été menée.
Une étude d'impact a bien été publiée mais elle est très volumineuse 171 ( * ) et tardive.
? Le travail est d'une grande qualité mais l'impact manque de lisibilité globale. Toutefois, si la charge de travail supplémentaire confiée aux entreprises est bien identifiée comme non négligeable, notamment pour les PME, aucune étude d'impact précise sur les coûts n'est clairement proposée à ce stade.
Le calendrier est trop court.
? Cette réforme envisagée de longue date intervient toutefois en fin de législature et reste conditionnée à la bonne mise en oeuvre de la DSN dont la généralisation est attendue en juillet 2017.
Les grandes lignes de la réforme
a) Le champ des revenus concernés
Les revenus qui sont versés par un tiers feront l'objet d'un prélèvement à la source par ce tiers au même rythme que le versement des revenus (soit les traitements et salaires, les pensions et retraites, les rentes y compris pensions alimentaires, les allocations de chômage).
? S'agissant des modalités de collecte, les entreprises ont souvent recours à un expert-comptable. La question est de savoir si les experts comptables demanderont une rémunération supplémentaire pour réaliser cette prestation.
Les revenus pour lesquels il n'y a pas de tiers feront l'objet d'acomptes contemporains calculés par l'administration (les revenus des indépendants et les revenus fonciers).
? En pratique, les travailleurs indépendants procéderont comme aujourd'hui par des acomptes. Cela limite l'objectif initial de la réforme qui est la taxation contemporaine des revenus.
À noter : Les revenus qui étaient déjà prélevés à la source (revenus de capitaux mobiliers et les plus-values immobilières) ne subiront aucun changement.
Cas particulier : La gestion du PAS pour les gérants majoritaires de SARL n'est pas finalisée.
b) Le calcul du prélèvement à la source
- Pour les revenus versés par un tiers, le calcul du prélèvement se fait par le collecteur :
Le taux de prélèvement sera transmis par l'administration fiscale au collecteur de manière dématérialisée et automatique via la DSN.
Le prélèvement correspondra à l'application d'un taux au revenu net imposable. En l'absence de taux transmis par l'administration, le collecteur appliquera un taux par défaut sur la base d'un barème publié chaque année.
? La somme à prélever sera calculée automatiquement via la DSN. Pour répondre à la réforme, le logiciel devra être modifié (ajout de plusieurs blocs dans le logiciel). Un paramétrage sera nécessaire et il n'est pas certain que ce coût soit pris en charge par l'éditeur de logiciel.
De plus, le taux transmis pourra varier d'un mois à l'autre puisque le projet propose à l'usager de moduler sont taux sur demande en cours d'année. Ce changement de taux sera potentiellement source de conflit. Les entreprises devront anticiper ces difficultés. Dans une PME, il n'y aura pas la possibilité de dédier une cellule pour ça mais elle introduira nécessairement un coût temps pour la personne en charge des bulletins de paie.
La gestion du taux personnalisé reste compliquée en pratique. Les entreprises collectent déjà la CSG mais la taxe est universelle et à taux unique.
Il convient de noter que l'article 38 du PLF 2017 donne un délai d'ajustement pouvant aller à 3 mois, ce qui limite en pratique le principe de contemporanéité voulu.
- Pour les revenus non versés par un tiers, le calcul du prélèvement par la DGFiP :
La DGFiP calculera un échéancier annuel de prélèvements mensuels ou trimestriels sur la base des revenus (N-2) et du taux. L'usager pourra moduler son assiette de prélèvement ainsi que son taux selon certaines conditions.
? La modulation sera possible. Le projet de texte prévoit que l'administration à 3 mois pour rendre effective la demande. Ainsi, si l'administration n'est pas réactive, la contemporanéité ne sera pas atteinte.
De plus, la modulation par l'entrepreneur nécessite une démarche et entraîne un risque de sanction financière si les prévisions du contribuable s'avèrent incorrectes.
c) Les obligations du collecteur
Le collecteur aura quatre nouvelles obligations :
- Il devra réceptionner chaque mois le taux transmis par la DGFiP et l'appliquer au revenu imposable du mois ;
- calculer et prélever la somme sur le salaire net imposable ;
- déclarer mensuellement les prélèvements à la source réalisés pour chacun des usagers concernés et
- reverser mensuellement à la DGFiP le prélèvement à la source prélevé sur les usagers auxquels il verse un revenu.
Il convient de noter que les différentes obligations se feront via la DSN. Il existera néanmoins deux catégories de collecteurs (les collecteurs dans le champ de la DSN c'est-à-dire les entreprises/les collecteurs hors champs de la DSN c'est dire les employeurs publics).
? Si aucune saisie particulière ne devrait être demandée finalement à l'employeur, certaines difficultés techniques existent, notamment en raison du fait que la capacité du réseau n'est pas la même sur tout le territoire.
En outre, l'entreprise aura des données confidentielles supplémentaires. Il va y avoir un agrandissement de secret fiscal (qui était jusqu'ici limité à des cas limités).
Plusieurs situations pourraient mettre en cause la responsabilité de l'employeur (non versement des sommes, non-respect des délais...). Or, dans le système proposé, seul l'employeur est responsable. Toutefois, en pratique, un tiers sera généralement en charge de réaliser cette nouvelle prestation et si une erreur survient, ce sera malgré tout l'employeur qui sera le seul responsable. Sa seule option restera d'engager dans un second temps la responsabilité du mandataire.
En outre, le risque de sanction reste lourd et les modalités de prescriptions fiscales prévues peuvent être mal perçues par le chef d'entreprise car il a un effet déstabilisateur sur l'entreprise.
S'agissant du versement, il peut être trimestriel, ce qui permet à l'entreprise d'avoir une gestion souple de sa trésorerie.
d) L'année de transition
Il n'y aura pas de double prélèvement en trésorerie :
- l'impôt sur les revenus de 2017 sera liquidé normalement au printemps 2018 ;
- l'impôt sur les revenus de 2017 qui entrent dans le champ de la réforme sera annulé ;
- il restera dû sur les revenus exceptionnels ou hors du champ de la réforme (ex : RCM).
Le bénéfice des Réductions d'Impôts (RI)-Crédits d'impôts (CI) acquis en 2017 sera conservé.
? L'imputation de réductions ou l'octroi de crédits d'impôts seront maintenus. Toutefois, en régime de croisière, ils ne sont pas pris en compte dans le calcul des taux. En conséquence, il n'y aura pas de contemporanéité de l'impôt. En outre, il y a un risque que certains contribuables acquittent de l'impôt toute l'année avec une restitution du trop-perçu en milieu d'année. De fait, le résultat comptable sera le même, mais les implications seront bien différentes en termes d'avance de trésorerie. À plus long terme, cela pose également le problème de la stabilité des avantages fiscaux.
e) L'incidence de la réforme sur les relations entre employeurs et salariés
II s'agit certainement là d'un sujet sensible. L'employeur aura des données confidentielles sur le salaire via le taux et il devra s'assurer du caractère confidentiel de ses données au risque de se voir appliquer une sanction. Dans un pays comme la France, une telle situation est très difficilement envisageable compte tenu du rapport individuel à l'impôt et la protection de la vie privée mais aussi de l'implication conflictuelle dans le rapport employeur salarié.
Malgré les déclarations « rassurantes » du gouvernement, le chef d'entreprise prélevant l'impôt sur le revenu chaque mois sera inévitablement considéré par nombre de salariés comme étant le véritable « interlocuteur fiscal » auprès duquel ils formuleront leurs « réclamations ». En effet, chaque mois, les salariés verront leur salaire net diminuer par rapport au système antérieur. Beaucoup d'entre eux seront donc tentés de se retourner contre cet « interlocuteur fiscal » que sera devenu le dirigeant d'entreprise (ou son représentant).
Cela pourrait engendrer des demandes d'augmentation de salaire plus fréquentes afin d'aboutir à une « compensation » et, dans les entreprises les plus grandes, rendre plus difficiles les négociations salariales.
Les dirigeants d'entreprises, notamment dans les TPE/PME, seront donc les « boucliers de l'administration fiscale ».
De plus, si ces demandes d'augmentation sont refusées, le climat social de l'entreprise pourra se détériorer.
Il y a également un risque que la retenue à la source réduise l'implication des citoyens et leur responsabilisation vis-à-vis de l'impôt sur le revenu, en rendant le prélèvement plus « indolore » que dans le système actuel.
En l'état actuel, l'employeur n'a rien à gagner sinon de subir à de nouvelles contraintes liée à une telle évolution.
8. Fédération française du bâtiment (FFB)
• Contribution du président de la Fédération française du bâtiment, Jacques Chanut
Sur le plan des principes, la FFB est contre ce dispositif. Il appartient à l'État de lever l'impôt et non aux entreprises. Simplifier l'impôt sur le revenu français était un préalable indispensable avant de vouloir changer les modalités de sa collecte. Nous ne comprenons pas de plus l'empressement apporté à faire aboutir, coûte que coûte, cette réforme.
Au final, nous aboutissons au maintien d'un impôt complexe, peu lisible, concentré sur 10 % de foyers fiscaux, acquittant 70 % environ des recettes et à un projet de texte, modifiant son recouvrement, de plusieurs dizaines de pages, tout aussi complexe et illisible.
Au surplus, le système actuel permet un recouvrement de l'impôt de l'ordre de 98,5 %. Avec le système proposé, on peut s'interroger sur la possibilité d'atteindre un tel taux au regard de la multiplicité des collecteurs (entreprises, collectivités publiques, organismes de retraite...) et des formes de prélèvements (prélèvement à la source, acompte, prélèvement forfaitaire).
Par ailleurs, le dispositif suscite de la part des entreprises beaucoup d'inquiétudes.
? Le système repose entièrement sur la DSN, cette dernière ne sera généralisée qu'à compter du 1 er janvier 2017 à toutes les entreprises et notamment les plus petites d'entre elles.
La DSN dans son principe ne suscite pas de remarque particulière. En revanche, malgré la grande satisfaction affichée par le GIP (groupement qui pilote la mise en place de la DSN), des difficultés nous remontent du terrain.
