II. UN OUTIL DE PÉRÉQUATION AU SERVICE DE LA QUALITÉ DE LA DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ EN MILIEU RURAL

A. LES SPÉCIFICITÉS DU RÉGIME RURAL DE DISTRIBUTION PUBLIQUE D'ÉLECTRICITÉ

1. L'organisation du service public de la distribution d'électricité

Les collectivités territoriales ou leurs établissements publics de coopération sont responsables de l'organisation du service public de la distribution de l'électricité . L'article L. 322-1 du code de l'énergie prévoit qu'en tant qu'autorités organisatrices du réseau public de distribution d'électricité (AODE), elles concèdent la gestion du réseau public de distribution d'électricité 11 ( * ) , hormis les cas où elles exercent une gestion en régie 12 ( * ) . Ainsi, le régime de la concession est la règle, la gestion en régie l'exception.

En pratique, la gestion des réseaux publics d'électricité est donc confiée :

- à la société gestionnaire des réseaux de distribution d'électricité issue de la séparation entre les activités de distribution et les activités de production ou de fourniture exercée par Électricité de France, soit la société Enedis (Ex-ERFD) ;

- aux entreprises locales de distribution (ELD) , c'est-à-dire les sociétés d'économie mixte dans lesquelles l'État ou les collectivités territoriales sont majoritaires, les coopératives d'usagers et les sociétés d'intérêt collectif agricole (SICAE).

95 % des réseaux de distribution sont gérés, sous le régime de la concession, par Enedis, et 5 % par des ELD et en régie. Il existe actuellement environ 160 ELD, dont quatre comptent plus de 100 000 clients 13 ( * ) . En Corse et dans les départements et collectivités d'outre-mer, c'est EDF Systèmes énergétiques insulaires (SEI) qui est le gestionnaire des réseaux publics de distribution.

En tant qu'autorités concédantes propriétaires des réseaux de distribution, les collectivités territoriales « négocient et concluent les contrats de concession, et exercent le contrôle du bon accomplissement des missions de service public fixées, pour ce qui concerne les autorités concédantes, par les cahiers des charges de ces concessions » 14 ( * ) .

2. La distinction entre régime urbain et régime rural de distribution d'électricité

Cette organisation du service public de la distribution d'électricité se double d'une distinction entre régime urbain et régime rural de distribution . Les communes classées en régime rural exercent la maîtrise d'ouvrage des travaux effectués sur les réseaux ainsi que des travaux d'extension de ces derniers, lorsque cette maîtrise d'ouvrage est assurée par le concessionnaire dans les communes classées en régime urbain.

En milieu rural, ce sont donc les collectivités territoriales et leurs groupements et non le concessionnaire qui ont la responsabilité de la réalisation et du financement du renouvellement et du développement des réseaux. À ce titre, seules les communes classées en régime rural sont éligibles aux aides du FACÉ .

Le classement en régime urbain et rural s'opère en fonction de critères fixés par le décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale modifié par le décret n° 2014-496 du 16 mai 2014. Sont éligibles aux aides du FACÉ les communes :

- dont la population totale est inférieure à 2 000 habitants ;

- qui ne sont pas comprises dans une « unité urbaine » 15 ( * ) dont la population totale est supérieure à 5 000 habitants.

Les communes qui ne satisfont pas à ces deux conditions cumulatives relèvent du régime urbain. Toutefois, les préfets ont la possibilité de classer en régime rural, à titre dérogatoire et à la demande d'une AODE, les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants , afin notamment de tenir compte de leur isolement ou du caractère dispersé de leur habitat. De même, les préfets peuvent soustraire une AODE, à sa demande, du bénéfice du régime d'aide à l'électrification rurale.

Par décision ministérielle, neuf départements ont l'ensemble de leur territoire qui relève du régime urbain 16 ( * ) . Par ailleurs, certains départements ont opté pour l'application du régime urbain sur l'ensemble de la zone de desserte d'Enedis, seules les communes se situant sur la zone de desserte des ELD demeurant éligibles aux aides du FACÉ 17 ( * ) . Les autres départements peuvent bénéficier, au moins sur une partie de leur territoire, des aides du FACÉ.

La liste des communes relevant du régime de l'électrification rurale est arrêtée dans chaque département par les préfets dans les six mois suivant les élections municipales et prend effet le 1 er janvier de l'année suivante. Ainsi, au 1 er janvier 2015, 26 696 communes étaient classées en régime rural (soit près de 73 % des communes) et pouvaient bénéficier des aides du FACÉ pour le financement de leurs travaux d'électrification rurale.

Dans les départements d'outre-mer, le classement des communes en régime urbain ou rural est directement défini par le décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 18 ( * ) : sont éligibles aux aides du FACÉ l'ensemble des communes de ces territoires à l'exception de celles énumérées dans le décret 19 ( * ) . S'agissant des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, l'ensemble des communes peuvent bénéficier d'aides à l'électrification rural.

