III. LA NÉCESSITÉ DE FAIRE ÉMERGER D'AUTRES LOGIQUES DE CONTRIBUTION POUR LA COUVERTURE DE LA PERTE D'AUTONOMIE

Compte tenu des contraintes fiscales qui s'exercent sur le financement de la dépendance, mais de la nécessité d'en renforcer la couverture, vos rapporteurs se sont interrogés sur l'opportunité de nouvelles logiques de contribution . Il leur a semblé que, le financement de la dépendance relevant de logiques solidaires différentes selon la dépense considérée, chaque élément du reste à charge devait à ce titre être traité à part :

- le financement du reste à charge relatif à l' hébergement relève de l'aide sociale départementale et de la solidarité verticale. En cohérence, les mécanismes d'allègement de ce reste à charge devraient donc plutôt faire appel à des actions redistributives entre résidents ;

- en revanche, le financement du reste à charge relatif à la dépendance se fonde d'abord sur le besoin exprimé par la personne, quelles que soient ses ressources. La réponse la plus appropriée semble donc un système assurantiel obligatoire , assurant le versement de prestations indifférentes aux revenus.

A. LE TARIF HÉBERGEMENT : ASSUMER UNE LOGIQUE REDISTRIBUTIVE

1. Les limites du système actuel de l'habilitation à l'aide sociale

• Deux régimes de tarif hébergement : liberté tarifaire et habilitation à l'aide sociale

En matière d'hébergement, le résident d'Ehpad ne peut se retrouver que dans deux cas de figure : soit il bénéficie de l'aide sociale départementale et ses frais d'hébergement sont couverts par l'ASH, soit il n'en bénéficie pas et ses frais d'hébergement restent intégralement à sa charge.

Du côté des gestionnaires d'établissements, qu'ils soient publics ou privés, s'applique un principe de liberté tarifaire . D'après l'article L. 342-2 du CASF, un ensemble de prestations minimales relatives à l'hébergement fait l'objet d'un prix global, auquel peuvent s'ajouter des prestations complémentaires. Si le montant initial de ces tarifs est laissé à la discrétion de la négociation contractuelle (sans pour autant permettre, dans le cas des Ehpad publics et privés non lucratifs, la constitution d'un bénéfice), leur variation annuelle est déterminée par un pourcentage fixé par décret.

L'habilitation à l'aide sociale est le seul cas d'extinction de la liberté tarifaire de l'Ehpad : le tarif hébergement est alors intégralement fixé par le conseil départemental.

Ces règles définissent deux régimes tarifaires a priori distincts , dont le législateur a prévu qu'ils pouvaient cohabiter dans le même établissement via le mécanisme de l' habilitation partielle .

Normalement, les places habilitées à l'aide sociale permettent un tarif hébergement défini par le conseil départemental à destination d'un résident dont les ressources sont en-deçà du niveau de l'Aspa ; les places non habilitées sont facturées à tout autre résident à un tarif librement négocié.

L'étanchéité de principe entre ces deux régimes est toutefois mise à mal par plusieurs formes d'abus .

• La cohabitation possible des deux régimes tarifaires dans le même établissement peut engendrer des applications de tarif inadéquates

Ces abus sont repérables dans les deux sens. Plusieurs gestionnaires d'établissements ont remonté à vos rapporteurs des phénomènes d'attribution de places habilitées à l'aide sociale à des personnes âgées dont les ressources étaient nettement supérieures au seuil de l'Aspa.

La pratique avait notamment été dénoncée par la Cour des comptes dans un référé du 11 septembre 2014 42 ( * ) qui pointait notamment le cas des « établissements partiellement habilités mais recevant des bénéficiaires de l'aide sociale à titre principal , dont le tarif fixé par le présent du conseil départemental est applicable à tous les résidents , y compris les non-bénéficiaires de l'aide sociale ». En effet, ces établissements ne sont pas visés par l'article L. 342-1 du CASF qui énumère l'ensemble des établissements autorisés à pratiquer une liberté tarifaire. Ils sont donc juridiquement contraints d'appliquer le tarif réglementé à tous leurs résidents ; l' effet d'aubaine est ici manifeste.

