II. MOBILISER LES FRICHES INDUSTRIELLES ET MINIÈRES DANS UNE DÉMARCHE D'AMÉNAGEMENT DURABLE

A. FAVORISER LE RECOURS À UNE DÉPOLLUTION ET UNE RECONVERSION VERTUEUSES ET RESPECTUEUSES DE L'ENVIRONNEMENT

La reconversion des friches dans une logique de développement durable fait face à une double contrainte. D'abord, de nombreux acteurs sont réticents à s'engager dans de tels projets, notamment en raison des coûts de dépollution qui peuvent parfois dépasser la valeur foncière du site. M. Jean-François Nogrette, directeur de Veolia Technologies & Contracting, résume ainsi la situation : « en France, comme dans de nombreux pays, il est imprudent de réutiliser un site pollué : un simple exploitant peut se voir imposer la décontamination au titre des activités passées. Même avec leurs atouts, tels qu'un bassin d'emploi, la proximité de sous-traitance ou des voies d'accès, les anciens sites industriels sont rarement réemployés par d'autres professionnels » 318 ( * ) . Ensuite, si un acteur choisit de mener un tel projet de réhabilitation, il sera généralement enclin à choisir de dépolluer par excavation des terres, une technique peu vertueuse qui présente plusieurs limites en termes de respect de l'environnement.

1. Une excavation des terres encore largement prépondérante dans le traitement des sols pollués
a) Une large palette de techniques de dépollution qui répondent à des situations diverses

Pour certains acteurs, parler de « dépollution totale » relève du mythe, dans la mesure où « la période industrielle telle qu'elle s'est développée les deux siècles derniers a conduit à des dégâts importants » 319 ( * ) . Ce constat est d'autant plus vrai dans le cas des friches minières puisque l'activité minière vise précisément à extraire une ressource non reproductible, ce qui rend impossible une remise en l'état initial du site. Dès lors, « l'objectif de la réhabilitation minière consiste donc à réorganiser dans toute la mesure du possible le site de production de façon à limiter l'érosion, de rétablir le paysage et la biodiversité : réaménagement paysager, revégétalisation, refonctionnalisation des sols quand c'est possible » 320 ( * ) .

S'agissant de la dépollution des sites industriels, il existe une grande variété de techniques -l'outil d'aide à la décision SELECDEPOL, développé par l'Ademe et le BRGM en recense 35- que l'on peut classer en trois grandes catégories 321 ( * ) :

- les techniques de dépollution hors site (ou off site ) qui consistent à excaver les sols et à les déplacer vers un centre de traitement adapté (filières de traitement type biocentre, incinérateur, installation de stockage de déchets...) ;

- les techniques de dépollution sur site (ou on site ) visent à mettre en place un centre de traitement temporaire sur la parcelle du projet pendant sa durée et à replacer les terres polluées sur le site. Les bio-traitements, la désorption technique mobile ou encore le lavage sont des exemples de méthodes utilisées sur site ;

- les techniques de dépollution in situ , qui consistent à traiter les pollutions directement sur les sols en place, sans excavation. Ces méthodes peuvent reposer sur des traitements biologiques, aéraulique ( venting ) ou thermiques et ont vocation à traiter la pollution localisée en profondeur et dans la nappe phréatique.

Au-delà de ces techniques de traitement de la pollution , il existe également des méthodes de gestion de la pollution , qui visent davantage à limiter le transfert des polluants vers d'autres milieux . On distingue notamment :

- le confinement , qui consiste à construire des barrières étanches (géo-membrane, couverture imperméable, paroi moulée) sur le site de la contamination, de manière à contenir et surveiller la pollution pour éviter sa propagation . Néanmoins, comme le précise la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués, les mesures de confinement « ne doivent être envisagées que lorsqu'aucun traitement n'est possible [...] ou en tant que mesure complémentaire pour la gestion des pollutions résiduelles » ;

- la phytostabilisation , qui consiste à utiliser des végétaux pour stabiliser certaines pollutions.

Chacune de ces techniques présente des avantages et des inconvénients qui sont difficiles à apprécier dans l'absolu : « il n'existe pas de solution « unique/miracle » comme étant la meilleure solution à toutes les problématiques » 322 ( * ) . Le choix de recourir à l'une d'entre elles plutôt qu'à une autre dépend en effet d'un grand nombre de critères , parmi lesquels :

- la nature des polluants présents et leurs caractéristiques (volatilité, densité, solubilité) ;

- la localisation des polluants : sols, eaux souterraines, profondeur de la pollution (et donc son accessibilité) ;

- la nature des sols : granulométrie, perméabilité ;

- le volume de pollutions à traiter ;

- les enjeux liés au projet en matière de temps , d'espace disponible , de budget consacré à la dépollution ;

- les objectifs de dépollution , qui sont notamment fonction de l'usage futur du site ;

- les contraintes liées à l'environnement du site : trafic routier, nuisances, activités en cours...

C'est notamment sur la base de ces critères que le plan de gestion , prévu par la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués, définit la stratégie de gestion à appliquer en vue de la réalisation des travaux dans une phase ultérieure. Ce plan doit proposer au moins deux scenarii de gestion et présenter un bilan « coûts - avantages » pour chacun d'entre eux. Les différentes études menées dans ce cadre, mais aussi dans le cadre du plan de conception des travaux, et les éventuelles analyses complémentaires doivent permettre, in fine , « d'identifier la solution technique la plus pertinente pour un site donné » 323 ( * ) . Plusieurs techniques peuvent également être utilisées sur un même site.

Source : Méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués

b) L'excavation des terres : la méthode encore privilégiée de la dépollution, en dépit de ses nombreuses limites

Si les techniques de dépollution sont nombreuses et diverses, il apparaît que l'excavation des terres polluées et leur traitement hors site constitue une méthode aujourd'hui souvent employée. Comme l'a indiqué à la commission d'enquête M. Jean-François Nogrette, directeur de Veolia Technologies & Contracting, « cette méthode, qui consiste à déplacer des terres contaminées vers un site de traitement ou un centre de stockage, est la solution majoritairement retenue aujourd'hui, alors que les prestations in situ étaient beaucoup plus nombreuses voilà dix ou quinze ans » 324 ( * ) .

L'excavation des terres présente en effet, pour certains projets, des avantages non négligeables .

D'abord, cette technique est particulièrement adaptée à des chantiers de renouvellement urbains , caractérisés par le manque d'espace et de temps en raison de l'importante pression foncière qui s'y exerce. M. Christian Traisnel, directeur du pôle de compétitivité TEAM2, a par exemple mentionné l'urgence dans laquelle les friches sont réhabilitées dans les Hauts-de-France (six à neuf mois à Roubaix) 325 ( * ) . Les techniques les plus modernes sur site ne sont pas toujours en mesure de répondre à des délais aussi contraints, c'est pourquoi l'on procède alors à l'excavation des terres.

La question de la temporalité de la découverte de la pollution est d'ailleurs centrale dans le choix de la méthode de dépollution. Ainsi, comme l'a évoqué M. Philippe Blin, représentant de la Coprec : « lorsque l'on découvre la pollution en cours de terrassement, après une transaction, le timing ne permet que l'excavation et l'élimination » 326 ( * ) . Cette situation constitue un argument supplémentaire en faveur du renforcement des diagnostics de pollution des sols tout au long de la vie des installations , et pas seulement au moment de leur cessation d'activité.

Enfin, l'excavation des sols pollués est parfois privilégiée pour des raisons techniques ou du fait des contraintes liées au site . Ainsi, d'après Engie, peu de techniques de traitement sont efficaces pour les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) 327 ( * ) du fait de leurs caractéristiques physicochimiques et de l'ancienneté de la pollution (qui les lie à la matrice sol). Aussi, la technique la plus efficace pour ces composés -la désorption thermique- est-elle, d'après Engie, difficilement réalisable in situ , d'une part, compte tenu de la présence d'infrastructures, de l'hétérogénéité des sols ou encore de la présence de nappes superficielles, et sur site, d'autre part, car cette possibilité n'est réservée qu'à des cas très particuliers. C'est pourquoi Engie recourt à l'excavation et au traitement hors site dans des filières adaptées. Le groupe SNCF a quant à lui indiqué à la commission d'enquête que s'il était favorable au recours aux méthodes de dépollution in situ , son retour d'expérience montrait qu'elles ne permettaient que rarement d'atteindre les résultats souhaités.

