B. ADAPTER ENFIN NOS POLITIQUES PUBLIQUES AUX DÉFIS DU NUMÉRIQUE

1. Inciter les commerçants à prendre le virage du numérique

Comme vu supra , les dispositifs publics d'aide à la numérisation sont nombreux, souvent confidentiels, et font intervenir un grand nombre d'acteurs 159 ( * ) . Il importe donc particulièrement d'y privilégier un outil simple, clair, facile d'accès et à la main des entreprises, qui permette tant d'acquérir les équipements nécessaires au développement d'une stratégie omnicanale (outils d'exploitation et d'interface, tablettes, boutiques en ligne, logiciel de paiement en ligne et sur mobile, logiciel de gestion de la relation client, etc .) que de former les salariés et le dirigeant aux nouveaux défis du numérique.

En effet, une entreprise dispose de deux voies principales pour pourvoir aux nouveaux emplois créés par les mutations du commerce : le recrutement externe ou la mobilité interne. Le rapporteur rappelle l'importance de cette dernière, qui implique de faire monter les collaborateurs en compétences et en polyvalence et d'élargir leur périmètre d'action. Ce faisant, les salariés disposeraient de réelles perspectives d'évolution tandis que l'entreprise réduira les coûts engendrés par les procédures de recrutements.

Ainsi que le souligne la Fédération du commerce associé, un renforcement de la formation permettrait aux salariés de « passer de la relation client au marketing digital, du métier de commercial à celui de boucher, de celui de cariste à celui de chauffeur-livreur, de celui d'hôtesse de caisse à celui de fleuriste, découvrir de nouveaux métiers du digital (growth-hacker, traffic manager, expert Customer Relationship Manager 160 ( * ) , Search Engine Optimisation 161 ( * ) manager, Community manager, e-merchandiser, etc .) » car « il existe une infinité de métiers dans le secteur du commerce et autant d'opportunités d'évolution et d'épanouissement personnel pour les collaborateurs » 162 ( * ) .

Or un des obstacles principaux à ces efforts d'équipement et de formation réside dans leur coût.

Une aide de 500 euros a bien été décidée dans le cadre du plan de relance, afin de subventionner une partie de l'acquisition de solutions numériques par les commerçants et artisans souhaitant procéder à du click&collect ; mais son budget de 60 millions d'euros, pris transitoirement dans le Fonds de solidarité, la limite à 120 000 entreprises au maximum. En outre, le montant de 500 euros ne semble pas suffisant. Ainsi que l'a indiqué la CPME lors de son audition par le rapporteur : « la transition numérique a un coût important, mais c'est une question de survie pour les commerçants physiques » 163 ( * ) .

Un plan de relance dont seuls 0,17 % sont spécifiquement dédiés
au commerce et à l'artisanat

Au-delà de l'aide de 500 euros susmentionnée, dont le budget à hauteur de 60 millions d'euros est temporairement prélevé dans l'enveloppe dédiée au Fonds de solidarité, le plan de relance de 100 milliards d'euros environ annoncé par le Gouvernement prévoit une série d'autres mesures visant à soutenir et relancer le commerce et l'artisanat, pour un total de seulement 106 millions d'euros :

- 60 millions d'euros abondent la première phase d'un fonds de soutien budgétaire destiné à financer des foncières chargées de rénover 6 000 commerces en cinq ans. Ces crédits sont complétés de 100 millions d'euros apportés par la Banque des territoires, qui eux-mêmes s'ajoutent à une enveloppe de 200 millions d'euros qu'elle engage déjà, dans le même objectif, dans le cadre des programmes « Action coeur de ville » et « Petites villes de demain » ;

- 36 millions d'euros financent des actions de redynamisation commerciale, aux contours encore flous. Pour 20 millions d'euros, 842 actions concerneront à la fois le financement de managers de commerce, à hauteur de 40 000 euros par action, le financement de prestations de diagnostic et d'ingénierie relatives aux stratégies numériques territoriales (analyse de zone de chalandise, évaluation de la maturité numérique des commerces, etc .), à hauteur de 20 000 euros par action, et le financement de la mise en place de plateformes numériques locales pérennes. Le rapporteur note néanmoins que le total d'actions ainsi entreprise (842 actions) semble éloigné des besoins du terrain ;

- 10 millions d'euros servent à renforcer les prêts « croissance TPE » de Bpifrance. Le montant de ces prêts est compris entre 10 000 et 50 000 euros, sur une durée de cinq ans, et sert à financer des dépenses immatérielles (audit, marketing, etc .) ou corporelles (réfection des locaux, prototypes, etc .) qui ont une faible valeur de gage.

