EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 septembre 2020, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu une communication de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, et M. Victorin Lurel, rapporteur, sur le Franc CFA.

M. Vincent Éblé , président . - Nous entendons une communication de contrôle budgétaire de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, et M. Victorin Lurel, rapporteur, sur le franc CFA.

Mme Nathalie Goulet , rapporteur spécial . - Nous nous retrouvons pour parler du franc CFA et de la zone franc. Je remercie M. Victorin Lurel, qui a souhaité être associé à ce travail. Ses compétences techniques et son dynamisme ont été précieux.

Ce contrôle budgétaire a été lancé après les annonces des Présidents français et ivoirien le 21 décembre 2019 sur la réforme du franc CFA en Afrique de l'Ouest. On parle très peu, d'habitude, du franc CFA, alors qu'il s'agit pourtant d'un sujet très important pour la France et son image en Afrique. Traditionnellement, en effet, on ne consacre à ce sujet que quelques lignes dans le rapport budgétaire sur les engagements financiers de l'État.

En juillet, lors de la restitution de nos premières observations, il nous restait encore quelques auditions à mener. Nous avons donc décidé de profiter du contrôle budgétaire pour dresser un véritable état des lieux de la Zone franc. La crise sanitaire, évidemment, n'a pas facilité notre travail.

Nous commençons notre rapport par le constat qui a guidé notre travail : la méconnaissance de ce que désigne concrètement la zone franc, des principes qui la régissent et des mécanismes qui la sous-tendent a alimenté des idées reçues, aujourd'hui difficiles à bousculer. La zone serait ainsi un vestige du colonialisme qui bénéficierait d'abord à la France. Il est vraiment dommage que notre pays ait perdu la bataille de l'image en laissant filer ce sujet. Pourtant, ce n'est pas en évitant le débat qu'on évite la polémique !

La zone franc comporte quinze pays : les Comores et quatorze autres pays regroupés en deux unions monétaires, l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA) et la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (Cemac), soit 183 millions d'habitants pour un PIB de 241,7 milliards de dollars.

Elle est régie par trois accords de coopération monétaire distincts, datant des années 1970. Cela signifie donc, malgré une idée communément répandue, qu'il y a non pas une, mais trois monnaies distinctes : deux francs CFA - un pour l'Afrique de l'Ouest, un pour l'Afrique centrale - et le franc comorien.

Elle fonctionne selon quatre principes fondamentaux : la parité fixe avec l'euro, à un taux inchangé depuis 1994 ; la garantie de convertibilité illimitée et inconditionnelle apportée par la France ; la mutualisation d'une partie des réserves de change sur un compte d'opérations auprès du Trésor, contrepartie de la garantie ; la liberté des transactions et des mouvements de capitaux à l'intérieur de chacune des zones. On pourrait ajouter un cinquième principe : la présence de représentants nommés par la France dans les instances techniques de la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et de la Banque centrale des États d'Afrique centrale (BEAC). La présence est plus marquée dans les instances des Comores, et nous estimons qu'il serait opportun de réfléchir au remplacement des représentants français par des administrateurs indépendants.

Que représente la zone franc dans le budget français ? De prime abord, pas grand-chose : le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux », pendant budgétaire des accords de coopération monétaire conclus entre la France et les quinze pays de la zone franc, n'est pas doté de crédits depuis de nombreuses années. Il n'existe même plus de document de performance annexé aux projets de loi de finances ! Cette absence de crédits se justifie par le faible risque d'appel en garantie. Le terme d'accord monétaire est trompeur, puisque l'engagement pris par la France est un engagement budgétaire : la France s'est engagée à répondre à toute demande en devises des banques centrales de la zone franc en cas d'épuisement de leurs réserves de change et d'incapacité à couvrir leurs importations.

Deux institutions sont particulièrement impliquées dans la gestion de cette coopération monétaire : la Banque de France, avec un service de sept économistes consacré plus généralement à la zone franc et au développement, et le Trésor, avec environ trois à quatre équivalents temps plein (ETP) au sein du service des affaires multilatérales et du développement qui sont chargés du suivi de la coopération monétaire.