Néanmoins, le recours de plus en plus important à l'excavation des terres polluées -qualifié par M. Jean-François Nogrette, directeur de Veolia Technologies & Contracting, de « tendance de fond marquée par l'impératif de valorisation foncière » 328 ( * ) - a pour effet d' orienter la demande . Ainsi, d'après l'UPDS, le métier de la dépollution « met en oeuvre à 70 % de l'excavation et non des techniques innovantes » 329 ( * ) . Ce phénomène se traduit, d'après M. Jean-François Nogrette, directeur de Veolia Technologies & Contracting, par « une forme d'appauvrissement du marché en matière de technologies in situ » 330 ( * ) , puisqu'une intervention sur site nécessite de déployer beaucoup plus de savoir-faire qu'une évacuation des terres vers un centre de stockage.

Plus encore, l'excavation des sols pollués ne semble pas être une solution durable, en raison de son impact environnemental . D'abord, la majorité des terres traitées sur les plateformes ICPE dédiées sont finalement éliminées en installation de stockage de déchets inertes ou de déchets non dangereux . D'après une étude de l'Ademe et du cabinet Ernst & Young menée en 2014 et basée sur des données de 2012, « sur environ quatre millions de tonnes de terres excavées sur le marché français des sites et sols pollués (SSP), environ 70 % sont gérées hors site et finissent en installation de stockage de déchets » 331 ( * ) . La généralisation de ces pratiques est particulièrement inquiétante, dans la mesure où le sol n'est pas ressource renouvelable : comme l'a rappelé M. Thierry Lebeau, « le sol est une ressource qui se raréfie. Nous n'en avons pas conscience en France car nous possédons de nombreux sols agricoles. Cependant, nous pourrons être confrontés un jour à une pénurie de sols » 332 ( * ) . D'après l'Ademe, un centimètre de sol met entre 200 et plusieurs milliers d'années à se former .

L'excavation suppose en outre de recourir au déplacement de milliers de tonnes de terres du site à l'installation de traitement . La commission d'enquête a notamment été alertée sur le fait que ces terres sont souvent déplacées vers les Pays-Bas, la Belgique ou encore l'Allemagne, qui ont développé des filières de valorisation des sols après traitement, pour les réutiliser par exemple dans des polders . Selon M. Jean-François Nogrette, directeur de Veolia Technologies & Contracting, certains pays ont ainsi développé « des stratégies pour attirer les terres contaminées en provenance de l'Europe entière » 333 ( * ) .

c) Une règlementation française pour l'heure peu favorable à la valorisation des terres excavées

Alors que l'excavation demeure une technique particulièrement attractive de dépollution, il apparaît que la France peine à valoriser ces terres, considérées comme des déchets.

Certains acteurs estiment que la faible valorisation, en France, des terres excavées, s'explique par un cadre réglementaire particulièrement strict lié au statut de déchet qu'acquièrent les terres excavées, par rapport à d'autres réglementations européennes. Les terres évacuées du site de leur excavation 334 ( * ) , qu'elles soient polluées ou non, prennent en effet le statut de déchet 335 ( * ) . En revanche, les terres excavées dont le traitement est opéré sur le site de leur excavation ne sont pas considérés comme des déchets. Le statut de déchet emporte d'importantes obligations fixées par la loi. Ainsi, en application de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, « tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers ».

Source : Bureau des recherches géologiques et minières, « La valorisation des terres excavées. Retours d'expérience de démarches de valorisation des terres excavées »

Comme l'a précisé la DGPR, « le statut de déchet n'empêche pas la valorisation des terres excavées ». La valorisation des déchets est définie dans le code de l'environnement comme « toute opération dont le résultat principal est que des déchets servent à des fins utiles en substitution à d'autres substances, matières ou produits qui auraient été utilisés à une fin particulière, ou que des déchets soient préparés pour être utilisés à cette fin, y compris par le producteur de déchets » 336 ( * ) . Aussi, l'article L. 541-1 du code de l'environnement impose de mettre en oeuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets, qui consiste à privilégier la préparation (en vue de la réutilisation), le recyclage, puis toute autre valorisation avant d'envisager l'élimination. En outre, toute personne valorisant des déchets pour la réalisation de travaux d'aménagement, de réhabilitation ou de construction doit être en mesure de justifier auprès des autorités compétentes de la nature des déchets et de l'utilisation de ces déchets dans un but de valorisation et non pas d'élimination 337 ( * ) .

Le guide de valorisation hors site des terres excavées issues de sites et sols potentiellement pollués dans des projets d'aménagement 338 ( * ) constitue le référentiel en vigueur eu la matière et précise le champ d'application 339 ( * ) et les conditions de valorisation. Ainsi, les terres excavées peuvent être valorisées si elles remplissent simultanément trois conditions : la qualité des sols du site receveur est maintenue 340 ( * ) , la qualité de la ressource en eau est maintenue et les écosystèmes préservés et les caractéristiques chimiques des terres excavées sont compatibles sur le plan sanitaire avec l'usage futur du site receveur. Ces conditions sont appréciées selon une démarche à trois niveaux (national, local et spécifique au site) schématisée ci-dessous, à l'aide notamment de valeurs seuils pour les éléments traces métalliques et les composés organiques persistants.

Source : Guide de valorisation hors site des terres excavées issues de sites et sols potentiellement pollués dans des projets d'aménagement

Plusieurs initiatives ont été mises en oeuvre dans ce sens, à l'image du projet VALTEX, coordonné par Suez Remediation et subventionné par l'Ademe, qui visait à développer des plateformes de traitement et de valorisation sur site et hors site pour certaines filières (plateformes NEOTER). Le guide VALTEX, issu de ce projet, propose notamment de valoriser les fractions grossières issues des sites et sols pollués -qui ne rentrent pas dans le champ d'application du guide de valorisation des terres excavées- en utilisant le guide du Cerema sur la valorisation des matériaux de déconstruction.

Néanmoins, de l'avis de nombreux acteurs sollicités par la commission d'enquête, l'encadrement de la réutilisation des terres excavées est particulièrement restrictif en comparaison d'autres pays d'Europe, avec des conditions contraignantes en matière de seuil, ce qui explique en partie le fait qu'une grande partie de ces terres finissent en décharge. Comme le résume M. Christian Traisnel, directeur du pôle de compétitivité TEAM2 : « en France, un matériau excavé est d'abord vu comme un déchet alors qu'en Belgique, il est d'abord vu comme un produit à valoriser. Cette interprétation facilite le traitement chez eux et la voie de valorisation » 341 ( * ) . Dans ce contexte, les utilisateurs finaux peuvent se montrer réticents à prendre en charge des terres excavées dans la mesure où celles-ci conservent le statut de déchet, quand bien même elles répondraient à des critères de qualité précisés par les différents guides de valorisation. Si la procédure de sortie de déchet est encadrée par l'article L. 541-4-3 du code de l'environnement, la DGPR indique qu'il n'existe pas, pour le moment, d'arrêté fixant les critères permettant aux terres évacuées de cesser d'être des déchets.

Dans ce contexte, le ministère de la transition écologique a soumis à consultation des parties prenantes un projet d'arrêté fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les terres excavées et sédiments ayant fait l'objet d'une préparation en vue d'une utilisation en génie civil ou en aménagement . Le logigramme ci-dessous présente les étapes nécessaires pour entrer dans le champ d'application de cet arrêté.

