DEUXIÈME PARTIE - UN OUTIL À MODERNISER POUR PERMETTRE UNE GESTION ET UNE UTILISATION PLUS EFFICACES DES AIDES

Après avoir connu des difficultés au moment de sa transformation en compte d'affectation spéciale en 2012 puis de son déménagement au sein des locaux du ministère de l'environnement en 2014, le FACÉ semble aujourd'hui avoir trouvé un certain « rythme de croisière » .

Si le fonctionnement du FACÉ est globalement satisfaisant, certains éléments pourraient néanmoins être améliorés afin de mieux prendre en compte la réalité des besoins des territoires ruraux en matière d'électrification rurale en amont, de permettre une gestion plus souple et plus efficace des aides en cours d'année, et de fournir une meilleure information des AODE sur l'efficience de l'utilisation des aides en aval.

I. EN AMONT : MIEUX PRENDRE EN COMPTE LE CARATÈRE RURAL DANS LES CRITÈRES DE CLASSEMENT ET AMÉLIORER LA TRANSPARENCE DE LA PROCÉDURE D'ÉVALUATION DES BESOINS

A. REDÉFINIR LES CRITÈRES DE CLASSEMENT DES COMMUNES EN RÉGIME RURAL OU URBAIN AU TITRE DE LA DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ

Le classement des communes en régime urbain ou rural au titre de la distribution d'électricité se fonde sur des critères démographiques définis par le décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 (cf. supra ).

Les seuils de population arrêtés correspondent à la définition de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) s'agissant de la définition des communes rurales.

Cependant l'application de ces critères peut conduire à sortir du classement en régime rural des communes qui soit dépassent le seuil de 2 000 habitants, soit ont moins de 2 000 habitants mais font partie d'une unité urbaine de plus de 5 000 habitants et qui présentent pourtant des caractéristiques rurales en termes d'habitat dispersé et donc de contraintes particulières de distribution d'électricité aux usagers .

C'est le cas par exemple de la commune de Porto-Vecchio, que votre rapporteur spécial a visité à l'occasion de ce contrôle budgétaire. Sur les 11 600 habitants que compte cette commune, 60 % vivent en milieu rural. La commune de Porto-Vecchio regroupe en effet 32 hameaux, sur une superficie de 17 000 hectares, qui présentent un caractère rural au regard de la dispersion de l'habitat. Du point de vue de la réalité géographique, les contraintes de la distribution publique d'électricité de cette commune ne diffèrent pas de celles rencontrées sur le territoire des communes rurales de moins de 5 000 habitants.

L'application des seuls critères de population, trop restrictive, ne permet pas d'appréhender la diversité des situations communales .

Il existe une possibilité, pour les préfets, de déroger aux critères démographiques en accordant le classement en régime rural des communes qui ne satisfont pas à ces critères et dont la population est inférieure à 5 000 habitants, « compte tenu notamment de leur isolement ou du caractère dispersé de leur habitat ». Cette définition, trop floue, laisse en pratique une marge d'appréciation importante aux préfets , qui doivent décider au cas par cas s'ils accordent ou non une dérogation aux communes concernées.

L'instruction du Gouvernement aux préfets du 17 juillet 2014 relative aux modalités de classement des communes en régime urbain ou rural reconnait d'ailleurs que « le décret ne dresse pas une liste exhaustive des motifs permettant de déroger. Il mentionne toutefois les deux raisons essentielles ayant vocation à être évoqués utilement, à savoir l'isolement de la commune et /ou le caractère dispersé de son habitat. Ces deux critères peuvent notamment s'apprécier au regard d'une densité de population faible, de l'absence d'un centre urbain, ou encore d'un grande distance entre chaque foyer de population ».

Cette absence de critères objectifs pouvant justifier le maintien en régime rural se traduit par des différences de traitement entre les départements, en fonction d'une interprétation plus ou moins souple de la possibilité de dérogation offerte.

Ainsi, à l'occasion des élections municipales de 2014 et de l'établissement de nouvelles listes de communes relevant du régime de l'électrification rurale, certaines AODE ont vu l'ensemble de leurs demandes de dérogation acceptées par le préfet alors que, dans d'autres départements, la situation a été plus compliquée.

C'est le cas par exemple du département des Pyrénées-Atlantiques : sur les 547 communes du département, 408 communes remplissaient les deux conditions cumulatives pour bénéficier du régime rural. Sur les 139 communes restantes, 67 communes avaient une population inférieure à 5 000 habitants et pouvaient donc bénéficier de la dérogation. Cette dérogation a finalement été accordée à 51 communes (76 %) dont l'habitat était le plus dispersé et 16 communes ont été « déclassées » du régime rural d'électrification pour rejoindre le régime urbain et ont, de ce fait, perdu leur éligibilité aux aides du FACÉ.

Comme l'a souligné le préfet des Pyrénées-Atlantiques Pierre-André Durand, la difficulté réside dans le fait qu'il n'existe pas de critères précis sur lesquels accorder de telles dérogations . Ces dérogations devraient donc être mieux encadrées pour permettre de limiter les cas d'opposition entre les syndicats et les services de l'État.