Autant dire que ces difficultés émanant d'entreprises a priori structurées, vont se trouver démultipliées avec la généralisation de la DSN à toutes les entreprises, à compter du 1 er janvier 2017.
Déjà confrontées à la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, les entreprises ont peur de revivre les mêmes difficultés d'ordre psychologique avec leurs salariés. Elles seront en première ligne quand il s'agira d'expliquer fin janvier 2018 que leur paie a baissé uniquement du fait de l'impôt.
La situation sera d'autant plus compliquée que, deux salariés à revenus identiques pourront ne plus toucher le même revenu net du fait d'un impôt et donc d'un prélèvement différent. Or, dans les petites entreprises, les salariés savent ce qu'ils gagnent. Il est illusoire de penser que ces derniers ne communiquent pas entre eux à ce sujet.
? Le Gouvernement nie les coûts engendrés par la mise en place du prélèvement à la source. Si la DSN simplifie effectivement les tâches, il ne faut pas oublier les coûts annexes qui seront inévitables et importants.
On peut citer :
- L'adaptation de l'outil informatique ;
- La formation du personnel administratif ;
- La nécessaire information des salariés ;
L'augmentation des coûts pour le cas (très courant dans le BTP) d'une externalisation de la paie : expert-comptable notamment.
Sur le fond, outre un report en 2019, le dispositif présenté doit être modifié ou précisé sur différents points :
? À la lecture, il nous est difficile de comprendre comment les gérants majoritaires de sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés s'acquitteront de l'impôt sur le revenu au titre de leurs rémunérations.
En effet, ils ne sont pas salariés mais sont traités comme tels sur le plan fiscal.
Dans ces conditions, il serait utile de préciser quel organisme collecteur va prélever l'impôt. À défaut, devront-ils acquitter l'impôt au moyen d'acomptes à l'instar des artisans relevant des bénéfices industriels et commerciaux ?
? L'employeur est soumis à une obligation de confidentialité concernant le taux de prélèvement. Une divulgation intentionnelle peut conduire à une amende de 10 000 €. Il est irréaliste de penser que ce taux restera confidentiel entre les salariés. Des problèmes vont apparaitre au sein de l'entreprise pour des salariés mécontents.
Ce mécontentement sera inévitablement source de contentieux dirigé essentiellement contre le chef d'entreprise.
Afin de le prévenir, nous souhaitons que cette sanction soit supprimée ou à tout le moins que la notion de divulgation intentionnelle soit précisée et encadrée.
? Des amendes sont prévues pour les employeurs qui ne respecteraient pas les règles du prélèvement à la source. Dans la mesure où un grand nombre d'entreprises délègue la paie à un tiers extérieur, nous souhaiterions que la loi précise explicitement que ces sanctions s'appliquent aux tiers responsables de la paie, l'entreprise ne répondant que de ses propres fautes.
? Des règles particulières sont prévues pour la déduction des travaux dans les revenus fonciers. Elles sont source de difficultés, lesquelles doivent être tranchées. Plusieurs pistes sont possibles telles que :
- extension aux charges de copropriétés des bailleurs de la mesure proposée par le projet de loi de finances 2017 ;
- en l'absence de travaux réalisés en 2017, les travaux de 2018 doivent être intégralement déductibles pour tous les bailleurs. En effet, la mesure proposée vise à ne pas désinciter ces derniers à réaliser des travaux en 2017. Or, en limitant à 50 % la déduction des travaux réalisés en 2018, la mesure dissuade les bailleurs à faire ces mêmes travaux sur cette dernière année.
? Le taux d'impôt retenu pour le prélèvement à la source est calculé hors réductions et crédits d'impôt.
Si l'on peut admettre que ce taux ne soit pas diminué de ces éléments insusceptibles de se répéter annuellement, il n'en va pas de même pour nombre de dépenses fiscales : gardes d'enfant, aides à domicile, investissements locatifs.
Pour ce type de dépenses, le contribuable fera l'avance de l'impôt pour être remboursé 8 à 9 mois après.
Aussi, il nous apparaît que ce taux doit être revu pour intégrer ces dépenses fiscales récurrentes. On ne peut pas plaider la contemporanéité de l'impôt en retenant à une base contemporaine, un taux N-2 puis N-1 qui ne prendrait pas en compte ces réductions et crédits d'impôt.
? S'agissant des revenus 2017, au-delà de la notion de revenus exceptionnels un chef d'entreprise propriétaire de son entreprise peut décider de distribuer des dividendes. Il est difficile de comprendre pourquoi une telle distribution récurrente ne serait pas exonérée au titre de 2017. Il s'agit d'un élément de sa rémunération.
? Enfin, nous attirons votre attention sur le paradoxe consistant à justifier la mesure au nom de la contemporanéité et de la modernité tout en complexifiant à l'extrême le système du prélèvement.
L'impôt sur le revenu est, encore une fois, très concentré puisque 10 % de foyers les plus aisés (3 600 000) représentent 70 % de l'impôt.
Or, ces foyers présentent des revenus divers qui seront soumis à l'impôt sous forme différentes :
- Prélèvement à la source pour les traitements et salaires ;
- Acompte mensuel pour les revenus fonciers ;
- Prélèvement forfaitaire pour les dividendes.
La lisibilité de l'impôt pour ces foyers et par voie de conséquence, son acceptabilité reste à démontrer.
9. Fédération Bancaire Française (FBF)
Problématiques soulevées du point de vue de l'employeur
L'employeur est qualifié de redevable de l'impôt sur le revenu
Dans la partie « Paiement par le collecteur », l'employeur est désigné dans l'alinéa 155 par le qualificatif « redevable de la retenue à la source ».
Contrairement à ce qui avait été annoncé par le gouvernement, l'employeur ne sera pas simplement un collecteur du prélèvement à la source mais sera également le débiteur de l'impôt. Le principe libératoire pour l'employeur n'est donc pas respecté.
Sanction en cas de violation du secret professionnel
Les alinéas 227,228 et 229 soumettent les employeurs au secret fiscal au même titre que les agents de la DGFIP.
Or, cette décision est lourde de conséquences : les employeurs seront notamment sanctionnés par des peines mentionnées à l'article 226-21 du code pénal.
Les employeurs ne détiennent que le taux d'imposition calculé par l'administration fiscale. Cette information ne permet pas de connaître la situation fiscale du salarié.
Aussi, soumettre l'employeur au même titre qu'un agent de la DGFIP à des sanctions pénales n'est pas justifié dans ces conditions.
Par ailleurs, comme gérer cette obligation de confidentialité par rapport à l'obligation d'affichage sur le bulletin de paie ?
La DSN : vecteur de transmission du prélèvement à la source à l'Etat
La DSN devient le vecteur de transmission du prélèvement à la source à l'État et du retour de l'État vers les entreprises des taux à appliquer. Celle-ci n'est pour le moment pas adaptée et ce pour plusieurs raisons :
La DSN est un nouveau projet : les entreprises n'ont pas encore de recul nécessaire vis-à-vis de la bonne application de la DSN. Utiliser cette dernière comme vecteur de communication entre la DGFIP et les entreprises est prématuré.
Les choix du gouvernement sont compliqués à gérer : taux reçus pour certains salariés, barèmes pour d'autres, problématiques des régularisations en cas d'erreur de l'employeur, spécificités pour les salariés étrangers, des prestations de prévoyances, etc. Plus généralement, le système de prélèvement à la source envisagé par le gouvernement, est un système dynamique alors que la DSN n'est pas conçue dans cet esprit. Il va donc falloir adapter et revoir le système alors même qu'il n'est pas définitivement stabilisé.
La grille de taux par défaut est lourde à gérer (12 tranches), à paramétrer chaque année et à communiquer aux salariés, sans compter les particularités des DOM. Elle est mensuelle (donc sans régularisation progressive) ce qui peut paraître plus simple mais qui ne correspond pas aux mécanismes trimestriels de calcul de paie française.
En outre, la mensualisation du calcul peut être source de contentieux avec les salariés ou de complexité supplémentaire pour l'employeur (l'obligation pour l'employeur en cas de versement de brut décalé dans le temps de procéder au recalcul du prélèvement à la source du mois concerné en tenant compte de l' « erreur de l'employeur »).
Le mécanisme de prorata des tranches en cas de mois incomplet n'est pas précisé (jours ouvrés, ouvrables, calendaires).
Option pour la grille par défaut : le mécanisme d'information de l'employeur n'est pas précisé mais le retour devrait se faire comme pour le taux du prélèvement à la source via le flux retour de la DSN. Cela implique plus de complexité sur ce flux retour (on pourra recevoir soit un taux soit une option pour la grille soit un signalement d'absence d'antériorité). Sachant que le délai pour l'employeur de prise en compte de la transmission en retour DSN sera de deux mois, le projet de texte n'indique pas si la mise en oeuvre mentionnée sous trois mois inclut le délai de deux mois employeur, difficilement gérable.
Les revenus déclarés dans la DSN sont inscrits en montants bruts. Or, le prélèvement à la source est appliqué sur le salaire net après déduction des cotisations sociales.
L'année « blanche » de 2017 pour les revenus d'activité ne sera pas facile à gérer au vu du nombre de données exclues de la neutralité fiscale : celles-ci n'étant pas toutes en DSN, il faudrait créer un nouveau déclaratif qui intègre ces nouvelles rubriques spécifiques.
Année blanche et définition des revenus exceptionnels
Le législateur n'a pas défini la notion de revenus exceptionnels. À tout le moins, seuls les revenus non exceptionnels sont définis (alinéas 277 à 290).
Il n'est pas de la responsabilité de l'employeur de définir le droit. Par ailleurs, les conflits générés par ce sujet seront nombreux avec des réponses divergentes selon les employeurs.
L'employeur, qui deviendra le collecteur de l'impôt pour le compte de l'État, aura la lourde tâche d'expliquer à ses salariés les revenus pris en compte pour le calcul du crédit d'impôt « modernisation du recouvrement » et ceux qui ne le sont.