De même, une enveloppe d'un peu plus de 20 millions d'euros a été votée en loi de finances pour 2021 afin de renforcer les moyens de l'initiative France Num qui met en relation les dirigeants cherchant à numériser leur entreprise et les professionnels en la matière : ces crédits doivent être alloués, notamment, au réseau consulaire, afin de prendre en charge des formations (individuelles et collectives) au numérique ainsi que l'accompagnement des TPE-PME dans cette transition. Mais ces initiatives butent sur leur insuffisante notoriété auprès des entreprises et ne traitent pas la question du coût des équipements.

Lors de l'examen de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, le rapporteur avait proposé la création d'un crédit d'impôt à la numérisation des entreprises, adopté par le Sénat, mais non retenu par l'Assemblée nationale.

Recommandation n° 4 : mettre en place un crédit d'impôt de 50 % des dépenses de formation et d'équipement numérique engagées par les PME, dans la limite de 10 000 euros par an.

Au-delà des salariés, un effort de formation sera également nécessaire à destination des présidents d'association de commerçants, comme l'ont souligné les représentants de CCI France lors de leur audition, afin d'accroître leur professionnalisation à l'heure où les actions mutualisées entre commerçants sont appelées à être de plus en plus fréquentes (groupements d'achats, appels d'offre commun pour refaire les magasins à moindre coût, mise en commun d'entrepôts en zone périurbaine et d'actions logistiques, mutualisation d'opérations de communication, etc .).

2. S'appuyer sur le réseau consulaire pour accompagner la transition numérique des PME

Le réseau des chambres de commerce et d'industrie participe activement à la numérisation des PME et, plus largement, à leur adaptation aux évolutions du marché et des consommateurs : mise en place de plateformes locales de commerce en ligne, sensibilisation au bon usage des réseaux sociaux, réalisation de diagnostics de performance, identification des priorités de développement en fonction du marché, recensement des offres et des professionnels de la numérisation, formations individuelles et collectives, digitalisation des points de vente, études sur les préférences des consommateurs locaux, etc . L'accompagnement à la transition numérique est explicitement cité dans l'axe 2 des missions prioritaires du réseau, tel que défini par le contrat d'objectifs et de performance du réseau des CCI signé avec l'Etat le 15 avril 2019.

Le réseau a mis en place, également, une plateforme « Digipilote » qui fait le lien entre l'analyse de la maturité digitale de l'entreprise, les plans d'action opérationnels nécessaires selon la situation de l'entreprise et les services proposés. Cet outil a par ailleurs été choisi par Eurochambres, parmi 19 projets européens proposés, pour être l'outil européen d'accompagnement au numérique des entreprises.

Le rapporteur salue ces engagements qui, s'ils gagneraient dans certains cas à être davantage connus des TPE, sont appréciés des différents acteurs interrogés. Compte tenu de la montée en puissance des problématiques du numérique, de la diversité croissante des actions à mener, de l'importance d'accompagner au plus près les commerçants dans leurs plans de transformation, il convient d'assurer la pérennisation du financement du réseau consulaire, aujourd'hui malmenée.

En effet, le montant de la fiscalité affectée au réseau consulaire a diminué de 58 % en huit ans, entre 2012 et 2020 (de 1,38 milliard d'euros à 549 millions d'euros), l'objectif du Gouvernement étant initialement de parvenir à un total de 375 millions d'euros en 2022.

Si la déstabilisation du réseau par la crise actuelle a entraîné une pause dans cette réduction du plafond de taxes affectées, elle n'a pu être obtenue qu'en raison de l'engagement de CCI France que le réseau sensibiliserait 200 000 entreprises aux enjeux des transitions écologiques et numériques (en sus , donc, des actions déjà menées). Le rapporteur se félicite que la trajectoire baissière des ressources soit momentanément revue, mais appelle, au minimum, à maintenir durablement le financement des CCI à ce niveau et à abandonner purement et simplement toute velléité gouvernementale de poursuivre cet assèchement du financement, qui ne pourrait que se traduire par un renchérissement des prestations du réseau aux commerçants.


* 159 Il convient de noter, par ailleurs, que seule une centaine de personnes sont dédiées à la transformation numérique au sein des services de l'État, contre 500 au Royaume-Uni.

* 160 Gestion de la relation client.

* 161 Optimisation de la visibilité dans les moteurs de recherche.

* 162 Contribution écrite de la FCA transmise au groupe de travail.

* 163 Audition de la CPME, 8 janvier 2020.

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