A contrario , une ambiguïté d'écriture de l'article L. 342-1 du CASF peut être à l'origine d'une situation exactement inverse. Cet article prévoit que le principe de liberté tarifaire peut être appliqué aux établissements partiellement habilités à l'aide sociale, mais ne recevant pas ses bénéficiaires à titre principal , « pour la fraction de leur capacité au titre de laquelle ils ne sont pas habilités ».

Autrement dit, un établissement partiellement habilité, tant qu'il n'accueille pas des bénéficiaires à titre principal, est libre d'en accueillir au-delà de la capacité d'habilitation délivrée par le conseil départemental, et se trouve donc autorisé à pratiquer une liberté tarifaire envers la fraction de résidents bénéficiaires de l'aide sociale qui excède sa capacité d'habilitation .

Dans les deux cas, vos rapporteurs estiment ces abus intolérables. Bien que la possibilité d'une habilitation partielle des établissements leur paraisse souhaitable, notamment dans la promotion d'une plus grande mixité sociale des établissements, le principe d'une stricte limitation des tarifs réglementés aux seuls bénéficiaires de l'aide sociale doit être réaffirmé. Il paraîtrait à ce titre judicieux d'ajouter à la liste des faits punissables de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe énumérés à l'article R. 342-1 du CASF l'application de tarifs réglementés à des personnes non bénéficiaires ou de tarifs librement négociés à des personnes bénéficiaires.

Proposition n° 11 : réaffirmer le principe d'attribution du tarif hébergement aux seuls bénéficiaires de l'aide sociale en :

- intégrant à la rédaction de l'article L. 342-1 les établissements partiellement habilités et accueillant des bénéficiaires de l'aide sociale à titre principal ;

- clarifiant la mention faite des établissements partiellement habilités et accueillant des bénéficiaires de l'aide sociale à titre secondaire ;

- ajoutant l'application de tarifs inadéquats à la liste des faits punissables d'amende pour les établissements.

• La pratique du « conventionnement à l'aide sociale » présente le risque d'une discrimination entre bénéficiaires de l'aide sociale

L'article L. 342-3-1 du CASF exploite un peu plus le champ de l'habilitation partielle en prévoyant qu'un établissement habilité à l'aide sociale à moins de 50 % de sa capacité peut, après accord du président du conseil départemental, appliquer une liberté tarifaire sur l'ensemble de ses places . Dans ce cas, il doit conclure avec le président du conseil départemental une convention d'aide sociale qui précise notamment « le montant des différents tarifs afférents à l'hébergement pouvant être pris en charge par l'aide sociale départementale ».

Cette pratique, couramment appelée « conventionnement à l'aide sociale », a été récemment dénoncée à vos rapporteurs comme permettant aux établissements signataires de ces conventions de pratiquer, selon leur année d'arrivée, différents tarifs d'hébergement vis-à-vis des bénéficiaires de l'aide sociale 43 ( * ) . Cette opportunité leur est ouverte par la possibilité explicite de revaloriser annuellement les tarifs afférents à l'hébergement pouvant être pris en charge par l'aide sociale départementale.

Le conventionnement à l'aide sociale est également perçu comme un dessaisissement du président du conseil départemental de sa compétence de fixation du tarif hébergement pour les bénéficiaires de l'aide sociale.

Proposition n° 12 : renforcer la législation et la réglementation applicables au conventionnement à l'aide sociale.