Source : Direction générale de la prévention des risques

Le projet d'arrêté, transmis par la DGPR, prévoit que des terres excavées ou des sédiments qui ont fait l'objet d'un traitement dans la perspective d'une utilisation en génie civil ou en aménagement pourraient perdre leur statut de déchets sous réserve de respecter les conditions suivantes :

- les déchets satisfont à certains critères de nature et de qualité (préservation de la ressource en eau et des écosystèmes du site receveur, déchets compatibles avec l'usage futur du site receveur sur le plan sanitaire, la qualité des sols du site receveur est maintenue) et respectent les exigences définies par les guides officiels ;

- ils font l'objet d'un contrat de cession entre la personne réalisant la préparation et le tiers qui valorisera les terres excavées et les sédiments, qui précisera notamment le site d'excavation et la période et le volume de terres excavées et de sédiments ainsi que le site receveur et l'usage retenu. Dans le cas où le maître d'ouvrage serait le même entre le site d'excavation, l'installation de préparation et le site d'utilisation, la conclusion d'un contrat n'est pas possible étant donné qu'il n'existe qu'une unique entité juridique, mais il est tenu de consigner ces informations.

Une grande partie des acteurs interrogés par la commission d'enquête estime que cet arrêté, s'il est effectivement publié, constituera une avancée puisqu'il permettra de faciliter la valorisation des terres excavées, dans une démarche d'économie circulaire . En outre, il sera possible d'envisager une contrepartie financière à cette valorisation , qui était jusqu'à présent impossible en raison du statut de déchet, qui implique que « toute personne recevant sur un terrain lui appartenant des déchets à des fins de réalisation de travaux d'aménagement, de réhabilitation ou de construction ne peut recevoir de contrepartie financière pour l'utilisation de ces déchets » 342 ( * ) .

Néanmoins, beaucoup d'acteurs ont souligné que cet assouplissement devait s'accompagner d'importants efforts pour veiller à la qualité et à la traçabilité de ces terres , pour se prémunir contre toute tentative de réutilisation frauduleuse. À cet égard, le projet d'arrêté prévoit que chaque lot de terres et sédiments est identifié par un numéro unique 343 ( * ) et le site d'excavation est référencé et la personne réalisant la préparation conserve un échantillon représentatif de chaque lot sorti du statut de déchet jusqu'au premier contrôle du système de gestion de la qualité. En outre, l'article 117 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire 344 ( * ) prévoit, à compter du 1 er janvier 2021, une obligation de registre pour les producteurs, traiteurs et utilisateurs de terres excavées 345 ( * ) .

Le développement d'une solution de traçabilité des flux de terres excavées

En janvier 2020, le BRGM a pris - via sa filiale SAGEOS- une participation de 40 % au capital de SOLTRACING , solution française de sécurisation des flux de terres excavées créée par HESUS et la confédération flamande de la construction.

L'entrée du BRGM au capital de SOLTRACING a pour objectif de développer un nouveau service global visant notamment à confirmer rapidement l'acceptabilité des terres excavées sur une opération de valorisation, dans une logique d'économie circulaire. Cette démarche vise à faire émerger un tiers de confiance indépendant qui est de nature à rassurer les acteurs quant à la traçabilité des terres excavées, avec pour objectif de « in fine , faciliter les opérations de valorisation des terres excavées ».

Source : https://www.brgm.fr/sites/default/files/cp_brgm_20200123_soltracing.pdf

Ce besoin de traçabilité est d'autant plus important que l'article 115 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire a supprimé l'obligation de passer par une installation spécialisée (ICPE ou installations dites IOTA 346 ( * ) ) pour sortir du statut de déchet. L'article prévoit qu'un contrôle par un tiers accrédité peut être prévu pour s'assurer que les conditions de sortie du statut de déchet sont bien respectées. Il est obligatoire pour les déchets dangereux ainsi que les terres excavées et les sédiments qui cessent d'être des déchets. Les modalités de ce contrôle doivent être précisées par des textes réglementaires d'application qui, d'après la DGPR, devraient être publiés au quatrième trimestre 2020. Pour la fédération nationale des activités de la dépollution et de l'environnement (Fnade), cette mesure emporte une perte de pouvoir d'autorisation et de contrôle de l'État et impose une vigilance renforcée quant à la traçabilité et au contrôle des terres excavées. Pour Suez, cette suppression « représente un risque pour la bonne gestion de ce flux, le cadre ICPE étant le seul susceptible d'apporter des garanties suffisantes » 347 ( * ) .

Un projet de décret a été mis en consultation le 13 août 2020.


Projet de décret portant diverses dispositions d'adaptation
et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets

L'article 1 er du projet de décret précise les modalités de mise en oeuvre de la sortie du statut de déchet, par l'ajout de la possibilité de faire sortir de statut de déchet aux installations non classées ICPE ou IOTA et d'inclure un contrôle par un tiers, le cas échéant accrédité, le ministre chargé de l'environnement pouvant fixer par arrêté des critères de contrôle par un tiers : fréquence, procédures et déchets faisant l'objet d'un contrôle, modalités d'échantillonnage et de conservation d'échantillons.

Son article 2 prévoit notamment que :

- les personnes produisant, expédiant ou valorisant des terres excavées et des sédiments tiennent à jour un registre chronologique de la production, de l'expédition et de la réception de ces terres et sédiments , conservé pendant trois ans ;

- le ministre chargé de l'environnement met en place une base de données électronique centralisée (le « registre national des terres excavées et sédiments ») visant à enregistrer les données transmises par les personnes produisant ou traitant des terres excavées et sédiments.

Source : http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/decret_agec_a3_200804.pdf

En somme, la commission d'enquête est consciente que la problématique de la sortie du statut de déchet se situe au croisement de deux impératifs qui s'inscrivent dans des logiques différentes.

D'une part, pour répondre aux objectifs de lutte contre l'étalement urbain et d'artificialisation des sols et pour dynamiser la reconversion des friches, il est indispensable de faciliter la valorisation des terres excavées, qui sont jusqu'à présent en grande partie éliminées ou envoyées à l'étranger. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la commission d'enquête n'estime pas pertinent d'instituer une taxe sur le transport des terres excavées, qui pourrait conduire certains acteurs à renoncer à traiter et reconvertir des friches polluées, au profit d'une proposition d'incitation à l'utilisation d'autres méthodes de dépollution.

D'autre part, et comme le souligne justement Suez, il convient de veiller à ce que l'objectif de valorisation n'ait pas pour effet de « banaliser le caractère dangereux d'un site/d'une terre qui conduirait à ne pas mettre en oeuvre les traitements les plus appropriés pour préserver l'environnement et les aspects sanitaires » 348 ( * ) .

Dès lors, la commission formule les deux recommandations suivantes :

- dans une logique d'économie circulaire, et afin de réduire au maximum les situations de transports de longue distance de terres excavées ou leur stockage en décharge, la commission est favorable à l'assouplissement des conditions de sortie du statut de déchet des terres excavées. Cet assouplissement impose de veiller à la définition, notamment dans les textes réglementaires d'application, de conditions exigeantes de traçabilité et de responsabilité dans la chaîne de valorisation de ces terres ;

- afin de veiller à ce que la valorisation des terres excavées soit réalisée dans de bonnes conditions et suivant des critères stricts de qualité et de soutenabilité, un guide des méthodes de valorisation hors site des terres excavées dans une logique d'économie circulaire pourrait être validé par arrêté ministériel.

Proposition n° 42 : Favoriser le traitement des terres excavées au plus proche des sites dont elles sont extraites en assouplissant les conditions de sortie du statut de déchet, tout en définissant des conditions exigeantes de traçabilité et de responsabilité du traitement des pollutions.

Proposition n° 43 : Élaborer un guide, validé par arrêté ministériel, des méthodes de valorisation hors site des terres excavées dans une logique d'économie circulaire, dans le cadre de projets d'aménagement ou d'infrastructures linéaires de transport, afin de préciser les critères de qualité auxquels doivent répondre les terres une fois traitées.