Il conviendrait de compléter les critères de seuil de population par l'application d'un critère de densité de population . Il s'agit d'un critère objectif qui n'est donc pas susceptible de porter à discussion. Une commune pourrait ainsi être classée, à titre dérogatoire, en régime rural, si sa densité de population est inférieure à un certain seuil. La FNCCR propose par exemple l'application d'un critère de densité de population de 100 ou 150 habitants par kilomètre carré. Plusieurs syndicats interrogés par votre rapporteur spécial ont émis une telle proposition, comme le syndicat intercommunal d'énergies de Maine-et-Loire (SIEML) ou le département du Loiret.

La prise en compte d'un critère démographique permettrait de traiter de manière identique des communes de tailles différentes mais qui présentent les mêmes caractéristiques rurales et rencontrent donc les mêmes difficultés pour assurer une qualité de la distribution d'électricité à leurs usagers. Il conviendrait en tout état de cause de conduire une étude d'impact sur les conséquences de l'application d'un tel critère (nombre et types de communes qui seraient classées en régime rural).

Un autre critère intéressant qui pourrait venir préciser le régime de la dérogation serait celui de la densité linéique , soit la longueur du réseau de distribution électrique par habitant. La FNCCR propose ainsi que les communes sur le territoire desquelles la longueur du réseau de distribution est supérieure à 25 ou 35 mètres par habitant puissent bénéficier des aides du FACÉ. Toutefois, comme l'ont fait remarquer les services du ministère à votre rapporteur spécial, ce critère, quoi qu'intéressant, pourrait poser des problèmes d'application puisqu'il n'existe pas de données objectives consolidées au niveau national sur le linéaire des réseaux de distribution.

Il est d'autant plus urgent de réfléchir à de nouvelles modalités de classement des communes d'ici les prochaines élections municipales et la définition d'une nouvelle liste, en 2020, qu'une problématique nouvelle est apparue : celle des communes nouvelles résultant de la fusion de communes qui bénéficiaient des aides à l'électrification rurale .

La création de communes nouvelles, encouragée par des dispositifs incitatifs 49 ( * ) , conduira à ce que certains territoires sortent des seuils démographiques et donc du périmètre des aides du FACÉ lors du prochain renouvellement des conseils municipaux, alors même que leur situation n'a pas changé. D'après la FNCCR, à la fin de l'année 2015, environ 930 communes rurales fusionnées (correspondant à une population de 583 219 habitants) étaient susceptibles de sortir du régime rural. La poursuite du processus de fusion de communes dans les années à venir, encouragée notamment par la constitution de grandes intercommunalités, pourrait accroître le nombre de cas de communes risquant d'être déclassées du régime d'électrification rurale .

Or, le regroupement de plusieurs communes rurales au sein d'une même commune de plus de 5 000 habitants ne conduit pas à ce que territoire cesse de présenter des caractéristiques rurales (habitat dispersé, faible densité démographique) justifiant l'intervention du FACÉ. Comme le souligne à juste titre le syndicat ENERGIES VIENNE, « il est important que les territoires ruraux continuent à bénéficier des aides dès lors que leurs caractéristiques de distribution sont rurales » 50 ( * ) .

La loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 relative aux communes nouvelles 51 ( * ) a prévu une mesure transitoire - jusqu'au prochain renouvellement général des conseils municipaux - pour ces communes, qui demeureront éligibles aux aides du FACÉ « pour la partie ou les partie de leur territoire qui y étaient éligibles la veille de leur création ». Le problème demeure toutefois entier, ce qui nécessite d'élaborer de nouvelles modalités de classement des communes, en tenant compte par exemple du critère démographique, d'ici 2020.

Proposition 1 : Évaluer l'opportunité d'inclure un critère de densité démographique dans les modalités de classement des communes en régime urbain ou rural de distribution d'électricité afin de mieux prendre en compte le caractère rural des communes.


* 49 L'article 14 de la loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes prévoit que les communes nouvelles créées au plus tard le 1 er janvier 2016 regroupant moins de 10 000 habitants ou l'ensemble des communes membres d'un ou plusieurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) bénéficient : d'une exonération de la contribution au redressement des finances publiques pendant trois ans ; d'une garantie de non baisse de leur dotation forfaitaire par rapport à celle perçue par les communes préexistantes pendant trois ans ; d'une majoration de 5 % de leur dotation forfaitaire, après garantie, pour celles regroupant entre 1 000 et 10 000 habitants pendant trois ans ; d'une garantie de non baisse des attributions au titre de la dotation nationale de péréquation (DNP), de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et de la dotation de solidarité rurale (DSR) perçues par les communes préexistantes, pendant trois ans. Ce délai a été prolongé jusqu'au 30 juin 2016 par la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, puis jusqu'au 1 er janvier 2017 par la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 50 Réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 51 Article 8 de la loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 tendant à permettre le maintien des communes associées, sous forme de communes déléguées, en cas de création d'une commune nouvelle.

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