II. UN IMPÉRATIF : PROMOUVOIR LES DROITS DES FILLES PARTOUT DANS LE MONDE
Face à ces terribles constats, une prise de conscience de la gravité des conséquences néfastes des mariages précoces a débouché sur une mobilisation plus marquée de la communauté internationale depuis une dizaine d'années, notamment dans le cadre onusien.
Cette mobilisation passe non seulement par un engagement de l'ONU à travers la définition d'objectifs dans ce domaine, mais aussi et surtout par l'action de ses agences spécialisées sur le terrain . Le rôle des ONG et de la société civile est également fondamental dans la dynamique de la lutte contre le mariage des enfants.
A. UNE MOBILISATION INTERNATIONALE À POURSUIVRE
La communauté internationale est mobilisée sur la question des droits des filles à travers l'implication de l'Organisation des Nations Unies (ONU) et, plus récemment, du G7.
1. Des initiatives onusiennes à encourager
a) Les fondements « théoriques »
(1) Les Objectifs du développement durable (ODD)
L'ONU a pris en compte les droits des filles dans le cadre des dix-sept objectifs du développement durable qui constituent l'Agenda 2030.
Cette feuille de route a été adoptée par les États membres de l'ONU en septembre 2015, après deux années de négociation. Elle énonce 169 cibles à atteindre d'ici 2030, définies objectif par objectif .
Parmi les 17 ODD, l'objectif 5 a trait à l'égalité des sexes. Il se décline en plusieurs cibles, parmi lesquelles le mariage des enfants, le mariage forcé et les mutilations sexuelles féminines.
OBJECTIF 5 DU DÉVELOPPEMENT DURABLE :
PARVENIR À L'ÉGALITÉ DES SEXES
Les cibles définies par l'ONU pour atteindre cet objectif sont les suivantes : - cible 5.1 : Mettre fin, partout dans le monde, à toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles - cible 5.2 : Éliminer de la vie publique et de la vie privée toutes les formes de violences faites aux femmes et aux filles, y compris la traite et l'exploitation sexuelle et d'autres types d'exploitation - cible 5.3 : Éliminer toutes les pratiques préjudiciables, telles que le mariage des enfants, le mariage précoce ou forcé et les mutilations sexuelles féminines - cible 5.4 : Prendre en compte et valoriser les soins et travaux domestiques, non rémunérés, par la mise en place de services publics et de politiques de protection sociale, et par la promotion du partage des responsabilités dans le ménage et la famille, en fonction du contexte national - cible 5.5 : Veiller à ce que les femmes participent pleinement et effectivement aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique, et y accèdent sur un pied d'égalité - cible 5.6 : Assurer l'accès de tous aux soins de santé sexuelle et procréative et faire en sorte que chacun puisse exercer ses droits en matière de procréation Par ailleurs, les cibles définies pour mettre en oeuvre cet objectif sont les suivantes : - cible 5 a : Entreprendre des réformes visant à donner aux femmes les mêmes droits aux ressources économiques, ainsi que l'accès à la propriété et au contrôle des terres et d'autres formes de propriété, aux services financiers, à l'héritage et aux ressources naturelles, dans le respect de la législation interne - cible 5 b : Renforcer l'utilisation des technologies clefs, en particulier de l'informatique et des télécommunications, pour favoriser l'autonomisation des femmes - cible 5 c : Adopter des politiques bien conçues et des dispositions législatives applicables en faveur de la promotion de l'égalité des sexes et de l'autonomisation de toutes les femmes et de toutes les filles à tous les niveaux, et renforcer celles qui existent. |
(2) Un outil de plaidoyer stimulant : la Journée internationale des droits des filles
En 2012, l'ONU a créé la Journée internationale des droits des filles afin de contribuer à lutter contre les difficultés auxquelles les filles sont spécifiquement confrontées par rapport à celles que rencontrent les femmes adultes, telles que les mariages et les grossesses précoces ainsi que les mutilations sexuelles féminines - même si le mariage forcé et les mutilations sexuelles concernent également les femmes adultes.