2. Accompagner le développement de techniques de dépollution et de projets de réhabilitation de friches innovants et durables

Si l'excavation est la technique la plus communément utilisée pour des travaux de dépollution et s'il est important d'assouplir les conditions de valorisation des terres excavées, cette méthode est loin d'être la plus soutenable à moyen et long termes et il serait souhaitable de favoriser le recours à d'autres techniques, notamment celles opérées in situ et sur site . Les projets de reconversion de friches polluées peuvent également faire l'objet d'innovations et être pensés dans une démarche d'aménagement durable. Ainsi, le dispositif d'aide aux travaux de reconversion des friches mis en place par l'Ademe favorise l'exemplarité technique en permettant l'émergence de projets qui minimisent l'excavation des terres 349 ( * ) et qui s'inscrivent dans une démarche de développement durable .

a) Les méthodes de dépollution et de valorisation

Si les méthodes pour traiter différents types de pollution sont d'ores et déjà nombreuses, il existe un fort potentiel d'innovation en matière de techniques de dépollution . Certains acteurs considèrent que beaucoup de technologies sont aujourd'hui exploitées, de sorte que l'émergence d'une technologie totalement « disruptive » semble peu probable. Pour autant, d'importants travaux de recherche sont menés sur le traitement des polluants émergents ou encore sur l' optimisation des techniques de traitement existantes . Les exemples d'innovations mentionnées auprès de la commission d'enquête concernent notamment la thermopile hors site en andains 350 ( * ) ou encore la stabilisation des terres polluées au mercure 351 ( * ) . Le BRGM a également développé une plateforme dédiée à remédiation et l'innovation au service de la métrologie environnementale (Prime), qui permet de conduire des expérimentations à grande échelle pour étudier le comportement de tout type de polluants en 3D et de tester de nouvelles technologies de dépollution en conditions réelles 352 ( * ) .

Beaucoup d'acteurs ont également évoqué l'importance de poursuivre les travaux de recherche concernant les phytotechnologies . Ainsi, l'Ineris a conduit des recherches pour identifier les techniques les plus efficaces pour stabiliser (phytostabilisation) ou extraire (phytoextraction) les polluants (en particulier certains métaux).

Source : Institut national de l'environnement industriel et des risques

La société Envisol a également mis en place à Pont-de-Claix, et en partenariat avec l'EPFL du Dauphiné et la municipalité, un centre de recherche présenté comme un démonstrateur de technologies innovantes en matière de reconversion des friches, en utilisant par exemple des champignons pour dégrader les polychlorobiphényles (PCB) présents dans le sol. Le groupe Eramet a, pour sa part, soutenu en Indonésie et en Nouvelle Calédonie des projets de recherche et développement portant sur la phytoextraction de métaux par des plantes dites « hyper-accumulatrices ». À cet égard, l'article 129 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire prévoit la remise d'un rapport « sur la mise en place d'un cadre réglementaire adapté pour le recyclage des métaux stratégiques et critiques par agromine ».

Si ces méthodes « douces » sont peu chères et efficaces, plusieurs acteurs ont souligné les limites de le phytoremédiation. D'une part, elles ne sont pertinentes que pour certains polluants (notamment métalliques) et lorsque ceux-ci sont situés « dans les trente premiers centimètres du sol » 353 ( * ) . D'autre part, le faible recours à procédé tient à son délai de mise en oeuvre -plusieurs années-, qui n'est souvent pas compatible avec l'urgence de nombreux chantiers en zone urbaine.

Ces constats inspirent deux réflexions à la commission d'enquête.

Premièrement, le fait qu'un certain nombre de techniques durables ne sont pertinentes que pour des pollutions de surface et nécessitent plusieurs années de mise en oeuvre plaide, une fois encore, pour un diagnostic de la pollution le plus tôt possible . Comme l'a indiqué l'UPDS, il est d'usage de dire en matière de dépollution qu'un euro investi en étude permet d'économiser dix euros de travaux non prévus .

Deuxièmement, ces techniques semblent, pour l'heure, plus intéressantes à mettre en oeuvre sur des sites sans pression foncière, c'est-à-dire situés dans les zones dites « détendues ». Aussi, un certain nombre de friches localisées dans ces zones, à commencer par les fonciers publics , pourraient-elles faire l'objet de plus d'anticipation même en l'absence de perspective précise quant à l'usage futur du site. Il pourrait ainsi être intéressant, comme l'ont suggéré les représentants de la Métropole européenne de Lille, d'y étudier « les possibilités de réduction de la pollution des sites indépendamment de l'usage futur, par l'usage de la phytoremédiation ou d'autres techniques longues qui pourraient être adossées à des programmes de recherche » 354 ( * ) .

Si les techniques les plus rapides sont généralement privilégiées, il est raisonnable de penser que les techniques qui nécessitent plus de temps et qui sont moins coûteuses seront davantage mises en oeuvre par le secteur public . Dans la mesure où le développement et l'optimisation de techniques de dépollution permettront, à terme, de diminuer les coûts de dépollution et donc le seuil de rentabilité d'un projet, la commission d'enquête appelle à mobiliser les friches qui sont la propriété de personnes publiques au service de projets de recherche et développement de techniques de dépollution identifiées comme respectueuses de l'environnement .

Il convient de noter que le délai mais aussi le coût des travaux de dépollution sont des critères fondamentaux dans le choix de réhabiliter une friche ou non.


Des coûts de dépollution parfois bloquants

De nombreux acteurs ont souligné l'importance des coûts de dépollution et de remise en état d'un site , qui peuvent aller de quelques milliers à plusieurs dizaines de millions d'euros. À titre d'exemple, la société Brownfiels estime le coût de l'ensemble des travaux de reconversion de la raffinerie de Reichstett en écoparc à 48 millions d'euros. La SNCF consacre quant à elle quatre à cinq millions annuellement à des opérations de dépollution. Ces coûts peuvent paraître particulièrement élevés lorsqu'ils sont mis en regard avec la source de la pollution, qui peut parfois relever d'une simple négligence.

La société Brownfields estime ainsi que la principale raison qui conduit à renoncer à la dépollution d'un site est le coût des travaux de dépollution , en particulier quand la valorisation immobilière du site ne permet pas d'atteindre l'équilibre . Les porteurs de projet utilisent la technique du « compte à rebours » pour déterminer si le coût de dépollution est un facteur bloquant ou non : pour cela, ils déduisent les coûts de l'opération du prix de vente à la sortie du projet .

Dès lors, il existe en effet trois types de marché pour les friches industrielles , à savoir :

- les zones dites « tendues » (au sein et autour des grandes agglomérations notamment) où la pression foncière est importante et où la reconversion des friches est attractive au regard du bilan économique positif de l'opération ;

- les zones dites « détendues » où la pression foncière est faible et où donc la reconversion des friches est peu attractive, et qui sont notamment situées en zones rurales. D'autres cas de figure spécifiques, à l'image de certains fonciers du groupe SNCF (non accessibles par voie routière et dont la libération des installations ferroviaires est coûteuse), présentent peu de potentiel de mutation ;

- les zones dites « intermédiaires » ou « grises » (situées notamment dans et autour des villes moyennes), pour lesquelles, d'après l'UPDS, « le marché de la reconversion peut rester attractif pour des prestataires innovants et astucieux, à condition de limiter au maximum les coûts de déconstruction, désamiantage et dépollution ».

En outre, les coûts de dépollution présentent un caractère incertain : ils sont susceptibles d'augmenter au fur et à mesure du chantier, en cas de découverte de nouvelles pollutions sur le site par exemple. D'après M. Joël Crespine, responsable de la subdivision « Déchets, sites et sols pollués » du pôle « Environnement » à la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes, « le caractère itératif de la méthodologie nationale et les incertitudes concernant l'état du site au départ rend parfois les coûts de traitement difficilement prévisibles » 1 . M. Bertrand Georjon, chef du pôle « Déchets, sites et sols pollués » à la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes, estime quant à lui qu'en matière de sites et sols pollués, « il y a toujours une incertitude qui est budgétisée à hauteur d'environ 10 % dans le montage financier » 2 .

