II. DES PARAMÈTRES ÉCONOMIQUES GÉNÉRAUX ET SPÉCIFIQUES
Toute concession s'inscrit dans la durée, pour permettre au concessionnaire d'amortir a minima le coût des investissements et de rémunérer les fonds propres. La rentabilité des concessions , qui résulte des revenus des péages et des sous-concessions au regard des coûts de travaux, des frais d'exploitation et de la gestion financière de la dette et des fonds propres, repose donc sur un ensemble de paramètres économiques, tant spécifiques que généraux , susceptibles d'évoluer fortement au cours de la durée d'exécution des contrats de concession.
Ainsi que le rappelle l'ART dans son rapport sur l'économie des concessions autoroutières, « au-delà des risques usuels auxquels sont confrontés, pour tous les secteurs d'activité, les actionnaires (risque d'évolution des marchés d'actifs) et les créanciers (risque d'évolution des courbes de taux), les pourvoyeurs de fonds des SCA s'exposent à des risques sectoriels et à des risques propres à chaque concession, qui se matérialisent par un écart entre leurs plans d'affaires prévisionnels et leurs plans d'affaires réalisés . »
A. LES RÉSULTATS D'UN SEUL EXERCICE NE SONT PAS SIGNIFICATIFS
Comme rappelé précédemment, les résultats des SCA historiques pour un exercice donné ne permettent pas de mesurer la rentabilité des concessions.
Pour l'exercice 2019 , les résultats consolidés 129 ( * ) synthétisés des SCA historiques s'établissent comme suit :
Résultats consolidés des SCA historiques en 2019 (en millions d'euros) |
|||||||
Chiffre d'affaires |
Taux de croissance2019/2018 |
EBITDA |
Marge d'EBITDA |
Résultat net |
Dividendes |
Dividendes/ résultat net |
|
APRR-AREA |
2 611 |
+ 2,9% |
1 942 |
74,4% |
875 |
752 |
86,0 % |
ASF-Escota |
4 038 |
+ 5% |
3 012 |
74,6% |
1338 |
1 173 |
87,7 % |
Cofiroute |
1 480 |
+ 2,7% |
1 116 |
75,4% |
539 |
587 |
108,8% |
Sanef-SAPN |
1 780 |
+ 3,1% |
1 298 |
72,9% |
554 |
516 |
93,06% |
TOTAL |
9 909 |
7 368 |
3 306 |
3 028 |
Source : Comptes annuels
1. Une évolution globalement positive du chiffre d'affaires en 2019
L'évolution du chiffre d'affaires des SCA historiques est positive en 2019 . Une lecture rapide des évolutions du chiffre d'affaires depuis 2006 permet d'ailleurs de constater une progression constante de celui-ci, mise à part une exception 130 ( * ) .
Cette tendance globalement positive masque toutefois des écarts substantiels dans la croissance du chiffre d'affaires d'un exercice sur l'autre depuis la privatisation en 2006 : entre 0,7 % et 7,1 % pour ASF-Escota, entre 0,8 % et 7,9 % pour APRR-AREA, entre - 0,5 % et 5,2 % pour Sanef-SAPN, et entre 0,5 % et 8,2 % pour Cofiroute.
Ces variations s'expliquent par :
- des évènements conjoncturels : par exemple le mouvement des « gilets jaunes », apparu en octobre 2018, qui s'est accompagné d'opérations de « péage gratuit », de l'annulation de certains déplacements ou de leur reports sur d'autres infrastructures ou modes de transport ;
- l' évolution des sous-jacents macro-économiques , en particulier l'activité économique nationale, la production industrielle européenne et l'évolution du prix des carburants, qui impactent particulièrement le transport routier ;
- l' évolution des conditions de financement des coûts et, surtout, des taux de refinancement de la dette et des fonds propres ;
- des facteurs endogènes , comme la hausse des tarifs, la politique de gestion de la dette et la politique de distribution de dividendes.
Dès lors, s'en tenir aux résultats d'une seule année ne permet en aucune manière d'appréhender la rentabilité des concessions autoroutières.
