B. UN SUIVI TECHNIQUE DE BONNE QUALITÉ
C'est le ministère chargé des transports qui représente l'État concédant . À ce titre, il assure un suivi technique de la qualité des infrastructures autoroutières afin que l'usager bénéficie d'un bon niveau de sécurité .
1. L'État concédant est représenté à titre principal par la DGITM
La sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé de la direction des infrastructures de transports (DIT), qui fait partie de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) du ministère chargé des transports, est le service de l'État en charge, à titre principal, du contrôle et du suivi des concessions autoroutières existantes 219 ( * ) . Elle a pour mission de s'assurer de la bonne gestion du réseau autoroutier concédé et de la qualité du service rendu aux usagers.
La sous-direction représente l'État concédant dans ses relations avec les sociétés concessionnaires . À ce titre, elle assure le contrôle technique des autoroutes concédées, en particulier celui des travaux réalisés, et effectue un suivi de la qualité des infrastructures autoroutières sur toute la durée de la concession.
La sous-direction est également chargée du suivi des contrats de concession et de la négociation des avenants à ces contrats. Enfin, elle effectue un contrôle de premier niveau sur les hausses annuelles des tarifs des péages, en lien avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie et des finances.
L'un des bureaux de la sous-direction est en charge des contrats, en coordination avec la DGT et la DGCCRF pour les clauses tarifaires. Les chargés de domaine et les chargés d'opérations des deux autres bureaux interviennent en lien avec les divisions implantées à Bron , à côté de Lyon, sur les aspects relatifs aux usagers et à l'exploitation (bureau GCA2) et sur le suivi de la construction et de l'entretien du patrimoine (bureau GCA 3).
La sous-direction compte actuellement 35 agents , dont moins d'une dizaine assure le suivi juridique et financier des contrats de concession et la négociation des avenants . L'essentiel des effectifs est en effet chargé du contrôle technique .
Les effectifs de la sous-direction sont pratiquement inchangés depuis la privatisation des SCA historiques en 2006. Toutefois, l'attribution de compétences à l'Arafer en matière de suivi des concessions autoroutières en 2015 220 ( * ) ne paraît pas avoir eu un impact négatif sur le nombre d'agents chargés du suivi juridique et financier, ce qui mérite d'être relevé.
2. Un suivi technique progressivement renforcé
Comme l'a indiqué le sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé, Fabien Balderelli, lors de son audition par la commission d'enquête, « l'essentiel de notre travail vise à assurer la commodité et la sécurité des usagers . Ces enjeux sont au coeur de notre métier » 221 ( * ) .
La qualité du suivi technique des concessions a été nettement renforcée depuis la privatisation, à tel point que les SCA la trouvent parfois pointilleuse.
a) Un suivi qui combine contrôles, audits et indicateurs de performance
Deux bureaux de la sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé de la DGITM assurent le contrôle de la performance et de la sécurité des infrastructures.
La sous-direction bénéficie par ailleurs de l' appui du réseau scientifique et technique du ministère du développement durable . Les contrôles techniques sont ainsi de plus en plus fréquemment effectués en collaboration avec le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) . Le soutien du Cerema est notamment sollicité pour des audits portant sur le contrôle du respect des exigences environnementales en phase chantier, les audits thématiques concernant les ouvrages d'art et les audits de sécurité.
La supervision exercée par la sous-direction se concentre sur quatre thèmes de contrôle et d'intervention : la sécurité des usagers, la qualité du service, l'environnement, l'entretien et la pérennité du patrimoine autoroutier .
(1) Des contrôles d'exploitation et des inspections lors des mises en service
La responsabilité de la maîtrise d'ouvrage incombe au concessionnaire. Le contrôle du concédant est donc destiné à vérifier que le concessionnaire a mis en place les procédures d'autocontrôle et les processus qualité lui permettant de remplir ses obligations contractuelles et que ceux-ci sont efficients.
Ces contrôles prennent plusieurs formes.
(a) Des contrôles et des audits d'exploitation
La sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé procède chaque année à environ 150 contrôles sur des ouvrages d'art et des infrastructures et à un millier de contrôles d'exploitation de chantier portant sur la sécurité des déplacements des usagers, la qualité des services offerts, la préservation de l'environnement et le maintien de la qualité du patrimoine, qui doivent être assurés jusqu'à l'échéance de la concession.
Elle réalise également cinq à dix audits par an en moyenne, avec une assistance locale forte du Cerema . Le rapport d'activité de la DGITM de 2017 sur l'exécution et le contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art indique ainsi qu'au cours de cet exercice, deux audits de conception et sept audits de conception détaillée ont été menés 222 ( * ) .
