N° 735

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 juillet 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1)
sur les
listes transnationales et les candidats tête de liste aux élections
au
Parlement européen,

Par M. Jean-François RAPIN et Mme Laurence HARRIBEY,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Henri Cabanel, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique, vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Catherine Fournier, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Jérémy Bacchi, Mme Florence Blatrix Contat, MM. Philippe Bonnecarrère, Pierre Cuypers, Laurent Duplomb, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Véronique Guillotin, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Jean-Michel Houllegatte, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Louis-Jean de Nicolaÿ, Mme Elsa Schalck, M. Richard Yung.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La Conférence sur l'avenir de l'Europe, qui a démarré ses travaux le 9 mai dernier, se penchera notamment sur deux évolutions institutionnelles majeures qui concernent les élections européennes et leurs conséquences sur la désignation de la Commission européenne :

- les listes transnationales : il s'agit d'élire une partie des députés européens au sein d'une circonscription unique, à l'échelle de l'ensemble de l'Union, afin de donner à la campagne électorale une dimension pan-européenne ; on pourra y faire référence sous la formule de circonscription unique, dans la mesure où les listes nationales peuvent déjà comporter des candidats d'autres nationalités, ce qui leur donne de fait une dimension transnationale ;

- les spitzenkandidaten, selon le terme allemand consacré, auquel on pourra préférer la formule « candidats tête de liste » : il est ici proposé que chaque parti politique européen désigne, avant l'élection, un candidat à la présidence de la Commission européenne - ce qu'ils font déjà dans leur immense majorité - et que le Conseil européen désigne automatiquement le candidat du parti arrivé en tête aux élections comme candidat à la présidence de la Commission.

Portées par certains groupes politiques du Parlement européen et défendues par le Président de la République française, ces évolutions visent à répondre en partie au « déficit démocratique » de l'Union européenne en « européanisant » le scrutin et en donnant plus de pouvoir aux électeurs. Elles font l'objet, depuis les années 1990, de nombreuses études et de nombreuses initiatives politiques du Parlement européen.

Le Parlement européen, qui dispose du droit d'initiative en la matière, devrait adopter au printemps 2022 ses propositions sur le sujet1(*), mais a déjà commencé ses travaux, sachant que la mise en place de ces mesures pour les élections européennes de 2024 nécessiterait que les textes correspondants soient adoptés début 2023 au plus tard, la commission de Venise du Conseil de l'Europe recommandant de ne pas modifier les règles relatives à un scrutin moins de un an à l'avance. Le présent rapport vise à étudier les conséquences concrètes de ces propositions afin d'éclairer le débat qui s'annonce dans les mois qui viennent.

PREMIÈRE PARTIE :
LE SYSTÈME ACTUEL NE PERMET PAS
AUX CITOYENS EUROPÉENS DE SUFFISAMMENT
FAIRE ENTENDRE LEUR VOIX

I. LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DEVRAIENT PERMETTRE AUX CITOYENS EUROPÉENS DE SE FAIRE ENTENDRE

A. LE FONCTIONNEMENT DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES

1. Les règles communautaires applicables
a) L'objectif initial mais jamais atteint d'une procédure uniforme

Bien que le traité de Rome n'ait prévu qu'une assemblée composée de membres des parlements nationaux, il stipulait dans son article 138 que cette assemblée élaborerait un projet en vue de permettre l'élection de ses membres au suffrage universel direct, « selon une procédure uniforme dans tous les États membres ». Le projet devait ensuite être adopté à l'unanimité au Conseil et ratifié par les États membres.

Malgré plusieurs propositions de l'Assemblée parlementaire, la situation demeura bloquée jusqu'au sommet de Paris de décembre 1974, à l'issue duquel les chefs d'État ou de Gouvernement invitèrent formellement l'Assemblée parlementaire à formuler des propositions permettant d'élire ses membres au suffrage universel direct. Celle-ci élabora une proposition en 1975, mais les États membres ne parvenant pas à se mettre d'accord sur une procédure uniforme, l'acte électoral de 19762(*) se limita à définir des principes communs et renvoya aux législations nationales pour le reste. Il réaffirme cependant la perspective d'une procédure uniforme, en prévoyant dans son article 7 que la procédure électorale est régie par des dispositions nationales, « jusqu'à l'entrée en vigueur d'une procédure électorale uniforme ».

Le traité d'Amsterdam (1997) réduit l'ambition en disposant que le Parlement européen élabore un projet permettant d'élire ses membres « selon une procédure uniforme dans tous les États membres ou conformément à des principes communs à tous les États membres » (art. 223 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne - TFUE). La perspective d'une procédure commune est donc toujours présente dans les traités.

b) Les principes communs établis par le droit communautaire

Le traité de Maastricht prévoit que les membres du Parlement européen sont élus au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de cinq ans (art. 14 du traité sur l'Union européenne - TUE).

L'acte électoral, modifié à plusieurs reprises depuis 1976, prévoit :

- une élection des députés européens au suffrage universel direct, libre et secret, pour un mandat de 5 ans, conformément au TUE ;

- une élection à la proportionnelle, avec un scrutin de liste - éventuellement préférentiel - ou de vote unique transférable3(*) ;

- un régime d'immunités et d'incompatibilités (notamment avec la qualité de membre d'un parlement national) ;

- la date des élections, sur une période de 4 jours, du jeudi au dimanche, qui permet à chaque État membre d'organiser le scrutin selon ses propres traditions ;

- la possibilité pour les États membres de fixer un seuil minimum pour l'attribution de sièges, qui ne peut pas excéder 5 % des suffrages exprimés ;

- la possibilité pour les États membres de fixer un plafond pour les dépenses de campagne ;

- la possibilité pour les États membres de constituer des circonscriptions, sans porter atteinte au caractère proportionnel du scrutin.

Enfin, depuis le traité de Maastricht, les citoyens européens bénéficient du droit de vote et d'éligibilité aux élections au Parlement européen dans l'État membre où ils résident, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État4(*). Ainsi, en 2019, en France, les listes « Renaissance » et du « Printemps républicain » comptaient respectivement six et sept candidats non-Français ou binationaux5(*).

c) Les apports de la décision du Conseil de 2018, d'un effet limité pour la France

Dans la perspective des élections européennes de 2019, à l'initiative du Parlement européen, le Conseil a adopté en juillet 2018 une décision6(*) complétant l'acte électoral et apportant quelques innovations.

La décision prévoit notamment que les États membres seront tenus, à partir de 2024, pour les circonscriptions élisant plus de 35 eurodéputés, d'instaurer un seuil minimum pour l'attribution de sièges, fixé par chaque État membre entre 2 % et 5 %. La France appliquant déjà un tel seuil, cette mesure est sans effet en ce qui la concerne.

