CONCLUSION
Comme l'a rappelé à juste titre notre collègue Bernard Delcros, en clôture de la table ronde : « Ce n'est pas aux territoires de s'adapter à un cadre rigide, mais aux outils de s'adapter aux spécificités de chaque territoire et aux politiques qui y sont menées. Il faut donc de la souplesse et de la capacité d'adaptation » .
Cette souplesse et cette capacité d'adaptation sont la force des territoires de projets, et toute initiative législative ou règlementaire future devra nécessairement préserver - voire renforcer - cette spécificité.
À ce titre, le présent compte rendu se présente comme un nouveau rapport d'étape des travaux de la délégation sur l'évolution des collectivités territoriales. Il est désormais nécessaire pour les acteurs territoriaux non seulement de prendre acte de l'existence de ces nouvelles structures, mais également de prendre conscience de l'intérêt qu'elles présentent pour gérer un territoire désormais multiple et asymétrique.
Comme évoqué à l'issue de la table ronde, il serait fructueux de poursuivre ces débats, en identifiant par exemple les marges de progrès, les nouveaux besoins et les bonnes pratiques de ces territoires, tout en réfléchissant à ce qu'ils peuvent apporter aux autres collectivités par leurs différentes modalités de fonctionnement. En effet, le maillage territorial des territoires de projets est de plus en plus dense, comme l'illustrent les deux cartographies présentées en annexes. Cette réalité doit pouvoir être mieux analysée et mieux prise en compte.
ANNEXES
ANNEXE 1 : COMPTE RENDU DE LA TABLE RONDE
Table ronde :
« Nouveaux territoires de projets -Les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et les pôles métropolitains »
Sénat, jeudi 1 er décembre 2016
M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous remercie de venir à cette heure matinale. Notre délégation a souhaité évoquer ce thème des nouvelles frontières de la coopération territoriale, traversant les territoires et les courants politiques, après les fusions de régions, les intercommunalités élargies, la création de communes nouvelles. En même temps, les territoires de projets se réorganisent, comme les pôles métropolitains, créés par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales et les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR), créés par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM). Plusieurs PETR sont issus d'anciens pays, dont l'esprit perdure à travers une démarche volontariste et de terrain dépassant les frontières : ils partagent un projet territorial autour de différents thèmes, parfois éloignés du coeur de métier des communes : tourisme, santé, environnement ou autres, l'éventail est large. Nos concitoyens perçoivent la richesse des territoires ainsi rassemblés.
Notre collègue Charles Guené, lui-même président d'un PETR, nous a proposé cette table ronde. Au Sénat, certains opposent parfois territoires ruraux et urbains - éternelle caricature - alors qu'ils sont le fruit de l'histoire du pays. Notre délégation représente tout le nuancier des territoires, de la ruralité profonde aux grandes villes, désormais rassemblées dans l'association France urbaine. Celle-ci a étudié la structuration de notre pays : il y a dix ans déjà, 90 % du territoire et de la population française étaient structurés par l'urbain. Pour autant, des caractéristiques rurales se retrouvent dans les communautés d'agglomération, communautés urbaines ou métropoles. Mêlons les approches.
Nous avons associé à notre démarche les associations partenaires, et j'accueille M. Franck Montaugé, membre du comité directeur de l'Association des maires de France, sénateur-maire d'Auch, secrétaire général du Dialogue métropolitain de Toulouse ; M. André Rossinot, secrétaire général de France urbaine et pionnier du Pôle métropolitain Sillon Lorrain, accompagné de M. Jean Deysson, chargé de mission à France urbaine, et de M. Alexandre Lombard, chargé de mission au Grand Nancy, l'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP) est représentée par M. Michael Restier, directeur de l'ANPP.
J'ai le plaisir aussi d'accueillir M. Jean-Claude Boulard, président du Pôle métropolitain G9 Le Mans-Sarthe, accompagné de M. Théau Dumond, codirecteur ; Mme Isabelle Auricoste, présidente du PETR du Ruffécois ; M. Alain Roussel, président du PETR Épinal « Coeur des Vosges », et sa directrice, Mme Stéphanie Rauscent ; M. Jérôme Clément, directeur du PETR du Perche ; M. Philippe Matheron, responsable du pôle des systèmes territoriaux, interviendra pour le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), qui illustrera l'intérêt des PETR et des contrats de ruralité - le Perche est le premier à en avoir signé un ; M. Martin Lesage, chef de bureau des structures territoriales, et Mme Anne-Marie Mourier représentent la direction générale des collectivités locales.
M. Franck Montaugé, membre du comité directeur de l'AMF, sénateur-maire d'Auch, secrétaire général du dialogue métropolitain de Toulouse . - L'organisation territoriale est très complexe, et même pour les élus ! Pourquoi une organisation territoriale publique ? Il faut répondre à la demande de services publics à coûts maîtrisés, proches de leur valeur d'usage, et contribuer positivement à la croissance, à l'emploi et au développement économique. Cette organisation territoriale, ce sont d'abord des départements, des régions, les communes avec leurs groupements - établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les métropoles - avec un principe constitutif fort : la libre administration des collectivités territoriales. À côté des collectivités, les PETR, les pôles métropolitains et les syndicats doivent faciliter l'exercice des compétences dévolues par la loi aux collectivités et aux intercommunalités. Toutes les réalités du terrain doivent être saisies. Les pôles métropolitains y contribuent à grande échelle, les PETR sur leur périmètre. Président d'un PETR, j'ai organisé l'instruction mutualisée de l'urbanisme opérationnel, ce qu'une simple communauté de communes ne peut faire. Cependant, ne prêtons pas à ces entités - PETR, dialogue métropolitain... - des vertus qu'elles ne peuvent avoir. Elles n'ont pas de maîtrise d'ouvrage propre. Si elles l'avaient, il faudrait les transformer en PETR ou en EPCI. Elles ont peu de moyens financiers, et le minimum de ressources humaines.