Les communes qui n'exercent pas la distribution d'électricité en régie peuvent déléguer leurs compétences d'autorités concédantes à des syndicats intercommunaux ou départementaux. Le législateur a incité au regroupement des syndicats, donc de la maîtrise d'ouvrage, au niveau départemental . La loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie a en effet prévu que le préfet engage une procédure de création d'un syndicat de communes ou d'un syndicat mixte à l'échelle départementale lorsque la maîtrise d'ouvrage n'est exercée ni par le département, ni par un groupement couvrant le territoire départemental, ni par un groupement de collectivités territoriales dont la population est au moins égale à un million d'habitants.

Cette départementalisation des maîtres d'ouvrage facilite les échanges entre les AODE d'une part, et Enedis et les services ministériels chargés de la gestion des aides du FACÉ d'autre part, en permettant que les échanges se fassent avec un unique interlocuteur par département.

Les modalités de versement des aides du FACÉ incluent depuis 2013 un dispositif financier d'incitation au regroupement à l'échelle départementale , puisque les AODE d'un département où le regroupement n'est pas effectif peuvent être pénalisées par une diminution de leur dotation. L'arrêté du 27 mars 2013 20 ( * ) prévoit ainsi que le ministre chargé de l'énergie peut décider, après avis du conseil à l'électrification rurale, de minorer les subventions des AODE pour non-regroupement au niveau départemental de la maîtrise d'ouvrage - ces minorations ne peuvent représenter plus de 25 % des droits à subvention des AODE concernées.

C'est le cas par exemple du département de l'Isère, dans lequel trois communes rurales ne sont pas adhérentes du syndicat des énergies du département de l'Isère (SEDI). Par conséquent, l'enveloppe notifiée au département est minorée de 5 % pour absence de regroupement.

Cette incitation au regroupement a porté ses fruits : la départementalisation de la maîtrise d'ouvrage est quasiment terminée puisque seuls quatre départements n'avaient pas achevé leur regroupement en 2016 21 ( * ) .

Il convient toutefois de souligner que les derniers cas de non-regroupement peuvent être liés à une organisation territoriale particulière qui entrave la départementalisation. C'est le cas du département de la Côte-d'Or, qui compte deux autorités organisatrices de de la distribution d'électricité : le syndicat intercommunal d'énergies de la Côte-d'Or (SICECO), composé majoritairement de communes éligibles aux aides du FACÉ (642 communes éligibles sur 664) et la communauté urbaine du Grand Dijon, composée majoritairement de communes non éligibles (9 communes éligibles sur 24). Comme l'a indiqué le SICECO à votre rapporteur spécial, le regroupement de la maîtrise d'ouvrage sur les 651 communes éligibles du département est rendu compliqué par la nature différente de ces deux AODE. La présence de communes rurales dans le périmètre de la communauté urbaine explique l'existence de deux syndicats.


* 11 Les réseaux publics de distribution d'électricité sont composés des réseaux de haute tension « HTA » ainsi que des réseaux basse tension «BT ». Leur longueur cumulée représente plus de 1,3 million de kilomètres.

* 12 Il s'agit des régies constituées avant le 9 avril 1946 et dont l'autonomie a été maintenue après cette date par la loi du 8 avril 1946 précitée.

* 13 Gérédis (Deux-Sèvres), Électricité de Strasbourg Réseaux (ESR - Bas-Rhin), SRD et URM (Metz).

* 14 Article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.

* 15 Au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Constituent une unité urbaine les communes ou ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (il n'existe pas de coupures de plus de 200 mètres entre deux constructions) et qui comptent au moins 2 000 habitants.

* 16 Meurthe-et-Moselle, Meuse, Pas-de-Calais, Paris, Var, Territoire de Belfort, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne.

* 17 Doubs, Moselle, Pyrénées-Orientales, Haut-Rhin, Bas-Rhin, Savoie.

* 18 Article 2 du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale.

* 19 Il s'agit des communes suivantes : Les Abymes, Basse-Terre, Pointe-à-Pitre et Saint-Claude pour le département de la Guadeloupe ; Cayenne pour le département de la Guyane ; Fort-de-France, Schoelcher Trinité pour le département de la Martinique, Le Port, Saint-Denis et Saint-Pierre pour le département de la Réunion ; Mamoudzou pour le département de Mayotte.

* 20 Article 16 de l'arrêté du 27 mars 2013 pris en application du décret n° 2013-46 du 14 janvier 2013 relatif aux aides pour l'électrification rurale.

* 21 La Corrèze, la Côte d'Or, l'Isère et le Nord. Il s'agissait de cinq départements fin 2015 mais le département de l'Oise a achevé son regroupement depuis.

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