L'Assemblée générale des Nations unies a donc adopté le 19 décembre 2011 la résolution 66/170 qui retient la date du 11 octobre pour célébrer la Journée internationale des droits des filles .
La résolution souligne que « L'autonomisation des filles et l'investissement dans les filles (...) ainsi qu'une véritable participation des filles aux décisions qui les touchent, sont cruciaux pour briser l'engrenage de la discrimination et de la violence et pour promouvoir et protéger l'exercice plein et effectif de leurs droits fondamentaux ».
La résolution insiste aussi sur le rôle de l'entourage , en mettant en valeur la nécessité du soutien actif et de l'engagement des parents, des tuteurs légaux, des familles, mais aussi des garçons et des hommes, pour promouvoir l'autonomisation des filles .
b) L'action de l'ONU sur le terrain : quelles stratégies pour défendre les droits des filles ?
Sur le terrain, l'action de l'ONU passe par des organismes spécifiques, en particulier l' UNICEF et ONU Femmes . Ces structures s'appuient elles-mêmes sur leurs branches locales, implantées dans différents pays.
(1) ONU Femmes : un engagement contre le mariage forcé dans le cadre de la promotion plus générale des droits des femmes
Organisme des Nations unies dédié à l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes, ONU Femmes soutient les États membres des Nations unies dans l'adoption de normes internationales en faveur de l'égalité des sexes . Elle intervient à l'échelle mondiale et travaille avec les gouvernements et la société civile en vue d'atteindre les objectifs du développement durable, et tout particulièrement l'objectif 5.
Son action s'articule autour de cinq domaines prioritaires :
- renforcer le leadership des femmes et leur participation dans toutes les sphères de la société ;
- mettre fin aux violences à l'égard des femmes ;
- intégrer celles-ci dans les processus de paix et de sécurité ;
- faire progresser leur autonomisation économique ;
- placer l'égalité des sexes au coeur des processus de planification et de budgétisation au niveau national.
Dans le cadre de ces objectifs, elle oeuvre directement à la protection des petites filles et des adolescentes, à travers les initiatives et actions menées dans de nombreux pays.
(2) L'UNICEF, une action ciblée sur le bien-être et l'émancipation des filles par l'éducation
(a) Une stratégie générale axée sur la promotion des droits des filles
Rappelons que l' UNICEF 51 ( * ) (Fonds des Nations Unies pour l'enfance) a été créé en 1946 pour défendre les droits des enfants dans le monde entier.
Cette agence onusienne a pour priorité les enfants les plus vulnérables : victimes des guerres , de catastrophes naturelles , de la pauvreté , de violences ou d' exploitation dans les pays les plus exposés.
Dans le cadre de ses missions, l' UNICEF déploie d'importantes ressources dans toutes les régions du monde pour augmenter le taux de scolarisation des filles (en particulier dans le niveau secondaire), informer les filles de leurs droits, leur offrir un accès aux ressources nécessaires à une bonne hygiène menstruelle et sexuelle , et les protéger contre les violences telles que les mutilations sexuelles féminines, les mariages forcés et les grossesses précoces .
Pour atteindre ces objectifs, l' UNICEF mène plusieurs actions en faveur de la protection et de l'émancipation des filles, notamment dans les zones de conflits .
L'organisation internationale a ainsi ciblé cinq priorités pour améliorer la condition des filles , qui sont d'ailleurs assez proches de celles définies par ONU Femmes :
- mettre fin aux mariages précoces ;
- lutter contre les violences liées au genre ;
- faire progresser l'éducation secondaire des filles et l'acquisition des compétences ;
- veiller à leur santé nutritionnelle , sexuelle et reproductive ;
- offrir les conditions d'une bonne hygiène menstruelle , dans une double logique de santé et d'émancipation .