Quelles sont les relations entre les métropoles et les grandes régions, voire les départements ? Sur des territoires ruraux, les relations entre métropoles, agglomérations, EPCI via les PETR nécessitent la médiation des régions. La relation entre les métropoles et les espaces ruraux, ou avec des villes moyennes sous influence métropolitaine ne peut s'envisager sans la médiation, la coopération et la coordination des régions, via le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité du territoire (SRADDET) ou le schéma régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
J'appartiens au Dialogue métropolitain de Toulouse, présidé par Jean-Luc Moudenc. Comment, sans entraver le développement des métropoles, les agglomérations et leurs territoires associés peuvent-ils contribuer au développement régional ? Je n'oppose pas la croissance des métropoles au reste des espaces régionaux. Comment des espaces en dehors de la métropole, notamment ruraux, peuvent-ils participer à la création de valeur ajoutée, notamment économique, via les SRDEII ou les SRADDET ?
Je m'interroge sur la constitution d'intercommunalités « XXL », avec un processus d'agrandissement des agglomérations. Garantit-il un meilleur service public à moindre coût ? On peut en douter... La gouvernance est-elle améliorée ? Voilà tout l'enjeu de reconnaissance d'une démocratie représentative et participative, cette dernière étant largement réclamée par nos concitoyens. Dans mon territoire, une charte de gouvernance et de coopération évite que les communes ou les élus se désintéressent de la vie de l'agglomération. C'est un enjeu de construction collective de l'intérêt communautaire.
Dans les grandes régions, comment les conseils régionaux doivent-ils s'articuler avec les EPCI et les communes ? N'est-ce pas au département de jouer le rôle de charnière ? Les conférences territoriales de l'action publique sont des « grand-messes » où il est extrêmement difficile de travailler et de s'exprimer sur le fond. Quel est l'avenir du département ?
Nous avons tout intérêt à dialoguer sur les pôles métropolitains pour donner sens à l'action publique, afin que chacun, élu ou citoyen, y trouve son compte.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Je suis sensible à vos remarques. Je préside une communauté d'agglomération en pleine mutation. Je préside également le pôle métropolitain Strasbourg-Mulhouse-Colmar, en alternance avec les maires de ces villes.
M. Michael Restier, directeur de l'Association Nationale des Pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des Pays (ANPP) - Je vous prie d'excuser MM. Vall et Jallot, respectivement président et vice-président de l'ANPP. Nous représentons 365 territoires, dont 150 sont constitués en PETR. Au 1 er janvier 2017, nous compterons 220 PETR. Les territoires de projet couvrent plus de 80 % de la superficie nationale et plus de 50 % de la population, et sont un espace de coordination et mutualisation dans l'espace rural.
Les pays, issus de la loi Voynet de 1999, attribuaient une sorte de label aux territoires de projet, quelle que soit leur forme juridique - syndicat mixte fermé ou ouvert, groupement d'intérêt public ou association... La loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 ayant abrogé l'article sur les pays, ces territoires de projets étaient portés par le droit commun. La loi MAPTAM de 2014 a réinséré un support juridique pour les territoires de projet voulant agir pour le développement local, en créant les PETR par l'article L. 5741-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales.
Les PETR sont une démarche ascendante et volontariste des EPCI portant conjointement des actions de développement local sur un territoire pertinent, avec une vision prospective d'aménagement du territoire, afin de rationaliser les différents outils de développement local comme les agendas 21 locaux, les plans climats ou les schémas de cohérence territoriale (SCOT). Ils mettent en cohérence les soutiens financiers de l'État, de la région, du département et des fonds européens - 90 % des projets des programmes Liaison entre actions de développement de l'économie rurale (Leader) sont portés par des pays ou PETR.
La coordination territoriale est assurée par la conférence de maires et le conseil de développement, qui regroupe les forces vives du territoire alimentant les actions apportées. Le PETR a une taille critique pour des échanges avec les métropoles et les régions. L'articulation avec la région est aléatoire d'une région à l'autre. En Occitanie, le dialogue se fait au sein de l'Assemblée des territoires, rassemblant tous les PETR, les métropoles et la région. Le lien avec la métropole est en cours. Des contrats de réciprocité ont été expérimentés sur quatre territoires, puis pérennisés au sein du pacte État-métropole et avec les conventions territoriales métropolitaines. Le premier territoire à l'expérimenter est Toulouse avec le pays Portes de Gascogne, suivi par Brest avec le pays centre-ouest Bretagne.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Je cède la parole à André Rossinot, pionnier en la matière. Je me suis régulièrement rendu à Nancy, métropole en avance alors que Mulhouse la jalousait un peu... France urbaine - dont j'étais président durant six ans - a su également se remettre en question.
M. André Rossinot, secrétaire général de France Urbaine . - Je salue le travail de la délégation, où l'on peut échanger librement sur l'avenir, sans tactique. Ces territoires sont une somme de données institutionnelles évolutives. L'histoire nous ramène en 2010, lors de la création des pôles métropolitains, structure fermée à l'époque. Prenons de la hauteur au regard de la situation des collectivités, de leur multiplicité et d'une certaine confusion. Dans un monde dramatiquement inquiétant, tant sur la scène internationale qu'européenne, avec des répercussions sur la vie civique, la République reste une valeur intangible. Si la France est une unité républicaine, je plaide aussi pour une « République dans les territoires » : les valeurs républicaines ne doivent être écartées d'aucun territoire. Nous partageons tous cette idée à France urbaine. Nous travaillons aussi sur les tensions de l'histoire, sur la notion d'alliance des territoires - au lieu de les opposer. C'est une exigence et une possibilité.
Depuis 2010, les textes de loi n'ont pas décentralisé, mais réorganisé les territoires, grâce à une caisse à outils à l'intérieur de laquelle on puise des process . Cette alliance n'est pas facile en raison des compétitions interpersonnelles ou territoriales. Transcendons-les par une attitude de projet partagé, plutôt que de se centrer sur le périmètre, qui perd de son sens alors que le numérique atteint tous les espaces de notre République. Mieux vaut rechercher l'intelligence collective. L'idée semble simple, quoique complexe à mettre en oeuvre : elle nécessite éthique, écoute, respect, réciprocité, et de rechercher de nouvelles façons de faire ensemble. Ne passons pas à côté de cette intelligence collective qui évolue très vite, et mobilisons cette capacité de dialogue très forte et novatrice.