Sanctions à l'égard du tiers collecteur
La responsabilité de l'employeur est très lourdement engagée avec des pénalités très importantes. À l'exception des deux cas des 40 % de pénalité pour non dépôt de la déclaration après la mise en demeure et 80 % de pénalité en cas d'intention délibérée, les pénalités de 5 % ou de 10 % visent des cas d'erreurs non intentionnelles. Ainsi, si pour des raisons techniques, la DSN n'était pas validée pour le 5 de M+1, la pénalité serait de 10 % du prélèvement à source soit plusieurs millions d'euros selon la taille de l'entreprise et les mois de paie. Quant à la pénalité de 5 %, elle pourrait faire l'objet de redressements individuels qui seront très lourds à supporter par l'entreprise.
L'extension de la période de contrôle à 4 ans
L'alinéa 335 de l'article 38 stipule que « pour l'impôt dû au titre de l'année 2017, le droit de reprise de l'administration fiscale s'exerce jusqu'à la fin de la quatrième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. »
Auprès de qui ce contrôle sera-t-il exercé ? Du salarié ou de l'employeur ?
En tout état de cause, pour mener à bien ce contrôle, les entreprises vont devoir conserver durant ce délai tous les éléments de rémunérations de leurs salariés qui ont permis de calculer le crédit d'impôt « modernisation du recouvrement » et qui ont permis de distinguer les revenus dits exceptionnels des non exceptionnels.
Problématiques soulevées du point de vue du contribuable
Le barème pour l'application du taux par défaut lèse les contribuables
Le projet de loi permet au contribuable d'opter pour un taux par défaut, ceci afin de préserver la confidentialité du taux d'imposition vis-à-vis de l'employeur.
Celui-ci est calculé sur le cas d'un célibataire sans enfant. Ainsi, lorsque le taux n'est pas donné par l'administration fiscale à l'employeur (cas d'un primo-entrant ou option pour le taux par défaut), l'employeur devra appliquer le barème adopté dans le texte. Le prélèvement final pour le cas d'un employé ayant opté pour le taux par défaut sera d'un montant beaucoup plus élevé que le montant éventuellement prélevé mensuellement. En effet, aujourd'hui le prélèvement mensuel est basé sur l'impôt réellement payé par le contribuable compte tenu de sa situation familiale et des éventuelles réductions et crédits d'impôt dont il peut bénéficier.
Le prélèvement à la source basé sur le taux par défaut permettra à l'administration de percevoir un montant plus élevé au fil de l'eau qui sera régularisé lors du solde et l'effet trésorerie pour le contribuable risque d'être non négligeable.
En matière d'octroi de crédit les banques devront tenir compte de cet élément qui grève la trésorerie des clients.
En conclusion, le barème du taux par défaut est dissuasif. Le contribuable n'aurait donc pas réellement le choix d'opter pour le taux par défaut.
Non prise en compte des déficits
Pour la détermination du taux imposable du contribuable, le projet de loi précise à l'alinéa 26 que les déficits sont retenus pour une valeur nulle et que le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu est calculé « hors déficits, charges et abattement déductibles du revenu globa l ».
Le mécanisme proposé par le gouvernement pose de gros problèmes de trésorerie aux contribuables qui versent des pensions alimentaires, perçoivent un crédit d'impôt de manière récurrente (employeurs de garde d'enfants à domicile, d'assistance maternelle, d'auxiliaire pour les personnes âgées, etc.), aux donateurs, aux investisseurs dans l'immobilier, dans l'outre-mer, etc.
La conséquence est qu'en janvier 2018, lors de la mise en place de la réforme, ces ménages risquent de voir leur prélèvement brusquement augmenter avant de percevoir un remboursement en septembre 2019.
Le système grèvera lourdement la trésorerie des ménages. Surtout, contrairement à l'objectif annoncé par le gouvernement, la réforme du prélèvement à la source n'atteindra pas son objectif, qui est de rendre l'impôt plus contemporain des revenus.
Plus généralement, l'effet macroéconomique de la réforme notamment sur la consommation des ménages et de surcroît sur la croissance sera élevé.
Non-respect du principe constitutionnel de l'égalité devant l'impôt
L'article 38 du projet de loi de finance pour 2017 permet de supprimer le décalage d'un an entre la perception du revenu et du paiement de l'impôt. Or, ce mécanisme de l'année « blanche » induit un problème d'égalité devant l'impôt pour deux catégories de contribuables.
Les contribuables dont la principale source de revenus est constituée par des revenus de capitaux mobiliers ne bénéficieront pas de l'année blanche contrairement aux salariés. En effet, les revenus de capitaux mobiliers qui n'entrent pas dans le champ du prélèvement à la source ne bénéficieront pas du crédit d'impôt « modernisation du recouvrement » et devront in fine , payer l'impôt sur ces revenus en N+1.
Les expatriés qui sont déjà partis, ainsi que tous ceux qui partiront d'ici au 31 décembre 2017, et qui reviennent s'installer en France devront payer le coût d'une année d'impôt supplémentaire par rapport à la situation qui aurait été la leur s'ils étaient restés travailler en France.
Actuellement, l'année de leur départ les non-résidents paient généralement deux fois un impôt sur le revenu, une fois en France pour les revenus de l'année passée et une fois dans leur pays d'accueil sur leurs revenus en cours puisqu'une très grande majorité des pays pratique la retenue à la source. L'année du retour, les expatriés bénéficient d'une année « blanche » sans imposition ni en France ni à l'étranger, qui leur permet de revenir dans la situation des autres Français.
Cette année « blanche » disparaît avec le passage à la retenue à la source. Si on prend l'exemple d'un salarié parti pour son entreprise début 2015 et rentrant en France début 2018, il aura payé cinq fois l'impôt sur le revenu entre 2015 et 2018 : deux fois en 2015, et une fois chaque année entre 2016 et 2018. Un salarié resté en France ne l'aura payé qu'une fois par année, soit quatre fois.
10. Union professionnelle artisanale (UPA)
Sur le fond, l'objectif de la réforme ne nous paraît toujours pas clair, hormis pour deux cas : les retraités et les travailleurs changeant de situation pour lesquels on perçoit bien l'intérêt d'une fiscalité contemporaine. En dehors de ces deux cas, quel est l'intérêt de la réforme pour la collectivité et pour la majorité des travailleurs acquittant l'impôt sur le revenu ? Quelle est la justification fondée de la charge extrêmement lourde que le gouvernement va infliger aux entreprises et notamment aux plus petites ?
L'envergure de cette réforme aurait justifié comme préalable une remise à plat de la fiscalité française. Car il est indéniable que la complexité du prélèvement à la source est directement liée à la relation qui existe en France entre la fiscalité et la politique familiale.
Dans la forme, l'UPA considère que la méthode employée par le gouvernement pour engager la réforme du prélèvement à la source a été inacceptable, étant entendu qu'elle n'a intégré aucune concertation préalable avec les organisations patronales quant aux principes, aux objectifs et à la vision avec laquelle ce projet devait être conduit. Et ce, alors même que l'enjeu est de transférer une responsabilité de l'État aux entreprises. Transfert qui ne s'inscrit pas à ce jour dans une logique de simplification et de réduction des coûts.
Si le Secrétaire d'État chargé du budget a reçu le Président de l'UPA Jean-Pierre Crouzet, c'est seulement aux fins de lui présenter le projet dans ses modalités de mise en oeuvre, pas pour débattre de ses axes directeurs.
Si la DGFIP a entamé des contacts avec l'UPA dès l'automne 2015, ils se sont limités à des réunions de travail sur des aspects spécifiques et techniques de la mise en oeuvre. Plus nous avons avancé dans les échanges avec la DGFIP, plus nous avons pris la mesure de la complexité du système.
Le système n'est viable que si la DSN est opérationnelle.
L'UPA ne s'est pas opposée à la DSN : nous considérons que le système de télétransmission va dans le sens du progrès. Nous souhaitons accompagner nos entreprises dans le passage au numérique. Malheureusement, une grande proportion n'a pas encore sauté le pas.
Nous souhaitons rappeler que la DSN est un projet très ancien, donc trans-gouvernement : il manque clairement d'un portage politique.
L'UPA constate qu'il faut au moins deux ans entre la promulgation d'une disposition dans la loi et sa mise en oeuvre effective, sur le terrain, dans les TPE PME. À ce jour, seulement 520 000 entreprises sont passées à la DSN sur les 1,6 million d'entreprises qui emploient des salariés. Que prévoit-on pour le million d'entreprises qui reste à passer ? Si l'échéance de 2017 est maintenue, il est certain que toutes les entreprises ne seront pas prêtes.
Il faut avoir en tête le turn over gigantesque des TPE de nos secteurs : chaque année, dans l'artisanat, environ 150 000 entreprises sont créées ou reprises. Cela nécessite un accompagnement à la hauteur des capacités de nos entreprises.
Or, nous n'avons pas fini d'assimiler la mise en oeuvre de la DSN que le gouvernement nous assène sans délai le nouveau chantier du prélèvement à la source !
Dès à présent, un grand nombre de nos entreprises ont recours à un professionnel du chiffre : environ un tiers font appel à un expert-comptable, un tiers à une association de gestion et de comptabilité - AGC et un tiers assurent en interne la gestion. Dans le cas où la TPE fait déjà appel à un tiers déclarant, la DSN pose moins de problème. Dans le cas d'une gestion interne, c'est plus ardu et cela entraîne des coûts. Même si une information sera diffusée au sujet de la conformité des logiciels proposés sur le marché - il n'y aura pas de labellisation des éditeurs - les TPE seront pour la majorité d'entre elles dans l'incertitude.
La complexité du dispositif est encore accrue en ce qui concerne les contrats courts.
Autre remarque : dans ce dispositif du prélèvement à la source, quel sera le sort des travailleurs indépendants ?
L'option retenue in fine par la DGFIP n'est pas celle d'une fiscalité contemporaine.
Reste la question des gérants majoritaires : ceux-ci seront-ils assimilés à des salariés ou à des travailleurs indépendants ? Les gérants majoritaires sont aujourd'hui les seuls à pouvoir déterminer l'assiette de leurs cotisations, les autres travailleurs indépendants devant acquitter leurs cotisations sur l'ensemble du bénéfice réalisé. Les inégalités de traitement qui en résultent doivent être prises en compte et réduites autant que possible.