Par ailleurs, la décision du Conseil ouvre des possibilités, non contraignantes. L'article 3 ter en particulier permet de faire apparaître sur les bulletins de vote le nom ou le logo du parti politique européen auquel est affiliée la liste de candidats. Il s'agit ainsi « d'européaniser » le scrutin, en donnant plus de visibilité aux partis politiques européens. En France, les candidats avaient déjà la possibilité de faire figurer « un emblème » sur les bulletins de vote (article L. 52-3 du code électoral). Cette possibilité est peu utilisée, comme le montre le tableau ci-dessous : à peine 6-7 % des listes utilisent ces possibilités. En France, seules deux listes ont fait référence au parti politique européen (le parti socialiste et le front de gauche en 2014). Un seul bulletin a fait référence à un candidat tête de liste (Alexis Tsipras sur la liste italienne « Une autre Europe avec Tsipras » en 2014).

« Européanisation » des bulletins de vote

 

Nombre de listes concernées

Nom ou logo du parti politique européen

Nom ou logo du groupe politique au Parlement européen

Nom du candidat tête de liste soutenu par la liste

Élections de 2014

18 sur 253

(7 %)

12

6

1

Élections de 2019

17 sur 264
(6 %)

11

7

0

Source : Commission des affaires européennes du Sénat à partir des données de l'étude du Parlement européen « Europeanising the elections of the European Parliament : Outlook on the implementation of Council Decision 2018/994 and harmonisation of national rules on European elections », juin 2021

Enfin, la décision autorise les États membres à avoir recours au vote par anticipation, au vote par correspondance, au vote électronique et au vote par internet.

Prise sur la base de l'article 223 du TFUE, cette décision doit être ratifiée par les États membres. La France l'a fait dès 20197(*). À la date du présent rapport, cinq États membres doivent encore le faire : l'Allemagne, la Croatie, Chypre, l'Estonie et l'Espagne8(*). En Allemagne, c'est la mise en place du seuil minimum qui pose des difficultés. En effet, la Cour constitutionnelle a considéré à deux reprises (2011 et 2014) que la mise en place de seuils était inconstitutionnelle, au nom du principe d'égalité devant le suffrage ; il sera donc a priori nécessaire de modifier la Loi fondamentale.

d) La répartition des sièges par État membre

L'article 14 du TUE dispose que le nombre total de députés européens est égal, au maximum, à 751 membres. Après le retrait du Royaume-Uni, le Parlement européen compte 705 membres. La répartition entre États membres est adoptée par le Conseil européen, à l'unanimité, sur proposition du Parlement européen et avec son approbation, selon une « représentation dégressivement proportionnelle »9(*) et avec un maximum de 96 députés pour un État membre. La France dispose de 79 députés, depuis la réattribution en 2018 d'une partie des sièges britanniques.

Nombre de députés européens par État membre

Source : Commission des affaires européennes du Sénat à partir des données du Parlement européen

2. Les règles de droit français applicables

Dans le respect du cadre communautaire, les autres règles des élections européennes sont définies au niveau national par chaque État membre. En France, les élections au Parlement européen sont régies par la loi de juillet 197710(*), modifiée à plusieurs reprises et notamment en 201811(*).

Le mode de scrutin choisi par la France est un scrutin proportionnel avec listes bloquées.

Le seuil minimum pour obtenir des sièges est de 5 %, comme en Lituanie, en Pologne, en Slovaquie, en République tchèque, en Roumanie et en Hongrie. Il est à 4 % en Autriche, en Italie et en Suède, à 3 % en Grèce et à 1,8 % à Chypre. Le seuil de 5 % a été validé par le Conseil constitutionnel12(*), qui a estimé que le législateur avait souhaité « favoriser la représentation au Parlement européen des principaux courants d'idées et d'opinions exprimés en France et ainsi renforcer leur influence en son sein » et « entendu contribuer à l'émergence et à la consolidation de groupes politiques européens de dimension significative », « sans affecter l'égalité devant le suffrage dans une mesure disproportionnée ».

La France organise l'élection dans une circonscription nationale unique, après avoir élu ses eurodéputés dans 8 circonscriptions interrégionales entre 2003 et 2018. Tel est d'ailleurs le cas de la grande majorité des États membres. À l'inverse, l'Allemagne, la Pologne et l'Italie ont adopté un système mixte, avec un décompte national des suffrages, mais des dispositifs permettent de prendre en compte des spécificités régionales ; l'Irlande et la Belgique élisent quant à elles leurs eurodéputés dans des circonscriptions régionales ou interrégionales.

Enfin, en France, les listes doivent être composées alternativement d'un candidat de chaque sexe.

B. LES MODALITÉS DE DÉSIGNATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE, QUI TIENNENT COMPTE DU RÉSULTAT DES ÉLECTIONS

La désignation du président de la Commission européenne relève aujourd'hui du Conseil européen et du Parlement européen, illustrant ainsi la nature hybride de l'Union, qui repose sur la double légitimité du suffrage universel direct et du suffrage universel indirect, à travers les États membres.

À l'origine cependant, la désignation du Président de la Commission était une prérogative exclusive des gouvernements, à l'unanimité, bien que, dès le traité de Rome, l'assemblée parlementaire ait eu la faculté de révoquer le collège par l'adoption d'une motion de censure. Aujourd'hui encore, c'est le Conseil européen qui désigne le candidat à la présidence de la Commission. Depuis le traité de Nice, cette désignation se fait à la majorité qualifiée. C'est ainsi que Jean-Claude Juncker a été désigné en 2014, malgré l'opposition du Royaume-Uni et de la Hongrie, quand la nomination de Jean-Luc Dehaene, en 1994, s'était brisée sur le veto britannique de John Major, alors Premier ministre britannique.

Progressivement cependant, le Parlement européen a été associé à la procédure. Ainsi, le Parlement européen a acquis le droit d'être consulté (Maastricht) sur cette nomination, de l'approuver (Amsterdam) et même « d'élire » le candidat proposé par le Conseil européen (Lisbonne). La portée exacte de cette dernière formulation est cependant incertaine.

De plus, le traité de Lisbonne (2007) prévoit que le Conseil européen désigne son candidat, « en tenant compte du résultat des élections européennes » (art. 17 TUE). La déclaration n° 11 annexée au traité de Lisbonne précise que « le Parlement européen et le Conseil européen ont une responsabilité commune dans le bon déroulement du processus conduisant à l'élection du président de la Commission européenne. En conséquence, des représentants du Parlement européen et du Conseil européen procéderont, préalablement à la décision du Conseil européen, aux consultations nécessaires dans le cadre jugé le plus approprié ».

Ainsi, en juillet 2019, Mme Ursula von der Leyen a été élue à la présidence de la Commission européenne par 383 voix contre 327, avec - a priori, le vote étant secret - le soutien du groupe du parti populaire européen (PPE) et du groupe Renew, d'une partie du groupe socialiste et d'une partie du groupe des conservateurs et réformistes européens, voire d'une partie des non-inscrits.

S'agissant de la nomination des autres membres du collège, on retrouve cette double légitimité des États membres et du suffrage universel. Ainsi, la liste des candidats commissaires est arrêtée par le Conseil, en accord avec le Président de la Commission élu, sur la base des suggestions des États membres. Le collège dans son ensemble doit être approuvé par le Parlement européen.