En raison du coût de la dépollution, et de l'incertitude qui lui est attachée, la réhabilitation d'une friche polluée reste généralement risquée pour un porteur de projet. C'est pourquoi, dans des cas où les coûts de remise en état dépassent nettement la valeur intrinsèque du site, il arrive que ce dernier soit vendu à l' euro symbolique .

1 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

2 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

Source : Commission d'enquête

En parallèle de la diminution du coût de dépollution, et compte tenu du nombre important de friches industrielles, il est nécessaire, comme l'a souligné Mme Élisabeth Borne, alors ministre de la transition écologique et solidaire, devant la commission d'enquête, de « faciliter les opérations de dépollution qui ne trouvent pas naturellement d'équilibre économique compte tenu de la faible valeur foncière » 355 ( * ) . La ministre a évoqué la possibilité de définir un dispositif national de réhabilitation qui pourrait être abondé par une taxe sur l'artificialisation des sols .

La commission d'enquête estime en effet qu'une telle piste doit être étudiée et sera proposée plus loin dans le présent rapport 356 ( * ) . Elle recommande en outre, dès à présent, de faciliter la reconversion des friches tout en orientant la demande vers des techniques de dépollution plus vertueuses par l'intermédiaire de mécanismes d'incitations fiscales . Comme le résume M. Gaël Plassart, cogérant de la société Envisol, « la dépollution coûte cher, car les entreprises privilégient la rapidité et le gain à court terme, et donc la pelleteuse et le camion-benne. Des incitations fiscales permettraient de soutenir l'innovation et de promouvoir d'autres types de décontamination, ce qui permettrait, in fine , de trouver des moyens de dépolluer mieux et à moindre coût » 357 ( * ) . Dans cette perspective, la commission d'enquête recommande ainsi d'envisager les deux options suivantes :

- la création d'un crédit d'impôt sur l'impôt sur les sociétés au bénéfice du maître d'ouvrage s'il recourt à des techniques de dépollution identifiées comme respectueuses de l'environnement ;

- une déduction de la taxe foncière , qui pourrait être plafonnée à 50 % du montant dû au titre de cette taxe, des frais engagés pour le recours à des techniques de dépollution identifiées comme respectueuses de l'environnement.

Ces incitations fiscales pourraient porter non seulement sur les techniques de dépollution à proprement parler, mais plus globalement sur les démarches qui permettent de développer l'économie circulaire ou la réduction du transport de terres excavées, à l'image de l'initiative du Port-Atlantique de La Rochelle, qui a mis en place un centre de valorisation de sédiments ainsi qu' une zone de stockage et de préparation des matériaux et sols qui pourraient faire l'objet d'un réemploi pour des aménagements portuaires. Il s'agit d'une ICPE, qui a été pensée selon une approche territoriale puisqu'elle permet le traitement des sédiments du port mais aussi de l'agglomération et du port de plaisance de La Rochelle ainsi que le traitement et le stockage des sols du port. Le port cherche en parallèle à développer cette démarche d'économie circulaire en trouvant de nouveaux débouchés pour les sédiments ainsi valorisés.

Proposition n° 44 : Envisager la mise en place de mécanismes d'incitation fiscale en faveur des techniques de dépollution identifiées comme respectueuses de l'environnement.

b) La requalification vertueuse des friches

Au-delà du développement de techniques de dépollution plus vertueuse, la commission d'enquête s'est également intéressée à l'émergence de projets de reconversion durable de friches.

Comme évoqué précédemment, il est possible de faire de certaines d'entre elles, et en particulier des « sites gelés », des zones d'expérimentation , par exemple pour conduire des travaux de recherche sur les techniques de phytoremédiation. Ces sites peuvent également, comme l'a mentionné Mme Laura Verdier, être utilisés pour installer des plateformes de traitement des terres , afin de répondre aux besoins des différents acteurs du territoire, dans une logique d'économie circulaire.

Plus encore, les friches peuvent faire l'objet d' usages environnementaux . M. Marc Kaszynski considère qu'une friche sur deux pourrait faire l'objet d'une réhabilitation pour des usages environnementaux. Par exemple, ces friches peuvent accueillir des productions d'énergies renouvelables 358 ( * ) , être « renaturées » pour devenir des zones de conservation et de développement de la biodiversité, dans une logique de compensation écologique . Pour le président du Lifti, les friches en milieu urbain peuvent notamment offrir des potentialités de connexion avec la trame verte et bleue, créée par la loi dite « Grenelle I » 359 ( * ) , qui a pour objectif d'enrayer la perte de biodiversité par la préservation et la restauration des milieux naturels.

L'association Humanité et biodiversité a publié une enquête en 2018 sur la renaturation des friches urbaines et périurbaines par la mise en oeuvre de mesures de compensation écologique 360 ( * ) , dans le cadre de la séquence ERC (éviter, réduire, compenser). Malgré un certain nombre de freins 361 ( * ) , cette étude identifie des opportunités pour la compensation écologique sur des friches urbaines. Ainsi, la compensation « peut servir d'alternative à des projets d'aménagement n'ayant pas vu le jour à cause des problèmes de pollution, ou des coûts qui lui sont liés ». En outre, elle présente actuellement des opportunités dans un contexte de grands travaux des métropoles qui doivent compenser à proximité. Enfin, l'étude relève que la restauration d'espaces dégradés présente d'autant plus d'intérêt qu'elle permet un important gain de biodiversité en raison de l'écart entre l'état initial et l'état atteint grâce à la renaturation.

À cet égard, l'article 70 de la loi de 2016 dite « Biodiversité » 362 ( * ) prévoit que l'agence française pour la biodiversité (devenue depuis l'office français de la biodiversité) réalise un inventaire national afin d'identifier les espaces naturels à fort potentiel de gain écologique appartenant à des personnes morales de droit public et les parcelles en état d'abandon, susceptibles d'être mobilisés pour mettre en oeuvre des mesures de compensation . L'OFB a indiqué à la commission d'enquête que la fin de ce projet était prévue pour 2023, avec la publication de notes intermédiaires d'ici cette date.

La commission d'enquête considère que cette piste de reconversion des friches en zones de compensation doit être étudiée et souscrit notamment à la troisième recommandation de l'étude publiée par Humanité et biodiversité, selon laquelle l'une des pistes à approfondir serait celle de la préservation de la biodiversité en s'adaptant à la temporalité de la friche. Une meilleure intégration des enjeux de biodiversité, depuis le diagnostic, à la phase de chantier permettra au maître d'ouvrage d'intégrer davantage cet aspect au projet de renouvellement.

3. Optimiser la mise en sécurité et la dépollution de sites pollués

La commission d'enquête a également identifié des pistes d'amélioration en ce qui concerne la mise en sécurité des sites et leur dépollution concernant les trois points suivants.

a) Préciser les critères emportant l'obligation de suppression des pollutions concentrées

La méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués prévoit que « lorsque des pollutions concentrées sont identifiées (flottants sur les eaux souterraines, terres fortement imprégnées de produits, produits purs...), la priorité consiste d'abord à déterminer les modalités de suppression des pollutions concentrées , plutôt que d'engager des études pour justifier leur maintien en l'état, en s'appuyant sur la qualité déjà dégradée des milieux ou sur l'absence d'usage de la nappe ». Comme l'indique la société Envisol, ce concept introduit en 2017 impose au dernier exploitant d'éliminer les pollutions concentrées, c'est-à-dire « d'opérer un abattement maximal des masses de polluants dans un minimum de volume » 363 ( * ) .

