B. DANS DES TERRITOIRES AUX CARACTÉRIQUES SOCIALES PARFOIS SOMBRES, LE SPORT COMME OUTIL D'INTÉGRATION ET DE LUTTE CONTRE LE DÉCROCHAGE
1. Face à une situation sociale parfois délicate...
a) Un fort chômage des jeunes et un taux de délinquance élevée
Les outre-mer demeurent, dans leur ensemble, confrontés à une situation économique marquée par de forts taux de chômage, dépassant souvent largement les moyennes hexagonales. Surtout, ce constat est souvent encore plus alarmant en matière de chômage des jeunes : ceux-ci représentent ainsi 63 % des chômeurs en Polynésie française 30 ( * ) , par exemple. Dans les trois départements français d'Amérique, environ un jeune sur deux est au chômage. Le faible emploi des jeunes appelle à une vigilance accrue de leur situation sociale et particulièrement de leur bonne intégration dans la société.
Taux de chômage outre-mer, par bassin océanique
en % |
Saint-Pierre-et
|
Guadeloupe |
Saint-Martin |
Saint-Barthélemy |
Taux de chômage |
5,9 |
22,4 |
33,6 |
4,3 |
Taux de chômage des jeunes |
- |
53,3 |
12,7 |
- |
en % |
Martinique |
Guyane |
La Réunion |
Mayotte |
Taux de chômage |
17,8 |
22,4 |
22,8 |
25,9 |
Taux de chômage des jeunes |
50,1 |
43,9 |
47,5 |
43,1 |
en % |
Polynésie française |
Wallis-et-Futuna |
Nouvelle-
|
Taux de chômage |
21,8 |
8,8 |
14,7 |
Chiffres issus des rapports IEDOM/IEOM 2017 et 2016 pour les Îles du Nord ; pour certains territoires, les derniers recensements peuvent remonter à 2014.
Concernant la délinquance , le constat est toujours extrêmement préoccupant là aussi. Un rapport du ministère de l'intérieur de janvier 2018 intitulé « Les territoires ultramarins sont toujours plus exposés à la délinquance violente que la métropole » rappelait encore une fois la situation des outre-mer en matière d'insécurité.
Ainsi, le rapport relevait une persistance d'un nombre plus élevé de vols violents aux Antilles et à Mayotte que dans l'hexagone mais aussi davantage de victimes de violences physiques et sexuelles dans l'ensemble des outre-mer. Le rapport pointait également les violences intrafamiliales nombreuses en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Le rapport insistait enfin sur le nombre d'homicides, ainsi « si on synthétise les indicateurs sur les vols violents, les coups et blessures volontaires et les violences sexuelles, cinq territoires se distinguent : les trois départements français d'Amérique, Mayotte et la Nouvelle-Calédonie. Dans ces cinq territoires, le nombre d'homicides est également beaucoup plus élevé qu'en métropole », La Réunion et la Polynésie française ne se distinguant pas sur ce point de l'hexagone.
b) Des défis démographiques contrastés
Une vigilance doit également être apportée au niveau des évolutions démographiques des territoires, qui suivent des dynamiques radicalement opposées. Ainsi, alors que la Martinique 31 ( * ) et la Guadeloupe perdent chaque année des habitants et connaissent un vieillissement de leurs populations, des territoires comme Mayotte et la Guyane voient toujours une forte progression démographique , due aux flux migratoires comme à la natalité sur le territoire. En Guyane, la population croît ainsi de 2,6 % par an entre 2009 et 2014 selon l'INSEE, avec une augmentation de 19,6 % du nombre de naissances entre 2010 et 2016.
Dans le cas d'une démographie galopante comme dans celui d'une population vieillissante, le sport a un rôle à jouer.
2. Le sport apparaît un efficace vecteur d'insertion sociale
a) Le sport, un vecteur d'insertion par l'emploi
La politique d'insertion par le sport, qui passe notamment par le recours aux contrats aidés, relève du ministère des sports. À ce titre, les outre-mer se sont davantage saisis du dispositif des emplois aidés que l'hexagone. Ainsi, La Réunion, la Guadeloupe et la Martinique, recensent 200 à 400 conventions signées pour 10 000 habitants sur la période 2010 à 2016, soit 3 à 6 fois plus que la moyenne hexagonale .
Le ministère des outre-mer s'est mobilisé dans le cadre de la refonte des contrats aidés engagée en 2018 pour le maintien, d'une part, d'un taux de prise en charge supérieur de 10 % à la moyenne nationale - 60 % - et, d'autre part, d'un contingent élevé de contrats - 22 000 hors éducation nationale.