Rappelons que 40 % de nos chefs d'entreprises sont au régime général et sur les 60 % ressortissant du RSI, on ne connaît pas la proportion de gérants majoritaires.
Si la réforme voit effectivement le jour, l'UPA entend souligner plusieurs problèmes majeurs que le Parlement ne peut sous-estimer :
- Le choc psychologique de la première année.
- La connaissance des taux par l'employeur.
- La complexité de gestion induite par le fait que beaucoup d'entreprises auront à gérer une situation dans laquelle on comptera autant de taux que de salariés.
L'UPA est fortement préoccupée par :
- La possible détérioration des relations entre salariés et employeurs compte tenu des interprétations possibles des évolutions du salaire net et du fait que l'employeur aurait connaissance du taux d'imposition du salarié.
- Le calendrier de mise en oeuvre de la réforme dont nous aurions souhaité qu'il intègre une phase d'expérimentation, même si, en cette matière, l'égalité de traitement devant l'impôt limite la possibilité d'expérimentation. L'UPA a plaidé pour un processus très automatisé apte à préserver la sécurité et la confidentialité des données.
La maîtrise d'un tel processus exige une phase de test informatique et une expérimentation avec des entreprises et des salariés volontaires avant déploiement.
- L'absence de prise en compte des expériences des autres États de l'Union Européenne sur une telle réforme
La réforme vise à rendre le prélèvement indolore. Mais ce faisant, ne va-t-elle pas aggraver le désengagement citoyen qui est d'ores et déjà en marche ?
L'UPA considère que les évolutions récentes de l'impôt sur le revenu, avec notamment la télédéclaration des revenus, la déclaration pré-remplie, et la mensualisation ont contribué à simplifier le système, pour autant qu'on laisse à nos entreprises un délai d'adaptation avec une information adaptée et un calendrier réaliste et clair qui offre de la visibilité sur l'entrée en vigueur des dispositions.
Une généralisation de la mensualisation avec faculté de modulation des mensualités suffirait à se rapprocher d'une retenue à la source.
Ceci posé, l'UPA souhaite communiquer un certain nombre d'observations complémentaires relatives aux aspects énumérés ci-dessous. Ceci ne vaut évidemment pas accueil favorable d'une réforme que nous contestons dans son utilité comme dans ses modalités.
11. Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA)
• Contribution du vice-président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Robert Verger
Nous faisons suite à votre demande concernant le projet de réforme de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu inséré dans le projet de loi de finances pour 2017.
La FNSEA n'avait pas de raison de s'opposer a priori à ce projet de réforme, sous réserve du respect d'un certain nombre de préalables, comme le fait que le prélèvement à la source ne soit pas générateur d'une plus grande complexité , qu'il n'induise pas de risque d'avances de trésorerie aléatoires et qu'il ne conduise pas les exploitants à rencontrer des difficultés ou engager leur responsabilité d'employeur lors de la collecte de l'impôt sur le revenu de leurs salariés. Ce positionnement a été présenté au Secrétaire d'État au Budget au printemps 2016.
S'agissant des déclarations de bénéfices des exploitants eux-mêmes, la FNSEA a ainsi transmis de nombreuses alertes sur la nécessité d'intégrer des adaptations aux spécificités des bénéfices agricoles, qu'il s'agisse de l'assiette des acomptes, des possibilités de leur modulation ou du report de leur paiement. Toutefois, le projet de loi de finances pour 2017 n'intègre aucune de ces observations.
S'agissant par ailleurs des exploitants employeurs de main d'oeuvre, la FNSEA ne peut accepter que les exploitants prennent la qualité de collecteur d'impôt qui complexifie encore leurs tâches administratives, leur laisse la responsabilité du bon déroulement du calcul et du prélèvement du précompte de l'impôt sur le revenu de leurs salariés et dénature leur rôle en les transformant en « percepteurs » vis-à-vis de leur personnel.
En conséquence, et au regard du projet de texte soumis au vote du Parlement, la FNSEA demande l'abandon de ce dispositif qui apparaît, sous cette forme, préjudiciable aux agriculteurs.
Si cette disposition devait être maintenue, elle demande des adaptations indispensables à l'acceptabilité d'une réforme.
Tout d'abord et compte tenu de l'extrême volatilité des cours des produits agricoles constatée d'une année sur l'autre, la FNSEA demande de retenir comme base des acomptes sur les bénéfices agricoles, la moyenne triennale des bénéfices des trois exercices précédents (N-3, N-2 et N-1), afin de tenter d'estomper l'effet de la volatilité des prix des denrées et des intrants, comme des volumes récoltés ou produits.
Il apparaît par ailleurs essentiel de laisser une « marge d'erreur» de modulation à la baisse des acomptes d'impôt sur le revenu suffisamment large pour éviter, en cas de baisse des résultats et de minoration des acomptes prévisionnels, des pénalités sans fondement. Il faut autoriser l'exploitant à suspendre ou minorer sans pénalité le versement des acomptes si, compte tenu des éléments en sa possession (conditions climatiques, chute des cours, hausse des intrants...), il estime que son résultat s'annonce inférieur au résultat prévisionnel de référence, ou qu'il sera déficitaire.
S'agissant de l'année de transition, année 2017, il apparaît nécessaire de rendre optionnelle l'imputation des déficits antérieurs sur les revenus de 2017 et pouvoir bénéficier d'une année supplémentaire de report des déficits antérieurs à 2017 afin de neutraliser efficacement les effets fiscaux de la transition vers le prélèvement à la source.
Au titre de 2017, le cas échéant, les exploitants pourront bénéficier de dispositifs fiscaux qui se trouveront anéantis par le crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR). Tel est le cas, par exemple, de l'abattement sur le bénéfice des jeunes agriculteurs, du « sur-amortissement de 40 % », de l'annuité d'amortissement accéléré des bâtiments d'élevage... Il faut donc permettre à l'exploitant, sur option, de pouvoir reporter d'un an les dispositifs fiscaux dont il bénéficie (abattement JA, sur-amortissement de 40 %...) appliqués sur le bénéfice agricole 2017.
Enfin et s'agissant de l'impact de la réforme sur les agriculteurs employeurs, ces derniers sont très majoritairement de petites structures, dont bon nombre assure encore eux-mêmes la gestion de la paie. La réforme du prélèvement à la source aurait pour effet d'augmenter les appels aux prestataires extérieurs, et donc les coûts de gestion des exploitations.
À défaut d'obtenir le retrait de ce texte, une mesure de prise en charge de ces surcoûts engendrés, sous forme de crédit d'impôt par exemple, s'impose.
12. Union nationale des professions libérales (UNAPL)
• Contribution du président de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), Michel Chassang
Je tiens, au nom de mon organisation, à vous remercier de votre demande d'avis sur le projet de réforme du recouvrement de l'impôt sur le revenu élaboré par le gouvernement et dont la Haute assemblée sera prochainement saisie.
Les dispositions en ce domaine figurant dans le PLF pour 2017 ne font malheureusement que confirmer toutes les craintes que nous nourrissions concernant ce projet tel qu'il nous avait été présenté par les responsables du dossier à Bercy.
En premier lieu, le système proposé se révèle d'une extrême complexité.
Si le but de la réforme est de permettre aux contribuables de mieux faire face à des problèmes de trésorerie, objectif qui mérite évidemment considération, des solutions beaucoup plus simples seraient susceptibles d'être mises en oeuvre. Dans son rapport de février 2012, le Conseil des prélèvements obligatoires préconisait « la promotion de nouveaux services offerts par l'administration fiscale », services incluant des possibilités d'étalement du règlement des impositions pour les contribuables confrontés à des difficultés financières.
Si le but de la réforme est de rendre plus contemporain les revenus et le prélèvement de l'impôt, des solutions beaucoup plus simples pourraient être mises en oeuvre, par exemple la généralisation, moyennant certaines adaptations, du système de la mensualisation qui a fait ses preuves.
Mais surtout, comme nous le détaillons dans le document ci-dessous, les petites entreprises du secteur libéral que nous représentons, chargées comme les autres de collecter l'impôt en lieu et place de l'administration fiscale, vont se trouver très gravement pénalisées. Les craintes qui nous remontent du terrain se font chaque jour plus nombreuses.
Le souhait de notre organisation, qui représente un million de professionnels du droit, de la santé, de la technique et du cadre de vie, serait, au minimum, de voir différée d'un an l'entrée en vigueur de la réforme. À nos yeux, la situation actuelle des entreprises françaises comme celle de nos finances publiques justifie tout sauf une réforme précipitée du recouvrement de l'IR.
Prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu : pourquoi l'UNAPL s'oppose à l'actuel projet de réforme
1) Une réforme illisible pour le contribuable
Les promoteurs de la réforme entretiennent le public dans l'illusion que le prélèvement à la source sur les salaires et revenus de remplacement d'une année donnée présentera un caractère libératoire et définitif. Bref, qu'aucun supplément d'impôt ne pourra être réclamé à un contribuable au titre des revenus de l'année concernée.
Le public réalisera assez vite qu'il n'en est rien. Un supplément d'impôt sera susceptible d'être réclamé aux contribuables l'année suivante au vu des éléments de leur déclaration souscrite en N+1 et portant sur leurs revenus de l'année N.
Faisons par ailleurs observer qu'aucune demande spontanée de changement de système ne semble se manifester dans le public, au demeurant satisfait du système actuel même si celui-ci pourrait naturellement faire l'objet d'améliorations. Dans son rapport de février 2012, le Conseil des prélèvements obligatoires se prononçait, en lieu et place d'une réforme de l'envergure de celle qui nous est proposée, pour « la promotion de nouveaux services offerts par l'administration fiscale ».
2) Une réforme d'une extrême complexité
Pas moins de quatre taux d'imposition différents seront susceptibles d'être appliqués à une même rémunération selon le choix opéré par le contribuable :
- En principe, il s'agira du taux d'imposition correspondant aux revenus de son foyer de l'année N-2, lequel sera « rafraîchi » en fin d'année au vu de la déclaration portant sur les revenus de l'année N-1 souscrite au mois de mai.