Chaque audit comporte une visite de terrain et un entretien avec l'exploitant. Ses conclusions font l'objet de discussions contradictoires avec le concessionnaire
Ces contrôles ont été considérablement renforcés depuis l'époque des SEMCA . La DGITM a indiqué au rapporteur qu'entre 2017 et 2019, six concessions historiques (Cofiroute, ASF, APRR, SAPN, Escota et AREA) ont ainsi fait l'objet d'audits d'exploitation. Le nombre d'audits réalisés chaque année par la DGITM est en progression régulière depuis dix ans . La direction, qui n'en menait qu'à peine plus de cinq par an en 2006, a ainsi conduit plus de 40 audits et inspections sur le terrain en 2017 .
(b) Des contrôles systématiques lors de la mise en service de nouvelles infrastructures
La mise en service d'une section d'autoroute ou d'un équipement nouveau fait l'objet d'un suivi particulier. La DGITM met en oeuvre entre dix et vingt inspections par an pour vérifier la conformité des travaux réalisés sous la responsabilité des SCA.
Au cours des études, procédures et travaux, elle contrôle le bon avancement des opérations , examine les documents techniques élaborés par le concessionnaire et effectue des visites de chantier.
Elle procède à une inspection des travaux un à deux mois avant la mise en service puis à une inspection de sécurité quelques jours avant la mise en service des nouvelles infrastructures .
En cas de non-conformité, elle valide les mesures correctrices à apporter et réalise une nouvelle inspection.
Par la suite, elle examine les bilans dressés par les sociétés concessionnaires à la fin des six premiers mois d'exploitation de tout nouvel aménagement, conformément à une circulaire du 27 octobre 1987 223 ( * ) . En 2017, la sous-direction de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé a ainsi été destinataire six bilans d'exploitation qu'elle a analysés.
Une évaluation est également effectuée pour tout nouvel aménagement ayant un impact sur le débit routier , au titre de la circulaire du 13 avril 2012 224 ( * ) .
(2) Un suivi à partir d'indicateurs de performance progressivement renforcés
Le principal instrument technique du contrôle de l'exécution des contrats de concession sont des indicateurs de performance . D'après M. Balderelli, sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé, ces indicateurs constituent la « ligne directrice de suivi de la performance pour l'usager ».
Les premiers indicateurs ont été introduits dans les contrats de concession il y a moins d'une vingtaine d'années . Ils sont désormais inscrits dans les contrats de plan . Le nombre des indicateurs de performance est allé croissant . Un indicateur portant sur la structure des chaussées a ainsi été introduit dans les derniers contrats.
Treize domaines sont aujourd'hui couverts par des indicateurs, qui vont de la gêne au péage, à la viabilité hivernale en passant par le dépannage et au délai d'information sur les panneaux à messages et la radio autoroutière.
Les premiers indicateurs assortis de pénalités ont été introduits dans les contrats de plan 2010-2014 et 2012-2016, avec une possible application des pénalités à partir de 2012.
Des évolutions des indicateurs interviennent à chaque contrat de plan . Les valeurs cibles sont le résultat des négociations contractuelles menées par la DGITM avec chaque société à partir, notamment, de chroniques de données des années antérieures.
La volonté du concédant de faire converger ces différents éléments se heurte toutefois à la diversité des outils et des modes opératoires des sociétés. La DGITM a ainsi indiqué, à titre d'exemple, dans une réponse écrite au rapporteur, que « certaines sociétés ont des objectifs de patrouillage (surveillance du réseau), alors que d'autres ont des objectifs de délais d'intervention » . De la même manière, ASF et Escota se sont dotées les premières d'un système d'exploitation permettant de suivre et donc de contractualiser un indicateur de performance en matière de dépannage, alors que celui-ci est en cours de définition chez les autres sociétés.
Depuis 2012, la DGITM conduit, avec le Cerema, des audits afin de vérifier l'exactitude et la sincérité des informations fournies par les sociétés concessionnaires sur l'évolution des indicateurs de performance. Son rapport d'activité pour 2017 indique que les résultats des trois audits concernant les indicateurs de performance liés à l'exploitation conduits cette année-là montrent une bonne appropriation des indicateurs et de leurs modalités de mesure par les sociétés concessionnaires .
Toutefois, trois sociétés ont fait l'objet de sanctions en 2017, au titre de non-respect de leurs objectifs de performance en 2016 . Les pénalités s'élèvent à 1,15 million d'euros, ce qui est une somme limitée à l'échelle des résultats financiers des sociétés concessionnaires.