La transversalité est une valeur, or les oppositions et les habitudes sont tenaces. L'AMF y a réfléchi : quelles étapes pour les cinq prochaines années, quels progrès, quelles garanties et quels financements pour les collectivités locales ? Nous souhaitons qu'une loi spécifique de financement des collectivités territoriales, à l'instar de la loi de financement de la sécurité sociale, soit adoptée chaque année. Nous devons garantir la pérennité des projets, or on connaît le sort que connaissent ceux adoptés en fin de semaine à l'Assemblée nationale...
En janvier ou février 2017, scellons un pacte profondément novateur, à partir de constats de terrain, pour plus de mobilité. Sortons de la politique des blocs, les oppositions historiques sont derrière nous. C'est une occasion exceptionnelle, pour que les territoires de la République soient au service du pays.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Merci de votre hauteur de vue, qui n'empêche pas que vous ayez les deux pieds dans la glaise ! Nous en venons aux témoignages sur les rapprochements de différents territoires.
Mme Isabelle Auricoste, présidente du PETR du pays du Ruffécois . - Le PETR du pays du Ruffécois est hyper-rural. Les territoires ruraux ont des caractéristiques et des atouts assez mal compris, parfois considérés comme un arrière-pays des métropoles, une réserve d'Indiens ou de main-d'oeuvre. Mais ils valent mieux que cela, et pourraient être complémentaires et partenaires des métropoles. Existant depuis 1979, le pays du Ruffécois, s'est transformé en PETR en 2015, ouvert pour plus d'intelligence et de travail collectif, afin de mutualiser l'ingénierie territoriale qui manque cruellement aux territoires ruraux. Il compte 37 000 habitants, 90 communes dont 70 ont moins de 500 habitants, la plus importante n'a que 3 500 habitants. La densité est très faible : 35 habitants par kilomètre carré, avec des distances importantes entre les services. Le potentiel fiscal est plus faible que la moyenne départementale et régionale. Nous passerons de 4 à 12 communautés de communes au 1 er janvier 2017, qui compteront 22 000 habitants. Ces petites communes n'ont pas les moyens pour aller au-delà de la gestion quotidienne du territoire. Le PETR offre la meilleure possibilité d'associer des projets, des élus et les habitants.
Un territoire de projet doit avant tout être lisible ; nos périmètres sont souvent flous pour nos concitoyens. Nous voulons développer tous les outils sur un même périmètre, et gérons un programme Leader et un contrat local de santé. Nous avons créé un office de tourisme de pôle depuis deux ans, et aurons bientôt un contrat de ruralité. Ce travail en bonne intelligence nous permet d'être très réactifs et de construire une vision partagée à partir de tous les diagnostics. Croisons les diagnostics et mettons tous les dispositifs sur la même échelle et en synergie, dans la même direction.
Nos territoires ruraux ont besoin d'ingénierie qualifiée et permanente - pas seulement d'appels à projets - pour une vision de long terme, animant les territoires. Jusqu'à présent, nous avions des contrats avec la région Poitou-Charentes finançant une partie de notre ingénierie et de l'animation de notre territoire, soit une véritable stratégie à long terme. Actuellement, nous n'avons aucune visibilité sur le nouveau contrat avec la région Nouvelle Aquitaine, qui ne financera probablement pas l'animation. Nos communautés de communes cotisent à hauteur de 6,20 euros par habitant, et de 5,98 euros par habitant pour l'office de tourisme. Nous ne pouvons pas augmenter la cotisation. Nous réfléchissons sur la manière dont l'ingénierie peut être financée. Nous sommes favorables à une loi de financement des collectivités, mais les PETR sont des syndicats et non des collectivités. Leur financement est fragile et dépend de tiers. Mutualiser l'ingénierie réaliserait des économies. Les communautés de communes ne peuvent payer l'ingénierie territoriale, qui pourtant entretient les territoires ruraux. Il y a un très fort attachement local, mettant les élus et les territoires en concurrence les uns avec les autres, freinant une vision globale. Les ressources sont mal exploitées et peu connues, alors que nous avons des possibilités novatrices de relations sociales, de proximité, des compétences pointues en agriculture ou en industrie, mais dispersées. Il faudrait les réunir : nous avons besoin d'ingénierie et des financements correspondants.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Je laisse la parole à MM. Alain Roussel et Jean-Claude Boulard, puis aux représentants de l'État. Nos collègues sénateurs pourront ensuite réagir aux différents propos.
M. Alain Roussel, président du PETR du pays d'Épinal. - Je présenterai rapidement le territoire du PETR d'Épinal, Coeur des Vosges, créé en 2001. Le préfet avait effectué un découpage à la hache, puisque le pays d'Épinal, Coeur des Vosges, représente, de la Meurthe-et-Moselle jusqu'à la Haute-Saône et la Haute-Marne, 198 communes et 148 000 habitants, contre 160 000 au départ. À l'époque vice-président, tandis que le président était Jackie Pierre, je l'ai ensuite remplacé voilà exactement dix ans lorsqu'il est devenu sénateur.
Le territoire comptait au départ une communauté d'agglomération et douze communautés de communes. On a essayé de « pousser les murs » : j'ai proposé à mes collègues que le pays soit une fédération de la communauté d'agglomération et des communautés de communes, afin que nous réalisions ensemble ce dont nous avions besoin.
Par conséquent, en accord avec les services de l'État dans notre département, nous avons assuré de la maîtrise d'ouvrage depuis dix ans. Nous avons obtenu la création de plusieurs pôles d'excellence rurale sur le bois - surtout le hêtre -, l'un sur le bois énergie, l'autre sur le bois de construction, et lié tout cela à notre politique vélo, en créant nombre de circuits VTT. Le député-maire d'Épinal, Michel Heinrich, que vous connaissez sans doute, est mon premier vice-président.