- Mais, sur demande du contribuable qui estime que ses revenus vont baisser ou augmenter, il pourra s'agir d'un taux plus faible ou plus élevé que celui normalement applicable.
- Également sur demande du contribuable, un taux « individualisé », différent de celui appliqué à son conjoint, pourra être appliqué à sa propre rémunération.
- Toujours sur demande du contribuable, un taux « neutre » (également dénommée « par défaut »), et ne tenant donc compte ni de sa situation familiale ni de ses autres revenus, pourra être appliqué à sa rémunération.
3) Une réforme qui entraînera une quadruple pénalisation pour l'entreprise
- Déjà chargée de prélever les cotisations sociales pour le compte des organismes sociaux, l'entreprise se verra, en plus, chargée d'assurer la collecte de l'impôt sur le revenu dû par ses salariés. D'où, pour elle, des coûts supplémentaires pour lesquels aucune forme de compensation financière n'est prévue à ce stade. Ces coûts administratifs seront d'autant plus importants que, contrairement à ce qui se passe pour les cotisations sociales, le taux du prélèvement sera différent pour chaque salarié et, de plus, susceptible d'évoluer au cours de l'année.
- Le prélèvement à la source transformera de facto l'entreprise en interlocuteur fiscal de ses salariés.
- En entraînant une baisse du salaire net perçu, le prélèvement à la source risquera de susciter des revendications salariales.
- Le nouveau système risquera en outre d'être source de tensions liées à la perception d'un salaire net différent par des personnes bénéficiant de rémunérations de même niveau.
Sur un plan plus général, il paraît injustifiable que, via la communication du taux moyen d'imposition de ses salariés par la DGFiP, un employeur, a fortiori dans les petites entreprises, puisse avoir connaissance de leur situation familiale et patrimoniale respective.
4) Une réforme critiquée par les agents de l'administration fiscale
Le Syndicat des impôts considère que la réforme fait peser le risque que les montants prélevés à la source de soient pas intégralement reversés par les employeurs. Aux cas de fraude spécialement visés par le syndicat, il conviendrait d'ajouter les cas de faillite mettant l'entreprise dans l'incapacité de procéder à un reversement au Trésor.
Par ailleurs, le prélèvement à la source ne permettra pas, selon lui, de réduire significativement les effectifs de l'administration fiscale. En effet, « la gestion du prélèvement à la source générera des sollicitations des contribuables qui voudront « valider » l'impact de leurs changements de situation (personnelle, professionnelle, fiscale...) auprès de la DGFIP ».
Enfin, pour les Syndicat des impôts, la réforme sera « source de complexité tant pour les contribuables et les employeurs que pour les agents des impôts ».
5) Une réforme dont la faisabilité est contestée par les experts
Peut-on balayer d'un revers de la main les objections d'un ancien directeur adjoint à la Direction générale des impôts et à la Direction de la législation fiscale pour qui « le basculement annoncé par Bercy au 1 er janvier 2018 est voué à l'échec » (Marc Wolf, « Prélèvement à la source de l'IR 2018 : l'art de transformer l'or en plomb... », in Bulletin fiscal Francis Lefebvre juillet 2016) ? Le rapport Lefebvre-Auvigne sur la fiscalité des ménages (2014) considérait de son côté que la mise en oeuvre du prélèvement à la source « supposerait un délai incompressible d'au moins deux à trois ans compte tenu des coûts de transition d'un système à l'autre et des enjeux d'acceptabilité et de simplicité dont il faudrait tenir compte ».
6) Une réforme dangereuse pour l'équilibre des finances publiques
Alors que le taux de recouvrement de l'impôt sur le revenu avoisine actuellement les 99 %, est-il vraiment raisonnable, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, de mettre en oeuvre une réforme de grande ampleur dont on ne peut évaluer avec une parfaite exactitude les conséquences pour les finances publiques ?
7) Une réforme qui risque de se révéler contre-productive à différents égards
Après déduction de ses cotisations salariales, un salarié ne touche actuellement qu'environ 75 % de son salaire brut. Aller au-delà et ajouter l'IR aux cotisations déjà prélevées à la source n'est-ce pas courir le risque de faire naître une sensation de « dépossession » chez le salarié, de pénaliser la consommation, voire de susciter un mouvement de révolte contre l'impôt ?
13. Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI)
• Contribution du Président de l'Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), Jean Perrin
Ce projet appelle de notre part les observations suivantes.
Tout d'abord, et de façon générale, nous pensons que le projet de prélèvement à la source aurait dû être la conséquence d'une simplification de l'impôt sur le revenu, ce qui n'a malheureusement pas été le cas.
La réforme est donc extrêmement complexe, à l'heure où tout le monde parle et souhaite plus de simplification.
Ensuite, nous pensons aux entreprises qui devront gérer cette complexité et se faire le collecteur de l'impôt, sans aucune valeur ajoutée pour elles, et au risque d'une dégradation des relations en leur sein.
Il y a aussi le problème de la confidentialité des données fiscales et du respect de la vie privée ; par rapport au projet initial, cette question est en partie réglée par la possibilité pour les couples de demander un taux individualisé en fonction du niveau des revenus de chacun de ses membres, ou pour le salarié de demander que son taux de prélèvement calculé par l'administration ne soit pas communiqué à son employeur, mais ces possibilités seront sévèrement encadrées (sanctions en cas « d'utilisation non appropriée » du taux de prélèvement), et sans que l'on sache exactement comment elles pourront jouer en pratique.
Concernant plus spécifiquement l'année de transition, en 2018, nous avons bien noté la création d'un crédit d'impôt de modernisation du recouvrement visant à éviter le paiement d'une double imposition, et le fait que le bénéfice des réductions et crédits d'impôt acquis au titre de l'année 2017 sera maintenu.
Compte tenu du fait que les revenus fonciers sont inclus dans la réforme, nous vous signalons qu'un problème inquiétant n'est pas réglé : il s'agit du sort des travaux exécutés et payés en 2017 dans les immeubles loués.
Alors que les revenus fonciers sont déjà les plus taxés, puisque tous les frais réels ne sont pas déduits (20 € de frais de gestion administrative par an et par logement, absence de prise en compte de l'amortissement des biens loués par exemple), il ne nous paraît pas possible de refuser la prise en compte complète des travaux qui aboutissent souvent à constater un déficit foncier.
En effet les gros travaux d'économie d'énergie (changement de fenêtre ou de chaudière, etc...) ou de ravalement d'immeuble ont pour effet de conduire à un déficit foncier dont seulement 10 700 € sont déductibles des autres revenus de l'année considérée, le solde étant reportable sur les seuls revenus positifs des dix années suivantes.
Le mécanisme proposé par le CIMR consistant à considérer qu'un résultat déficitaire doit être retenu pour une valeur nulle constitue une véritable discrimination des titulaires de revenus fonciers ; il est également discriminant de proposer que les dépenses de réparation, d'entretien et d'amélioration des propriétés urbaine et rurales- pourtant déductibles en application de l'article 31-I du code général des impôts- ne deviendraient déductibles des revenus fonciers de l'année 2018 que dans la limite de 50 % des montants supportés au titre de ces mêmes dépenses supportées en 2017 et en 2018. De fait l'absence de travaux payés et déduits en 2017 réduirait à due proportion le montant admis en déduction à raison de ceux payés en 2018.
En outre il nous semble évident que la neutralisation de l'année 2017 implique d'ajouter une année dans le mécanisme de report et de suivi des déficits fonciers, ne serait que pour assurer le respect légal des dix ans pour les contribuables ayant un reliquat de déficit foncier restant à reporter fin 2016.
De même, les bailleurs qui ont conventionné sans travaux avec l'ANAH afin d'offrir des logements à loyer intermédiaire ou social sont engagés pour une durée ferme de six ans, qui ne saurait se réduire à CINQ ans, à cause de la neutralisation de l'année 2017.
Compte tenu de l'incertitude sur ces points, il ne faudrait pas que les bailleurs soient incités à ne pas faire de travaux en 2017, au risque d'une rupture de charge pour les entreprises de second oeuvre, et d'une dégradation des immeubles bâtis.
L'exposé des motifs du projet de loi de finances mentionne cette difficulté :
« Concernant les revenus fonciers, le crédit d'impôt de modernisation de recouvrement s'accompagnera d'un dispositif visant à ne pas désinciter les ménages à réaliser en 2017 des travaux sur des immeubles loués » (page 132).
Nous souhaitons vivement que des garanties nous soient données sur cette question centrale de la déduction des travaux, de la prise en compte des déficits fonciers et de leur suivi dans le temps ainsi que pour tous les engagements antérieurs de durée qui doivent être respectés par l'État.
La meilleure solution restant pour nous le report de la réforme... Tant qu'une réforme préalable de l'impôt sur le revenu n'est pas mise en oeuvre pour en faciliter la réussite.
14. Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables
L'article 38 du projet de loi de finances pour 2017 relatif au prélèvement à la source contient plus de 340 alinéas sur 20 pages. Il s'agit d'une réforme d'une grande ampleur qui ne peut se mettre en oeuvre sans une certaine complexité. Si cette complexité ne peut être évitée, cette réforme doit demeurer neutre pour les contribuables et ne pas générer de situations qui leur seraient défavorables.
Les experts-comptables accompagneront les entreprises dans la mise en place du prélèvement à la source dans la mesure où ils gèrent déjà les bulletins de salaire et participent à la mise en place de la DSN.
Pour faciliter cet accompagnement et rendre la réforme accessible aux contribuables, d'autant qu'elle concernera également les prélèvements sociaux, nous proposons que les dispositions suivantes fassent l'objet d'aménagements :
- application du taux par défaut notamment pour les primo-déclarants et pour les contribuables souhaitant préserver la confidentialité ;
- non-prise en compte des réductions et crédits d'impôt pour le calcul du taux de prélèvement ;
- traitement de la période transitoire en 2017 ;
- assouplissement de certains mécanismes.
Par ailleurs, certaines précisions ou compléments devraient être apportés par le législateur.
Enfin, afin d'assurer la neutralité de la réforme, il pourrait être envisagé la mise en place d'une mesure générale de plafonnement.
