B. M. PATRICE LECLERC, MAIRE DE GENNEVILLIERS
M. Patrice Leclerc, maire de Gennevilliers . -- Ma commune compte 46 000 habitants et 46 000 emplois, dont beaucoup sont industriels -- nous venons d'être labellisés territoire d'industrie par le Gouvernement. Pourquoi avoir pris cet arrêté anti-pesticide dans une telle ville ? D'abord, sur un plan personnel, parce que je suis apiculteur amateur et que je regrette que les abeilles soient détruites à la campagne et qu'elles vivent mieux en ville. Ensuite, parce que, sur le fond, la décision est politique : l'objectif est de changer de mode de production -- cela ne se fait pas en un jour -- : il faut soutenir nos agriculteurs pour cette transition. Ma commune s'est engagée, dès 2008, à ne plus utiliser de produits phytosanitaires pour le traitement des espaces publics -- la SNCF a continué de le faire durant plusieurs années sur les lignes qui traversent notre territoire, sans que les habitants le sachent toujours... Quoiqu'il en soit, je peux dire que toute la population soutient ces mesures, à quelques exceptions près, car il se trouve toujours quelqu'un pour dire que le nucléaire c'est bien et que l'amiante ce n'était pas si mal...
Les décisions de justice intervenues contre les arrêtés ne suivent pas toutes le même raisonnement. La différence de traitement repose sur le point de vue des juges. À Rennes, la présidente a appuyé sa démonstration sur le fait que l'action du maire était légitime, mais illégale. Elle a considéré qu'une loi était nécessaire et nous a renvoyés vers les parlementaires ou le Gouvernement. À Cergy, en revanche, la juge a pris en compte la dangerosité des produits ainsi que la carence de l'État, considérant que l'action des maires était légitime parce que l'État n'agissait pas en urgence. C'est important, parce que ces éléments, que beaucoup de tribunaux administratifs ne relèvent pas, vont nous permettre de construire notre action sur le fond : nous avons pris ces arrêtés dans l'attente d'une action de l'État, pour protéger les populations. Il est donc important pour nous, maires, que l'on reconnaisse notre capacité à défendre nos populations, comme c'est le cas en situation de crise grave ou d'accident industriel.
L'interdiction des pesticides vise également à encourager la transition écologique dans le mode de production agricole. Nous avons ainsi prévu de produire en maraîchage bio, dans la ville voisine d'Argenteuil, sur quarante hectares de terres agricoles que nous allons acheter et reconvertir pour nos cantines, mais aussi pour les Associations en faveur du maintien d'une agriculture paysanne (AMAP) qui s'approvisionnent aujourd'hui à plus de cent kilomètres de Paris. Faire reculer les zones d'épandages autour de l'agglomération, c'est faire reculer la pollution et permettre la transformation des terres agricoles autour de Paris afin d'alimenter les écoles de la métropole en 100 % bio et en circuit court. En zone urbaine, c'est particulièrement difficile : à Gennevilliers, nous avons aujourd'hui atteint 30 % en bio. De ce point de vue, la loi est trompeuse car elle impose un pourcentage de la somme consacrée, mais pas du nombre de produits employés.
Nous avons créé un syndicat intercommunal de trois villes pour produire les mets de nos cantines. Nous en profitons pour modifier notre chaîne de cuisson afin de supprimer le plastique, comme nous y sommes contraints. Tout cela a un coût, évalué au total à plus d'1 million d'euros. Nous penchons vers des récipients en verre, dont nous discutons de la production avec des industriels, qui dégagent moins de matière à la cuisson que l'inox.
C'est donc une politique globale, avec des surcoûts importants mais aussi des limites : par exemple, il faudra maintenant stocker les gamelles, alors qu'auparavant on jetait les pochettes en plastique.