Afin de préparer ce vote sur l'ensemble du collège, et sans autre base légale que son règlement intérieur (art. 125), le Parlement européen entend individuellement chaque candidat commissaire. Tout d'abord, la commission des affaires juridiques rend un avis sur les risques de conflit d'intérêt à partir des déclarations d'intérêt (patrimoine financier, appartenance à des groupes d'intérêt, etc.) transmises par les candidats au poste de commissaire. Ensuite, les commissions compétentes du Parlement européen entendent chaque candidat commissaire, en fonction de son portefeuille. Le candidat doit réunir l'approbation des coordinateurs représentant au moins les deux tiers des députés de la commission.

Ainsi, en 2019, la commission des affaires juridiques a refusé d'approuver la candidature de la Roumaine Rovana Plumb, désignée pour le portefeuille des transports, et du Hongrois László Trócsányi, désigné pour le portefeuille de la politique de voisinage et de l'élargissement. De même, la candidature de la Française Sylvie Goulard a été refusée après deux auditions devant les commissions concernées.

Il faut noter que la désignation du Président de la Commission se fait parallèlement à celle d'autres postes stratégiques : le Conseil européen choisit également le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, le président du Conseil européen et éventuellement le Président de la Banque centrale européenne. Les discussions sur le choix du Président du Parlement européen se font également parallèlement, bien qu'il soit élu par les députés européens, à la majorité des suffrages, parmi les candidats présentés par les groupes politiques.

En définitive, la composition politique de la Commission européenne est - logiquement - au moins autant liée à l'équilibre politique du Parlement européen qu'à celui du Conseil européen (cf. schéma ci-dessous).

Ainsi, en 1999, le groupe socialiste détenait 29 % des sièges au Parlement européen contre 37 % pour le PPE ; cela ne l'empêcha pas d'obtenir la présidence de la Commission européenne et 60 % des postes de commissaires ; en effet, 70 % environ des membres du Conseil européen appartenaient également à cette famille politique. Cette observation doit être relativisée, dans la mesure où le TUE ne mentionnait pas encore de lien entre le résultat des élections européennes et la nomination du Président de la Commission ; de plus, les États les plus peuplés nommaient deux commissaires, ce qui peut également modifier la lecture.

Si l'on se penche sur une période postérieure à l'adoption du traité de Lisbonne, on observe par exemple en 2014 que la part des commissaires PPE était plus proche de leur poids au Conseil européen qu'au Parlement.

Composition politique des institutions européennes
lors du renouvellement consécutif aux élections européennes

(en points de pourcentage)

C. DES ACTEURS PEU CONNUS : LES PARTIS POLITIQUES EUROPÉENS

1. La définition des partis politiques européens

Les partis politiques européens sont mentionnés dans le traité de Maastricht (article 10 du TUE), qui dispose que « les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l'expression de la volonté des citoyens de l'Union ». Le TFUE précise que le statut des partis politiques et notamment les règles relatives à leur financement sont fixées par règlement adopté par la procédure législative ordinaire.

Le règlement européen de 201413(*) définit un parti politique européen comme « une coopération structurée entre partis politiques et/ou citoyens qui poursuit des objectifs politiques et est enregistrée auprès de l'Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes », respectant notamment les conditions suivantes :

- ses partis membres doivent être représentés dans au moins un quart des États membres par des députés européens, des membres de parlements nationaux ou d'assemblées régionales ;

- ou, à défaut de satisfaire la condition précédente, avoir réuni directement ou à travers ses partis membres, dans au moins un quart des États membres, au moins 3 % des votes exprimés dans chacun de ces États membres lors des dernières élections européennes ;

- respecter les valeurs de l'Union européenne, à savoir le respect de la dignité humaine, la liberté, la démocratie, l'égalité, l'État de droit ainsi que le respect des droits de l'homme, notamment les droits des personnes appartenant à des minorités ;

- avoir participé aux élections au Parlement européen ou avoir exprimé l'intention de participer aux prochaines.

En outre, chaque parti politique européen adopte un programme définissant son objet et ses objectifs et des statuts relatifs à sa gouvernance.

Liste des partis politiques européens en 2021

Parti européen

Partis français membres

Groupe au Parlement européen

Alliance des libéraux et démocrates européens (ALDE)

- Mouvement radical

- Union des démocrates et indépendants

Renew Europe

Mouvement politique chrétien européen

- Parti chrétien-démocrate

Conservateurs et réformistes européens (CRE)

Parti des conservateurs et réformistes européens (CRE)

- Debout la France

Conservateurs et réformistes européens (CRE)

Parti démocrate européen

- Mouvement démocrate (MoDem)

Renew Europe

Alliance libre européenne (ALE)

- Plusieurs mouvements régionalistes

Verts / CRE / GUE

Parti vert européen

- Europe Écologie les Verts

Verts

Parti populaire européen (PPE)

- Les Républicains

Parti populaire européen

Parti identité et démocratie

- Rassemblement national

Identité et démocratie

Parti socialiste européen (PSE)

- Parti socialiste

Alliance progressiste des socialistes et démocrates

Partie de la gauche européenne (PGE)

- Parti communiste français

Gauche unitaire européenne (GUE)

Source : commission des affaires européennes du Sénat à partir des données du Parlement européen

2. Les sources de financement et les dépenses autorisées
a) Le financement

Les partis politiques européens peuvent bénéficier d'un financement du budget général de l'Union européenne. À cette fin, ils adressent chaque année une demande auprès du Parlement européen14(*). Pour pouvoir en bénéficier, le parti politique européen doit avoir a minima un député européen élu, être enregistré auprès de l'organe chargé du contrôle des partis politiques européens, ne pas être sujet à une sanction dudit organe et se soumettre à un audit externe.

Le montant maximum attribué à un parti politique européen est établi en répartissant les crédits alloués par le Parlement européen (environ 40 millions d'euros) pour 10 %, de façon forfaitaire entre les partis politiques européens existants, et pour 90 %, en fonction du nombre de parlementaires européens. Ce montant provisoire est versé en début d'année, à titre de préfinancement. Le montant final du financement ne peut dépasser 90 % des dépenses éligibles, ni le montant provisoire notifié précédemment.

Financement européen des partis politiques européens

(en millions d'euros)

Parti politique européen

Financement européen maximum 2021

Alliance des libéraux et démocrates européens (ALDE)

5,3

Mouvement politique chrétien européen

0,7

Parti des conservateurs et réformistes européens (CRE)

4,1

Parti démocrate européen

0,9

Alliance libre européenne (ALE)

1,1

Parti vert européen

4,3

Parti populaire européen (PPE)

12,3

Parti identité et démocratie

4,6

Parti socialiste européen (PSE)

8,11

Partie de la gauche européenne (PGE)

1,8

Source : Commission des affaires européennes du Sénat à partir des données du Parlement européen

Le reste des dépenses doit être couvert par des ressources propres, telles que les cotisations des membres ou les dons. Les partis politiques européens peuvent accepter les dons provenant de personnes physiques ou morales, d'une valeur maximale de 18 000 euros par an et par donateur. Les dons provenant des budgets des groupes politiques du Parlement européen sont interdits, mais les contributions versées à un parti politique européen par ses membres - individus ou partis politiques nationaux - sont permises, à condition ne pas dépasser 40 % du budget annuel de ce parti politique européen.

b) Les dépenses

Tout d'abord, les financements communautaires ne peuvent être utilisés que pour certaines catégories de dépenses dites « éligibles », parmi lesquelles notamment celles relatives aux frais de personnel, d'infrastructures et administratifs, ou encore les frais de représentation, d'information et de publication.