Je suis également le maire d'une commune de 220 habitants et le président de la plus petite communauté de communes des Vosges, qui le restera après la fusion, même si nous allons passer de moins de 4 000 habitants à 12 000.
Nous avons toujours travaillé ensemble au sein de ce PETR avec les présidents de communautés de communes, sans aucune arrière-pensée politique et avec l'objectif d'oeuvrer à l'avenir du territoire.
Nous avons monté nombre d'actions. Parmi les plus caractéristiques, je citerai les six maisons de santé créées au sein des territoires ruraux et dans lesquelles exercent des médecins, ce qui n'est pas le cas partout, ou encore une convention signée avec l'université de Nancy et l'organisation des universités de la médecine générale en milieu rural.
Pour en revenir aux actions du PETR sur le hêtre, elles existent au niveau aussi bien économique que touristique avec la maison du vélo sur le port d'Épinal, avec l'animation de la véloroute traversant l'ensemble du département. Nous avons aussi créé, en lien avec une communauté de communes, un bâtiment bois ainsi que des lieux d'accueil et chambres d'hôtes en hêtre. Enfin, nous avons mis en place une politique de contractualisation à travers la vente du hêtre. Nous essayons d'être très actifs dans ce domaine.
Nous avons obtenu progressivement un certain nombre de labels comme celui de « Pays d'art et d'histoire » sur lequel nous travaillons à la suite d'une candidature du PETR. C'est une vraie richesse de notre territoire.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Il faudra maintenant faire la maison !
M. Alain Roussel, président du PETR du pays d'Épinal. - Le fort sentiment d'abandon que ressentaient nos territoires à l'époque où je suis devenu président a pu être atténué par la création des maisons de services au public. Pour ce faire, nous essayons toujours de profiter des opportunités de financement et des dispositifs en vigueur tels que celui de maisons de l'emploi, en lien avec Pôle emploi. Nous avons ainsi pu équiper chaque territoire de quelques postes informatiques supplémentaires et utiliser la visio pour éviter de longs trajets aux demandeurs d'emploi de ma communauté de communes qui est située à cinquante kilomètres d'Épinal. Voilà cinq ans, nous avons présenté ce dispositif au responsable de la DATAR, qui l'a trouvé très intéressant et a repris contact avec nous. Nous avons peut-être contribué au développement des réseaux de maisons de services au public.
Nous avons ensuite étendu ce dispositif, qui fonctionne très bien, aux autres PETR du département : outre les 13 maisons de services au public sur notre territoire, les territoires voisins en comptent une dizaine. Nous en sommes aujourd'hui à notre deuxième programme leader. Le contrat de ruralité devrait être signé dans les semaines qui viennent. Quant à la charte forestière, nous venons de la signer avec l'ensemble de nos partenaires, car la valorisation et la commercialisation du hêtre sont très importantes.
La fusion des communautés de communes devrait aboutir à l'émergence d'une communauté d'agglomération très importante. En quelque sorte, c'est nous qui en sommes à l'origine. De plus, des réflexions sont actuellement en cours sur des fusions de PETR dans notre département, auxquelles je participe en ma qualité de rapporteur de la Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI). Je pense notamment au travail que nous effectuons avec l'Ouest vosgien, confronté à des problématiques sensiblement identiques aux nôtres, qu'il s'agisse des services au public, du bois, de l'art et de l'histoire. Vous connaissez tous Jeanne d'Arc, Mirecourt et ses violons, Vittel et son patrimoine...
M. Jean-Marie Bockel, président . - Merci de ces propos vivants et très intéressants.
Nous travaillons aussi aux relations susceptibles de s'établir entre des communautés urbaines, voire des pôles qui y sont associés, et un certain nombre de territoires ruraux limitrophes. Nous travaillons actuellement sur cette question avec le maire de Mulhouse, sans envisager à ce stade de substitution au département.
M. Jean-Claude Boulard . - Le pôle métropolitain Le Mans-Sarthe compte 352 000 habitants, sept intercommunalités, dont six rurales. Le conseil du pôle comprend majoritairement des représentants du monde rural, pour une population urbaine à 60 % et rurale à 40 %, avec un axe identique depuis le début : la complémentarité entre l'espace rural et l'espace urbain. Les métropoles doivent assumer ce choix pour changer leur image peu flatteuse dans le monde rural.
Les compétences mises en avant sont la mobilité, la santé, en s'appuyant sur le plan Climat, l'InterSCOT et l'ingénierie pour les communautés de communes membres du pôle métropolitain. Il s'agit de leur offrir un niveau de services qu'aucune d'entre elles ne pourrait financer, et ce pour 0,80 centime d'euros par habitant. Cela permet d'alléger de manière importante la participation financière demandée aux ruraux.
Ce sujet soulève trois questions.
La première a trait au partenariat avec les départements et les régions. Quand le syndicat est ouvert, ceux-ci sont présents dans le pôle. Or le PETR est soumis aux règles des syndicats fermés. C'est une absurdité ! Je souhaite que l'on pousse cette première porte. Si vous voulez la mutualisation, il est indispensable de travailler avec les départements, d'autant que la mobilité, clé de la complémentarité entre l'espace rural et l'espace urbain, suppose l'intervention des autorités organisatrices de transports. Or cela est impossible avec un syndicat fermé.
La deuxième est de savoir dans quelle mesure les pôles métropolitains sont des échelons de contractualisation. Dans la nouvelle loi, ces pôles ont un peu été oubliés. Nous devons donc réaffirmer leur rôle en la matière.
La troisième est d'étudier la possibilité d'accorder aux pôles une dérogation, en cas de population rurale importante, pour assumer les fonctions des PETR. Aujourd'hui, on dit que les PETR sont faits pour les ruraux, et les pôles pour les urbains. C'est logique, ce qui est petit est pauvre, ce qui est gros est riche. C'est absurde, ce sont les clichés !