2. Vers un « surloyer » solidaire : l'opportunité d'introduire une redistribution horizontale entre résidents d'Ehpad

Vos rapporteurs ont précédemment relevé que le problème du reste à charge en Ehpad, principalement imputable au niveau élevé du tarif hébergement, était moins un problème de niveau général qu'un problème de dispersion (la moyenne s'établissant à environ 950 euros par mois contre une médiane d'environ 1 850 euros par mois). En conséquence, la solution la plus adéquate à apporter au niveau élevé des tarifs hébergement paraît davantage relever de la redistribution horizontale que de la diminution globale .

La logique redistributive n'est pas étrangère à la prise en charge du tarif hébergement des résidents d'Ehpad les moins favorisés. On a ainsi pu voir que le versement de l'ASH par le conseil départemental pour les bénéficiaires de l'aide sociale illustrait déjà la pratique d'une redistribution verticale, sans pour autant résoudre la très forte segmentation qu'elle induit entre un public intégralement solvabilisé par la puissance publique et un public dont le tarif hébergement reste entièrement à charge lorsque ses ressources sont supérieures à l'Aspa. En effet, la dichotomie de situations entre tarif librement négocié et tarif administré par le conseil départemental engendre pour les résidents des effets de seuil importants et difficilement justifiables.

La CNSA fournit annuellement le résultat d'une enquête mesurant la dispersion des tarifs hébergement en Ehpad selon le statut juridique. On peut observer de très grandes différences de tarifs (mais également de variation) selon que le résident est accueilli dans un Ehpad public, un Ehpad privé à but non lucratif ou un Ehpad privé commercial.

Dispersion des tarifs hébergement mensuels en fonction du statut juridique de l'Ehpad avant versement de l'ASH en 2017 (en euros)

Premier décile

Médiane

Neuvième décile

Rapport interdécile

Ehpad public

1 449,3

1 647,3

1 789,2

1,23

Ehpad privé à but non lucratif

1 560

1 798,8

2 250

1,44

Ehpad privé commercial

2 034,3

2 525,4

3 240

1,59

Source : CNSA

La correction de cette segmentation pourrait passer par une répartition des tarifs hébergement entre résidents en fonction de leurs ressources.

• Faisabilité juridique d'une redistribution horizontale des tarifs hébergement

Le principal écueil que soulève cette proposition a trait à la nature juridique de l'établissement d'accueil. Pour les établissements privés à but commercial , la fixation des prix d'hébergement résulte a priori de la simple rencontre de l'offre et de la demande : y résident globalement les personnes âgées dépendantes capables de solvabiliser leur séjour par leurs ressources propres. Étant donné la nature foncièrement commerciale de l'activité de ces établissements, introduire une redistribution horizontale entre résidents pourrait aller à l'encontre du principe de non-discrimination des consommateurs par les prix.

En revanche, les établissements publics et les établissements privés à but non lucratif , qui représentent près des trois quarts de l'offre disponible , ne présentent pas cette difficulté. Pour ces établissements, les tarifs sont certes librement fixés lors de la signature du contrat de séjour 44 ( * ) , mais dans la limite de leurs coûts globaux afin que l'établissement ne constitue pas de bénéfice . Leur vocation n'est donc pas de nature commerciale.

En outre, l'article R. 314-182 du CASF prévoit bien une possibilité de moduler le tarif hébergement, mais uniquement en fonction de critères relatifs à la qualité du service rendu (nombre de lits par chambre, chambre pour couple, localisation et confort de la chambre, caractère séquentiel de l'accueil), et non du niveau de ressources des résidents.