Pour décliner concrètement la mise en oeuvre de ces priorités sur le terrain, l' UNICEF a élaboré un Plan d'action pour l'égalité des sexes ( Gender Action Plan 2018-2021 ), à l'échéance de 2021, afin de :
- développer les compétences et l'employabilité de 6,5 millions de filles afin de leur permettre de s'émanciper et d'exercer pleinement leur citoyenneté ;
- mener un travail de prévention et de traitement auprès de 670 000 filles concernées par le mariage précoce ;
- réduire toutes les formes d'anémie et de malnutrition , en mettant à disposition des 70 millions d'adolescentes concernées les services nécessaires. Ces aspect est particulièrement important pour prévenir les grossesses à risque ;
- équiper 60 000 écoles de toilettes séparées pour filles et garçons. Comme l'a indiqué Paolo Babos, conseillère genre du Bureau régional de l' UNICEF en Afrique centrale et occidentale, au cours de la table ronde du 11 octobre 2018, « l'hygiène menstruelle constitue un sujet extrêmement important, notamment sur la connaissance que les jeunes filles ont de leur corps et de la santé reproductive » ;
- permettre à 30 millions de filles aujourd'hui privées d'éducation d'accéder à l'école primaire ou secondaire. Ainsi que l'a souligné le directeur général d' UNICEF France le 11 octobre 2018 : « les filles qui sont mariées fréquentent moins l'école et inversement les filles qui vont à l'école se marient moins jeunes ».
Paola Babos a également relevé les fortes interactions entre mariage des enfants et éducations des filles . Ainsi, en Afrique centrale et occidentale, où la prévalence des mariages précoces reste importante, si des progrès significatifs ont été réalisés en matière d'enseignement primaire depuis vingt ans, l es avancées dans l'enseignement secondaire restent bien trop lentes selon elle : « Aujourd'hui, un peu plus de la moitié des filles ont terminé l'enseignement primaire ; environ un tiers ont achevé le premier cycle du secondaire et seulement 14 % des jeunes femmes ont terminé le deuxième cycle du secondaire ».
L'éducation représente donc un enjeu décisif pour faire régresser le mariage précoce , comme cela a été relevé précédemment 52 ( * ) .
Dans ce contexte, UNICEF France 53 ( * ) contribue à l'atteinte des objectifs définis par l' UNICEF , à travers des programmes et des actions de plaidoyer auprès du grand public et des pouvoirs publics .
Ainsi que l'a mentionné son directeur général au cours de la table ronde du 11 octobre 2018, UNICEF France finance directement cinq programmes 54 ( * ) ayant pour objectif principal l'émancipation et le bien-être des jeunes filles , et projette de financer plusieurs nouveaux projets en 2019. De plus, l'ensemble des projets financés doivent intégrer une dimension « genre ». L'action d' UNICEF France sur le terrain est ainsi « de nature multifactorielle : nous travaillons sous l'angle de l'éducation, de la protection ou de l'économie » 55 ( * ) .
LES CINQ MISSIONS D' UNICEF FRANCE 1. Assurer en France la représentation de l' UNICEF auprès des pouvoirs publics, des milieux politiques, économiques, syndicaux, professionnels et culturels, des organisations non gouvernementales, des associations et fondations, des collectivités locales, des médias et, de manière générale, de l'opinion publique. 2. Promouvoir les actions de coopération et d'entraide en faveur de l'enfance organisées par l' UNICEF et veiller à l'application de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant (CIDE). 3. Contribuer, par la collecte de fonds, à l'accroissement des ressources de l' UNICEF en vue de renforcer son intervention permanente ou d'urgence dans le monde. 4. Entreprendre des actions d'information et d'éducation visant le développement et la protection de l'enfant dans le cadre de l'application de la CIDE. 5. Prendre part, par des propositions et actions appropriées, à la formulation de politiques publiques nationales et locales en faveur de l'enfance . |
De surcroît, dans la droite ligne de la stratégie internationale de l' UNICEF , UNICEF France fait de l'émancipation des adolescentes et de la lutte contre le mariage des enfants l'une des priorités de son plaidoyer international auprès des pouvoirs publics français.