Par ailleurs, certaines dépenses sont autorisées et d'autres interdites, quelle que soit la source de financement (budget communautaire ou autres ressources). Ainsi, l'article 21 du règlement précité prévoit que les partis politiques européens peuvent financer « les campagnes menées par les partis politiques européens à l'occasion des élections au Parlement européen auxquelles eux-mêmes, ou leurs membres, participent ». À l'inverse (article 22), les dépenses liées aux élections nationales et aux référendums, ainsi qu'au financement de partis nationaux ou de candidats nationaux ne peuvent être financées par les partis politiques européens.

La possibilité pour un parti politique européen de financer un parti politique français, à l'occasion des élections européennes, a donné lieu à des interprétations différentes.

Initialement, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) considérait que de tels financements étaient interdits. En effet, elle indiquait en janvier 201915(*) que, dans la mesure où le financement d'un parti par des personnes morales de droit étranger est interdit16(*), les partis politiques européens ne pouvaient verser de contribution aux partis politiques nationaux ; de plus, considérant que les modalités d'intervention des partis politiques européens dans le cadre des élections européennes étaient soumises aux dispositions des États membres et que celles-ci prévoient, pour la France, l'interdiction du financement d'une campagne par des personnes morales, ces partis ne pouvaient financer directement une campagne électorale.

Cette interprétation a cependant été contredite par le Conseil d'État dans un avis n° 397096 du 19 mars 2019, rendu public le 6 mai suivant par le Gouvernement, considérant que l'article 21 du règlement précité était directement applicable en droit français, tout en précisant, comme le prévoit le même règlement, que la possibilité pour un parti politique européen de contribuer à une campagne électorale nationale était limitée à la campagne des élections européennes. La CNCCFP a modifié le 13 mai son « guide du candidat », à la suite de cet avis.

Cependant, dans son rapport de 2019, la CNCCFP note que parmi les comptes de campagne effectivement déposés à la commission pour les élections européennes, aucune participation financière provenant d'un parti politique européen n'a été retracée.

*

Le champ des ressources et des dépenses autorisées des partis politiques européens pourrait évoluer. Les eurodéputés Rainer Wieland (PPE, Allemagne) et Charles Goerens (Renew, Luxembourg) ont récemment présenté un projet de rapport17(*) relatif aux partis politiques européens en commission des affaires constitutionnelles, qui propose notamment d'élargir les catégories des ressources « sans se limiter aux contributions et donations » et d'étendre le champ des dépenses possibles au financement des campagnes référendaires concernant l'Union européenne et à « toute activité qui contribue à accroître la conscience politique européenne et à exprimer la volonté politique des citoyens de l'Union », tout en allégeant le contrôle administratif de ces dépenses.

3. Une gouvernance peu transparente

Les partis politiques européens ont fait l'objet d'une étude comparative approfondie dans la perspective des élections européennes de 201418(*), qui montre notamment qu'ils fonctionnement selon une gouvernance relativement similaire, faisant intervenir a minima (sous des dénominations différentes) un président, un bureau et un congrès.

Les organes collectifs regroupent, d'une part, le cas échéant, les titulaires des postes à responsabilités de l'Union (présidence de la Commission, du Conseil européen, du Parlement, etc.), du groupe politique correspondant (président, membres du bureau, chefs des délégations nationales, ensemble des membres) et les chefs d'État ou de gouvernement et, d'autre part, des représentants des partis membres, selon une répartition faisant généralement intervenir le nombre de députés européens et/ou le score aux élections européennes et éventuellement le nombre de parlementaires nationaux.

Par exemple, pour le parti socialiste européen, la pondération des voix par parti membre est calculée en fonction de la part de députés nationaux à la chambre basse de son État de rattachement et du nombre de ses députés européens. L'ALDE quant à elle attribue notamment un nombre de représentants fixe par État comptant un parti membre (répartis entre les partis concernés si l'État en question compte plusieurs partis membres), puis un nombre de représentants additionnel calculé pour chaque parti membre en fonction de ses résultats aux dernières élections européennes. À l'inverse, l'étude précitée indique que chaque délégation de l'alliance européenne des mouvements nationaux19(*) dispose d'une voix.

Ainsi, le score d'un parti donné aux élections européennes et le nombre de postes à responsabilités qu'il obtient au sein du Parlement européen ou plus généralement dans le système institutionnel de l'Union détermine de façon significative son poids au sein du parti politique européen correspondant. À cet égard, il est à noter que la France est régulièrement absente du trio de tête des délégations nationales, au sein du groupe PPE comme du groupe socialiste, qui sont les deux principaux groupes politiques du Parlement européen.

Principales délégations nationales
au sein des groupes PPE et socialiste du Parlement européen

 

Groupe PPE

Groupe socialiste

 

1ère

2ème

3ème

1ère

2ème

3ème

2019

Allemagne

Pologne

Roumanie

Espagne

Italie

Allemagne

2014

Allemagne

Pologne

France

Italie

Allemagne

Royaume-Uni

2009

Allemagne

Italie

France

Allemagne

Italie/Espagne

2004

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

France

Espagne

Allemagne

1999

Allemagne

Royaume-Uni

Italie

Allemagne

Royaume-Uni

Espagne

1994

Allemagne

Espagne

Royaume-Uni

Royaume-Uni

Allemagne

Espagne

1989

Allemagne

Italie

Espagne

Royaume-Uni

Allemagne

Espagne

1984

Allemagne

Italie

France

Allemagne/Royaume-Uni

France

1979

Allemagne

Italie

Belgique

Allemagne

France

Royaume-Uni

Source : Commission des affaires européennes du Sénat à partir des données du Parlement européen

N.B. Jusqu'en 2004, l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni comptaient le même total de sièges.

4. Des acteurs en devenir ?

Une étude de 200920(*), dont les conclusions nous semblent demeurer pertinentes, s'interrogeait : « ces « partis » sont-ils des partis ? ». Elle proposait une grille d'analyse de leur rôle et de leur fonctionnement, fondée sur le modèle du politologue allemand Oskar Niedermayer d'analyse des organisations partisanes transnationales. En analysant huit critères, ce modèle distingue trois degrés d'interaction (interaktionsgrade) : contact, coopération et intégration (cf. tableau infra).

L'auteur considère que l'ensemble des partis politiques européens ont atteint au moins le stade de la « coopération », ne serait-ce que par leur institutionnalisation par le droit communautaire. Le « saut qualitatif » vers le stade de l'intégration, qui implique des transferts de souveraineté des partis nationaux vers le parti européen n'a en revanche pas été réalisé. En particulier, « le pouvoir de nomination des candidats sur les listes européennes se trouve aujourd'hui au niveau des partis nationaux et les instances communes [...] n'ont absolument aucun droit de regard sur la constitution de ces listes ».