Si certains acteurs considèrent qu'il s'agit d'une approche équilibrée, d'autres estiment qu'il n'existe pas réellement d'obligation de retirer les sources de pollution concentrées étant donné que la méthodologie n'est pas contraignante. En outre, la notion de pollution concentrée est relative : d'après M. Joël Crespine, responsable de la subdivision « Déchets, sites et sols pollués » du pôle « Environnement » au sein de la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes, « une pollution concentrée est supérieure à la pollution du bruit de fond, anthropique ou naturel ». Pour l'association France Chimie, la définition des pollutions concentrées est sujette à interprétation, ce qui se traduit par une « application hétérogène sur le territoire français » 364 ( * ) .

En outre, la réglementation en matière d'ICPE et la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués privilégient une approche qui consiste à dépolluer en fonction de l'usage futur du site. Or, comme le souligne M. Joël Crespine, le concept de changement d'usage n'est pas clairement défini et peut conduire -au deuxième changement d'usage et alors même que cette procédure est encadrée par la loi 365 ( * ) - à un niveau de pollution trop élevé : « si un supermarché prend la suite d'une ICPE (usage N+1) et que ce supermarché disparaît plus tard pour laisser la place à des bâtiments d'habitations, il y a clairement un changement d'usage. Toutefois si le site d'une ICPE a été dépollué pour être réoccupé par une habitation et qu'un nouveau projet d'habitation doit par la suite y être réalisé, il y a de forte chance pour qu'aucun changement d'usage ne soit identifié » 366 ( * ) . Le réaménagement des SIS, prévu à l'article L. 556-2 du code de l'environnement, prévoit que les mesures de gestion de la pollution visent à assurer la compatibilité entre l'usage futur et l'état des sols mais « ne prévoit pas [...] la suppression des pollutions concentrées si celles-ci n'ont pas d'impact inacceptable dans le cadre du projet », d'après M. Bernard Georjon, chef du pôle « Déchets, sites et sols pollués » à la Dreal Auvergne-Rhône-Alpes.

Suez a par ailleurs mentionné des situations dans lesquelles l'adaptation de la dépollution selon l'usage pouvait conduire à laisser des pollutions concentrées sur des sites dont l'usage futur n'est pas sensible, mais qui peuvent impacter le voisinage. M. Bertrand Georjon cite enfin des exemples de réhabilitations pour des usages de parc public ou de parking qui laissent des pollutions concentrées plus importantes que si le site avait été remis en état pour un usage industriel.

De telles situations sont susceptibles de conduire à ce que la pollution continue de se déplacer, dégradant les sols et les eaux souterraines, après le départ de l'exploitant. La commission d'enquête, soucieuse d'éviter de laisser se créer de « potentielles futures pollutions historiques » qui devront être traitées par les générations futures, insiste, par conséquent, à l'occasion de la revue de la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués, sur la nécessité de préciser, le cas échéant dans la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués, une série de critères techniques et scientifiques, prenant notamment en compte les risques sanitaires et environnementaux associés à la pollution en cause en cas de risque de diffusion, et qui, lorsqu'ils sont réunis, emportent l'obligation de la suppression par l'exploitant de la source concentrée de pollution .

b) Étudier la possibilité de fixer des seuils de dépollution pour des situations simples

Parallèlement à la réflexion autour de l'obligation de dépolluer les sources concentrées de pollution, la commission d'enquête s'est interrogée sur la pertinence de définir des seuils de dépollution pour faciliter certaines opérations de reconversion .

Pour mémoire, des représentants de l'inspection des installations classées ont ainsi rappelé que la France s'était inspirée en 1996 d'un pays à l'avant-garde de la démarche sur les sols pollués -les Pays-Bas- en établissant des évaluations simplifiées des risques : « nous utilisions alors les valeurs hollandaises, parmi d'autres. Les Hollandais avaient adopté des valeurs de dépollution en fonction de ce que devenait le site (habitation, industrie...) ce qui permettait de fixer des objectifs de dépollution clairs et lisibles . Aujourd'hui quand une usine importante ferme, nous pouvons lui demander de justifier, par des études approfondies, les seuils de dépollution au cas par cas. Quand une station-service ou une petite installation s'arrête, la démarche est similaire et reste très complexe. Nous ne pouvons répondre simplement sur les seuils à respecter et cette réponse n'est pas très satisfaisante. » 367 ( * )

De l'avis de nombreux acteurs, la définition de seuils n'est néanmoins pas adaptée aux spécificités locales. Si cette approche a été un temps privilégiée, elle a finalement été abandonnée en 2007 en raison de la difficulté à l'appliquer. Pour autant, d'autres acteurs considèrent que, dans certains cas de figure bien précis, et notamment dans des situations « à faibles enjeux », pour lesquels l'application de la méthodologie nationale de gestion des sites et sols pollués est particulièrement lourde, il pourrait être intéressant d'introduire de tels seuils. Cette évolution permettrait en outre, comme le souligne M. Joël Crespine, de dégager du temps d'inspection pour les cas plus sensibles.

La commission propose donc d'étudier la possibilité de définir des seuils de dépollution, dans certains cas de figure qui pourraient être strictement définis, notamment pour des cas simples de réhabilitation, pour faciliter et accélérer la dépollution . Pour cela, il serait intéressant d'étudier, comme le suggère M. Joël Crespine, les exemples hollandais et belges, ainsi que l'exemple de la remise en état des usines à gaz entre 1996 et 2006 dans le cadre du « Protocole Gaz de France ».

c) Étudier en dernier ressort la possibilité de créer des « chemparks » français

Enfin, et en dernier ressort uniquement, la commission propose d'étudier la possibilité de créer des « chemparks », sur le modèle allemand. Pour que la dépollution puisse être financée autrement que par des opérations foncières, il conviendrait, en s'inspirant de l'exemple allemand, d'activer les friches polluées ayant encore une vocation industrielle en limitant la responsabilité du futur exploitant à l'égard des pollutions du passé ; à défaut, face au risque de devoir « dépolluer le passé d'un autre », les industriels préfèrent souvent investir sur des terrains vierges d'histoire industrielle.

D'après M. Jean?François Nogrette, directeur de Veolia Technologies & Contracting, les chemparks sont des « sites exploités par des industriels [qui] ne sont pas dépollués et [qui] demeurent la propriété d'établissements fonciers, publics, privés ou mixtes, qui sont chargés de la sécurité du sol et en perçoivent des loyers » 368 ( * ) . La mise en sécurité est prise en charge par les propriétaires qui veillent à ce que la pollution ne se propage pas et qui se financent par la location des terrains aux industriels. Cette démarche repose sur le principe selon lequel le locataire n'a pas à prendre en charge la pollution historique du site. Il s'agit d'une piste intéressante qui permet le réemploi de sites pour lesquels le secteur privé n'aurait sans doute pas risqué d'investir en raison de la présence d'une pollution historique. Pour autant, ce modèle conduit à une simple mise en sécurité du site et non à sa dépollution.

C'est pourquoi la commission d'enquête recommande d'étudier la possibilité de créer des chemparks français seulement en dernier ressort . Pour cela, il conviendrait de permettre à l'Ademe et aux EPF d'acquérir des sites pollués afin d'assurer leur mise en sécurité, puis de les louer à des exploitants dont l'activité est compatible avec l'état de pollution du site, et de réfléchir aux modalités d'intégration des travaux de dépollution dans ce type de modèle.

Les obligations respectives des deux parties seraient définies dans un cadre contractuel : il appartiendrait ainsi au propriétaire de mettre le site en sécurité afin que la pollution ne se diffuse pas dans le milieu et au locataire de ne pas aggraver l'état de pollution du site. La location des terrains aux industriels financerait le confinement de la pollution et, contractuellement, l'industriel occupant les terrains ne serait pas responsable de la pollution passée, ce qui favorise leur attractivité pour l'investissement industriel tout en valorisant les infrastructures environnantes : routes, accès par le rail, sous-traitance de proximité, filières locales de formation...

Plus encore, il serait intéressant de réfléchir à un approfondissement du concept en prévoyant que, en sus de la mise en sécurité, le propriétaire pourrait assurer, de façon progressive, la dépollution du site dans le cadre dudit contrat.