M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous sommes nombreux à nous poser ces questions, sur lesquelles va s'exprimer le représentant de l'État. Pour notre part, nous sommes législateurs, et la vocation de notre délégation, c'est d'être en amont des commissions permanentes qui travaillent sur les textes de loi, qu'ils soient d'origine gouvernementale ou parlementaire.
Avant de donner la parole à M. Rossinot, je salue l'arrivée parmi nous de François Bonhomme, qui remplace au sein de la délégation le très regretté Louis Pinton, décédé dernièrement. Outre le communiqué que j'ai fait en notre nom après le décès de ce collègue très attachant et dont nous aimions beaucoup les interventions, nous évoquerons sa mémoire lors de notre prochaine réunion ordinaire. Une table ronde n'est pas le lieu pour lui rendre hommage avec toute la solennité et l'émotion nécessaires, mais je ne pouvais accueillir un nouveau membre sans évoquer la mémoire de Louis Pinton.
M. André Rossinot, secrétaire général de France Urbaine . - La loi de 2010 a créé les pôles métropolitains, qui sont de deux types : les pôles métropolitains interurbains et les pôles métropolitains périurbains, qui sont soumis aux mêmes règles. Ce sont des syndicats mixtes à l'instar de ceux de la III e République. On n'a rien inventé de mieux ! En outre, depuis la loi MAPTAM, les pôles métropolitains sont ouverts et permettent l'adhésion des départements et des régions.
Je voudrais saluer le travail exceptionnel du député-maire d'Épinal, puisque son intercommunalité est passée de 45 000 habitants à près de 120 000. D'ailleurs, Saint-Dié-des-Vosges, qui enregistrait 25 000 habitants, est passée à une intercommunalité de 80 000 habitants. C'est dire que, dans des territoires assez figés, une évolution extrêmement positive se préparait, certes pas du jour au lendemain, fruit d'un travail de grande qualité effectué antérieurement. Nous n'arrêterons pas ce mouvement, car c'est la réponse aux nouveaux problèmes que notre société rencontre au quotidien s'agissant de la mobilité, de la culture, de l'accélération de la mise en place du numérique.
Nous avons donc créé en 2010 le premier pôle métropolitain en France entre Épinal et son agglomération, la communauté urbaine du Grand Nancy, la communauté d'agglomération de Metz et la communauté d'agglomération de Thionville, ce qui représentait une conurbation de 1,2 million d'habitants. Pour faire travailler Metz et Nancy dans une même structure, il a fallu transgresser des décennies d'histoire et de tensions...
Notre gouvernance est partagée, car le mandat de six ans est découpé en quatre tranches de dix-huit mois, avec une alternance régulière qui n'a jamais posé de problèmes. Jusqu'à présent, toutes nos décisions ont été prises à l'unanimité, dans une atmosphère beaucoup plus détendue. La réalisation du pôle métropolitain du Sillon Lorrain a grandement favorisé l'unité de l'université de Lorraine, à savoir les trois universités de Nancy, celle de Metz et un certain nombre d'antennes dont Épinal. La manière dont le monde urbain travaille entraîne des comportements spécifiques dans des secteurs très importants.
Je prendrai quelques exemples du travail du pôle métropolitain du Sillon Lorrain, dont le budget annuel s'élève à 750 000 euros, chaque agglomération apportant dans sa sphère d'influence des contributions humaines et en matière d'ingénierie.
L'ingénierie a été délaissée avec la forte accélération des mutations. Par exemple, les permis de construire étaient dévolus au maire depuis les lois Defferre, mais les communes ne s'étaient jamais souciées de l'ingénierie correspondante. Tout était validé par l'État. La situation a changé quand ce dernier a refusé de remplir ce rôle, sous la contrainte des restrictions de personnels. On a alors commencé à mutualiser.
Pour la métropole du Grand Nancy, nous sommes partis du syndicat mixte du SCOT, le plus grand de France, pour le transformer en un pôle métropolitain. Par ce biais, on assure la solidarité avec la région et le département. Ce bloc devient le référent en matière d'offre de services diversifiés.
Ces bases changent complètement les mentalités. J'ai reçu récemment la visite d'un émissaire du maire de Troyes - le président de l'AMF donne l'exemple -, qui postule aussi pour créer un pôle métropolitain à distance, avec des communes situées dans le sud de la Champagne-Ardenne. C'est aujourd'hui un point de passage souple, élégant et amical, puisqu'il dépasse les clivages partisans.
Cette accumulation des regards sur le monde rural s'illustre à travers les pôles métropolitains et des conventions de réciprocité. Le premier exemple est issu des métropoles, car pour chacune d'entre elles, l'État a décidé d'un contrat métropolitain. Le contrat entre l'État et la métropole du Grand Nancy qui sera signé demain par le Premier ministre comprend déjà un premier volet de réciprocité avec le sud de la Meurthe-et-Moselle. Seront consultées l'association des maires ruraux de France, les intercommunalités pour trouver une première gamme, notamment en matière d'ingénierie. Puisque nous avons contractualisé puissamment avec la Caisse des dépôts et consignations, nous déployons des moyens pour l'ingénierie, partagés avec le sud du département. Nous sommes d'ailleurs à égalité dans le comité de pilotage afférent.
Pour conclure, la France connaît un vrai problème de management du transfrontalier. C'est une situation atypique. Avec France urbaine, j'ai obtenu du Premier ministre la présence d'un conseiller diplomatique auprès de chaque préfet de région. Nous sommes, dans le Grand Est, particulièrement concernés, car nous représentons 45 % de la frontière territoriale de notre pays, de Givet jusqu'à Bâle. Nous travaillons avec la Belgique, le Luxembourg, la Sarre, la Rhénanie-Palatinat, le Bade-Wurtemberg, le Rhin Supérieur, et même la Suisse.
Pour tenir compte de la situation entre les territoires de la République et les zones frontalières au regard des politiques européennes, nous devons absolument développer du savoir, de l'influence et de la communication. À partir du moment où tous les maires disposent des mêmes documents, expertises et informations sur la situation financière, on s'éloigne de l'idée que l'on est riche si l'on est gros et pauvre si l'on est petit. La vie, ce n'est pas tout à fait ça ! Comme disait Sully, la vie est faite du mélange habile des menus et des dodus.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Sur la coopération transfrontalière, des travaux parlementaires, notamment transverses, ont déjà été conduits à ce sujet, mais la structure des territoires ayant évolué, notre délégation pourrait mener une nouvelle réflexion.