Les trois degrés d'interaction et leurs critères dans le modèle Niedermayer

Critère

Degré d'interaction

Contact

Coopération

Intégration

Communication entre membres

Ponctuelle

Permanente

Permanente

Organisation européenne durable

Non

Oui / transnationale

Oui / supranationale

Niveau d'adhésion individuelle

Parti national

Parti national / parti européen

Parti européen seulement

Sous-unités européennes organisées

Non

Oui (plus ou moins formalisées)

Oui
(formalisation et lien fort)

Principe de représentation

Égalitaire (unanimité)

Égalitaire et proportionnel

Majoritaire

Mode de régulation des conflits

Consensus

Consensus

Consensus et concurrentiel le cas échéant

Domaine de compétence des organes internes

Limité

Limité

Illimité

Symboles communs

Non

Ponctuellement

Permanents

Formulation de politique communes

Non/Oui

Oui (peu détaillées)

Oui (détaillées)

Source : Oskar Niedermayer, cité par Francisco Roa-Bastos, op.cit. p. 17

Sans parcourir l'ensemble des critères pour l'ensemble des partis politiques européens, on peut tout de même noter des stades d'intégration différents. Ainsi, quelques partis politiques européens seulement autorisent l'adhésion individuelle au parti indépendamment de la position d'élu ; de même, comme on l'a vu, le processus de décision peut reposer sur un mode égalitaire (unanimité ou consensus) ou pondéré (majorité plus ou moins qualifiée). S'agissant des compétences des organes internes, on peut noter que les principaux partis prévoient la compétence du congrès pour désigner leur candidat à la présidence de la Commission européenne. Enfin, les partis politiques européens adoptent, à l'occasion des élections européennes, des manifestes politiques, qui constituent selon l'auteur « un moment minimal de concertation et d'affichage politique pour les partis politiques européens ».

Au demeurant, ces manifestes sont souvent assez vagues et plus ou moins mis en avant par les listes nationales durant la campagne. Ainsi, l'Institut Jacques Delors soulignait dans une étude comparée de ces manifestes21(*), en mars 2019 : « au terme de cette analyse, on ne peut que s'interroger sur la comparaison entre les arêtes des questions qui se posent et un flou relatif des positions recensées chez la plupart des partis sur de nombreux thèmes. Comme si certains sujets difficiles étaient esquivés par les partis ne se situant pas aux extrêmes»

*

En définitive, le rôle des partis politiques européens est donc assez éloigné de celui des partis nationaux. Ils ne jouent pas un rôle analogue dans la socialisation politique des citoyens de l'Union, dans la structuration du débat politique, dans la sélection du personnel politique et dans la direction des organes politiques. On peut se demander, avec Francisco Roa-Bastos, si cette faiblesse est structurelle ou s'il s'agit plutôt d'un manque de maturité de ces organisations : « elles n'auraient pas encore atteint leur stade d'achèvement ultime mais seraient inexorablement appelées à se développer jusqu'à ce stade de « l'intégration » complète ».

Leur avenir dépendra de la politisation des institutions européennes et des éventuelles évolutions institutionnelles qui pourraient renforcer les partis politiques européens, comme on le verra ultérieurement.

II. UN SYSTÈME QUI NE PERMET PAS AUJOURD'HUI AUX CITOYENS EUROPÉENS DE FAIRE CORRECTEMENT ENTENDRE LEUR VOIX

Un constat s'impose : la proportion de citoyens européens qui considèrent que leur voix est prise en compte dans l'Union européenne ne dépasse pas 45 %, après avoir atteint un pic inédit de 55 %, lors des élections européennes de 2019. L'opinion des Français suit à peu près la même courbe et, en 2020, seuls 41 % d'entre eux partageaient cet avis.

« Ma voix compte dans l'Union européenne »
(réponse de l'ensemble des citoyens de l'Union)

(en pourcentage des réponses)

Source : Commission des affaires européennes du Sénat à partir de l'eurobaromètre 94.2 de février 2021

De même, en 2018, seulement 56 % des Français considéraient que le qualificatif « démocratique » décrivait bien l'Union européenne.

A. DES ÉLECTIONS « DE SECONDE ZONE » ?

À bien des égards, les élections européennes peuvent apparaître comme des « élections de seconde zone », selon la formule de Karlheinz Reif et Hermann Schmitt22(*). Cette caractéristique se reflète ainsi dans le choix des partis politiques nationaux d'affecter à cette élection des budgets sensiblement moins importants que pour les élections nationales (inférieurs de 50 % à 80 %)23(*).

Elle s'illustre surtout dans les taux de participation, dans les effets limités que le résultat de ces élections a sur la nomination du personnel politique européen et dans la place des débats nationaux lors de la campagne, au détriment des préoccupations européennes.

1. Un taux de participation bas et inférieur à celui des élections nationales

Le taux de participation aux élections européennes et traditionnellement assez bas. S'élevant à 62 % en 1979, ce taux a ensuite diminué autour de 50 % à la fin du siècle dernier, avant d'atteindre son niveau le plus bas en 2014 (42,6 %) et de remonter (50,7 %) en 2019.

Les chiffres français sont très proches, mais systématiquement inférieurs. Le graphique ci-dessous dévoile les grandes disparités qui se cachent derrière cette moyenne, le taux maximum étant atteint en Belgique (où le vote est obligatoire) avec 89 % et le taux le plus bas en Slovaquie, avec 22,7 %. La Croatie, dernier État ayant rejoint l'Union, connaît un taux de participation d'à peine 29,9 %, toutefois meilleur que les 25,2 % de 2014. Sept États membres ont un taux de participation inférieur à celui du Royaume-Uni, qui a quitté l'Union quelques mois plus tard.

Taux de participation aux élections européennes de 2019

Source : Commission des affaires européennes du Sénat à partir des données du Parlement européen

N.B. Le vote est obligatoire en Belgique, en Bulgarie, au Luxembourg, à Chypre et en Grèce.

De plus, ces taux de participation sont assez systématiquement inférieurs à ceux des élections législatives nationales, faisant des élections européennes « des élections de seconde zone ». Le graphique ci-dessous détaille cela pour la France. À l'exception de leur dernière occurrence (respectivement 2019 et 2017), les élections européennes attirent toujours moins d'électeurs que les élections législatives (premier tour). Cet écart se situe entre 10 et 20 points ; il serait plus important encore si l'on prenait en considération le second tour. La participation aux élections européennes est cependant supérieure par rapport aux élections locales : 34,7 % au second tour des dernières élections régionales.

Taux de participation aux élections européennes
et aux élections législatives en France

Source : Commission des affaires européennes du Sénat à partir des données du Parlement européen et du ministère de l'Intérieur 

2. Un effet limité sur le choix des dirigeants et les politiques publiques menées

Comme on l'a vu précédemment, les élections européennes n'ont pas un effet aussi direct et visible sur le fonctionnement de l'Union européenne que peuvent l'avoir des élections législatives nationales, dans un système parlementaire.

