PREMIÈRE PARTIE
UN INSTRUMENT INDISPENSABLE AU SERVICE
DE LA
QUALITÉ DE L'ÉLECTRICITÉ
DANS LE MONDE RURAL
I. LA TRANSFORMATION DU FONDS D'AMORTISSEMENT DES CHARGES D'ÉLECTRIFICATION RURALE EN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE
A. LES ORIGINES DU FACÉ : UN FONDS D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE L'ÉLECTRIFICATION DES CAMPAGNES
Au début du XX e siècle, la France fait face à d'importants besoins en termes d'électrification des villes et des campagnes.
Des programmes ambitieux de développement des réseaux électriques sont lancés alors sous maîtrise d'ouvrage des collectivités territoriales. En vertu de la loi du 15 juin 1906, la responsabilité de l'organisation du service public de la distribution d'électricité incombe aux communes ou aux groupements de communes réunis en syndicats intercommunaux d'électrification. Cette distribution est assurée soit en régie directe, soit par concession à des sociétés privées.
En milieu rural, compte tenu du faible niveau de consommation des usagers et des coûts de raccordement et d'approvisionnement, la distribution électrique est peu rentable pour les sociétés électriques de distribution . Les travaux d'électrification y sont donc pris en charge directement par les communes, ainsi que par des coopératives agricoles d'électricité qui se constituent progressivement pour pallier les carences du secteur privé. La loi du 5 août 1920 relative au crédit mutuel et à la coopération agricole consacre l'existence des sociétés d'intérêt collectif agricole (SICA), qui peuvent désormais produire et distribuer de l'électricité à des clients non sociétaires.
Afin de financer leurs travaux de construction de réseaux électriques et la distribution d'électricité, les communes bénéficient d'un appui financier de l'État et des départements, par le biais de subventions, d'avances à taux réduits ou de participations en capital 1 ( * ) .
Les communes et les SICA ont également recours à l'emprunt. Pour les aider à assumer une partie des charges d'intérêts et d'amortissement des emprunts contractés dans le cadre de leurs travaux de construction des réseaux basse tension, la loi du 11 décembre 1936 créé le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ) 2 ( * ) . Ce fonds est alors alimenté par une contribution annuelle perçue sur les distributeurs d'électricité exploitant des réseaux de basse tension, ainsi que par des crédits budgétaires d'un montant équivalent. Cette contribution pesant sur l'ensemble des réseaux de distribution, le FACÉ fait donc participer les zones urbaines à l'effort financier d'électrification rurale.
Ces efforts conduits pour électrifier les campagnes permettent un développement rapide des réseaux et des raccordements électriques : entre 1918 et 1938, le nombre de communes françaises raccordées au réseau électrique passe de 20 % à 97 % 3 ( * ) . La « fée électricité » conquiert progressivement l'ensemble du territoire.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la loi du 8 avril 1946 4 ( * ) nationalise les différentes compagnies privées de production, de transport et de distribution d'électricité pour donner naissance à Électricité de France (EDF). EDF devient le concessionnaire unique et obligé des communes pour le transport et la distribution d'électricité . Cette loi ne remet cependant pas en cause le rôle des collectivités locales en tant qu'autorités concédantes : celles-ci conservent la maîtrise d'ouvrage des réseaux moyenne et basse tension. La loi de 1946 également permet aux communes qui exploitaient elles-mêmes le service de distribution de maintenir leurs régies, et laisse subsister les entreprises locales de distribution créées sous la forme de société d'économie mixte ou de sociétés coopératives 5 ( * ) .
En outre, la loi de 1946 maintient le FACÉ et prévoit le transfert de sa gestion à EDF 6 ( * ) - un compte spécial est ouvert dans les écritures de la société. Le décret n° 47-1997 du 14 octobre 1947 7 ( * ) définit la nouvelle organisation de ce fonds, « placé sous l'autorité du ministère chargé de l'électricité et sous contrôle des collectivités dont il allège les charges afférentes à l'électrification rurale ».
Le FACÉ est alors administré et ses aides réparties par un « conseil du fonds d'amortissement des charges d'électrification », qui arrête les modalités selon lesquelles les collectivités doivent présenter leurs demandes de participation.
* 1 Arnaud Berthonnet, « L'électrification rurale ou le développement de la « fée électricité » au coeur des campagnes françaises dans le premier XX e siècle », Histoire & Sociétés Rurales, 1/2003 (Vol. 19), p. 193-219.
* 2 Article 108 de la loi du 11 décembre 1936 portant fixation du budget général de l'exercice 1937.
* 3 Arnaud Berthonnet, op. cit.
* 4 Loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.
* 5 Guillaume Bouvier, « Enjeux géopolitiques autour de la distribution d'électricité en France », Hérodote, 3/2003 (n° 110), p. 71-87.
* 6 L'article 38 de cette loi prévoit qu'un décret détermine « les conditions dans lesquelles sera transférée à l'Électricité de France la gestion du fonds d'amortissement des charges d'électricité institué par l'article 108 de la loi du 31 décembre 1936 et les conditions dans lesquelles les ressources et les attributions de cet organisme pourront être modifiées et complétées en vue de s'assurer le paiement des dépenses d'électrification rurale supportées par les collectivités locales ».
* 7 Décret n° 47-1997 du 14 octobre 1947 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'article 38 de la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.