B. LES MODALITÉS DE DÉSIGNATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE, QUI TIENNENT COMPTE DU RÉSULTAT DES ÉLECTIONS
La désignation du président de la Commission européenne relève aujourd'hui du Conseil européen et du Parlement européen, illustrant ainsi la nature hybride de l'Union, qui repose sur la double légitimité du suffrage universel direct et du suffrage universel indirect, à travers les États membres.
À l'origine cependant, la désignation du Président de la Commission était une prérogative exclusive des gouvernements, à l'unanimité, bien que, dès le traité de Rome, l'assemblée parlementaire ait eu la faculté de révoquer le collège par l'adoption d'une motion de censure. Aujourd'hui encore, c'est le Conseil européen qui désigne le candidat à la présidence de la Commission. Depuis le traité de Nice, cette désignation se fait à la majorité qualifiée. C'est ainsi que Jean-Claude Juncker a été désigné en 2014, malgré l'opposition du Royaume-Uni et de la Hongrie, quand la nomination de Jean-Luc Dehaene, en 1994, s'était brisée sur le veto britannique de John Major, alors Premier ministre britannique.
Progressivement cependant, le Parlement européen a été associé à la procédure. Ainsi, le Parlement européen a acquis le droit d'être consulté (Maastricht) sur cette nomination, de l'approuver (Amsterdam) et même « d'élire » le candidat proposé par le Conseil européen (Lisbonne). La portée exacte de cette dernière formulation est cependant incertaine.
De plus, le traité de Lisbonne (2007) prévoit que le Conseil européen désigne son candidat, « en tenant compte du résultat des élections européennes » (art. 17 TUE). La déclaration n° 11 annexée au traité de Lisbonne précise que « le Parlement européen et le Conseil européen ont une responsabilité commune dans le bon déroulement du processus conduisant à l'élection du président de la Commission européenne. En conséquence, des représentants du Parlement européen et du Conseil européen procéderont, préalablement à la décision du Conseil européen, aux consultations nécessaires dans le cadre jugé le plus approprié ».
Ainsi, en juillet 2019, Mme Ursula von der Leyen a été élue à la présidence de la Commission européenne par 383 voix contre 327, avec - a priori, le vote étant secret - le soutien du groupe du parti populaire européen (PPE) et du groupe Renew, d'une partie du groupe socialiste et d'une partie du groupe des conservateurs et réformistes européens, voire d'une partie des non-inscrits.
S'agissant de la nomination des autres membres du collège, on retrouve cette double légitimité des États membres et du suffrage universel. Ainsi, la liste des candidats commissaires est arrêtée par le Conseil, en accord avec le Président de la Commission élu, sur la base des suggestions des États membres. Le collège dans son ensemble doit être approuvé par le Parlement européen.
Afin de préparer ce vote sur l'ensemble du collège, et sans autre base légale que son règlement intérieur (art. 125), le Parlement européen entend individuellement chaque candidat commissaire. Tout d'abord, la commission des affaires juridiques rend un avis sur les risques de conflit d'intérêt à partir des déclarations d'intérêt (patrimoine financier, appartenance à des groupes d'intérêt, etc.) transmises par les candidats au poste de commissaire. Ensuite, les commissions compétentes du Parlement européen entendent chaque candidat commissaire, en fonction de son portefeuille. Le candidat doit réunir l'approbation des coordinateurs représentant au moins les deux tiers des députés de la commission.
Ainsi, en 2019, la commission des affaires juridiques a refusé d'approuver la candidature de la Roumaine Rovana Plumb, désignée pour le portefeuille des transports, et du Hongrois László Trócsányi, désigné pour le portefeuille de la politique de voisinage et de l'élargissement. De même, la candidature de la Française Sylvie Goulard a été refusée après deux auditions devant les commissions concernées.
Il faut noter que la désignation du Président de la Commission se fait parallèlement à celle d'autres postes stratégiques : le Conseil européen choisit également le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le président du Conseil européen et éventuellement le Président de la Banque centrale européenne. Les discussions sur le choix du Président du Parlement européen se font également parallèlement, bien qu'il soit élu par les députés européens, à la majorité des suffrages, parmi les candidats présentés par les groupes politiques.
En définitive, la composition politique de la Commission européenne est - logiquement - au moins autant liée à l'équilibre politique du Parlement européen qu'à celui du Conseil européen (cf. schéma ci-dessous).
Ainsi, en 1999, le groupe socialiste détenait 29 % des sièges au Parlement européen contre 37 % pour le PPE ; cela ne l'empêcha pas d'obtenir la présidence de la Commission européenne et 60 % des postes de commissaires ; en effet, 70 % environ des membres du Conseil européen appartenaient également à cette famille politique. Cette observation doit être relativisée, dans la mesure où le TUE ne mentionnait pas encore de lien entre le résultat des élections européennes et la nomination du Président de la Commission ; de plus, les États les plus peuplés nommaient deux commissaires, ce qui peut également modifier la lecture.
Si l'on se penche sur une période postérieure à l'adoption du traité de Lisbonne, on observe par exemple en 2014 que la part des commissaires PPE était plus proche de leur poids au Conseil européen qu'au Parlement.
Composition politique des institutions
européennes
lors du renouvellement consécutif aux
élections européennes
(en points de pourcentage)