Par ailleurs, UNICEF France a lancé une initiative centrée sur la lutte contre le mariage des filles , intitulée Go Girls ! , qui a pour objet de financer trois programmes de lutte contre les mariages précoces et les violences sexuelles afférentes . La première phase de financement du programme sera déclinée sur une période de trois ans (2018-2021), pour un montant global de l'ordre de 1,5 million d'euros.
(b) L'action du Bureau UNICEF d'Afrique centrale et occidentale (WCARO) : un travail partenarial avec les acteurs locaux
La délégation a entendu avec intérêt, le 11 octobre 2018, la présentation du travail effectué par le bureau UNICEF d'Afrique centrale et occidentale ( WCARO ) pour faire régresser le mariage des enfants et les grossesses précoces.
La conseillère genre du Bureau régional de l' UNICEF en Afrique centrale et occidentale ( WCARO ) a ainsi commenté les trois dimensions de cette action : améliorer la connaissance du mariage forcé et des grosseses précoces à travers des études, encourager la scolarisation des filles et impliquer les hommes et, plus généralement, les communautés.
Le WCARO a ainsi analysé la réponse du secteur éducatif aux mariages et aux grossesses précoces . Il a recensé les réponses actuelles apportées à ces deux problèmes dans les pays les plus concernés. Treize pays ont été retenus pour le champ de son étude : Niger, Mali, Centrafrique, Tchad, Guinée, Burkina Faso, Nigeria, République démocratique du Congo (RDC), Gabon, Liberia, Sierra Leone, Côte d'Ivoire et Ghana.
Cette enquête vise à mieux évaluer la façon dont l'éducation des filles peut permettre de les protéger des discriminations de genre et des violences liées aux mariages et grossesses précoces . Elle a également pour objectif :
- de fournir une analyse et une cartographie de l'environnement institutionnel et du secteur éducatif , permettant d'établir les points d'appui et de blocages dans la réduction des mariages et grossesses précoces ;
- d'identifier les interventions et programmes en cours en lien avec l'école et répondant à un objectif de réduction des mariages et grossesses précoces, afin d'en comprendre les réussites et les échecs ;
- de recenser et collecter les données sur ces sujets , aussi bien au niveau régional que mondial, afin de mettre à jour les principales lacunes ;
- d'élaborer les éléments clé d'une stratégie régionale de prévention des mariages et grossesses précoces .
Par ailleurs, indépendamment de cette étude, Paola Babos, conseillère genre du Bureau régional de l' UNICEF en Afrique centrale et occidentale, a présenté le travail de terrain mené par le WCARO , en partenariat avec les acteurs locaux .
En ce qui concerne par exemple la prévention du mariage des enfants, le WCARO travaille « en étroite collaboration » avec l'Union africaine 56 ( * ) , les organismes régionaux tels que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) 57 ( * ) , et les gouvernements nationaux dans la mise en oeuvre de la campagne de l'Union africaine pour mettre fin au mariage des enfants . D'après elle, « ces actions sont accompagnées par des interventions ciblées qui ont pour objectif d'autonomiser les filles au niveau communautaire et de soutenir l'engagement des parents, des chefs traditionnels, des groupes de femmes, des médias et des leaders d'opinion influents sur les réseaux sociaux ».
En outre, pour augmenter le taux de scolarisation des filles, le WCARO conduit des actions telles que l'assistance qu'il apporte au Ghana pour mettre en oeuvre un plan d'action national chiffré dans le but de mettre fin au mariage des enfants. Dans ce pays, l' UNICEF a également accompagné le gouvernement dans le premier programme de nutrition des filles en milieu scolaire , dans le but de réduire l'anémie et d'informer les filles sur la santé et la nutrition.