D'autres dispositifs comme « sport emploi » et « sésame », pilotés par le ministère des sports, sont par ailleurs applicables aux outre-mer :
- le dispositif Sésame vers l'emploi, pour le sport et l'animation dans les métiers de l'encadrement, permet d'accompagner des jeunes de 16 à 25 ans rencontrant des difficultés d'insertion sociale et/ou professionnelle et résidant au sein d'un quartier politique de la ville (QPV) ou d'une zone de revitalisation rurale (ZRR) ;
- le plan sport emploi est destiné à faciliter l'embauche de personnels qualifiés disposant de compétences techniques, pédagogiques ou administratives leur permettant de conduire, directement ou indirectement, une mission de développement de la pratique sportive dans le cadre associatif.
b) Le sport, une activité pourvoyeuse de valeurs et de lien social
Lors de son audition devant la délégation aux outre-mer, la ministre des sports, Laura Flessel, prêtait au sport plusieurs vertus, au premier rang desquels le fait que celui-ci soit « créateur de lien social et vecteur d'inclusion ». Ainsi, selon la ministre, « en sport, les différences s'agrègent et rendent plus fort. En sport, on va vers l'autre, on apprend à le connaître qu'il soit dans notre équipe ou un adversaire. On apprend l'humilité, le respect, le dépassement de soi (...). Pratiquer le sport c'est aussi apprendre les codes du bien-vivre ensemble ». La ministre des sports indiquait également que son ministère avait demandé au Conseil économique, social et environnemental (CESE) d'étudier la manière dont le sport crée du lien dans les quartiers prioritaires de la ville, dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et surtout dans les outre-mer.
Interrogé sur l'importance sociale du sport, l'ancien boxeur de haut niveau Jean-Marc Mormeck , délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'outre-mer (DIECFOM) expliquait aussi que « le sport est un des plus puissants vecteurs d'inclusion sociale » justifiant ses déplacements et échanges avec les jeunes, notamment en établissements scolaires dans des quartiers dits de « politique de la ville », en se servant des valeurs du sport pour leur montrer en quoi le respect de ses valeurs favorise la réussite scolaire puis sociale . Le délégué interministériel, qui a rappelé devant la délégation comment le sport l'avait personnellement construit dans sa jeunesse, a également aidé à la réalisation de projets sportifs, comme des tournois de football entre quartiers ou d'action sportive à vocation pédagogique, un atelier boxe dans des écoles primaires par exemple. La priorité est selon lui de soutenir le « sport pour tous ».
Face à une jeunesse confrontée à un fort chômage et parfois en déshérence, le sport est un levier puissant d'inclusion sociale. Les élus locaux interrogés en visioconférence à Paris comme durant le déplacement ont tous mis en avant les initiatives locales d'insertion par le sport . La sous-préfecture de La Trinité à la Martinique indiquait 32 ( * ) qu'« au Robert et à Sainte-Marie, les associations sportives sont des acteurs à part entière de la mise en oeuvre des contrats de ville » et « interviennent régulièrement aux côtés des acteurs institutionnels de la politique de la ville pour proposer des actions d'insertion et d'éducation par le sport » ; sur ces deux communes, dix associations ont été subventionnées entre 2015 et 2017 sur les crédits « politique de la ville ».
Cela a également été le cas de la ville de Saint-Pierre à La Réunion , par exemple, par le biais du centre communal d'action sociale ( CCAS) 33 ( * ) , mais aussi en Guadeloupe du CISMAG , à Marie-Galante, confrontée à une situation sociale difficile. Le rôle d'associations structurées comme « profession sports loisirs » a également été souligné. Si le sport est un déterminant dans les quartiers à fort enjeu social, les territoires identifiés prioritaires en matière de politique de la ville ne sont pas nécessairement les mieux pourvus en infrastructures : en Polynésie française, un tiers des 179 quartiers en contrat de ville est sans équipement sportif de proximité 34 ( * ) .
Le CISMAG, un exemple du potentiel social du sport Lors de leur déplacement aux Antilles et en Guyane, le président et les rapporteures présentes se sont rendues à Marie-Galante où ils ont pu rencontrer les responsables du centre d'insertion spécialisée de Marie-Galante, CISMAG, créé en 1992. Cette association vise à développer une prévention spécialisée et à lutter contre l'exclusion. Si l'action du CISMAG ne se concentre pas sur le sport - des ateliers agriculture, blanchisserie et cuisine sont aussi proposés -, la pratique sportive est au coeur de la stratégie d'insertion mise en oeuvre. Le CISMAG mise sur une activité économique dynamique de Marie-Galante, à savoir les sports nautiques. Des activités de voile et de kayak sont ainsi proposées à Saint-Louis, quand la mangrove de Vieux-Fort permet de développer des activités de nature. L'activité du CISMAG montre que le sport peut être vecteur d'insertion sociale et professionnelle, ici dans les métiers de la mer. Les jeunes accueillis participent à l'ensemble des activités, de l'accueil, des travaux et de l'entretien jusqu'à l'animation de groupes. En fonction de leurs compétences, ils peuvent recevoir des formations au permis bateau ou d'aspirant moniteur kayak. |
Source : Réponses de la DJSCS Guadeloupe
* 30 Rapport IEOM - Polynésie française 2018.
* 31 Selon l'INSEE, la croissance annuelle de la population a été négative sur 2010-2015, -0,7 % en Martinique et -0,1 % en Guadeloupe. INSEE - « La démographie guyanaise toujours aussi dynamique », janvier 2018.
* 32 Informations reçues dans le cadre du déplacement.
* 33 Visioconférence avec les élus locaux de La Réunion du 1 er février 2018.
* 34 Réponses du ministère de l'éducation, de la jeunesse et des sports de Polynésie française au questionnaire des rapporteures.