1) Application du taux par défaut (ou taux proportionnel)
A. Constat
Applicable dans certaines situations et parfois sur option, le taux de prélèvement par défaut prévoit des grilles de taux calculées à partir du barème progressif de l'impôt sur le revenu pour une part, mensualisé par tranche de revenus. Ces grilles prévoient l'application d'un taux proportionnel unique à l'ensemble du revenu mensuel en fonction de la tranche dans laquelle celui-ci se trouve compris.
Les salariés souhaitant par souci de confidentialité, que le taux de droit commun du prélèvement ne soit pas communiqué à leur employeur peuvent opter pour l'application du taux proportionnel. Ce taux est également obligatoirement appliqué aux primo-déclarants.
L'application du taux proportionnel est génératrice d'effets de seuils pouvant conduire à une surimposition pour des salaires supérieurs de quelques euros. À titre d'exemple, une personne percevant un salaire mensuel :
- de 2 600 € se verrait appliquer selon la grille applicable en métropole, un prélèvement de 2 600 x 12 X 9 % = 2 808 € ;
- de 2 605 € se verrait appliquer selon la grille applicable en métropole, un prélèvement de 2 605 x 12 x 12,5 % = 3 907,5 €.
Par ailleurs, l'application du taux proportionnel est systématiquement plus élevé que l'application du barème, et donc défavorable au contribuable. À titre d'exemple, un salarié célibataire sans enfant (1 part) percevant un revenu de 60 000 € devra s'acquitter :
- s'il opte pour le taux proportionnel, d'un prélèvement à la source de 5 000 x 12 x 21,5 % = 12 900 € ;
- à défaut d'option et, après application de la déduction forfaitaire de 10 %, son prélèvement s'élèverait à 60 000 x 90 % x 0,30 -5 650,28 = 10 550 € (montant arrondi).
Ainsi, l'application du taux proportionnel génère une avance de trésorerie à la charge du contribuable qu'il conviendrait de neutraliser.
Le taux proportionnel étant le même selon que l'on est célibataire, marié ou avec des enfants, les écarts en défaveur des contribuables existent dans toutes les situations. Par ailleurs, le taux proportionnel s'applique automatiquement aux jeunes contribuables nouveaux entrants sur le marché du travail ou rattachés au foyer fiscal de leurs parents, ce qui s'avère particulièrement pénalisant pour eux. De même, les étudiants rattachés à leurs parents travaillant pendant les mois d'été se verront prélevés à la source.
B. Propositions
1. Afin de limiter les effets de seuil, un mécanisme de lissage devrait être mis en place.
2. Dans un souci de neutralité de la réforme sur la trésorerie des contribuables, le barème du taux proportionnel devrait être plus proche du barème de l'IR pour éviter tout surcroit de prélèvement. D'autant qu'il n'existe pas de possibilité d'optimisation en cas d'option pour le taux proportionnel. En effet, si le taux proportionnel s'avérait inférieur au taux de droit commun du prélèvement calculé par l'administration, le projet de loi prévoit le versement d'un acompte complémentaire par le contribuable.
2) Non-prise en compte des réductions et crédits d'impôt pour le calcul du taux de prélèvement
A. Constats
De manière générale, le taux de droit commun du foyer ainsi que le montant de l'acompte de l'année N seront calculés par l'administration fiscale sur la base des données fiscales du foyer de l'année N-2 et rafraichies en septembre de l'année N par les données fiscales du foyer de l'année N-1.
Toutefois, le taux de prélèvement calculé par l'administration ne prend pas en compte les réductions et crédits d'impôt (hors ceux prévus par les conventions internationales et ceux bénéficiant aux foyers dont le revenu n'excède pas 25 000 € par part de quotient).
Les contribuables qui bénéficient de manière récurrente de réductions ou de crédits d'impôt, seront conduits à supporter un taux de prélèvement supérieur à leur taux moyen d'imposition. Ceux-ci se verraient donc prélever, à compter du 1 er janvier 2018, un impôt supérieur à celui qu'ils acquittent dans les conditions actuelles ; le supplément acquitté étant restitué lors de la liquidation du solde intervenant en septembre de l'année suivante.
B. Proposition
Il est proposé que les réductions et crédits d'impôt récurrents soient pris en compte pour le calcul du taux de prélèvement de droit commun afin d'éviter de pénaliser la trésorerie des contribuables concernés. À titre d'exemple, la prise en compte de ces réductions et crédits d'impôts pour le calcul du taux de droit commun du prélèvement pourrait s'effectuer en retenant le montant moyen de ces avantages fiscaux accordés au cours des trois dernières années.
3) Traitement de la période transitoire de 2017
A. Revenus des indépendants
a. Constat
Les revenus non exceptionnels des indépendants seraient déterminés d'après le montant de leurs revenus de 2017 retenu pour l'assiette du prélèvement et retenu dans la limite du plus faible des deux montants suivants : celui de leurs revenus pour 2017 déterminé dans les mêmes conditions mais avant abattement pour les entreprises nouvelles et le plus élevé de leurs revenus 2014, 2015 et 2016 déterminé dans les mêmes conditions.
Le crédit d'impôt, calculé sur les revenus non exceptionnels, pourrait être remis en cause si le revenu imposable du contribuable pour 2018 s'avérait inférieur à celui de 2017, sauf s'il peut être établi que cette différence est due à une variation de son activité.
b. Proposition
Cette possibilité de remise en cause du crédit d'impôt est génératrice d'insécurité juridique en raison notamment des décalages qui peuvent exister entre l'activité, la facturation et les encaissements.
À titre de simplification, il conviendrait d'instituer un seuil (par exemple de 5 % ou 10 %) en dessous duquel la variation de revenus entre 2017 et 2018 n'entrainerait pas de remise en cause du crédit d'impôt.
B. Revenus fonciers
a. Constat
Le projet de loi de finances 2017 prévoit :
- des dérogations aux principes selon lequel les revenus fonciers imposables sont déterminés en fonction des charges déductibles effectivement payées au titre de l'année concernée ;
- que les dépenses de réparation et d'amélioration des propriétés ne seraient déductibles des revenus fonciers de l'année 2018 que dans la limite de 50 % des montants supportés au titre de ces mêmes dépenses en 2017 et 2018.
Il en résulte que l'absence de travaux payés et déduits en 2017 réduirait à due proportion le montant admis en déduction à raison de ceux payés en 2018. De plus, les contribuables qui n'ont pas effectué de travaux en 2017 ne seront pas incités à les réaliser en 2018 en raison de cette déduction limitée et préfèreront les reporter sur 2019.
b. Proposition
Afin d'éviter le report de certaines dépenses sur 2019, il convient de modifier ces dispositions qui sont génératrices de situations défavorables pour certains contribuables. La déduction de ces dépenses devrait être autorisée dès lors que le contribuable a supporté de telles dépenses en 2014, 2015 ou 2016 et à hauteur du montant le plus élevé supporté au cours de ces mêmes années.
De même, une dérogation pourrait être accordée pour les contribuables réalisant de nouveaux investissements immobiliers en 2017 ou 2018 et nécessitant de telles dépenses. De la même manière, une dérogation devrait être envisagée lorsque les circonstances permettent de démontrer que l'engagement des dépenses s'impose aux contribuables en raison notamment :
- d'une délibération antérieure de la copropriété ;
- d'une mise en conformité suite à un changement de règlementation ou une injonction de la mairie ;
- du caractère urgent des dépenses (sinistre par exemple) ;
- d'un changement de locataire...
C. Traitements et salaires
a. Constat
Parmi les revenus exceptionnels, figurent les revenus suivants :
- les gratifications surérogatoires (NB : c'est-à-dire versées sans nécessité, à titre superflu), quelle que soit la dénomination retenue par l'employeur ;
- tout autre revenu qui, par sa nature, n'est pas susceptible d'être recueilli annuellement.
La généralité des termes employés est facteur d'insécurité juridique pour les contribuables et les entreprises concernées. En effet, toutes les gratifications exceptionnelles ou bonus versés en plus des rémunérations prévues par le contrat de travail ou les accords professionnels sont assimilés à des revenus exceptionnels. Ces gratifications, même si elles sont versées chaque année par l'entreprise, seront assimilées à des revenus exceptionnels et resteront imposables au titre de 2017, ce qui entraînera un surcoût pour les contribuables.
b. Proposition
La notion de revenu exceptionnel devrait être nuancée au regard de la récurrence des primes exceptionnelles versées chaque année aux salariés en fonction des objectifs qui leur sont fixés (en dehors du cadre contractuel et/ou conventionnel).
Ainsi, il est proposé que ces primes ou bonus ne constituent pas des revenus exceptionnels à hauteur du montant de prime le plus élevé, perçu par le salarié au cours des années 2014, 2015 ou 2016.
4) Assouplissements de certains mécanismes
A. Mécanisme de modulation du prélèvement
a. Constat
Le contribuable pourrait demander par voie électronique la modification de son taux à la hausse ou à la baisse. L'effet de la demande de modification du taux (option pour le taux par défaut, augmentation ou baisse...) serait, sauf cas particuliers, pris en compte au plus tard le 3 e mois qui suit la demande.
Le délai de trois mois octroyé à l'administration pour répondre à la demande de modulation effectuée par le contribuable est trop long compte tenu de la nécessité de transmettre l'information à l'employeur.
b. Proposition
Il est proposé de raccourcir ce délai de traitement à 45 jours afin d'assurer la contemporanéité des versements correspondant au prélèvement à la source.
B. Modification du taux de prélèvement en cas de changement de situation du foyer fiscal
a. Constat
Certains changements dans la situation du foyer fiscal (déclarés par le contribuable dans un délai de 60 jours) provoqueraient une révision du taux de droit commun.
Ces changements entrainant une modification du taux du prélèvement s'entendraient du mariage ou de la conclusion d'un Pacs, du divorce ou de la rupture du Pacs ainsi que des décès. Il n'est prévu aucune révision du taux de droit commun en cas de naissance.
Or, à revenus constants, une naissance conduit par l'effet du quotient familial à une baisse de l'impôt dû sur l'ensemble de l'année. Le contribuable concerné se verrait dans l'obligation de demander une modulation sous sa responsabilité, les modulations excessives du prélèvement à la baisse pouvant donner lieu à des majorations.
b. Proposition
Dans un souci de simplification, il conviendrait de rajouter la naissance aux cas de changements de situation du foyer fiscal.