Autre exemple, au Niger , l' UNICEF et ses partenaires ont travaillé avec le gouvernement en vue d'élever à 16 ans l'âge de la scolarisation obligatoire pour les filles, « ce qui offre d'importantes opportunités et alternatives pour les filles mariées ».
De même, au Libéria , le programme pour l'égalité des sexes dans l'éducation bénéficie à plus de 4 000 filles, dont 500 jeunes mères et filles ayant abandonné leurs études, à travers des « actions de réintégration et de maintien à l'école ».
Enfin, le WCARO , convaincu à juste titre de la nécessité de l'engagement des hommes contre le mariage précoce et pour l'éducation des filles , s'emploie à impliquer les hommes et les communautés contre ce fléau.
À cet égard, Paola Babos a indiqué que cette thématique était devenue une part essentielle de la stratégie du WCARO : « Nous avons observé diverses bonnes pratiques en Afrique de l'Est, que nous essayons de porter en Afrique francophone (...). Il convient de travailler autant avec les adolescents qu'avec les hommes adultes en tant que pères et maris. À l' UNICEF , nous mettons parfois trop l'accent sur la femme et l'enfant. Nous avons donc adapté nos campagnes afin d'y inclure le père et le mari ».
(3) L'exemple du travail mené au Bénin : information, prévention et sensibilisation des communautés locales sur les droits sexuels et reproductifs
Enfin, au cours de la table ronde du 11 octobre 2018, Chanceline Mevowanou, militante béninoise contre le mariage des enfants et les grossesses précoces a présenté l'action conduite au Bénin pour faire régresser ces pratiques.
D'après les chiffres cités par Chanceline Mevowanou, dans ce pays, trois filles sur dix sont mariées avant l'âge de 18 ans et une fille sur dix avant l'âge de 15 ans . Selon un rapport ministériel, le Bénin aurait enregistré 2 763 cas de grossesses précoces au collège au cours de l'année scolaire 2016-2017 (une fille sur cinq serait donc concernée). Encore ce chiffre ne prend-il en compte que les filles scolarisées.
L' UNICEF mène principalement un travail d'information tourné aussi bien vers les filles que vers leurs parents . Car, comme l'a constaté Chanceline Mevowanou, « généralement, les filles qui subissent cette situation ne sont pas suffisamment informées ». Selon elle, « il est indispensable d'informer et d'éduquer les populations et les communautés ».
L' UNICEF a donc mis au point au Bénin une campagne « Tolérance zéro mariage des filles » . Par ailleurs, la plupart des filles n'étant pas suffisamment instruites, « il est nécessaire de trouver le moyen de les informer et de discuter avec elles », selon les mots de Chanceline Mevowanou. Ainsi, l' UNICEF a développé une approche fondée sur la représentation d'une pièce de théâtre dans leur langue, avec des chansons et de la poésie, afin de favoriser la délivrance du message et d'encourager la discussion.
En outre, l' UNICEF mène des séances d'information dans les écoles locales et a créé une plateforme en ligne pour agir contre le mariage forcé, ce vecteur permettant de toucher de nombreuses personnes.
Chanceline Mevowanou a également cité le programme « Amour et vie » de l'Association béninoise pour le marketing social (ABMS), qui permet aux jeunes filles de poser des questions sur la sexualité et la grossesse , dans un pays où ces sujets demeurent bien souvent tabous. Ce programme facilite également l'orientation des jeunes filles tombées enceinte vers des centres de promotion sociale, qui les aident à retourner à l'école après l'accouchement .
À cette occasion, elle a également fait observer que trop de jeunes filles restent très ignorantes de leur corps au moment de la puberté : des séances d'information sur l'hygiène menstruelle sont donc menées à leur attention en présence de sages-femmes .