Nous allons entendre Henri Tandonnet et Jérôme Clément, puis Philippe Matheron et Martin Lesage pour les structures étatiques, notamment le pôle des systèmes territoriaux et le bureau de la DGCL chargé de ces questions.
M. Henri Tandonnet . - Je représente Raymond Vall pour les pays et les pôles territoriaux. Les « menus » se sont sauvés avec l'arrêt, prévu en 2010, de la création de nouveau pays. Néanmoins, en 2014, avec la loi MAPTAM, ils se sont révoltés et ont proposé le pôle d'équilibre territorial et rural.
Les pays ont énormément aidé à la construction de l'intercommunalité. Moi qui étais président du pays de l'Agenais, je vous confirme que nous sommes partis avec cinq structures. À l'heure actuelle, il n'en reste plus que deux : une agglomération et un pays rural.
Dans quels domaines les pôles territoriaux vont-ils intervenir ? Passeront-ils la compétence de cohésion, d'harmonisation et de contractualisation, et devenir maîtres d'ouvrage ? Le pays voisin d'Épinal a franchi ce pas. Je ne suis pas sûr que se lancer dans la maîtrise d'ouvrage soit la bonne formule. En revanche, je suis un fervent partisan du pôle territorial ou métropolitain pour harmoniser les politiques et mener une réflexion sur l'équilibre à trouver entre la métropole et les territoires ruraux.
Je ne suis pas optimiste, car nos territoires ruraux souffrent énormément. Je suis président du pays de l'Agenais qui regroupe 44 communes et 120 000 habitants, et premier vice-président de l'agglomération d'Agen qui compte 100 000 habitants. Nous vivons entre les métropoles de Bordeaux et de Toulouse et avons du mal à maintenir un bon niveau de compétitivité sur nos territoires. Par exemple, l'agglomération d'Agen participera à la LGV entre Tours et Bordeaux, même si elle ne sera desservie que par la LGV Bordeaux-Toulouse. Elle participera également à la voirie nationale, au maintien d'une université sur l'agglomération à concurrence de 800 000 euros et d'une ligne de fret entre Auch et Agen.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Cela me rappelle le TGV Rhin-Rhône !
M. Henri Tandonnet . - La péréquation entre les territoires ruraux et les métropoles devient problématique. Je ne veux pas du tout opposer ces territoires, mais les métropoles auront intérêt à avoir des territoires ruraux vivants pour abonder leurs richesses. Le port de Bordeaux pourrait par exemple attirer des marchandises grâce à la reprise des anciennes voies ferrées abandonnées. Nous avons tout intérêt à maintenir ce dialogue et à mener des politiques contractuelles préalablement harmonisées sur ces grands territoires.
M. Jérôme Clément, directeur du PETR du Perche . - Les thématiques de notre gouvernance recouvrent l'action des autres territoires.
Le Perche est une région très rurale, une entité historique qui se situe entre quatre départements et trois régions. Le pays du Perche d'Eure-et-Loir se trouve en région Centre-Val de Loire, entre Chartres et Le Mans.
Je soulignerai deux points importants. Le premier est l'importance de l'ingénierie de projet. Nos collectivités adhérentes sont des communautés de communes, pour lesquelles l'intelligence collective est essentielle. Nous venons donc en appui de celles-ci, mais pas tout à fait avec le même logiciel. En effet, au niveau des pôles territoriaux, nous sommes capables d'avoir cette vision transversale, de fédérer, de remettre en perspective les atouts et les stratégies avant de les traduire en programmes d'action. Le second point est l'accompagnement des porteurs de projets privés, approche business qui peut faire défaut au niveau des communautés de communes rurales. Nous revendiquons un savoir-faire en matière de mobilisation pour répondre aux appels à projets. Nous avons d'ailleurs signé la semaine dernière le premier accord-cadre concernant le contrat de ruralité. Nous avions énormément contribué, par le biais de notre fédération, à faire prévaloir nos problématiques en milieu rural. À une époque où l'on parle beaucoup de territoires abandonnés, de montée des extrêmes et de fragilité de la coopération européenne qui est quelquefois perçue comme un peu lointaine, le fait que la région et l'État deviennent, par le biais de leurs élus, le relais des préoccupations de nos concitoyens des zones rurales, c'est un point important. L'idéal est de pouvoir rapprocher nos projets avec les financements.
Un projet de loi ciblé sur les collectivités nous semble évidemment positif, de même que la logique des contrats s'accommode bien de la logique de projets. Il s'agit de faire prévaloir nos projets dans un dialogue avec la région. C'est pourquoi le retour de l'État est intéressant.
Pour le contrat de ruralité, nous avons le sentiment d'avoir été entendus. Le territoire du Perche représente 18 millions d'euros d'investissements publics en 2017, dont une partie est effectivement affectée au contrat de ruralité.
M. René Vandierendonck . - Comment sont ventilés les 18 millions d'euros ?
M. Jérôme Clément, directeur du PETR du Perche . - Cette somme est ventilée sur 43 projets.
M. René Vandierendonck . - Qui paie ?
M. Jérôme Clément, directeur du PETR du Perche . - Ce sont les collectivités, avec un montage entre la région, les fonds européens et la participation de l'État.
M. René Vandierendonck . - Pourrions-nous avoir le détail de la ventilation ?
M. Jérôme Clément, directeur du PETR du Perche . - Bien sûr, par le biais de la fédération et des services de l'État, vous pourrez obtenir la maquette, qui est en train d'être finalisée. Cela nous a permis, pour un territoire porteur d'un projet de SCOT, d'envisager les investissements publics en vue de l'aménagement de nos espaces publics au regard des autres problématiques en matière d'économie, de tourisme ou d'environnement.