Aux yeux de vos rapporteurs, l'introduction d'un critère de ressources dans la modulation du tarif hébergement des Ehpad publics ou privés à but non lucratif ne pose aucune difficulté juridique particulière. Elle devrait pouvoir s'articuler sur le raisonnement suivant :

- en premier lieu, il est nécessaire que la mission exercée par l'Ehpad privé non lucratif soit explicitement qualifiée comme relevant d'un service public administratif à caractère facultatif , exercé par délégation. Cette qualification, bien que n'ayant jamais été reconnue par le législateur ou par le juge, semble s'imposer au regard des critères définitoires du service public dégagées par une jurisprudence consacrée 45 ( * ) . Elle ne requiert par ailleurs aucun instrument contractuel portant mention explicite d'une délégation de service public par la collectivité publique, comme le souligne une décision du Conseil d'État du 6 avril 2007 46 ( * ) ;

- en second lieu, la reconnaissance de cette qualité permettra l'application du premier alinéa de l'article 147 de la loi du 29 juillet 1998 47 ( * ) selon lequel « les tarifs des services publics administratifs à caractère facultatif peuvent être fixés en fonction du niveau du revenu des usagers et du nombre de personnes vivant au foyer » ;

- enfin, il reviendra au législateur de neutraliser l'effet du deuxième alinéa du même article aux termes duquel « les droits les plus élevés ne peuvent être supérieurs au coût par usager de la prestation concernée ». L'application d'une redistribution horizontale du reste à charge hébergement suppose en effet que les résidents les plus favorisés s'acquittent d'un montant par définition plus élevé que le coût par usager de ladite prestation.

Ainsi, la mise en oeuvre de tarifs hébergement modulés dans les Ehpad publics et privés à but non lucratif repose essentiellement sur la mise en oeuvre de dispositions existantes .

Proposition n° 13 : s'appuyer sur l'article 147 (alinéa 1 er uniquement) de la loi du 29 juillet 1998 pour mettre en oeuvre la modulation du tarif hébergement en fonction des ressources dans les Ehpad publics et privés à but non lucratif, en prévoyant un contrôle du tarificateur.

• Les modalités de mise en oeuvre du « surloyer » solidaire

L'idée d'un « surloyer » solidaire prendrait pour cadre l'établissement d'accueil. Les résidents éligibles à l'aide sociale à l'hébergement continueraient d'être soutenus par le conseil départemental, et le reste des résidents s'acquitterait d'un tarif calculé en fonction de leurs capacités financières. Actuellement, deux grandes fédérations d'établissements privés commerciaux et privés à but non lucratif -respectivement le syndicat national des établissements et résidences pour personnes âgées (Synerpa) et la Mutualité française- soutiennent activement ce principe 48 ( * ) .

Deux options de mise en oeuvre sont envisageables :

- le montant prévisionnel des recettes de l'établissement sur sa section hébergement est élaboré en amont par le gestionnaire (en fonction de sa structure de coûts pour les publics et privés non lucratifs, en fonction d'un tarif librement fixé pour les privés commerciaux). Ce montant défini ex ante serait ensuite réparti entre les résidents en fonction de leurs ressources, garantissant ainsi l'absence de perte pour l'établissement ;

- le tarif hébergement n'est fixé qu'en fonction du niveau de ressources du résident, sans prise en compte du compte prévisionnel de résultat de l'établissement. Ainsi, en fonction de la population accueillie, l'établissement n'ayant pas fait évoluer sa structure de coûts pourrait se trouver en situation déficitaire sur sa section hébergement. D'où la nécessité, particulièrement soutenue par la Mutualité française, d'une péréquation financière entre établissements déficitaires et établissements excédentaires.

Cette seconde option présente d'importants inconvénients. Outre sa complexité technique de mise en oeuvre (quelle échelle de péréquation : région ou département ?), elle comporte le risque, pour les établissements que cette nouvelle formule rendrait déficitaires, d'un ajustement à court terme par la baisse des coûts d'hébergement et donc de la qualité de la prestation .

C'est pourquoi vos rapporteurs préconisent que la pratique du surloyer solidaire se déploie dans les établissements sur la base d'un budget hébergement prévisionnel établi ex ante . Par ailleurs, ce principe ayant vocation à remplir un objectif de solidarité horizontale entre résidents d'un même établissement, il semblerait logique d'en limiter l'application aux seuls Ehpad détenant une habilitation partielle à l'aide sociale.

