C. UN BESOIN DE FORMATION
1. Prendre en compte dans la formation initiale l'ensemble des facettes du métier de directeur d'école
En application de l'article 5 du décret n °89-122 du 24 février 1989 relatif aux directeurs d'école, chaque nouveau directeur d'école doit bénéficier d'une formation. Celle-ci se déroule en deux phases 18 ( * ) :
- une première phase de trois semaines, préalable à la prise de poste ;
- une deuxième phase de deux semaines, organisée la première année suivant la prise de fonction et complétée par une formation d'au moins trois jours qui doit être organisée avant la fin de la même année scolaire.
Contenu de la formation avant la prise de
poste
(Article 5 de l'arrêté du 28 novembre
2014)
« La formation des directeurs d'école a pour objectif de leur permettre d'assurer les responsabilités inhérentes au pilotage pédagogique, au bon fonctionnement de l'école et aux relations avec les parents et les partenaires de l'école. Cette formation spécifique porte sur les compétences et les connaissances liées à :
- l'animation, l'impulsion et le pilotage pédagogique ;
- l'admission, l'accueil, le contrôle de l'assiduité et la surveillance des élèves ;
- la présidence et l'animation du conseil d'école et des instances pédagogiques de l'école ;
- l'élaboration et le suivi du règlement intérieur et des dispositifs visant à la sécurité de l'école ;
- la répartition des moyens et l'organisation des services des personnels ;
- l'organisation du système éducatif ;
- l'établissement de relations avec la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent, le cas échéant avec d'autres collectivités territoriales, et avec les parents d'élèves, les associations et les autres services de l'État ».
Le nouveau directeur bénéficie également, durant sa première année, d'un tutorat assuré par un directeur d'école expérimenté 19 ( * ) .
Les rapporteurs estiment nécessaire de prolonger cette formation tant dans la durée que dans son contenu. En effet, comme l'a indiqué une participante à la table ronde, cette formation initiale est très dense et très théorique. Selon les représentants du SGEN-CFDT, la formation avant prise de poste de trois semaines est essentiellement centrée sur les questions administratives, et ne porte pas sur le pilotage d'une équipe ou le management, aspects pourtant essentiels des missions des directeurs d'école.
Aussi, les rapporteurs partagent l'idée d'instaurer, un ou deux ans après la prise de poste un nouveau temps d'échanges obligatoires afin de répondre aux questions pratiques que peuvent se poser les nouveaux directeurs d'école, nées de leurs premiers retours d'expérience.
En outre, il semble opportun aux rapporteurs de réserver l'accès aux postes de direction d'écoles de grande taille à des directeurs d'école disposant déjà d'une certaine expérience professionnelle. Un minimum de trois ans en tant que directeur d'une école de sept classes ou moins doit être un prérequis pour devenir directeur d'une école de huit classes ou plus.
Préconisations
- Prendre en compte dans la formation initiale l'ensemble des facettes du métier de directeur d'école ;
- Instaurer un ou deux ans après la prise de poste un nouveau temps d'échanges obligatoire afin de répondre aux questions pratiques nées des premiers retours d'expérience ;
- Réserver l'accès aux postes de direction d'écoles de grande taille à des directeurs disposant déjà d'une certaine expérience professionnelle.
2. Développer les échanges entre pairs
De manière générale, les rapporteurs constatent le besoin ressenti par de très nombreux directeurs d'école de pouvoir échanger entre pairs, sur des problèmes concrets, en dehors de la présence de l'IEN. D'ailleurs, 83 % des directeurs d'école ayant répondu à l'enquête de novembre 2019 ont indiqué souhaiter pouvoir bénéficier de réunions régulières d'échanges et de mutualisation d'expérience avec d'autres directeurs - et ils sont même la majorité (50 %) à le souhaiter vivement. En outre, une centaine d'entre eux ont évoqué spontanément comme réponse à la question ouverte portant sur les pistes concrètes d'amélioration des tâches de direction la mise en place de plus d'ateliers d'échange, de communication ou de contact entre directeurs.
Les rapporteurs saluent les initiatives mises en place directement par les directeurs d'école sous la forme d'amicales ou d'associations afin de répondre aux questions pratiques qui se posent. Toutefois, celles-ci peuvent s'essouffler du fait de l'usure du temps ou du départ d'une des personnes ressources. Aussi , ils appellent à la mise en place, dans chaque circonscription, de plusieurs interlocuteurs référents en poste de directeur d'école qui pourraient répondre - rapidement - aux sollicitations des directeurs .