Enfin, afin d'effectuer un suivi dans le temps de ces indicateurs et en cas de non-conformité, la DGITM valide les mesures correctrices à apporter et réalise une nouvelle inspection pour s'assurer qu'elles ont été correctement mises en oeuvre.
(3) Un suivi des réclamations des usagers
Dans son suivi, la DGITM s'appuie également sur l'évaluation du ressenti des usagers , au travers d'enquêtes ou de bilans.
Elle observe ainsi, dans son rapport d'activité pour 2017, que « ramené au nombre de kilomètres parcourus, le nombre de réclamations adressées par les usagers aux concessionnaires est très faible, de l'ordre de 1,7 réclamation par million de kilomètres » .
b) Un niveau de compétence et d'exigence élevé
Selon le président des concessions d'Eiffage 225 ( * ) , les SCA et les fournisseurs considèrent que les contrôles réalisés par le concédant sont trop pointilleux, voire « tatillons ».
De manière générale, les SCA soulignent le rapide durcissement du contrôle du concédant depuis la privatisation. Elles relèvent à cet égard que les cahiers des charges des concessions récentes reposent sur un niveau d'exigence technique supérieur à celui que l'État s'applique à lui-même .
Il est ainsi fréquent que le concédant prescrive une reprise ou une amélioration des installations qui viennent d'être livrées avant leur mise en service. Le directeur général du groupe Sanef, Arnaud Quémard, a estimé, lors de son audition par la commission d'enquête, que « le concédant va au-delà de la simple exécution contractuelle et fait preuve en la matière d'un niveau d'exigence très élevé, ce qui peut parfois entraîner des retards dans la mise en service de certains ouvrages » 226 ( * ) .
La qualité du travail de la DGITM est toutefois saluée y compris par les concessionnaires. M. Quémard a ainsi souligné devant la commission d'enquête que « l'État concédant dispose d'équipes très compétentes, composées d'ingénieurs d'excellent niveau, qui s'appuient en outre sur des experts comme ceux du Cerema, qui font partie des meilleurs d'Europe voire du monde ».
Quant au président des concessions autoroutières d'Eiffage, Philippe Nourry, il a précisé que « les contrôles sont fréquents et rigoureux et nous nous y sommes adaptés. Nos équipes ont pris des dispositions pour répondre aux questions et aux différents audits », avant de déclarer : « je ne modifierai pas grand-chose en ce qui concerne les contrôles de la DGITM ».
Ces contrôles semblent se dérouler en bonne intelligence. Le sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé a ainsi précisé à la commission d'enquête qu'en matière de contrôle de travaux : « nous sommes dans une logique partenariale et de confiance » avec le concessionnaire.
Le suivi technique apparaît donc globalement complet et efficace, eu égard au nombre d'indicateurs, d'audits et d'inspections effectués, et il est plutôt bien accepté. Le niveau de compétence technique des chargés de domaine et des chargés d'opérations des bureaux GCA2 et GCA3 et de l'appui apporté par le Cerema doit donc impérativement être maintenu.
Proposition n° 1 : veiller au maintien des capacités d'expertise et d'ingénierie technique élevées du ministère chargé des transports et du Cerema pour rédiger les spécifications techniques des appels d'offres, des contrats de concession et des avenants, et contrôler la livraison des travaux, l'entretien et l'état des réseaux. |
* 219 C'est un autre service de la DGITM, le département des partenariats public-privé (DPPP), qui assure la préparation des contrats des nouvelles concessions et gère les procédures d'attribution de celles-ci.
* 220 Voir le § II.
* 221 Audition de M. Fabien Balderelli, sous-directeur de la gestion et du contrôle du réseau autoroutier concédé à la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) au ministère de la transition écologique et solidaire, le 26 février 2020.
* 222 Rapport d'activité 2017 de la direction des infrastructures de transport (DIT) de la Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), Exécution et contrôle des contrats de concession d'autoroutes et d'ouvrages d'art .
* 223 Circulaire n° 87-88 du 27 octobre 1987 relative aux modalités d'établissement et d'instruction des dossiers techniques concernant la construction et l'aménagement des autoroutes concédées.
* 224 Circulaire du 13 avril 2012 portant instruction pour la mise en oeuvre d'audits de sécurité routière pour les opérations d'investissement sur le réseau routier national.
* 225 Audition de M. Philippe Nourry, président des concessions autoroutières d'Eiffage en France, le 1 er juillet 2020.
* 226 Audition de M. Arnaud Quémard, directeur général du groupe Sanef et président de l'Association des sociétés françaises d'autoroutes (ASFA) du 23 juin 2020.