M. Martin Lesage, chef du bureau des structures territoriales à la DGCL . - Le CGCT ne comporte qu'un faible nombre de dispositions applicables aux PETR et aux pôles métropolitains. C'est que, loin d'être imposés au niveau national, ces outils doivent résulter d'un projet local, ce qui les rapproche des communes nouvelles. Cette démarche des élus, féconde, est ensuite soutenue par l'État. La création des pôles métropolitains remonte à 2010 et celle des PETR, à 2014. Ils offrent un cadre juridique souple pour traiter, sur des territoires de projet, d'un vaste éventail de sujets, allant des transports aux pôles d'excellence. Comme leur mise en place ne résulte pas d'une contrainte, mais doit être voulue, leur fonctionnement est aisé. Qui peut en être membre ? Faut-il, en particulier, faire entrer les départements et les régions dans les PETR ? Ces collectivités territoriales peuvent déjà faire partie des pôles métropolitains, car leurs ressources sont comparables à celles des métropoles. Dans les PETR, le rapport de force ne serait pas le même.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Merci pour cette approche ouverte et pragmatique.
M. Philippe Matheron, responsable du pôle des systèmes territoriaux au CGET . - Les coopérations métropolitaines lancées par la Datar, dont le CGET est l'héritier, sont devenues les pôles métropolitains, que le CGET soutient comme il soutient les PETR, même si l'appellation de « pôles d'équilibre territoriaux » aurait suffi, puisqu'il existe des espaces périurbains qui ne se retrouvent ni dans les pôles métropolitains, ni dans les PETR. Or nous devons couvrir tout le territoire. L'État accompagne les projets locaux grâce aux pôles que nous évoquons aujourd'hui, et il veille à la réciprocité entre villes et campagnes en imposant, dans les pactes qu'il conclut avec les métropoles, des contrats de réciprocité, et en encourageant les contrats de ruralité ailleurs. Si ceux-ci sont signés par le préfet et le président du PETR, ou ceux des EPCI concernés, l'État invite fermement les départements et les régions à y participer : ces derniers se réjouissent du retour de l'État dans le cofinancement, mais nous y mettons pour condition qu'il ne s'agisse pas d'un contrat bilatéral ! Environ 400 contrats de ruralité sont en préparation, dont une centaine sont prêts à être signés. La première signature a eu lieu la semaine dernière, et le Premier ministre procédera à la seconde demain à Nancy. D'autres seront signés au cours du mois de décembre. Comme nous les relisons, nous constatons l'engouement qu'ils suscitent, et la qualité du travail de préparation. Ces contrats exposent la réalité des projets envisagés pour les quatre prochaines années, puis pour les six années suivantes. Ainsi, les partenaires peuvent choisir lesquelles ils financent.
M. Charles Guené . - Le PETR que je préside s'étend sur un arrondissement, comporte 171 communes rassemblant moins de 50 000 habitants. Quand le préfet nous a proposé de former une communauté de communes « XXL », fusionnant les six communautés existantes, j'ai craint que sa gouvernance n'implique jusqu'à 230 personnes, et que les intégrations acquises ne soient défaites. Finalement, seules trois intercommunalités ont subsisté, mais elles ont conservé leur niveau d'intégration. Comme les parlementaires avaient inventé le PETR sur un coin de table au Sénat, un soir de 2014...
M. André Rossinot, secrétaire général de France Urbaine . - Qu'ils en soient remerciés !
M. Charles Guené . - En créant le PETR, nous avons fusionné un syndicat économique, un syndicat touristique, un pays, sans avoir à refaire un syndicat mixte pour porter le SCOT. Bref, nous n'avons fusionné que les compétences stratégiques.
Je déplorais le manque de reconnaissance de l'État, mais il s'adresse désormais aux PETR avec les contrats de ruralité. Les syndicats devraient être ouverts et la contractualisation avec les départements et régions devrait être l'essence du PETR. Hélas, ces collectivités territoriales sont ravies de se retirer des syndicats, et se montrent peu disposées à la contractualisation. Dans des territoires ruraux comme le mien : Chaumont, Saint-Dizier, Langres...
M. André Rossinot, secrétaire général de France Urbaine . - Diderot !
M. Charles Guené . - Nous n'avons pas la masse critique. La solution serait que les départements entrent dans la logique de contractualisation. Sinon, ils mourront. Autre problème : la solidarité territoriale n'a aucune substance, et les départements ne lui donnent aucun contenu. Les DGS des intercommunalités ont du mal à entrer dans une logique de mutualisation. C'est pourtant indispensable.
M. Jean-Marie Bockel, président . - En effet.
M. Georges Labazée . - Ce débat est très intéressant, pour moi qui ai porté les politiques territoriales en Aquitaine pendant quinze ans. Quand le périmètre d'un PETR s'étend sur plusieurs régions et plusieurs départements, cela pose problème dans les rapports avec l'État. Ainsi, du pays du Val d'Adour, qui était à cheval sur le Gers et les Hautes-Pyrénées, tout en portant à merveille le SCOT. L'État a voulu agréger trois territoires dans une nouvelle intercommunalité de plus de 30 000 habitants, ce qui a cassé le PETR. Étrange ! Comment faire évoluer la législation pour régler ces problèmes ? Sur les 31 communes de l'ancien EPCI, 24 avaient souhaité rester dans le PETR, fût-il interdépartemental. Chaque préfet juge à l'aune des limites de son département - sans parler des mutations...
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Au risque de paraître iconoclaste, je voudrais profiter de ce que nous sommes entre élus responsables pour rappeler quelques évidences. La Datar a été évoquée : ce qui a sonné le glas d'une vision globale de l'aménagement du territoire, c'est sa transformation en délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT). Le passage de l'idée d'aménagement du territoire à celle de compétitivité entre territoires a constitué un tournant funeste. Vous avez déploré les carences des territoires en matière d'ingénierie. Nous sommes schizophrènes, nous qui réclamons de la simplification, la maîtrise des dépenses publiques et la clarification des responsabilités tout en créant des structures touche-à-tout, où tous les acteurs interviennent. Or j'estime que la maîtrise de la dépense publique s'imposera à nous pendant longtemps, tout comme l'exigence de nos concitoyens d'une clarification des responsabilités.