Enfin, il faut aussi évoquer la rémunération de la part des avoirs extérieurs nets que les banques centrales de la zone franc doivent obligatoirement déposer auprès du Trésor. Dans le contexte de taux actuel, ces dépôts sont rémunérés à des conditions avantageuses, du fait des taux plancher : 0,75 % pour les dépôts de la BCEAO et de la BEAC, 2,5 % pour ceux de la Banque centrale des Comores. En 2019, 62,6 millions d'euros ont été versés aux banques centrales africaines.

Pour reprendre les termes d'une personne que nous avons auditionnée, M. Mario Giro, il existe donc un véritable décalage entre « cette petite ligne pour le budget de la France » et « ce sujet si énorme et symbolique pour une partie de l'Afrique ».

On le savait, et les auditions nous l'ont confirmé, la façon de percevoir la zone franc, ses avantages et ses inconvénients, est aujourd'hui fortement affectée par son histoire et ses symboles, bien plus que par des considérations strictement économiques. Malgré un changement de nom, le franc CFA reste marqué par son héritage colonial. Officiellement créé le 26 décembre 1945, il était alors le franc des colonies d'Afrique et, jusqu'en 1978, les sièges des banques centrales étaient à Paris.

La méconnaissance de la zone franc et de la dominance idéologique a cristallisé les débats et alimenté les contrevérités sur les francs CFA et la zone franc. C'est pour cela qu'il nous est apparu essentiel de revenir sur ces idées reçues et de chercher à distinguer le vrai du faux sur la zone franc.

M. Victorin Lurel , rapporteur . - Je n'ai pas souvenir d'un rapport parlementaire récent sur le franc CFA. Pourtant, nous subissons l'information, voire la propagande, qui est diffusée depuis fort longtemps sur ce sujet. Face à cela, la France a en effet oublié que la monnaie était aussi un objet politique.

Chaque système monétaire a ses avantages et ses inconvénients. Or, si l'on peut défendre sur le plan économique ce système, avec trois monnaies différentes, il faut reconnaître que la France a perdu la bataille de l'image et que l'affirmation de la dimension identitaire s'effectue à ses dépens. Ce rapport est donc bienvenu pour faire le point sur la question, car il serait trop facile d'accuser la monnaie de toutes les difficultés qui frappent les États appartenant à la zone franc.

Dans le rapport, nous revenons sur dix constats portés sur le franc CFA, plus ou moins critiques, et sur lesquels les faits nous appellent souvent à la nuance.

Première critique : l'obligation de détenir une partie des réserves sur un compte d'opérations auprès du Trésor constituerait une taxe sur les pays de la zone franc et servirait à financer la dette française au détriment du développement des économies locales. Nathalie Goulet l'a dit, les réserves sont rémunérées, librement accessibles et servent de contrepartie à la garantie octroyée par la France. Ces réserves n'ont, par ailleurs, aucune conséquence sur la disponibilité du crédit dans l'économie, qui relève bien davantage de la faible inclusion bancaire et de la frilosité des banques commerciales.

Ensuite, les mécanismes de la zone franc, avec la parité fixe et la convertibilité inconditionnelle et illimitée, contribuent à sa stabilité monétaire et à la maîtrise de l'inflation. Ce sont les principaux arguments des défenseurs de la zone franc. À l'échelle du continent, les francs CFA sont des monnaies anciennes ; elles ont survécu à des crises politiques ou militaires de grande ampleur dans certains pays membres. De même, l'inflation est bien plus basse dans la zone franc que dans la plupart des autres pays du continent. Une inflation basse peut contribuer à réduire la pauvreté, participer à l'attractivité des investisseurs et faciliter la mise en place de politiques communes. Mais une inflation trop basse n'est pas forcément un signe de santé, nous le voyons aujourd'hui en Europe ! Cette priorité donnée à la stabilité des prix se fait au détriment d'un objectif premier de croissance. C'est un arbitrage politique qui doit être ouvert à la discussion. Ce débat est planétaire : faut-il viser une cible d'inflation ou mettre l'accent sur l'emploi et la croissance ? La Réserve fédérale américaine a un objectif d'emploi et de croissance dans ses statuts, tandis que la BCEAO vise d'abord la stabilité des prix. Il serait peut-être souhaitable que la Banque centrale des Comores, la BCEAO et la BEAC précisent leurs objectifs à cet égard.