Proposition n° 14 : mettre en oeuvre, au sein des établissements détenant une habilitation partielle à l'aide sociale, un mécanisme de surloyer solidaire à destination des résidents disposant des ressources les plus élevées, calculé sur la base d'un budget hébergement prévisionnel établi ex ante .

3. Redéfinir le périmètre du tarif hébergement des établissements partiellement ou totalement habilités

Au-delà du problème posé par sa dispersion, le tarif hébergement soulève une autre difficulté précédemment relevée par vos rapporteurs, relative à sa composition. L' intégration au tarif hébergement de l'ensemble des activités auxiliaires de l'établissement , lorsque ce dernier est partiellement ou totalement habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, paraît contestable à plusieurs égards :

- comme vos rapporteurs l'ont précédemment relevé, un résident d'un Ehpad public ou privé à but non lucratif pourrait être juridiquement qualifié d'usager d'un service public administratif local. En tant que tel, il n'est pas normal que le tarif qu'il doive acquitter soit calculé de telle sorte à couvrir les coûts de fonctionnement du service ;

- comme précédemment indiqué, la part des activités auxiliaires peut représenter jusqu'à 50 % du tarif hébergement ;

- selon le niveau des charges immobilières et financières, fortement variable en fonction de la zone d'implantation de l'établissement, elle réintroduit dans le niveau du tarif hébergement une inégalité entre personnes âgées dépendantes déconnectée du degré de dépendance ou (du moins directement) du niveau de ressources ;

- elle fait supporter au résident d'Ehpad des charges assimilables à celles acquittables par un copropriétaire (sans application de quote-part), alors même que le statut du résident d'Ehpad se rapprocherait davantage de celui d'un locataire.

L'acquittement de l'ensemble des frais auxiliaires par un résident d'un Ehpad public ou privé non lucratif habilité n'est donc pas admissible .

L'obligation dans laquelle sont les gestionnaires d'Ehpad de faire supporter ces frais à leurs résidents s'explique par l' insuffisante intervention des pouvoirs publics dans la politique d'investissement des Ehpad .

Le plan d'aide à l'investissement : genèse et transformation

Depuis 2008, la CNSA s'est vue attribuer une mission pérenne d'aide à l'investissement pour la modernisation des structures existantes accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées , sans que celle-ci ne fasse l'objet de crédits dédiés. Initialement financé par les résultats excédentaires de la caisse, le plan d'aide à l'investissement (PAI) s'est par la suite vu affecter une fraction indéterminée de la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), modifiable d'année en année.

À l'initiative des rapporteurs du Sénat de la loi ASV, le plan d'aide à l'investissement devait être originellement abondé, pour les exercices 2016 et 2017, par la moitié du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), puis par une fraction déterminée du produit de la CSA, assurant ainsi une pérennité de son financement .

La version définitive du texte a finalement retenu une option de financement fondée sur une dotation de 100 millions d'euros annuels pour les exercices 2016 , 2017 et 2018 , prélevée sur les excédents budgétaires de la caisse. Les rapporteurs médico-sociaux de la commission des affaires sociales du Sénat n'ont à cet égard eu de cesse d'alerter sur le caractère précaire de cette disposition, limitée à trois ans et qui a connu en 2018 son dernier exercice d'application.

Au titre du PAI pour 2018, les crédits autorisés pour le secteur des personnes âgées dépendantes s'élèvent à 71,5 millions d'euros, échelonnés sur quatre années selon la répartition suivante : 3,575 millions d'euros en 2018, 10,725 millions d'euros pour 2019, 21,45 millions d'euros en 2020 et 35,75 millions d'euros pour 2021 49 ( * ) .

Ces niveaux sont unanimement dénoncés comme insuffisants.

