B. UNE DOUBLE MISSION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE POUR UNE IRRIGATION RESTÉE ASYMÉTRIQUE
1. Une mission initiale de diffusion des programmes nationaux
Seules chaînes du service public distribuées dans les territoires ultramarins, les stations ultramarines avaient à l'origine dans leurs missions d'assurer la continuité territoriale audiovisuelle entre l'hexagone et les territoires.
Cette mission était ainsi définie dans la loi de 1986, sa version initiale disposant 9 ( * ) qu'« une société nationale de programme chargée de la conception et de la programmation d'émissions de télévision et de radiodiffusion sonore destinées à être diffusées dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer ».
La rédaction modifiée en 2000 10 ( * ) a été encore plus explicite : « la société nationale de programme dénommée Réseau France Outre-mer (...) assure la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme , suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres aux départements d'outre-mer selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges après consultation de chaque conseil régional ».
Les chaînes du réseau ultramarin disposaient à ce titre jusqu'en 2009 d'une mise à disposition à titre gratuit des émissions des autres sociétés nationales de programme 11 ( * ) . Il en allait de même pour les programmes de la chaîne TF1, et ce même après sa privatisation 12 ( * ) .
Si la mission de continuité territoriale a disparu de la loi lors de la réforme de l'audiovisuel en 2009, elle demeure inscrite au cahier des charges de France Télévisions 13 ( * ) , d'abord comme relevant de Réseau France Outre-mer puis, à partir de 2017, de France Télévisions elle-même 14 ( * ) .
2. Un réseau historiquement chargé d'alimenter les chaînes nationales
Le lien de continuité territoriale dirigé de l'hexagone vers les territoires, assuré par les chaînes du réseau outre-mer connaît une réciproque . Ainsi, la loi de 1986 prévoyait jusqu'en 2009 que les programmes de la société RFO étaient 15 ( * ) « mis gratuitement à la disposition de la société France Télévision ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole ».
Si cette formulation a disparu de la loi en 2009, elle demeure dans le cahier des charges de France Télévisions puisque le groupe est chargé d'assurer 16 ( * ) « la continuité territoriale des programmes des services de télévision et de radio édités par les sociétés nationales de programme ou leurs filiales répondant à des missions de service public, de la métropole vers l'outre-mer et de l'outre-mer vers la métropole ».
Cette mission de continuité territoriale « ascendante » doit s'appuyer sur le réseau ultramarin lui-même . Le même cahier des charges de France Télévisions prévoit ainsi que 17 ( * ) « la société veille à ce que les autres services de télévision qu'elle édite intègrent des programmes des Outre-mer 1 ère à des heures d'écoute favorable et rendent compte de la vie économique, sociale et culturelle en outre-mer ».
3. Une concrétisation en demi-teinte
Les stations locales ont construit jusqu'en 2010 leurs grilles de programmes à partir de ceux des grandes chaînes nationales et principalement celles de France 2 et France 3, assurant donc leur mission de continuité territoriale. Aussi, le principal bulletin d'information nationale que sont les journaux télévisés de France 2 ont été longtemps retransmis - et le sont parfois encore -, les chaînes La 1 ère pouvant par ce biais satisfaire leur obligation de journaux d'information « concernant l'actualité locale, régionale, nationale et internationale » 18 ( * ) .
La réciproque n'a pas été vraie . Aussi, si l'on enlève France Ô depuis 2010 et le bulletin d'information assuré par France 3 le matin jusqu'en 2015, il est très difficile de trouver des exemples concrets d'une continuité territoriale des outre-mer vers l'hexagone sur France 2, France 3 ou France 5 appuyée sur des programmes des chaînes La 1 ère , et ce autant dans l'information que dans d'autres types de programmes.
* 9 4 de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard).
* 10 II de l'article 44 de la loi précitée dans sa version en vigueur du 1 er août 2000 au 5 mars 2009.
* 11 Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, dans ses rédactions successives jusqu'à la modification résultant de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009.
* 12 Article 62 de la loi précitée.
* 13 Article 3 du cahier des charges annexé au décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions.
* 14 Version résultant du décret n° 2017-1042 du 9 mai 2017 portant modification des cahiers des charges des sociétés nationales de programme France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France.
* 15 II de l'article 44, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée dans sa version en vigueur du 1 er août 2000 au 5 mars 2009.
* 16 Article 3, 5° du cahier des charges annexé au décret n° 2009-796 du 23 juin 2009 fixant le cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions.
* 17 Cahier des charges précité.
* 18 Cahier des charges précité.