4. Faciliter le recours au dispositif du tiers demandeur
a) Un dispositif qui améliore la complémentarité entre exploitants et aménageurs et prévient la constitution de friches

Le dispositif de tiers demandeur a été introduit à l'article L. 512-21 du code de l'environnement par la loi ALUR, dans l'objectif de faciliter la réhabilitation des sites ayant accueilli des installations ICPE .

L'encadrement légal des ICPE impose depuis plusieurs décennies aux exploitants la remise en état du site au moment de la cessation d'activité . Le retour d'expérience sur la mise en oeuvre de ces obligations révèle cependant certains effets adverses :

- par crainte d'être tenus responsables en cas de remise en état insuffisante , et ce même après la vente du site, certains exploitants ont pu préférer « geler » le terrain plutôt que de le céder pour un autre usage. En effet, même en cas de découverte ultérieure de pollutions et jusqu'à trente ans après la cessation d'activité, l'exploitant restait responsable au regard de la loi ;

- la complexité croissante des diagnostics de l'état des sols et des mesures de gestion de la pollution a pu accroître ces incertitudes, l'exploitant n'étant pas certain d'avoir « terminé » la dépollution à défaut de quitus délivré par l'administration et validant définitivement la remise en état ;

- enfin, le principe de remise en état par l'usage suppose une connaissance précise du projet d'aménagement envisagé et de ses caractéristiques constructives. C'est en réalité l'aménageur, bien plus que l'exploitant, qui est le porteur de ce projet de reconversion et qui peut définir les mesures de réhabilitation nécessaires.

Ces difficultés ont donc, dans certains cas, conduit à l'émergence de friches industrielles , toujours sous la responsabilité des exploitants ou propriétaires, mais ne pouvant pas être réintégrées dans la vie économique du territoire.

En réponse, la loi ALUR, élargissant et formalisant certaines initiatives préalables 369 ( * ) , a introduit un nouveau dispositif de « tiers demandeur » , prévu à l'article L. 512-21 du code de l'environnement. L'exploitant d'une installation ICPE en cessation d'activité peut désormais autoriser un tiers à réaliser à sa place les travaux de réhabilitation nécessaires, lorsque ce tiers est porteur d'un projet ultérieur pour le terrain concerné . Par exemple, un aménageur souhaitant construire des immeubles de bureaux, et ainsi valoriser le site, peut opérer en lieu et place de l'exploitant et avec son accord la remise en état pour cet usage précis.
La responsabilité pour le site, notamment en matière de gestion des pollutions, est alors transférée au tiers demandeur . Le recours à cette procédure est soumis à la validation du préfet de département , sur la base d'un mémoire de réhabilitation incluant l'usage envisagé par le tiers, sous réserve que ce dernier présente les capacités techniques suffisantes et prévoie des garanties financières adaptées.

Le décret d'application n° 2015-1004 du 18 août 2015, paru rapidement après l'adoption de la loi ALUR, a élargi la portée du dispositif, en permettant à la procédure de tiers demandeur d'être appliquée même en l'absence de dernier exploitant connu et sous réserve de l'accord de la commune, permettant ainsi de traiter le cas des sites orphelins . Il autorise également le préfet, en cas de besoin, à prescrire au dit tiers certaines mesures complémentaires de réhabilitation ou de surveillance.

Le principal apport de la loi ALUR consiste donc en la substitution du tiers demandeur à l'exploitant dans ses responsabilités au titre de la législation des ICPE, dans l'objectif de réaliser un projet précis impliquant la dépollution d'un terrain. Selon M. Patrick Viterbo, président de la société Brownfields, le dispositif « répond à un constat pragmatique. La meilleure dépollution est celle tirée par des projets futurs. C'est le porteur de projet qui est le mieux placé pour gérer la dépollution - davantage que l'industriel qui, même s'il a conscience de la pollution et a des capacités financières, est réticent à transformer ses sites. Le transfert de responsabilité aux opérateurs accélère le rythme de la reconversion. » 370 ( * )

Depuis 2015, près d'une centaine de demandes de recours au tiers demandeur ont été déposées. 39 dossiers ont d'ores et déjà autorisés, pour un montant total d'opérations de réhabilitation (hors aménagement) de plus de 25 millions d'euros 371 ( * ) . 49 dossiers sont actuellement en cours d'instruction. La société Brownfields , créée en 2006, a été la première à bénéficier de l'accord des autorités pour mettre en oeuvre le dispositif dans le cadre de la réhabilitation d'une ancienne raffinerie de près de 80 hectares à Reichstett à compter de 2014. Cette entreprise la met depuis régulièrement en oeuvre, avec d'anciens exploitants tels que Novartis, Safran, Petroplus ou Total.

Engie a par exemple indiqué avoir lancé, dans le cadre d'un consortium avec Vinci et Brownfields, un programme de reconversion d'une cinquantaine de sites sur l'ensemble du territoire français , pour une surface totale de 350 000 m². Ces réhabilitations ont été conçues dans le cadre de la procédure de tiers demandeur, et devraient notamment permettre la création d'environ 2 200 logements en accession sociale et résidences services.

Près des deux tiers des projets présentés dans le cadre d'une procédure de tiers demandeur sont portés par des aménageurs privés , le reste étant porté par des industriels, des aménageurs publics tels que des établissements publics d'aménagement ou des établissements publics fonciers, ou par des collectivités. Ces chiffres témoignent d'une bonne appropriation du dispositif par les acteurs privés , fournissant une procédure mieux articulée, propice au développement de la filière de la dépollution.

Types de nouveaux projets réalisés dans le cadre
d'une procédure de tiers demandeur

Logements et habitations

Activités tertiaires et commerciales

Activités industrielles

Parkings

Groupes scolaires
et sportifs

Centrale photo-voltaïque

68

28

12

4

7

1

Source : Commission d'enquête, à partir des éléments transmis par la direction générale de la prévention des risques

Surtout, le type de projets et d'usages envisagés démontre que la réhabilitation conduite dans le cadre du tiers demandeur permet majoritairement des usages autres qu'industriels, concernant à près de 73 % du logement . La commission d'enquête souligne ce point très positif, qui suggère que la réhabilitation va fréquemment plus loin qu'une simple remise en état à usage industriel ou de parking.

Le dispositif a déjà évolué pour mieux s'adapter aux besoins de terrain. En 2017, une modification règlementaire a permis le recours au cautionnement solidaire pour la constitution des garanties financières auxquelles sont soumises les entreprises tiers demandeuses. Il s'agit d'une forme de garantie plus flexible et plus facile à mettre en oeuvre . Les établissements publics et les collectivités ont aussi été autorisés à garantir ces montants selon des procédures plus souples.

Si sa montée en puissance est progressive, le dispositif de tiers demandeur est donc considéré par la totalité des personnes entendues comme une avancée de taille . L'un des avocats entendus par la commission d'enquête l'a décrit comme « la meilleure réforme pour le droit des sites pollués que l'on ait pu introduire » 372 ( * ) .

b) Faciliter l'utilisation du tiers demandeur par les aménageurs publics en autorisant le transfert d'un projet d'un tiers demandeur à un autre

La commission d'enquête a toutefois relevé le recours plus faible des aménageurs publics au dispositif, souligné notamment par les représentants de la société Brownfields qui déplorent que les EPA et EPF ne se soient pas approprié la procédure, alors que l'outil leur était principalement destiné.

Selon les éléments recueillis lors des auditions, il apparaît notamment que les établissements publics fonciers s'en saisissent trop peu en raison de l' impossibilité pour eux de transférer la responsabilité à un second tiers demandeur . En effet, les opérations complexes sont souvent réalisées en plusieurs étapes -dépollution, proto-aménagement, aménagement final- qui nécessitent les compétences et l'intervention de plusieurs acteurs. Les établissements publics signalent en particulier qu'ils ne portent souvent pas l'aménagement final, qu'ils préfèrent transférer aux promoteurs privés.