Par ailleurs, la commission des affaires sociales du Sénat se montre depuis longtemps réticente à la couverture des dépenses immobilières dans le secteur public hospitalier et médico-social par des prélèvements obligatoires (cotisations sociales ou imposition) ou directement par l'usager. Elle a, à plusieurs reprises, soutenu l'idée de faire supporter l'ensemble des charges immobilières des établissements sanitaires et médico-sociaux publics et privés non lucratifs, dont les Ehpad, par des organismes parapublics extérieurs, dont les établissements publics fonciers (EPF) nationaux et locaux offrent le meilleur exemple 50 ( * ) .

L'avantage d'un financement externalisé des charges immobilières par les EPF repose essentiellement sur leur capacité d'emprunt, qui ne connaît pas les mêmes restrictions que celles qui s'exercent sur les Ehpad. L'idée a d'autant plus de sens que l'investissement public en Ehpad bénéficie d'un effet de levier important (1 euro d'investissement public engendre plus de 7 euros de travaux selon la CNSA) susceptible de convaincre les emprunteurs.

Cette solution se heurte cependant au périmètre actuel des EPF , que le législateur a souhaité limiter aux territoires où « les enjeux d'intérêt général en matière d'aménagement et de développement durables le justifient » 51 ( * ) . Le soutien à l'investissement en matière médicale ou médico-sociale ne représente pour l'heure qu'une part limitée du champ de leur action 52 ( * ) . Bien que vos rapporteurs mesurent toute l'ambition d'une telle préconisation, il leur paraît néanmoins souhaitable qu'une réflexion soit menée sur l' externalisation du financement immobilier des Ehpad au profit d'EPF .

Il va de soi que, compte tenu de la vocation sociale des EPF, leur intervention doit être strictement limitée aux établissements publics ou privés non lucratifs accueillant totalement ou partiellement à titre principal des bénéficiaires de l'aide sociale. Elle permettrait ainsi d'extraire les charges relatives aux activités auxiliaires de l'Ehpad du tarif hébergement et d'alléger substantiellement ce dernier.

Proposition n° 15 : ouvrir une réflexion sur l'externalisation du financement immobilier des Ehpad totalement ou partiellement habilités à l'aide sociale au profit d'établissements publics fonciers.


* 42 Cour des comptes, 11 septembre 2014, référé n° 70592.

* 43 Cette pratique semble particulièrement répandue dans le département du Vaucluse.

* 44 Seuls les établissements habilités recevoir des bénéficiaires de l `aide sociale voient leur tarif hébergement défini par le conseil départemental.

* 45 Conseil d'État, 22 février 2007, APREI , n° 264541 : « une personne privée doit [...] être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission ».

* 46 Conseil d'État, 6 avril 2007, Commune d'Aix-en-Provence , n° 284736 : « lorsque les collectivités publiques sont responsables d'un service public, elles peuvent [...] décider de confier sa gestion à un tiers, [...] elles peuvent toutefois ne pas passer un [contrat de délégation de service public] lorsque, eu égard à la nature de l'activité en cause et aux conditions particulières dans lesquelles [le tiers] l'exerce, le tiers auquel elles s'adressent ne saurait être regardé comme un opérateur sur un marché concurrentiel ».

* 47 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.

* 48 « Mutualité française vs. Synerpa : la convergence des luttes ? », Le Mensuel des maisons de retraite , n° 217, janvier 2019.

* 49 Arrêté du 12 mars 2018 fixant pour 2018 le montant, les conditions d'utilisation et d'affectation des crédits destinés au financement d'opérations d'investissement immobilier prévus à l'article L. 14-10-9 du code de l'action sociale et des familles.

* 50 La direction des fonds d'épargne de la caisse des dépôts et consignations (CDC) assume une mission similaire, en facilitant l'accès aux prêts à la construction aux Ehpad totalement habilités. La CDC concentre cependant son action sur le logement social.

* 51 Article L. 321-1 du code de l'urbanisme.

* 52 Les EPF limitent actuellement leur action à la constitution d'une réserve foncière en vue de l'acquisition d'un terrain ou d'un bâti.

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