Le programme « Amour et Vie » réalise également des émissions de radio et de télévision sur ces sujets, y compris sur la contraception, qui suscite des réticences de la part de famille : « Les parents nous accusent de vouloir dépraver leurs filles », a dit Chanceline Mevowanou. C'est pourquoi les familles, dans des pays dont la culture valorise un nombre élevé d'enfants, ne sont généralement pas ouvertes à la démarche du Planning familial . Cela peut constituer une difficulté supplémentaire pour informer les filles en matière de santé sexuelle et reproductive .
Enfin, le programme « Amour et Vie » s'attache à impliquer les hommes dans ces actions, à travers le développement d'une « approche fondée sur le genre et sur une image positive de la masculinité ». Dans ce cadre, l'ABMS a notamment lancé une initiative appelé « l'École des maris » , « pour apprendre aux hommes à incarner de nouvelles valeurs, telles que la tolérance et le respect de la fille, au lieu de recourir à la violence pour démontrer leur autorité ».
Comme elle a eu l'occasion de l'exprimer dans son rapport sur les mutilations sexuelles féminines, la délégation aux droits des femmes estime que l'implication des hommes est essentielle dans la lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes .
2. L'intervention du G7, une initiative prometteuse ?
L'égalité femmes-hommes et la prise en compte des droits des filles sont désormais des sujets abordés dans le cadre du G7 58 ( * ) .
Une concertation dite « Women 7 » a notamment été instaurée depuis quelques années pour élaborer, en vue des sommets du G7, des recommandations issues de la société civile dans ce domaine en lien avec un « Conseil consultatif sur l'égalité des sexes » nommé par la présidence 59 ( * ) .
Sous l'impulsion du Premier ministre canadien Justin Trudeau, la présidence canadienne du G7 a fait de l'éducation des filles une priorité . À l'issue du sommet des 8 et 9 juin 2018 qui s'est tenu au Québec, elle a annoncé « un investissement de près de 3,8 milliards d'euros de dollars canadiens pour offrir une éducation de qualité aux femmes et aux filles qui vivent en situation de crise, de conflit ou dans les États fragiles ».
Le communiqué du sommet du G7 de Charlevoix consacre ainsi un développement spécifique à la promotion de l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes , qui met l'accent sur l'importance de garantir l'accès à l'éducation des filles, en particulier dans les zones de conflit 60 ( * ) .
En outre, une déclaration spécifique sur une éducation de qualité pour les filles , les adolescentes et les femmes dans les pays en développement a également été adoptée dans le cadre du sommet du G7 de juin 2018 61 ( * ) .
EXTRAITS DU COMMUNIQUÉ DU SOMMET DU G7 DE CHARLEVOIX, 8 ET 9 JUIN 2018 « Nous reconnaissons que l'égalité des sexes est fondamentale pour le respect complet des droits de la personne et qu'elle constitue un impératif social et économique (...). Si nous voulons favoriser l'autonomisation des filles et des femmes et leur offrir des chances égales, en particulier dans les contextes de développement et dans les pays aux prises avec des conflits, il est primordial de leur offrir un égal accès à une éducation de qualité . Par la Déclaration de Charlevoix sur l'éducation de qualité pour les filles, les adolescentes et les femmes dans les pays en développement, nous démontrons notre engagement à accroître les possibilités offertes à toutes d'accéder à un parcours scolaire sécuritaire et de qualité d'une durée minimale de 12 ans et à supprimer les obstacles à une éducation de qualité auxquels les filles et les femmes font face , en particulier dans les situations d'urgence et dans les États fragiles touchés par des conflits. Nous reconnaissons que les filles marginalisées, notamment celles qui ont un handicap, ont encore plus de difficulté à se scolariser ». |
De surcroît, d'après plusieurs sources officielles, la lutte contre les inégalités et l'éducation des filles, notamment en Afrique de l'Ouest, demeurera une priorité pour la présidence française du G7 62 ( * ) .