Si l'électeur national sait - la plupart du temps - en glissant son bulletin dans l'urne à quel parti ou quelle coalition il confie le pouvoir, la lecture du jeu politique européen est plus complexe. La Commission européenne est investie par le Parlement européen, mais sa composition politique est plus dépendante de celle du Conseil européen que de celle du Parlement. De même, le Conseil européen adopte un agenda stratégique qui dans les faits détermine une grande partie du programme de travail de la Commission. Enfin, la majorité - si l'on peut employer l'expression - du Parlement européen est si large (quatre groupes au moins dans la mandature actuelle), si transpartisane et si stable dans le temps qu'il est difficile pour l'électeur d'avoir le sentiment d'envoyer un message clair. Enfin, la difficulté à déterminer individuellement les responsables d'une décision de l'Union européenne rend difficile la possibilité de sanctionner un Parlement sortant dont on désapprouverait l'action.

3. La prédominance des enjeux nationaux

À défaut d'enjeux européens clairs, ces élections ont tendance à se transformer en 27 élections nationales, sur des enjeux nationaux. Les programmes présentés par les partis nationaux ne reprennent pas forcément les manifestes des partis européens, ce qui empêche d'avoir des propositions proprement européennes. De même, la couverture médiatique privilégie une lecture politique nationale du scrutin. L'enjeu des élections européennes de 2019 s'est ainsi focalisé, dans les médias français, sur qui d'Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen arriverait en tête24(*)... aucune de ces personnalités n'étant au demeurant candidate aux élections européennes.

Quand on demande aux Européens les raisons qui ont justifié leur vote aux élections européennes (trois réponses maximum), ils considèrent certes à 18 % qu'ils « peuvent changer les choses en votant aux élections européennes » ou à 8 % qu'ils veulent « influencer le choix du Président de la Commission européenne ». Mais les questions purement nationales demeurent prégnantes : 22 % souhaitent « soutenir le parti politique dont ils se sentent proche », 11 % soutenir leur Gouvernement national et 9 % sanctionner leur Gouvernement national.

Le graphique ci-dessous montre bien qu'à quelques exceptions près (Belgique, Suède, Luxembourg), les thèmes strictement européens ne représentent qu'autour d'un tiers des sujets de la campagne des élections européennes et qu'ils sont même, dans certains États membres, quasiment absents : dans plus d'un tiers des États membres, ils représentent moins de 10 % des thèmes de la campagne.

Horizon des messages de la campagne des élections européennes de 2019

(en pourcentage du nombre de messages total)

Source : Étude « Europeanising European Public Spheres » précitée

B. UNE COUVERTURE MÉDIATIQUE DIFFICILE ET INSUFFISANTE

1. Des Français mal informés et une présence de l'Union dans les médias français très insuffisante

En 2017, près des trois quarts des Français se considèrent « pas bien informés » sur les questions européennes, ce qui nous place au dernier range des 28 États membres, derrière l'Espagne et la Belgique (69 %) et la Grèce (67 %). À l'inverse, les Luxembourgeois sont ceux dont le sentiment de mauvaise information est le plus bas (29 %)25(*).

Ce chiffre pourrait refléter la faible part de l'actualité de l'Union européenne dans les médias français et spécifiquement dans les journaux télévisés. La fondation Jean Jaurès a ainsi mené plusieurs études sur le sujet26(*), 27(*). Le graphique ci-dessous s'appuie sur les journaux télévisés de cinq chaînes (TF1, France 2, France 3, M6 et Arte). Sur la période 2015-2020, l'actualité européenne n'a concerné que 3,6 % des sujets, avec deux pics à près de 5 % en 2015 et en 2019. L'année 2015 était cependant particulière, dans la mesure où se sont conjuguées la crise migratoire et la crise de la dette grecque. L'année 2019 correspond quant à elle à une année électorale européenne. Les auteurs soulignent cependant que la part des sujets européens a tendance à augmenter d'une élection européenne à l'autre (de 2,8 % en 2009 à 4,8 % en 2019) ; 30 % des sujets européens ces années-là correspondent d'ailleurs à la couverture des élections.

Part de l'offre d'information, en pourcentage du nombre de sujets diffusés, faisant mention de l'actualité propre à l'Union européenne, son action, ses institutions ou encore ses relations avec ses États membres

Source : fondation Jean Jaurès et Institut national de l'audiovisuel

Il faut également noter la place particulière d'Arte : elle tire considérablement la moyenne vers le haut, puisque sur la période 2015-2020 les sujets européens constituent entre 10 % et 15 % environ des sujets traités, alors même que son audience ne dépasse pas 3 % en 2019. Si l'on ne tient pas compte de cette chaîne, la moyenne tombe de 3,6 % à 2,5 %.

2. Un défaut d'incarnation

Les études de la fondation Jean Jaurès permettent également de mettre en lumière les difficultés à incarner l'Union européenne.

S'agissant de l'exposition médiatique, sur la période considérée, seuls deux décideurs européens figurent dans les 22 premières places, avec Angela Merkel (15ème) et Ursula von der Leyen (22ème). On observe en revanche que le Président américain Donald Trump est cité 4 fois plus que la chancelière allemande et 4,5 fois plus que la Présidente de la Commission européenne.

Classement des personnalités les plus citées en 2020 dans les journaux télévisés (du 4 janvier au 2 octobre 2020)

Classement

Prises de parole dans les journaux télévisés

Personnalité

Nombre de sujets de journaux télévisés (mentions)

1

200

Emmanuel Macron

697

2

156

Olivier Véran

334

3

154

Donald Trump

392

15

43

Angela Merkel

117

22

35

Ursula von der Leyen

48

Source : Fondation Jean Jaurès et Institut national de l'audiovisuel

De même, les décideurs européens ont une notoriété très limitée auprès des sondés : 26 % pour la présidente de la Commission européenne dont seulement 10 % qui connaissent ses fonctions. Ces chiffres s'améliorent quand la personnalité considérée est française (56 % pour Michel Barnier), dont on rappellera qu'il a été député, sénateur et ministre en France.

Notoriété de certains décideurs européens (en France)

Source : Étude Viavoice pour le Mouvement européen - France, Européens sans frontières, les Jeunes européens et la fédération des maisons de l'Europe - Janvier 2020

SECONDE PARTIE :
LA CIRCONSCRIPTION UNIQUE ET LES CANDIDATS TÊTE DE LISTE : DEUX FAUSSES BONNES IDÉES ?

I. DEUX PROPOSITIONS DE RÉPONSE : LA CIRCONSCRIPTION UNIQUE ET LES CANDIDATS TÊTE DE LISTE

Le constat dressé précédemment a conduit à imaginer deux évolutions institutionnelles, qui pourraient, selon leurs partisans, « européaniser » la campagne des élections au Parlement européen et ainsi contribuer à résorber le « déficit démocratique » de l'Union européenne. Elles permettraient notamment de personnaliser la campagne autour des figures politiques européennes - et donc accroître la place de l'Union dans les médias grâce à cette incarnation -, de donner plus de place aux sujets européens par rapport aux sujets nationaux et d'accorder un rôle plus important aux partis politiques européens.