Troisième critique : le franc CFA serait un obstacle à la croissance et au développement des pays de la zone franc. Or rien ne le démontre. Ce qui est sûr, c'est que ces pays ne présentent pas spécialement de meilleures performances en termes de croissance, de PIB par habitant ou d'indice de développement humain. On peut néanmoins relever une exception pour l'UMOA, qui présente depuis 2012 un taux moyen de croissance supérieur à 6 %. Il est évident qu'il existe d'autres obstacles à la croissance, tels que la faible diversification des économies, le climat des affaires incertain ou encore l'insuffisante qualité de l'éducation, de la gouvernance et des infrastructures. La monnaie ne peut pas tout. Ainsi, dans un pays comme la Côte d'Ivoire, le taux de bancarisation n'est que de 15 % : dans ces conditions, les mécanismes de transmission monétaire ne peuvent pas fonctionner.

Quatrième critique : le franc CFA est soumis aux aléas des fluctuations de l'euro. L'euro a tendance à s'apprécier face au dollar, ce qui renchérit le prix des exportations, un sujet particulièrement sensible quand on sait que les économies de la zone franc exportent principalement des matières premières et que ces échanges se font principalement en dollar. Mais cet arrimage à une monnaie forte ne peut expliquer à lui seul le déficit de compétitivité des pays de la zone franc. Nous le savons fort bien en France, la compétitivité dépend de tout un ensemble de facteurs.

Cinquième critique : on a beaucoup entendu dire lors de nos auditions que le franc CFA était surévalué et que cela nuisait à la compétitivité et à la diversification des économies. Deux nuances toutefois : le FMI estime que la surévaluation est raisonnable, de l'ordre de 5 %, et on oublie souvent qu'une dévaluation peut être très douloureuse pour les populations locales. Toutes ont encore le souvenir de la dévaluation de 1994, vécue de manière brutale : - 50 % pour les francs CFA, - 33 % pour le franc comorien. Attention à ne pas trop jouer aux apprentis sorciers dans ce domaine : les agences de notation nous mettent en garde contre une dévaluation et ses effets sur l'endettement des pays de la zone franc.

Sixième critique : on ne laisse pas les banques centrales de la zone franc conduire une politique monétaire autonome et même expansionniste, alors qu'elles sont en mesure de le faire. Les détracteurs du franc CFA disent souvent que la BCEAO et la BEAC sont incapables d'agir de manière autonome, trop affectées par les décisions de la BCE. Il faut nuancer le propos : il y a bien influence, mais de manière indirecte, via la politique de change. Les banques centrales de la zone franc mènent des politiques monétaires plus accommodantes que leurs homologues en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, justement parce que les anticipations d'inflation sont basses : la BCEAO a un taux « directeur » de 2,5 % et le Nigeria de 13,5 %.

Septième critique : le franc CFA favoriserait les entreprises françaises. Certes, la zone franc est apparue, en 1939, d'abord pour protéger l'économie française à l'aube de la Seconde Guerre mondiale. Mais les choses ont évolué depuis ! Il n'y a pas de règles commerciales ou financières en vigueur qui favoriseraient les entreprises françaises. La parité fixe avec l'euro est un avantage pour l'ensemble des entreprises étrangères, pas seulement pour la France - et, dans les faits, la part de la France et de la zone euro dans les échanges avec l'UMOA et la Cemac est en recul.

Huitième critique : la France disposerait d'un droit de veto au sein des instances dirigeantes de la zone franc. C'est faux ! La France ne dispose d'aucun représentant au sein des instances politiques des unions monétaires. Sa présence est en recul, il n'y a plus qu'un seul représentant nommé par la France dans les instances techniques de la BCEAO et de la BEAC. La situation est un peu différente pour les Comores, où les représentants nommés par la France constituent toujours la moitié du conseil d'administration de la Banque centrale. Nous recommandons de mieux encadrer ces nominations et de réduire la présence française dans les instances de la Banque centrale des Comores.