Par exemple, au cours de la conférence de presse qu'il a donnée en marge du G7 de Charlevoix, le Président de la République française a souligné que l'éducation des jeunes filles constitue une des priorités de la France en matière d'aide publique au développement. Faisant le lien entre l'éducation des filles et le mariage précoce, il a rappelé le « soutien » apporté par la France « aux pays qui, courageusement, mènent des réformes en la matière », à l'image du Niger qui, « durant ces dernières années, a mené une transformation profonde dans son pays pour lutter contre les mariages forcés et améliorer l'éducation des jeunes filles » 63 ( * ) .
L'engagement de la France en faveur des droits des filles a été rappelé lors de la 73 ème Assemblée générale des Nations unies, le 25 septembre 2018 : « (...) La lutte contre les inégalités sera la priorité de la présidence française du sommet du G7 en 2019 (...).Les femmes et les filles sont les premières touchées par la pauvreté, les conflits, les conséquences du réchauffement climatique, elles sont les premières victimes des violences sexistes et sexuelles (...). Nous devons leur garantir partout l'accès à l'éducation, la santé, l'emploi, à la prise de décision économique et politique, lutter contre toutes les formes de violences qui s'exercent contre elles (...). 50 % de notre aide au développement sera consacrée à des projets permettant de réduire les inégalités de genres ».
Dans la même logique, le document de politique transversale (DPT) Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes annexé au projet de loi de finances pour 2019 indique qu'« à compter de 2019, l'aide publique au développement privilégiera des projets en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. La présidence française du G7 sera aussi l'occasion de promouvoir de nouvelles initiatives ».
Ces priorités sont par ailleurs cohérentes avec la Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes pour la période 2018-2022, adoptée lors du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 8 février 2018 64 ( * ) .
LA STRATÉGIE INTERNATIONALE POUR
L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
Cette stratégie s'inscrit dans une approche élargie et intégrée à l'ensemble de l'action extérieure française, tout en permettant une plus grande prise en compte du genre dans les politiques d'aide au développement. Elle s'articule autour de cinq grands objectifs : - le renforcement de la culture institutionnelle en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et la prise en compte du genre au sein du ministère et de ses opérateurs ; - l'intensification du plaidoyer politique de la France en matière d'égalité entre les femmes et les hommes ; - l'augmentation et l'amélioration de la prise en compte de l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'aide publique au développement (APD) ; - l'amélioration et le renforcement de la visibilité, la transparence et la redevabilité de l'action du ministère et de ses opérateurs en faveur de l'égalité femme-homme ; - le renforcement des liens avec les organisations de la société civile , le secteur privé et la recherche pour lutter contre les inégalités femme-homme. |
Au cours de la table ronde du 11 octobre 2018, Sébastien Lyon, directeur général d' UNICEF France , a souligné l'opportunité que constituera la présidence française du G7 en 2019 pour avancer dans la lutte contre le mariage des enfants et les grossesses précoces, en lien avec la volonté affichée par les autorités françaises de promouvoir l'éducation des filles : « J'aimerais terminer en prenant date pour des échéances à venir, telles que le prochain G7 qui se tiendra en août 2019 en France. Nous savons que l'éducation des filles et la lutte contre les violences faites aux filles seront à l'ordre du jour de cette réunion. Je vous donne donc rendez-vous pour continuer nos travaux et nous assurer que nous porterons haut et fort la voix des , française continue de mettre l'accent sur l'accès à l'éducation des filles , notamment dans les zones de conflits.
Il est significatif à cet égard que la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale ait consacré en avril 2018 un rapport à la place des droits des femmes dans la diplomatie française 66 ( * ) . Qu'une commission permanente ait retenu pour thème de contrôle un sujet dédié aux droits des femmes doit également être souligné.
La délégation estime par ailleurs souhaitable de mettre à profit la présidence française du G7 pour faire avancer la lutte contre le mariage des enfants et les grossesses précoces ainsi que l'accès à l'éducation des filles, en particulier dans les pays les plus vulnérables fragilisés par la guerre, des conflits régionaux ou des crises environnementales.
