C. LA PARTICIPATION ACCRUE DES PAYS TIERS AU PROGRAMME EUROPÉEN ET LA QUESTION DU BREXIT
1. Quelles conditions pour une participation accrue des pays tiers ?
La Commission européenne propose d'accroître la participation des pays tiers au programme-cadre de recherche. Actuellement, cette participation est ouverte aux pays membres de l'Espace économique européen, aux pays relevant de la politique de voisinage et aux pays en voie d'adhésion (pays candidats ou potentiels candidats). L'objectif de cette mesure est d'associer davantage l'Union européenne à des pays disposant de capacités et de compétences scientifiques et technologiques avancées pour faciliter le partage des connaissances, des savoir-faire, afin de mieux répondre à des défis d'ordre mondial.
La proposition prévoit que des accords pourraient être passés avec certains pays tiers remplissant les conditions suivantes : de bonnes capacités dans les domaines scientifique, technologique et de l'innovation ; un engagement en faveur d'une économie de marché ouverte fondée sur des règles, notamment un traitement juste et équitable des droits de propriété intellectuelle, et soutenue par des institutions démocratiques ; la promotion active de politiques destinées à améliorer le bien-être économique et social des citoyens. L'association impliquerait un paiement au départ par ces pays, puis un mécanisme de correction et de compensation financière serait appliqué afin d'assurer l'équilibre financier de l'association.
L'objectif scientifique d'associer un pays tiers pour le partage du savoir ne doit pas se transformer en subvention des programmes de recherche de ces pays. L'accès au programme-cadre et à son potentiel d'excellence et de collaboration est déjà un grand avantage. Pour l'Union, attirer les meilleurs talents est important, mais cela doit aussi se faire dans ses intérêts et pour contribuer à la compétitivité européenne.
La question se pose de savoir si la participation des États tiers doit concerner en priorité les projets collaboratifs et si elle doit inclure ou non les projets individuels, du type de ceux attribués par le Conseil européen de la recherche. Pour vos rapporteurs, la renommée de ce dernier passe aussi par le soutien aux meilleurs projets individuels issus des pays associés au programme de recherche. La marque d'excellence provient aussi du fait qu'on attire les meilleurs chercheurs. C'est la raison pour laquelle vos rapporteurs sont favorables au maintien du soutien aux projets individuels, avec l'application du mécanisme de correction tel qu'envisagé par la Commission européenne en ce qui concerne la participation financière des États tiers à Horizon Europe.
2. La question du Brexit
Bien qu'elles soient peu mentionnées dans le débat public, les conséquences dans le domaine de la recherche et de l'innovation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne sont pourtant majeures pour le pays et pour l'Union. Une étude 8 ( * ) de la British Academy montre à quel point le pays tire avantage de sa participation au programme européen de recherche et d'innovation.
Le Royaume-Uni est le premier bénéficiaire d'Horizon 2020, à mi-parcours. Tandis qu'il contribue à hauteur 11,5 %, c'est 14,7 % des financements européens qui vont à des projets britanniques, soit un taux de rendement de 1,27. Ce résultat s'explique en particulier par les succès obtenus dans le cadre des bourses individuelles attribuées par le Conseil européen de la recherche. Cela est particulièrement remarquable dans le domaine des sciences humaines et sociales où plus du tiers des bourses vont à des chercheurs basés au Royaume-Uni (dans les autres domaines comme les sciences du vivant et les sciences de l'ingénierie, le taux est proche des 20 %). En moyenne, c'est près de 70 millions d'euros par an de soutien aux sciences humaines et sociales, soit pratiquement le quart de l'aide octroyée par les deux conseils de recherche britannique financeurs de ce domaine.
Cette performance permet au pays de combler la faiblesse de son investissement dans la recherche : environ 1,7 % du PIB, contre 2 % en moyenne en Europe. Il permet aussi au Royaume-Uni d'attirer les meilleurs talents. En effet, s'il a accueilli 1 869 lauréats du programme des bourses du Conseil européen de la recherche, environ la moitié d'entre eux ne sont pas britanniques. Le pays a donc doublement à perdre en sortant de l'Union européenne : il est peu évident que le soutien national à la recherche compense les fonds versés par l'Union, alors même qu'un statut d'associé lui permettrait de continuer à bénéficier en partie des programmes ; la restriction à la mobilité des personnes pourrait entraîner le départ d'un certain nombre de chercheurs du pays et son attractivité en serait amoindrie.
Pour sa part, l'Union européenne doit s'interroger pour savoir où est son intérêt. L'excellence britannique sur certains secteurs est un atout qu'il serait bon de garder attaché à l'Union. La France et le Royaume-Uni collaborent à de nombreux projets (secteur spatial, technologies médicales, notamment) et il convient de conserver ce partenaire important, plutôt que de le voir se rapprocher d'autres acteurs comme les États-Unis. Pour M. Antoine Petit, président-directeur-général du CNRS, « il est difficile d'imaginer l'Europe de la recherche sans le Royaume-Uni » . C'est pourquoi, si le pays quitte définitivement l'Union européenne, vos rapporteurs pensent qu'il importe de signer rapidement un accord d'association permettant au Royaume-Uni de participer et de contribuer à Horizon Europe.
* 8 Frontier Knowledge for Future Gain : why the European Research Council matters - A British Academy Brexit Briefing, may 2018.