Neuvième critique : la Banque de France exercerait une « tutelle » sur les banques centrales de la zone franc. C'est faux également ! La Banque de France entretient des relations commerciales et de coopération avec la BCEAO, la BEAC et la BCC. Par exemple, l'accord de coopération avec la BCEAO est extrêmement large et couvre quasiment toutes les missions et les métiers habituellement dévolus à une banque centrale. Pour les relations commerciales, c'est la Banque de France qui fabrique les billets francs CFA et franc comorien. Cette fabrication est assurée par la papeterie de Vic-le-Vicomte et par l'imprimerie de Chamalières, deux imprimeries situées en Auvergne et qui emploient environ 900 personnes. Contrairement à ce qu'on entend, ce n'est pas imposé par les accords de coopération monétaire : ce sont les banques centrales qui ont décidé de faire fabriquer leur monnaie en France, comme beaucoup de pays africains - d'autres s'adressant à d'autres pays européens, par exemple l'Allemagne. Seuls neuf pays africains disposent aujourd'hui des infrastructures pour fabriquer leurs billets sur place.

Enfin, dixième critique : le Trésor exercerait une tutelle sur les pays de la zone franc par l'intermédiaire du compte d'opérations. Or les règles relatives à ce compte sont inscrites dans des accords monétaires et dans les conventions de garantie. S'il y a une alerte, ce n'est pas le Trésor français qui agit mais les banques centrales de la zone franc, auxquelles il revient d'abonder le compte d'opérations. Des conseils de politique monétaire, où les représentants français sont minoritaires, peuvent alors être convoqués pour décider des mesures de redressement.

On le voit, sur un aspect purement économique, la contestation de la zone franc n'est pas aussi simple que certains détracteurs voudraient le faire croire. Il serait abusif d'en faire un bouc émissaire. Mais se contenter de ces considérations économiques serait une erreur, car la monnaie est aussi un objet politique, idéologique et souverain.

Le bilan, pour être équilibré, doit aussi souligner l'importance des intérêts versés par la France aux pays concernés pour le dépôt de leur quote-part de réserves, le taux d'intérêt y est bien supérieur à ce qui se pratique à l'ordinaire : nous présentons les chiffres précis dans notre rapport, je vous invite à vous y reporter. Je précise par ailleurs que les avoirs déposés par les banques centrales bénéficient d'une garantie de change, en cas d'appréciation ou de dépréciation de la monnaie vis-à-vis du droit de tirage spécial.

Mme Nathalie Goulet , rapporteur spécial . - Le sujet est éminemment politique : le franc CFA, placé au coeur du désamour entre la France et l'Afrique, fait l'objet de critiques parfois sans fondement ou sans nuance. Dès lors que notre rapport entend parvenir à une présentation équilibrée, nous devons aussi souligner les avantages du franc CFA : les intérêts versés aux pays qui déposent une partie de leurs réserves, mais aussi la convertibilité, la stabilité monétaire. Si nous mentionnons ces avantages, nous ne cachons pas pour autant les inconvénients de la Zone franc ou ses lacunes.

Nous avons également des propositions, sur le changement de nom de la monnaie, sur la centralisation des réserves de change, sur le compte d'opérations, lequel fait l'objet de fantasmes, mais aussi, très concrètement, sur le repli de la France dans les instances de gouvernance, ou encore sur la rémunération des réserves déposées. Ce sont d'ailleurs des mesures reprises dans le nouvel accord de coopération monétaire entre la France et les États membres de l'UMOA.

Nous avons noté, de la part de nos interlocuteurs, une inquiétude quant au décalage entre la fin de la centralisation des réserves et le maintien de la garantie dans ce nouvel accord de coopération monétaire - il est clair qu'il faut viser une équivalence, ou bien il y aura un hiatus. Des mécanismes de reporting seront donc mis en place pour la France ait de la visibilité sur son risque financier et puisse le piloter. Nous devons également veiller à ne pas perdre une nouvelle fois la bataille de l'image.