* 51 Ou United Nations International Children's Emergency Fund .
* 52 L' UNICEF a renforcé son action en faveur de l'éducation secondaire , de la formation des jeunes et de leur accès à l'emploi, dans le cadre d'un partenariat international rassemblant des gouvernements, des ONG, des représentants de la société civile ainsi que des acteurs privés. L'organisation a, dans cet esprit, présenté en septembre 2018 une initiative visant à mobiliser la communauté des Nations Unies sur ces sujets, au profit des jeunes de 10 à 20 ans . L'objectif est de permettre à chaque jeune, d'ici 2030, d'avoir accès à l'éducation, à la formation ou à l'emploi. Il s'agit du projet Generation Unlimited évoqué par Sébastien Lyon lors de la table ronde du 11 octobre 2018.
* 53 Fondée en 1964, UNICEF France a le statut d'association de loi 1901. Elle a été reconnue d'utilité publique par un décret du 2 décembre 1970.
* 54 Au Bénin (approche globale pour répondre aux besoins en santé et bien-être des adolescent-e-s et favoriser leur autonomisation), au Cap Vert (lutte contre l'anémie des femmes enceintes et des enfants), à Djibouti (lutte contre les mutilations sexuelles féminines), au Liban (lutte contre les violences fondées sur le sexe et le mariage précoce) et au Togo (environnement scolaire protecteur des violences fondées sur le sexe).
* 55 Voir le compte rendu de cette table ronde annexé au présent rapport.
* 56 Organisation d'États africains créée en 2002 qui a succédé à l'Organisation de l'Unité africaine (OUA). Elle vise à promouvoir la démocratie, les droits de l'Homme et le développement en Afrique.
* 57 La CEDEAO est une organisation intergouvernementale créée en 1975 et destinée à coordonner l'action des pays de l'Afrique de l'Ouest. Elle promeut la coopération et l'intégration des pays de cette région.
* 58 Le G7 regroupe sept puissances économiques majeures (États-Unis, Canada, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie et Japon). Après le Canada en 2018, le G7 est présidé par la France en 2019. Le sommet des chefs d'État et de gouvernement aura lieu à Biarritz du 25 au 27 août 2019.
* 59 Le Women 7 au Canada était organisé par un collectif d'associations féministes nationales et internationales : Oxfam Canada, Action Canada for Sexual Health and Rights, the Canadian Women's Foundation, Canada Without Poverty, Nobel Women's Initiative, The MATCH International Women's Fund and Inter Pares . Il a travaillé sur les thèmes suivants : autonomisation économique des femmes, paix et sécurité, changement climatique, renforcement du mouvement féministe, droits et santé sexuels et reproductifs, violences contre les femmes, féminisme intersectionnel.
* 60 Voir le communiqué du sommet du G7 de Charlevoix sur le site Internet de la présidence canadienne du G7.
* 61 Ce document figure en annexe au présent rapport.
* 62 Parmi les autres priorités annoncées dans le domaine de l'égalité femme-homme sont mentionnées l'identification des lois les plus progressistes dans le monde et l'incitation des pays à leur adoption ; l'action pour la ratification et la généralisation de la Convention d'Istanbul ; la lutte contre les violences sexuelles, notamment dans les zones de conflits armés ; l'objectif de faire de l'aide publique au développement un levier pour l'éducation.
* 63 Source : site Internet de la Présidence de la République.
* 64 La Stratégie internationale de la France pour l'égalité entre les femmes et les hommes (2018-2022) s'appuie également sur la Feuille de route nationale quinquennale établie par le Comité interministériel pour l'égalité entre les femmes et les hommes (CIEFH) du 8 mars 2018.
* 65
Source : DPT Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes annexé au PLF 2019. |
* 66 100 propositions pour une diplomatie féministe , rapport d'information n° 844 de Mireille Clapot et Laurence Dumont, co-rapporteures, au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, avril 2018.