Il s'agirait, d'une part, de mettre en place une circonscription unique à l'échelle de l'Union pour l'élection des députés européens - on y fait également référence à travers l'expression « listes transnationales »28(*) - ; et, d'autre part, que le Conseil européen désigne automatiquement le « candidat tête de liste » - ou Spitzenkandidat selon la formule allemande régulièrement utilisée - du groupe parlementaire ayant obtenu le plus de sièges au Parlement européen.

Si ces deux propositions peuvent être mises en place indépendamment l'une de l'autre, il existe cependant une certaine logique à ce qu'elles soient mises en place concomitamment et que le candidat tête de liste d'un parti soit également celui qui conduit la liste dans la circonscription unique.

A. LE PROJET DE CIRCONSCRIPTION UNIQUE À L'ÉCHELLE DE L'UNION EUROPÉENNE IMPLIQUANT DES LISTES TRANSNATIONALES

1. Un serpent de mer depuis les années 1990 qui pourrait avoir une chance de s'imposer pour les élections de 2024

L'idée d'élire tout ou partie des députés européens sur une liste transnationale date au moins des années 1990, dans le contexte de la montée en puissance institutionnelle du Parlement européen. Plusieurs propositions se sont succédées, mais l'on retiendra notamment les propositions de l'eurodéputé britannique Andrew Duff (ALDE), qui remet en 2011 un rapport29(*) sur le sujet, qui pose les bases du débat encore valables aujourd'hui. Considérant que « les campagnes électorales continuent d'être plutôt nationales qu'européennes » et afin de donner « une véritable dimension européenne à la campagne, notamment en attribuant un rôle central aux partis politiques européens », le rapport propose d'élire 25 députés européens sur une circonscription unique correspondant à l'ensemble du territoire de l'Union, sur un scrutin proportionnel de liste bloquée. Il propose que les listes comportent des candidats provenant d'au moins un tiers des États membres et prévoient une représentation équitable des hommes et des femmes. Chaque électeur exprimerait deux votes : l'un au niveau national - ou le cas échéant régional - et l'autre au niveau européen. Il propose également la mise en place d'une autorité électorale européenne, pour réguler le déroulement de l'élection. Le rapport fut adopté en commission des affaires constitutionnelles, mais l'assemblée plénière décida de reporter son vote et de renvoyer le dossier en commission.

Les travaux ont repris lors de la mandature suivante, sur la base des travaux des députés Danuta Maria Hübner (PPE, Pologne) et Jo Leinen (S&D, Allemagne). Le Parlement adopte alors une résolution30(*) favorable à la circonscription unique, en la liant cependant à la mise en place des candidats tête de liste : « la création d'une circonscription électorale commune, dans laquelle les listes seraient emmenées par le candidat ou la candidate de chaque famille politique à la présidence de la Commission, contribuerait à consolider sensiblement la démocratie européenne et à légitimer davantage l'élection du président de la Commission ».

Jean-Claude Junker, alors Président de la Commission européenne, défend à son tour cette idée dans son discours sur l'état de l'Union de septembre 2017 : « Trop souvent, les campagnes électorales européennes ont été réduites à une simple addition des propositions électorales nationales. La démocratie européenne mérite mieux. Je n'ignore pas que l'idée est contestée par plus que quelques-uns, mais je dois vous dire que j'ai de la sympathie pour présenter des listes transnationales aux élections européennes. »

Enfin, l'idée a été reprise par le Président de la République française, dans le discours de la Sorbonne de septembre 2017. Emmanuel Macron proposait de les mettre en place dès les élections de 2019, en utilisant les sièges de députés européens laissés vacants par le départ du Royaume-Uni : « nous devons créer des listes transnationales qui permettent aux Européens de voter pour un projet cohérent et commun ».

Pourtant, début 2018, le Parlement européen renonce à proposer la circonscription unique pour les élections de 201931(*). Il propose de redistribuer 27 des 73 sièges britanniques entre les États membres et de « mettre en réserve » les 46 sièges restants pour les élargissements futurs. La résolution mentionne cependant l'hypothèse de la circonscription unique en sous-entendant qu'elle ne pourra être mise en place d'ici les élections de 2019.

Le Parlement élu en 2019 a commencé à se pencher sur la question à son tour. Ainsi, la résolution sur le bilan des élections européennes de 201932(*), dont était rapporteur l'eurodéputé français Pascal Durand (Renew), invitait à examiner la question de la circonscription unique dans le cadre de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Par ailleurs, la commission des affaires constitutionnelles a confié à l'eurodéputé Domènec Ruiz Devesa (S&D, Espagne), un rapport d'initiative législative sur les modalités d'élection des membres du Parlement européen33(*). Le projet de rapport a été présenté en commission des affaires constitutionnelles le 15 juin dernier ; la procédure en commission n'est pas encore achevée et il sera ensuite discuté en plénière, probablement au printemps 2022. Le projet de rapport propose de mettre en place une circonscription unique, au sein de laquelle seraient élus 46 eurodéputés. Cette proposition est également liée à la mise en place des candidats tête de liste.

2. Une hypothèse de mise en oeuvre concrète, sur la base du projet du député Domènec Ruiz Devesa

La mise en place d'une circonscription unique pourrait prendre plusieurs formes, mais l'on peut se fonder sur les travaux du Parlement européen et notamment sur le projet de rapport Ruiz Devesa pour en tracer les contours.

a) Modalités de vote

Tout d'abord, l'électeur sera appelé à voter deux fois : une première fois de façon classique au niveau national ; une seconde fois pour la liste transnationale dans la circonscription unique. Ce double vote pourrait prendre la forme de deux bulletins ou bien d'un seul bulletin sur lequel l'électeur indiquerait ses deux choix, bien que nos pratiques électorales françaises ne soient pas habituées aux « bulletins complexes ».

b) Règles de constitution des listes en matière d'origine des candidats et de parité

Se pose la question de mettre en place des règles pour la constitution des listes, quant à la nationalité des candidats, afin d'éviter des déséquilibres excessifs. Il est intéressant que de noter que des chercheurs34(*) ont testé l'hypothèse de listes transnationales lors des élections européennes de 2014. Ils ont constaté un biais au bénéfice des listes comportant des candidats de la nationalité des électeurs, ce qui invite à prévoir des règles de représentation des États membres, afin de « protéger » les États les moins peuplés.

Le projet de rapport Ruiz Devesa suggère ainsi « d'introduire une représentation démographique contraignante dans les listes de la circonscription commune, en prévoyant par exemple des plafonds pour les candidats résidant dans le même État membre et une représentation minimale obligatoire des ressortissants de différents États membres » et « encourage les partis et mouvements européens à désigner dans les listes communes des candidats provenant de tous les États membres ».

Plus précisément, il est proposé que les listes comportent des candidats résidant dans au moins la moitié des États membres, sans répétition de résidence jusqu'à la quatorzième position (dans une Union à 27). De plus, afin d'éviter de concentrer les positions éligibles sur des résidents des États membres les plus peuplés, il est proposé que chaque bloc de cinq candidats sur la liste - jusqu'à la quatorzième position (dans une Union à 27) - ne comporte qu'un seul représentant de chaque groupe démographique de cinq États membres, présentés dans le tableau ci-dessous.