Témoignages de directeurs d'école - extraits de la table ronde du 26 février
Pierre Lombard, directeur d'école à Cap d'Ail : « Dès 1998, je me suis tourné vers des collègues et nous avons créé une association de directeurs. Nos IEN sont loin. De plus, ils sont pris entre deux feux : ce que nous leur remontons et ce qui redescend de leur hiérarchie. La tentation d'étouffer ce qui vient d'en bas est très grande. [...] En 2014, nous avons échangé sur un référentiel métier. Un directeur référent devait être mis en place dans chaque circonscription, afin d'avoir un dialogue rapide et entre pairs afin d'éviter tout jugement hiérarchique. Cela n'a pas été fait ».
Patrick Contard, directeur d'école à Paris : « Comme mes collègues l'ont dit, les directeurs d'école ressentent le besoin de pouvoir échanger entre eux. Nous avons obtenu l'autorisation de nos trois inspecteurs pour organiser nos réunions sur le temps scolaire, ce qui n'est pas le cas dans tous les arrondissements. Ces réunions nous permettent d'échanger entre pairs, sans jugement hiérarchique et tout à fait librement, sur tous les problèmes qui nous concernent ».
Comme l'ont expliqué aux rapporteurs plusieurs personnes auditionnées, l'un des problèmes rencontrés par les directeurs d'école est d'avoir un interlocuteur vers qui se tourner en cas de questions . Si l'IEN devrait être leur correspondant naturel, des réticences demeurent en raison de son double rôle : il est à la fois conseiller et chargé d'évaluer le directeur d'école. Aussi, certains directeurs considèrent qu'interroger l'IEN sur une difficulté rencontrée revient à admettre une faiblesse professionnelle qui pourrait leur être préjudiciable.
Préconisation
Développer les échanges entre pairs, en mettant en place dans chaque circonscription académique plusieurs directeurs d'école référents pouvant répondre rapidement aux questions que se posent leurs pairs.
3. Renforcer la formation continue
Le sondage de novembre 2019 est particulièrement révélateur sur ce point : plus de la majorité des directeurs d'école (54 %) n'ont pas suivi de modules de formation continue liée à leur fonction de direction depuis leur prise de fonction. Comme l'a souligné M. Dominique Bruneau, représentant du SGEN-CFDT, « aujourd'hui dans l'éducation nationale, on peut faire carrière pendant quarante ans sans formation continue » et d'utiliser cette image particulièrement frappante : « on ne conçoit pas qu'un médecin ne se forme pas aux nouvelles pratiques médicales après sa formation initiale ».
De manière synthétique, les directeurs d'école expriment deux types de besoin en matière de formation continue :
- la connaissance du droit et de la réglementation ;
- des compétences managériales, qu'il s'agisse de gestion de conflits, de pilotage pédagogique ou de pilotage d'équipe.
Les rapporteurs avaient déjà souligné dans leur travail sur l'attractivité du métier d'enseignant la nécessité de « donner un nouveau souffle à la formation continue » 20 ( * ) . Interrogé sur la thématique du développement de la formation continue dans l'ensemble de l'éducation nationale, Jean-Michel Blanquer a indiqué vouloir renforcer celle-ci, notamment grâce à M@gister et la formation à distance. Si la formation à distance représente une opportunité intéressante, elle ne peut constituer pour les rapporteurs la principale réponse du ministère à ces demandes de formation des directeurs d'école. En effet, la formation continue doit permettre aux directeurs d'école d'échanger entre eux pour partager les bonnes pratiques. En outre, cette formation aux tâches spécifiques de directeur d'école ne doit pas se faire aux détriments d'apports pédagogiques et plus généralement de formations liées aux tâches d'enseignement, notamment pour les directeurs d'école qui ne bénéficient pas d'une décharge totale.
Préconisation
Renforcer la formation continue, par une formation obligatoire sur les aspects du métier de directeur d'école tous les cinq ans.
* 18 Arrêté du 28 novembre 2014 portant organisation de la formation des directeurs d'école.
* 19 Circulaire n° 2014-164 du 1 er décembre 2014 sur la formation des directeurs d'école.
* 20 Rapport n° 690 de M. Max Brisson et Mme Françoise Laborde, « Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité », 2017-2018.