Il faut également dire que la réforme dans l'UMOA pourrait constituer une première étape vers une réforme plus ambitieuse de la coopération monétaire dans la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao). La Cédéao développe en effet son propre projet de monnaie unique, l'eco. Il faut toutefois dire que cette réforme, nécessaire, risque d'être reportée du fait de la crise sanitaire et des réticences de certains pays membres. N'est-ce pas l'occasion de poursuivre et d'approfondir notre travail de proposition, d'imaginer une réforme plus ambitieuse et plus structurée d'une souveraineté monétaire ouest-africaine ? Nous avons interrogé longuement Dominique Strauss-Kahn sur le sujet, les pistes intéressantes ne manquent pas. Ce sujet technique est donc bien plus vaste qu'il n'y paraît, nous avons de quoi y travailler encore.

M. Gérard Longuet . - Merci pour ce rapport. J'espère qu'il aura une large diffusion.

Le franc CFA souffre de sa dénomination, mais, pour le reste, il est parfait : d'abord, parce qu'il assure une convertibilité, qui est une condition sine qua non des investissements étrangers, et des taux d'intérêt bien moindres pour les économies concernées que pour celles qui sont comparables mais situées hors zone franc. Nos partenaires africains ont un droit légitime à une autonomie d'affichage et à une autonomie réelle, mais il ne faut pas perdre de vue que leur sécurité monétaire, assurée par la zone franc, repose sur un partenariat étroit avec la France. C'est le noeud de l'ensemble : les avantages de la sécurité obligent aux conditions de la sécurité, les uns ne vont pas sans les autres. L'Afrique est riche par sa démographie, par ses ressources, mais son développement requiert des moyens très importants - en infrastructures, en éducation, en formation -, donc des capitaux qui doivent venir de l'extérieur, ce qui exige des garanties, qu'apporte l'arrimage organisé par la zone franc. D'où ma question : quel équilibre, entre l'affirmation de l'autonomie et le maintien de cette sécurité indispensable à l'apport de capitaux ?

M. Marc Laménie . - Quelle est l'importance du franc CFA en masse monétaire ?

M. Victorin Lurel , rapporteur . - Je ne reprendrai pas la distinction entre autonomie affichée et autonomie réelle... Je ne vous cache pas que, en abordant le sujet, j'avais quelques préjugés, et qu'il régnait un certain flou sur les chiffres. J'ai découvert bien des choses, par exemple le fait que la France assure une garantie de change sur les réserves déposées, au cas où l'euro se déprécie. Il me semble qu'en soixante-quinze ans d'existence nous sommes parvenus à un équilibre : la zone franc a résisté aux guerres, aux indépendances, à la corruption, l'équilibre a été trouvé entre la sécurité de change et la liberté dont les banques centrales disposent pour gérer elles-mêmes les leviers monétaires. Il faut bien comprendre que, demain, si ces banques n'avaient plus obligation de déposer en France la moitié de leurs réserves, elles le feraient ailleurs, pour une rémunération moindre - la France rémunère à 0,75 % et 2,5 %, c'est considérable. Il faut tenir compte, cependant, de la géopolitique des émotions, et c'est bien pourquoi nous disons qu'il est plus rationnel d'en finir avec l'obligation de dépôt, mais aussi que la France doit se retirer des instances techniques de gouvernance, sauf en cas de crise. En 1994, la France avait une alternative : soit payer, soit dévaluer. On a choisi de dévaluer, mais sans réformer l'ensemble, ce qui n'était pas une bonne chose.

Mme Nathalie Goulet , rapporteur spécial . - Les quinze pays de la zone franc représentent un PIB cumulé de 241 milliards d'euros. Au-delà de l'aspect monétaire et financier, il y a une question de positionnement de la France en Afrique de l'Ouest et plus généralement en Zone franc, sur une question qui relève du domaine de la souveraineté. La crise sanitaire, ses conséquences économiques et sociales vont durer, il serait utile de suivre la situation et de continuer ces travaux, en particulier pour s'interroger davantage sur une plus grande implication de l'Europe au coeur du franc CFA..

M. Victorin Lurel , rapporteur . - Je suis favorable, personnellement, à une réforme en profondeur d'où émergerait un régime de change flottant ou ajustable, adossé à des droits de tirage spéciaux : la France n'y perdrait pas ses avantages. Resterait à déterminer la place qu'y prend la BCE.

M. Vincent Éblé , président . - Merci pour ces travaux et ce débat.

La commission a autorisé la publication, sous la forme d'un rapport d'information, de la communication de Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, et M. Victorin Lurel, rapporteur.

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