L'examen des comptes montre, par exemple, des reports et des avances de dividende sur un même exercice, sans lien avec les résultats nets de l'exercice considéré ou encore des remboursements de dette sans lien avec les résultats de l'exercice, ni avec le financement de nouveaux travaux.
2. Le maintien d'un taux exceptionnellement élevé de distribution
Pour l'exercice 2019 , le taux de distribution moyen s'est approché de 90 % du résultat net . Il a toutefois dépassé le montant du résultat net pour Cofiroute.
En pratique, ce taux a été très fluctuant depuis 2006, en raison de pratiques de reports et d'avances éventuellement cumulées. Il a été particulièrement élevé sur les deux premiers exercices qui ont suivi la privatisation , pour amortir le coût d'acquisition des concessions, avant de baisser fortement puis d'évoluer de manière différente d'un groupe à l'autre.
Le taux de distribution de l'année de la privatisation a été exceptionnel pour financer le remboursement des coûts d''acquisition des SCA. En 2006, il a ainsi atteint six fois le résultat net de l'exercice pour APRR. Trois ans plus tard, en 2009, il s'établissait à 0,1%.
Après avoir atteint 782,7 % du revenu net en 2007, le taux de distribution d'ASF est tombé à 23,7 % en 2012 avant de remonter à 182,3 % en 2015.
Cofiroute présente un profil encore plus contrasté avec des années blanches (2014 et 2015), suivies d'une distribution massive en 2016 (624,2 %).
De manière générale, les taux de distribution sont élevés depuis la privatisation et contrastent fortement avec la politique de distribution antérieure .
Dans le prospectus de garantie de cours d'ASF en 2006, il est ainsi indiqué que la politique de distribution de dividendes entre 2002 et 2005 a évolué de 40 % à 60 % du résultat net et que, dans l'avenir, elle serait progressivement portée de 60 % à 85 % du résultat net à compter de 2009 puis stabilisée à ce niveau jusqu'en 2016, avant d'être relevée à 100% jusqu'à la fin de la concession.
A contrario , l'offre remise par Vinci en novembre 2005, que le rapporteur a pu consulter, mentionnait explicitement l'hypothèse de prélèvements sous forme de dividendes exceptionnels en 2007, ce qui fut effectivement le cas (782,7 %).
L 'augmentation progressive affichée lors de la privatisation a été très rapide et au final, pour ASF comme APRR, la distribution moyenne sur la période 2006-2019 est supérieure à 100% du résultat net . La politique de distribution de Sanef apparaît , quant à elle, plus régulière , s'établissant entre 70 et 99 % depuis 2007.
Dividendes distribués par les SCA historiques
privatisées
entre 2006 et 2019
(en millions d'euros)
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total |
|
ASF |
278 |
3 78 |
473 |
458 |
632 |
1332 |
187 |
784 |
717 |
1632 |
978 |
370 |
1033 |
1173 |
10 425 |
APRR |
1571 |
652 |
312 |
0 |
292 |
11 |
1217 |
400 |
450 |
1379 |
581 |
672 |
766 |
752 |
9 055 |
Sanef |
880 |
176 |
217 |
227 |
255 |
280 |
279 |
215 |
250 |
250 |
280 |
432 |
585 |
516 |
4 842 |
Total |
2729 |
1206 |
1002 |
686 |
1179 |
1623 |
1683 |
1399 |
1417 |
3261 |
1839 |
1474 |
2384 |
2441 |
24 322 |
Source : Comptes annuels
* 129 Chacune des SCA établit ses propres comptes mais une approche consolidée doit être privilégiée pour éliminer les flux entre les sociétés concessionnaires du même groupe, tant au niveau du compte de résultat (notamment en cas d'achat d'une prestation de la mère par la fille) que du bilan (en cas d'endettement de la fille vis-à-vis de la mère) ou encore de flux de trésorerie en raison du versement de dividendes par la fille à la mère. Bien que Cofiroute appartienne au groupe Vinci, tout comme ASF et sa filiale Escota, son statut de filiale directe de Vinci Autoroutes justifie de ne pas la consolider avec ses sociétés soeurs et donc de la traiter pour elle-même.
* 130 Sanef en 2015.