Certes, la suppression des prestations d'ingénierie concurrentielle en 2008, la réforme du droit des sols en 2014, la disparition définitive de l'assistance technique fournie par l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT) ont amputé fortement l'ingénierie des territoires. Les collectivités territoriales se sont substituées. Les plus grandes, et notamment les départements, ont créé des agences techniques : c'est pourquoi ils sont les grands acteurs de la solidarité territoriale.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Ou ils devraient l'être...
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Ils ont anticipé la loi NOTRe en aidant les communes et leurs communautés à monter leurs projets. Je ne connais pas une commune ou une communauté de commune dont les projets ne soient pas cofinancés par le département, et souvent majoritairement. Est-ce le rôle des anciens pays que de faire doublon à des politiques conduites par des départements ou des régions ? Ces collectivités territoriales doivent investir, pas financer des postes d'animation. Depuis dix ans, beaucoup de postes d'animation ont été créé, sans effet sensible sur l'investissement. Dans un contexte d'argent rare, chacun doit mieux cibler ses interventions. La carte administrative de la France a été confortée. Voulons-nous que les PETR chevauchent des départements ou des régions ?
M. Charles Guené . - Oui, mais la compétence sur l'eau et l'assainissement est passée aux intercommunalités. Du coup, le département n'a plus son mot à dire, ce qui pose parfois problème.
M. Jean-Marie Bockel, président . - D'où la formation de syndicats couvrant tout un département.
M. Rémy Pointereau . - Au lieu de simplifications, nous sommes dans une nébuleuse. Les élus locaux n'en peuvent plus, à force d'être déstabilisés: obligation de fusion des communautés de communes, des syndicats, suppression des pays, ajout des PETR... Nous sommes dans une course folle à l'agrandissement, dont on ne voit pas le but. Faire des économies ? Les dotations ne sont pas extensibles. C'est le département qui devrait assumer les fonctions du PETR. Et d'ailleurs, à part les élus locaux, nul n'y comprend rien. Allons-nous supprimer les communes ? Où est la cohérence ?
M. Jean-Marie Bockel, président . - Nous sommes au milieu du gué, et le paysage se remodèle.
Mme Éliane Giraud . - Je ne suis pas d'accord. J'aime l'approche de M. Rossinot, par grands projets. L'objectif est certes de faire en sorte que nous vivions bien dans notre pays, mais aussi que s'y créent des richesses. M. Potier, qui dirige Air Liquide, nous expliquait récemment qu'il faut développer des écosystèmes complets pour susciter innovation et dynamisme économique. Ces écosystèmes existent, notamment à Grenoble, et doivent essaimer et se diffuser sur le territoire. Pour cela, nous devons prévoir un maillage souple du territoire. Il faut de l'unité, car la République existe, ainsi que des territoires forts. Nous devons favoriser les démarches ascendantes et non la vision qui s'impose de haut en bas. Nous n'avons pas parlé des parcs naturels régionaux, auxquels je suis très attachée. Quant à l'ingénierie, elle n'implique pas nécessairement des embauches : un même urbaniste peut travailler pour plusieurs communes. J'ajoute que ce travail est indispensable pour que les investissements soient judicieux. Enfin, le pire pour un élu local est de voir le travail de plusieurs années annulé par un amendement voté en dernière minute au Parlement. Soyons attentifs à la pérennité des dispositifs.
M. René Vandierendonck . - Les cartes sont très parlantes. Et M. Rossinot, dont j'apprécie depuis longtemps l'intelligence, a raison de régler le problème de la mutualisation - car, dans toutes ces structures, il y a du monde - dans l'interurbain et le périurbain en recourant aux pôles métropolitains. J'assisterai à tout colloque consacré à la question pourvu que le débat porte sur des cas concrets. La complexité, si critiquée, reflète aussi la vie. J'ai expliqué hier à M. Baylet comment fonctionnait le transport scolaire : il y a loin de la théorie à la pratique ! Nous devons clarifier l'ingénierie territoriale. Nous nous sommes battus pour que les départements ne soient pas enfermés dans le social et restent des collectivités territoriales de plein exercice. Ils doivent donc participer à l'ingénierie territoriale, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales. En tout cas, soyons attentifs aux spécificités de chaque territoire.
M. Bernard Delcros . - Ce n'est pas aux territoires de s'adapter à un cadre rigide, mais aux outils de s'adapter aux spécificités de chaque territoire et aux politiques qui y sont menées. Il faut donc de la souplesse et de la capacité d'adaptation. Le PETR doit pouvoir être, selon les cas, ouvert ou fermé. Les intercommunalités rurales ont besoin de monter en compétence, ce qui n'implique pas nécessairement un gonflement des effectifs : la clé est la mutualisation - et l'attractivité. Avec les contrats de ruralités, l'État se lie pour la première fois avec les territoires à leur échelle. C'est une belle avancée, qui peut financer de l'ingénierie territoriale - dans une limite de 10 %.
M. Jean-Claude Boulard . - Le PETR n'est pas une obligation. Pour l'heure, les départements profitent de la situation pour reprendre les financements qu'ils consacraient à l'ingénierie. Il y a urgence, donc.
M. Michael Restier, directeur de l'Association Nationale des Pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des Pays (ANPP) . - Un projet de territoire est une démarche volontariste. Il n'y a de pôle territorial que si les intercommunalités y participent : il ne peut donc y avoir de doublons. Au 1 er janvier 2016, sur 428 SCOT, plus de 220 sont portés par des pays de milieu rural. Il y a donc complémentarité entre les intercommunalités et les pôles territoriaux. La moyenne nationale du nombre d'ETP consacrés à l'ingénierie est de sept. C'est peu ! La mutualisation est donc indispensable.
M. Jean-Marie Bockel, président . - Je vous remercie. Notre délégation rédigera un rapport d'information à partir des actes de cette table ronde.