Schéma simplifié des acteurs de l'aménagement des friches

Source : Ademe

La commission d'enquête propose donc d 'ouvrir, dans la loi, la possibilité au tiers demandeur de transférer ses responsabilités et l'opération à un nouveau tiers demandeur qui viendrait se substituer à lui pour la poursuite des opérations de réhabilitation du site. Un arrêté préfectoral devrait alors consacrer ce transfert et valider les compétences techniques et financières nécessaires, ainsi que la constitution des garanties financières.

L'UPDS a également signalé que cette possibilité pourrait s'appliquer dans les cas où un tiers demandeur ne peut mener à bien l'opération envisagée initialement : « Les projets durent parfois plusieurs années et il peut arriver qu'un acquéreur abandonne, car le projet n'est plus viable ou qu'il n'a pas suffisamment de moyens. Nous avons donc demandé que soit facilité le transfert vers un autre tiers demandeur afin que l'on ne redémarre pas la procédure à zéro si un tiers demandeur jette l'éponge au milieu du gué » 373 ( * ) .

Proposition n° 45 : Autoriser dans la loi le transfert des responsabilités d'un tiers demandeur à un autre tiers demandeur, afin de favoriser le recours au dispositif par les aménageurs publics.

c) Préserver l'équilibre du dispositif du tiers demandeur en matière de responsabilité

La portée du transfert de responsabilité a également été évoquée devant la commission d'enquête. Au titre du droit existant, si le tiers demandeur substitue l'exploitant dans ses responsabilités au titre du site, ce transfert est annulé en cas de défaillance du tiers demandeur . L'article L. 512-21 du code de l'environnement prévoit en effet qu'« en cas de défaillance du tiers demandeur et de l'impossibilité de mettre en oeuvre les garanties financières [...] , le dernier exploitant met en oeuvre les mesures de réhabilitation pour l'usage défini ».

Pour les industriels, il apparaît que cette réversibilité puisse jouer un rôle dissuasif, ceux-ci craignant qu'ils puissent être tenus responsables d'erreurs ou insuffisances dues aux opérations conduites par le tiers. L'un des avocats interrogés par la commission d'enquête a ainsi noté que la mise en pratique du dispositif « se trouve ralentie par le fait que, en l'état actuel des textes, la responsabilité peut revenir au dernier exploitant en cas de défaillance du tiers demandeur, avec alors une situation ambigüe en pratique s'agissant du niveau d'obligations pesant sur ce dernier exploitant. Il ne faut donc pas s'étonner qu'avec ce mécanisme, qui constitue certes une garantie pour l'État qui ne court aucun risque, la majorité des acteurs industriels hésitent à recourir à cette formule » 374 ( * ) .

Si certains estiment que le transfert de responsabilités devrait être rendu définitif, il semble pourtant qu'une telle mesure désinciterait à l'inverse l'engagement des sociétés privées et publiques en tant que tiers demandeurs. En outre, l'application du principe « pollueur-payeur » justifie le maintien de la responsabilité subsidiaire des exploitants en cas de défaillance du tiers demandeur .

L'équilibre actuel du dispositif, en matière de responsabilité, semble donc satisfaisant : il permet d'accélérer la dépollution et la reconversion des sites ICPE lors de leur cessation d'activité, tout en conservant une responsabilité subsidiaire du pollueur -qui ne devrait en réalité être appelée que très rarement dans les cas de défaillance des tiers demandeurs-.


* 318 Audition du 19 mai 2020.

* 319 Contribution écrite des représentants de la Métropole européenne de Lille.

* 320 Audition de MM. Jean de L'Hermite, directeur juridique, et Samuel Dufay, directeur environnement, et de Mme Céline Leroux, responsable juridique, de la société Eramet (en téléconférence), 19 mai 2020.

* 321 Sources : contributions écrites et auditions de Veolia, de Suez, de l'UPDS, de l'Ademe, de M. Marc Kaszynski, de la société Brownfields, de la Métropole européenne de Lille et de l'Ineris.

* 322 Contribution écrite de Suez.

* 323 Contribution écrite de Suez.

* 324 Audition du 19 mai 2020.

* 325 Table ronde du 2 juillet 2020.

* 326 Audition du 3 juin 2020.

* 327 Les HAP sont le traceur principal des anciennes usines à gaz (AUG).

* 328 Audition du 19 mai 2020.

* 329 Audition du 9 juin 2020.

* 330 Audition du 19 mai 2020.

* 331 UPDS Mag , juin 2017.

* 332 Table ronde du 23 juin 2020.

* 333 Audition du 19 mai 2020.

* 334 En revanche, les terres excavées dont le traitement est opéré sur le site de leur excavation ne sont pas considérées comme des déchets.

* 335 DGPR, « Modalités d'application de la nomenclature des installations classées pour le secteur de la gestion des déchets », 25 avril 2017.

* 336 Article L. 541-1-1 du code de l'environnement.

* 337 Article L. 541-32 du code de l'environnement.

* 338 Actualisé en avril 2020.

* 339 Sont par exemple exclues de cette démarche les terres relevant de la catégorie des déchets dangereux, les terres polluées par des substances radioactives ou encore les terres amiantifères et mercurielles.

* 340 C'est-à-dire que « les substances caractérisées au sein des terres présentant des teneurs inférieures ou égales à celles caractérisant le fond pédo-géochimique du site receveur ».

* 341 Table ronde du 2 juillet 2020.

* 342 Article L. 541-32-1 du code de l'environnement.

* 343 Le système de numérotation est consigné dans un manuel de qualité.

* 344 Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

* 345 Cette obligation est codifiée à l'article L. 541-7 du code de l'environnement.

* 346 Installations, ouvrages, travaux et activités.

* 347 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

* 348 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

* 349 71 % des bénéficiaires considèrent que la subvention les a encouragés à recourir à une meilleure technique de dépollution (Ademe, Évaluation du système d'aides aux travaux « reconversion des friches urbaines polluées » , novembre 2014).

* 350 Contribution écrite d'Engie.

* 351 Contribution écrite de Suez.

* 352 Contribution écrite du BRGM.

* 353 Contribution écrite de l'UPDS.

* 354 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

* 355 Audition du 1 er juillet 2020.

* 356 cf. Partie II. B. de la troisième partie.

* 357 Table ronde du 3 juin 2020.

* 358 Notamment du photovoltaïque ou, sous certaines conditions, de la biomasse d'après l'Ademe.

* 359 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

* 360 Cécile Gauthier, Humanité et Biodiversité, Contribution de la compensation écologique à un modèle économique de renaturation des friches urbaines et périurbaines. Renaturation des friches urbaines et périurbaines par la mise en oeuvre de mesures de compensation écologique , 2018 ( https://www.humanite-biodiversite.fr/system/attachments/18268/original/Etude_friches_et_compensation_urbaines-web.pdf?1545071190 ).

* 361 Prix du foncier élevé, complexité du découpage parcellaire, acceptabilité sociale lorsque le public s'est déjà approprié le terrain en friche, déplacement de l'artificialisation des milieux urbains vers les milieux naturels et agricoles.

* 362 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 363 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

* 364 Contribution écrite de l'association France Chimie.

* 365 Article L. 556-1 du code de l'environnement.

* 366 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

* 367 Audition du 27 mai 2020.

* 368 Audition du 19 mai 2020.

* 369 Notamment le transfert aux communes des responsabilités du ministère de la défense au titre de certains des sites cédés à un euro symbolique ou permettant d'imputer le coût de leur dépollution sur le prix de vente. Se référer au rapport consultable en ligne à l'adresse : https://www.gridauh.fr/sites/default/files/u440/N.BELARBI__La_loi_ALUR_et_les_debiteurs_de_l_obligation_de_remise_en_etat.pdf .

* 370 Audition du 17 juin 2020.

* 371 Montant estimé en fonction des garanties financières prévues pour ces opérations.

* 372 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

* 373 Table ronde du 9 juin 2020.

* 374 Réponses au questionnaire de la commission d'enquête.

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