C. Sanctions à l'encontre du tiers collecteur
a. Constat
Des sanctions sont prévues en cas :
- d'insuffisance de retenue à la source ou défaut de déclaration ;
- de défaut de reversement de la retenue à la source.
Ainsi, le projet d'article 1759-0 A (alinéas 230 à 235) prévoit que les infractions à l'obligation d'effectuer la retenue à la source et aux obligations déclaratives entraîneraient l'application d'une amende qui, sans pouvoir être inférieure à 500 € par déclaration, s'élèverait à :
- 5 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, en cas d'omissions ou d'inexactitudes ;
- 10 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, en cas de non-dépôt de la déclaration dans les délais prescrits ;
- 40 % des retenues qui auraient dû être effectuées ou déclarées, en cas de non-dépôt de la déclaration dans les 30 jours suivant une mise en demeure ou en cas d'inexactitudes ou d'omissions délibérées ;
- 80 % des retenues qui ont été effectuées mais délibérément non déclarées et non versées au comptable public.
Par ailleurs, il est prévu que le collecteur qui n'a ni déclaré ni versé au comptable public les retenues qu'il a effectuées encourrait une amende pénale de 9 000 € et une peine d'emprisonnement de 5 ans si le retard excède un mois (CGI, art. 1771).
b. Proposition
Une mesure de tolérance pour la première année d'application de la retenue à la source serait la bienvenue.
5) Précisions ou compléments devant être apportés
A. Rémunération des gérants et associés (CGI, art. 62)
a. Constat
Sauf exclusions, feraient l'objet d'un prélèvement à la source les revenus imposables à l'impôt sur le revenu (IR) suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions, ou aux rentes viagères, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), des bénéfices agricoles (BA), des bénéfices non professionnels (BNC) et des revenus fonciers, l'année au cours de laquelle le contribuable en a la disposition ou l'année de leur réalisation.
b. Remarques
Les rémunérations des gérants et associés (CGI, art. 62) ne sont pas évoquées de façon explicite dans le texte de l'article 38 du projet de loi de finances pour 2017.
B. Allongement du délai de reprise
a. Constat
Le texte prévoit un allongement du délai de reprise de l'administration de trois à quatre ans au titre des revenus de l'année 2017. Cet allongement laisse supposer une présomption de fraude de la part des contribuables.
b. Proposition
Cet allongement du délai de reprise devrait être supprimé. En effet, il ne paraît pas justifié dès lors qu'une mesure générale « anti-optimisation » est prévue par le projet de loi de finances permettant à l'administration fiscale la remise en cause du crédit d'impôt en l'absence de justifications apportées par le contribuable.
6) Mesure générale de plafonnement
Afin que la réforme soit neutre pour le contribuable, il est nécessaire que celui-ci ne supporte pas en 2018 une charge d'impôt supérieure à celle qu'il aurait supportée en l'absence de réforme.
Compte tenu des mesures anti-abus proposées consistant à imposer certains revenus exceptionnels perçus en 2017 (même s'ils sont récurrents, Cf. primes § 3. C) et à limiter la déduction de certaines charges (charges foncières, Cf. § 3. B), certains contribuables devront acquitter en 2018 une imposition supérieure à celle résultant de l'application des règles de droit commun.
Il conviendrait d'envisager une mesure de plafonnement générale de l'imposition acquittée en 2018 afin que le contribuable voie cette imposition limitée au plus élevé des deux montants suivants :
- imposition selon les règles de droit commun des revenus de 2017 ;
- imposition selon les règles de droit commun des revenus de 2018.
15. Commission nationale informatique & libertés (CNIL)
• Contribution de la présidente de la Commission nationale informatique & libertés (CNIL), Isabelle Falque-Pierrotin
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre sollicitation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Le projet de loi de finances pour 2017, qui vise notamment à inscrire cette réforme dans le droit national, n'a pas fait l'objet d'une délibération adoptée par la séance plénière de la Commission, qui n'a pas été saisie par le Gouvernement de l'avant-projet de loi concerné. Néanmoins, je tiens à vous indiquer que la CNIL a pu faire valoir certaines observations auprès de l'administration fiscale, à la demande de cette dernière, sur le projet de réforme du prélèvement de l'impôt.
Cette réforme soulève en effet des enjeux importants en matière de droit à la protection des données personnelles pour les contribuables, et en particulier pour les employés du secteur privé comme du secteur public. L'enjeu principal concerne, comme vous l'indiquez dans votre courrier, la communication, par l'administration fiscale aux employeurs, du taux de prélèvement à appliquer aux revenus versés par ces derniers. Ce taux de prélèvement constitue en effet une donnée à caractère personnel au sens de l'article 2 de la loi « Informatique et Libertés » et son traitement, par l'administration fiscale comme par le tiers collecteur de l'impôt sur le revenu, est bien soumis aux dispositions de ladite loi.
Cette donnée nécessite en outre une protection particulière, du fait de sa nature et de son usage au cas d'espèce. En effet, il s'agit d'une information protégée par le secret fiscal, tel que défini à l'article L. 103 du Livre des Procédures Fiscales (LPF), qui concerne des éléments relatifs à la vie privée des contribuables (éléments patrimoniaux et, plus généralement, revenus tirés d'autres sources que du seul emploi), ainsi qu'à la vie privée des personnes comprises dans le même foyer fiscal (revenus du conjoint, par exemple). En outre, la réforme projetée fait obligation à l'employeur de prendre connaissance de telles informations et la possibilité lui est ainsi donnée de les utiliser à d'autres fins que le prélèvement à la source, alors même qu'il dispose par définition d'un pouvoir hiérarchique sur ses employés, qu'il pourrait exercer, de manière légitime ou non, en prenant en compte ces informations (par exemple, pour décider de l'attribution de primes d'activité).
Ce mécanisme peut dès lors comporter des risques substantiels : la communication de ce taux aux employeurs est susceptible de porter atteinte à la protection de la vie privée des employés, protégée par l'article 9 du code civil, l'article L. 1121-1 du code du travail et les dispositions de la loi « Informatique et Libertés », quel que soit par ailleurs le risque de mésusage de ces informations.
Si une telle atteinte peut être justifiée par l'intérêt légitime poursuivi par cette réforme fiscale, il convient donc de prévoir des garanties légales de nature à assurer un juste équilibre entre ledit intérêt et la protection de la vie privée des personnes concernées et à limiter cette atteinte au strict nécessaire.
À cet égard, le dispositif initialement envisagé par l'administration fiscale comportait deux possibilités, soumises à une demande expresse des contribuables : l'individualisation du taux au sein des foyers fiscaux et la modulation de ce taux, ces deux options restant inconnues des employeurs.
Néanmoins, la Commission a appelé l'attention de l'administration sur la nécessité d'encadrer le dispositif de plusieurs garanties supplémentaires.
Conformément à ces observations, le projet de loi déposé à l'Assemblée Nationale le 28 septembre 2016 prévoit, à l'article L. 288 A (nouveau) du LPF, les finalités exclusives de la transmission de ce taux aux tiers collecteurs (la mise en oeuvre du prélèvement à la source). Il prévoit également que l'obligation de secret professionnel prévue à l'article L. 103 du même code s'étend au taux de prélèvement communiqué à ces derniers. Des sanctions pénales sont prévues, au code général des impôts, en cas de violation de ce secret professionnel, et notamment en cas d'utilisation de ce taux à d'autres fins que celles prévues à l'article L. 288 A du LPF. Enfin, ce même article prévoit expressément, conformément aux demandes de la Commission, un nouveau cas d'utilisation du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques (dit NIR) par l'administration fiscale dans le cadre de cette réforme.
En outre, à la suite de l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi, ce dernier permet, sur demande du contribuable, d'opter pour un taux « par défaut », sous condition de versement d'un complément de retenue à la source. Dans ce cas, l'employeur ne connaîtrait pas le taux de prélèvement exact calculé par l'administration fiscale, protégeant ainsi la confidentialité des informations susceptibles d'être révélées par ce taux.
Ces nouvelles dispositions constituent des garanties importantes pour assurer la protection de la vie privée des personnes concernées, et en particulier des salariés.
Il semble que ces garanties pourraient néanmoins être complétées afin d'améliorer le niveau de protection assuré au traitement de cette nouvelle donnée par les tiers collecteurs, et singulièrement par les employeurs publics et privés. S'il n'appartient pas à la Commission de juger si de telles garanties doivent être prévues dans la loi ou dans ses dispositions réglementaires d'application, il apparaît que les points suivants pourraient utilement faire l'objet de précisions.
En premier lieu, au-delà de la sanction générale de méconnaissance du secret fiscal, des sanctions spécifiques pourraient être prévues pour les cas de mésusage du taux de prélèvement les plus facilement identifiables dans le cadre de la relation entre employeurs et employés. L'utilisation de ce taux par les employeurs dans le cadre de leurs décisions en matière de rémunération, de promotion, de gratification, de renouvellement de contrat, etc. pourrait ainsi faire l'objet de dispositions spécifiques.
En deuxième lieu, la nature exacte des destinataires des données transmises par l'administration fiscale, au sein des entreprises et de l'ensemble des tiers collecteurs, pourrait être expressément définie, en conformité avec cette seule finalité de prélèvement à la source. Hormis dans le cas des organismes de petite taille, une telle précision permettrait en effet de s'assurer que seuls les services chargés de la paie, et non les responsables des débiteurs du prélèvement, puissent accéder à ce taux de prélèvement.
En troisième lieu, des mesures fortes de sécurité devraient encadrer les nombreuses transmissions d'informations entre tiers collecteurs et administration fiscale induites par le prélèvement à la source, afin d'assurer la confidentialité des données ainsi échangées.
Enfin, s'agissant de la conservation des informations ainsi transmises, la limitation de leur durée de conservation par les employeurs permettrait de prévenir le risque de constitution par ces derniers d'un historique de l'évolution des taux d'imposition de leurs salariés. De même, des modalités spécifiques de conservation des taux et des prélèvements pourraient être prévues, afin d'éviter que ces informations d'ordre fiscal figurent sur des documents circulant largement dans la vie quotidienne ou faisant l'objet de sollicitations fréquentes de la part de tiers (comme les bulletins de paie, par exemple).
Telles sont les principales observations de notre Commission concernant le projet de prélèvement à la source que je souhaitais porter à votre connaissance.
Si elles ne nécessitent pas toutes l'intervention du Législateur, il me semble en effet utile que la Commission des Finances du Sénat soit informée en détail des risques et garanties identifiés par la CNIL en matière de protection de la vie privée soulevés par cette réforme. En tout état de cause, notre Commission se montrera particulièrement attentive à ces différents points dans le cadre des dispositions réglementaires d'application qui lui seront soumises pour avis concernant le traitement et la transmission des données personnelles nécessaires à la mise en oeuvre du prélèvement à la source.
16. Confédération française des retraités (CFR)
• Contribution du président de la Confédération française des retraités (CFR), Pierre Erbs
Vous avez bien voulu solliciter l'avis de la CFR sur le projet de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu inclus dans le projet de loi de finances pour 2017.
Sans rentrer dans le détail de mesures très techniques, je souligne que les retraités sont concernés principalement par trois événements entraînant la nécessité d'une modification à la baisse du taux de prélèvement sur leur revenu : l'arrivée à l'âge de la retraite, le décès du conjoint et le divorce.
Sauf erreur ou incompréhension de notre part, la situation des personnes faisant liquider leur retraite ne paraît pas être traitée très clairement. Il semble que les Caisses de retraite pourraient ne pas être en mesure de disposer rapidement d'un taux de prélèvement correctement calculé sur les revenus du retraité, notamment lorsque celui- ci perçoit des pensions de plusieurs organismes. Il y aurait là un risque de régularisation tardive préjudiciable au nouveau retraité.
En ce qui concerne les modalités prévues pour la modulation du taux de prélèvement en cas de décès et de divorce, celles-ci sont particulièrement complexes et difficiles à comprendre. Elles nécessiteraient que figure dans l'exposé des motifs un exemple chiffré. Nous insistons sur le fait que ces situations difficiles pour les personnes concernées doivent être traitées avec un maximum de compréhension.
En ce qui concerne les points positifs, nous notons, avec satisfaction, que le texte prévoit un taux de prélèvement nul pour les contribuables dont l'impôt sur le revenu des deux dernières années d'imposition était nul. Nous sommes également très favorables au maintien, ainsi que le prévoit le texte, du crédit d'impôt acquis au titre de l'année de transition pour des motifs d'intérêt général de soutien aux différents secteurs sociaux et économiques.
Plus généralement il serait indispensable d'avoir une étude d'impact de l'ensemble du projet.
17. France Générosités
• Contribution de la présidente de France Générosités, Françoise Sampermans
Prélèvement à la source et conséquences pour les organismes faisant appel à la générosité publique
Nous vous remercions de nous avoir consultés sur le projet de mise en oeuvre du prélèvement à la source, dans le cadre du PLF 2017, qui nous mobilise depuis juin 2015, date de son annonce par le Gouvernement.
Notre syndicat professionnel, représentatif des associations et des fondations faisant appel public à la générosité, regroupe aujourd'hui 91 membres, qui cumulaient en 2014 un budget annuel de fonctionnement de 5,9 milliards d'euros, dont 2 milliards étaient issus des ressources privées. Près de la moitié de nos adhérents dépend à plus de 80 % de la générosité du public.
Aussi, dès l'annonce de la mise en place du prélèvement à la source, nous nous sommes inquiétés des risques pour nos membres, particulièrement lors de l'année dite de transition.
Nous avons à cet effet rencontré le gouvernement, à qui nous avons pu exposer nos craintes et surtout les risques d'une année 2017 blanche, pouvant conduire à une perte de près de 40 % des ressources annuelles de nos membres.
Le Gouvernement a souhaité nous rassurer sur ce point, et nous a garanti la prise en compte effective des réductions d'impôts attachées aux dons effectués en 2017. La concrétisation de cet engagement est évidemment très importante pour nous, de même que les modalités de mise en oeuvre du prélèvement à la source à partir de l'année 2018.
I. Le mécanisme mis en place par le PLF 2017 offre certaines garanties, qui doivent impérativement rester dans le texte
La mise en place d'un Crédit d'impôt « Modernisation du recouvrement », prévu par le texte à l'article 38, conformément aux assurances du Gouvernement, devrait permettre de préserver le financement de la générosité par les dons en 2017, lors de l'année de transition. Le donateur, dans la rédaction actuelle du texte, pourra donc se prévaloir de sa réduction d'impôt, bien qu'il ne soit pas à priori imposable sur ses revenus 2017.
Il est essentiel pour le financement des associations et des fondations que la mise en place de ce Crédit d'impôt soit bien intégrée au texte de loi final.
Les services de Bercy nous ont proposé leur aide afin que France Générosités et ses membres communiquent de manière très claire envers les donateurs, dès le 1 er janvier 2017, afin de leur préciser qu'ils pourront se prévaloir de cette réduction d'impôt.
Il est très important pour France Générosités et ses membres que le Gouvernement respecte et confirme officiellement cet engagement, par exemple lors des auditions prévues dans le cadre de l'examen du PLF 2017.
II. Certaines dispositions concernant le prélèvement à la source gagneraient à être précisées
Néanmoins, si la mise en place de ce Crédit d'impôt rassure les organismes faisant appel à la générosité publique, l'année de transition, dans sa présentation actuelle, reste complexe à comprendre.
En effet, la loi prévoit un mécanisme différent, lors de l'année de transition, suivant que les revenus sont dits exceptionnels ou non exceptionnels : en cas de revenus exceptionnels perçus en 2017, le contribuable serait alors redevable en 2018 des impôts dus, d'une part sur les revenus exceptionnels de 2017 et d'autre part, sur les revenus de 2018. En 2018, le contribuable pourrait donc être davantage imposé.
Parmi les types de revenus exceptionnels mentionnés, le texte ne nous semble pas clair concernant les gratifications surérogatoires et les autres revenus qui, par leur nature, ne sont pas susceptibles d'être recueillis annuellement.
Il nous semble à ce titre important de bien préciser la nature des revenus dits exceptionnels. Toute incertitude fiscale des donateurs aurait en effet des conséquences très négatives sur les niveaux de dons pour les associations et fondations.
III. Sur le prélèvement à la source à partir de 2018.
Le prélèvement à la source pourrait également avoir des conséquences à partir de l'année 2018. Il ressort du projet de texte que l'assiette de la retenue à la source sera « constituée par le montant net imposable à l'impôt sur le revenu des sommes versées et des avantages accordés ». La prise en compte des réductions d'impôt serait donc modifiée, et ces réductions d'impôts ne seraient ainsi plus prises en compte dans le prélèvement mensuel. Le contribuable devrait donc effectuer une avance d'impôt qui sera régularisée en septembre de chaque année, après examen de sa déclaration annuelle récapitulative d'avril.
Cette évolution risque de modifier d'une part les habitudes de nos donateurs mais d'autre part diminuer leur revenu disponible et avoir une incidence sur leur intention de donner.
Par ailleurs, si le secteur des entreprises s'inquiète du coût de la mise en place du prélèvement à la source, le secteur associatif est également très sensibilisé par les contraintes budgétaires que peut entraîner la mise en place de ce système.
L'employeur collectera l'impôt en lieu et place de la Direction Générale des Finances Publiques, avec les risques et les sanctions applicables en cas d'erreur (retard de paiement du tiers collecteurs, violation du secret professionnel, insuffisance de retenue à la source (points 224 à 239...), sans que des contreparties financières ou d'aides particulières puissent être proposées aux employeurs collecteurs.
18. Fondation de France
• Contribution du président de la Fondation de France, Philippe Lagayette
Vous avez bien voulu m'adresser le projet de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu inclus dans le projet de loi de finances pour 2017 présenté par le Gouvernement au Parlement et je vous en remercie.
Je souhaite vous faire part des observations que ce texte appelle de la part de la Fondation de France.
La Fondation de France se réjouit de ce que le Gouvernement ait souhaité maintenir le bénéfice des réductions et crédits d'impôts acquis au titre de l'année 2017, et en particulier la réduction d'impôt liée aux dons.
Il lui semble toutefois que le mécanisme mis en place à cet effet, dénommé Crédit d'impôt « Modernisation de recouvrement » (CIMR) est exposé de manière trop complexe dans le projet de loi, permettant difficilement aux contribuables d'en mesurer l'impact.
Or, dans un contexte de besoins croissants de leurs ressources, il est essentiel d'éviter au maximum tout risque de diminution des sommes versées aux organismes d'intérêt général, qui pourrait résulter d'une mauvaise compréhension de la réforme par les contribuables donateurs.
De ce fait, le paragraphe (323) du projet, qui porte sur les modalités de prise en compte du CIMR, nous semble source de confusion quant à la prise en compte des réductions et crédits d'impôt au titre de l'année 2017. Il serait donc préférable, selon nous, que ce paragraphe soit complété en indiquant que l'imputation du CIMR sur l'impôt sur le revenu dû, respectivement au titre des revenus 2017 ou 2018, doit être faite « après imputation de toutes les réductions et crédits d'impôt et de tous les prélèvements ou retenues non libératoires au titre des revenus 2017 et 2018 ».
Dans ces conditions, il apparaît indispensable à la Fondation de France que le dispositif de communication autour de la réforme du mode de perception de l'impôt sur le revenu puisse clarifier le mécanisme du CIMR, afin que les contribuables soient à même d'en apprécier les conséquences et de comprendre qu'il aboutira pour la plupart d'entre eux, à une restitution par les services fiscaux d'une somme égale à la réduction d'impôt à laquelle leur don ouvrirait droit pour leurs revenus 2017.
Cette clarification pourrait résulter de la fourniture d'exemples chiffrés illustrant différentes situations, ainsi que de l'établissement d'un calendrier précis permettant aux contribuables de connaître la date à laquelle l'excédent constaté au titre du CIMR leur serait restitué et sous quelle forme.
* 171 413 pages.