Groupes démographiques d'États membres

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe E

Allemagne

Roumanie

Suède

Danemark

Slovénie

France

Pays-Bas

Portugal

Finlande

Lettonie

Italie

Belgique

Hongrie

Slovaquie

Estonie

Espagne

Grèce

Autriche

Irlande

Chypre

Pologne

Tchéquie

Bulgarie

Croatie

Luxembourg

     

Lituanie

Malte

Source : projet de rapport Ruiz Devesa

La proposition prévoit également une stricte parité. Ces listes seraient en outre bloquées, pour préserver ces équilibres.

c) Nombre de députés élus dans la circonscription unique

Plus le nombre de députés élus dans cette circonscription unique sera important, plus ce système aura un effet sur l'européanisation du scrutin, en incitant les partis politiques à s'y investir. Toutefois, si l'on ne souhaite pas modifier le nombre de députés européens élus dans chaque État membre et compte tenu de la limite de 751 députés maximum inscrite dans le TUE, le nombre maximum de députés européens pouvant être élus dans cette circonscription est de 46, correspondant aux 73 députés britanniques minorés des 27 sièges répartis en 2018. Le rapport Ruiz Devesa propose justement d'élire 46 députés dans la circonscription unique.

d) Modalités de présentation des listes

Se pose enfin la question des modalités de présentation de ces listes. Notre collègue député européen propose qu'elles puissent être déposées par :

- les partis politiques européens (cf. définition supra);

- les mouvements politiques européens, définis comme des associations transnationales de citoyens présentes dans au moins un quart des États membres et représentant, dans chacun de ces États, au moins 0,01 % des électeurs, et présentant une candidature et faisant campagne dans la circonscription unique ;

- les coalitions électorales européennes, définies comme une alliance électorale entre deux - ou plus - partis politiques ou mouvements politiques européens - ou nationaux sous certaines conditions - qui présente une liste et fait campagne dans la circonscription unique ;

- les coalitions européennes de partis nationaux et/ou de mouvements politiques nationaux, définies comme une alliance électorale d'un nombre de partis ou de mouvements nationaux, au moins égal à un quart des États membres, qui présente une candidature et fait campagne dans la circonscription unique.

Il s'agit ainsi de ne pas exclure de la circonscription unique les organisations politiques qui ne seraient pas constituées en partis politiques au niveau européen.

B. LES CANDIDATS TÊTE DE LISTE OU SPITZENKANDIDATEN

La seconde idée présentée comme susceptible d'européaniser la campagne des élections européennes est celle des candidats tête de liste, ou Spitzenkandidaten selon la formulation allemande. Elle consiste à ce que les partis politiques européens désignent, avant l'élection, leur candidat à la présidence de la Commission européenne. À l'issue des élections, le Conseil européen serait tenu de nommer le candidat tête de liste du parti arrivé en tête, permettant ainsi aux électeurs de désigner « directement » le Président de la Commission.

En 2014 comme en 2019, le PPE est arrivé en tête des élections européennes. Mais en 2014, son candidat tête de liste, M. Jean-Claude Juncker, a été désigné à la tête de la Commission, tandis qu'en 2019 le candidat du PPE, M. Manfred Weber, a été écarté au profit d'un autre membre du PPE, Mme Ursula von der Leyen, alors ministre allemande de la défense.

1. La désignation de Jean-Claude Juncker en 2014 : la mise en oeuvre de facto du système des candidats tête de liste

Dès les années 1990, a émergé l'idée de créer un lien direct entre les élections européennes et la nomination du Président de la Commission européenne, à travers la désignation de candidats à ce poste par chacune des principales formations. Le Parlement européen adopta en 2012, dans la perspective des élections de 2014, une résolution35(*) en ce sens, qui appelait notamment les partis à désigner ces candidats et souhaitait qu'ils « jouent un rôle moteur dans la campagne électorale du Parlement, en particulier en présentant personnellement leurs programmes dans tous les États membres de l'Union ». La résolution appelait également à ce que le président de la Commission soit désigné parmi les députés européens.

Cinq partis politiques européens désignèrent, pour 2014, leur candidat à la tête de la Commission :

- le parti populaire européen désigna, en mars 2014, M. Jean-Claude Juncker (Luxembourg), ancien président de l'Eurogroupe et ancien Premier ministre du Luxembourg, au cours de son congrès de Dublin, où il réunit 382 votes (61 % des suffrages exprimés) contre 245 pour son opposant M. Michel Barnier (France) ;

- le parti socialiste européen désigna, en mars 2014, M. Martin Schulz (Allemagne), alors Président du Parlement européen, au cours de son congrès de Rome, sans qu'un autre candidat ne se présente ;

- l'alliance des libéraux et démocrates pour l'Europe désigna, en février 2014, M. Guy Verhofstadt (Belgique), alors président du groupe parlementaire et ancien Premier ministre belge, lors du congrès de Bruxelles, au détriment de M. Olli Rehn (Finlande), alors commissaire européen aux affaires économiques et financières ; plus précisément, le groupe désigna un « ticket » comportant les deux noms, le premier comme candidat à la présidence de la Commission et le second comme candidat à « d'autres hautes fonctions » ;

- les verts désignèrent pour conduire leur campagne un duo composé de Mme Ska Keller (Allemagne) et de M. José Bové (France), alors tous deux députés européens ; cette désignation se fit à l'issue d'une primaire ouverte à tous les citoyens de l'Union de plus de 16 ans, organisée de novembre 2013 à janvier 2014 et qui réunit 23 000 votants ;

- la gauche unitaire européenne désigna, en décembre 2013, M. Alexis Tsipras (Grèce), alors vice-président de ce même parti, lors de son congrès de Madrid.

Plusieurs partis ne désignèrent pas de candidat.

La désignation de ces candidats tête de liste permit d'organiser neuf débats entre eux - une seule fois à cinq - et donc de donner une dimension plus européenne à la campagne. Trois de ces débats eurent lieu en français, trois en anglais et deux en allemand. L'Union européenne de radio-télévision - surtout connue comme organisatrice du « concours Eurovision de la chanson » - organisa en mai 2014 le seul débat les réunissant tous les cinq, en trois langues (anglais, français et grec). En France, ce débat fut diffusé sur les chaînes de télévision Euronews, sur la chaîne parlementaire et sur I-Télé.

À l'issue des élections, le PPE arriva en tête avec 29 % des sièges, devant le parti socialiste (25 % des sièges). Le Conseil européen de juin 2014 désigna Jean-Claude Juncker candidat à la tête de la Commission, avec l'abstention du Royaume-Uni et de la Hongrie. Le 15 juillet suivant, le Parlement européen validait ce choix. Ainsi, le système des candidats tête de liste était respecté, sans que le Conseil européen n'y fasse toutefois référence dans sa décision. On peut considérer que le fait que Jean-Claude Juncker ait été membre du Conseil européen pendant 18 ans a pu faciliter l'obtention de son soutien.

2. La désignation d'Ursula von der Leyen en 2019 : l'échec du système des candidats tête de liste
a) Un système reconduit au niveau des partis, malgré une remise en cause par le Conseil européen

Dans la perspective des élections européennes de 2019, le Parlement européen36(*) et la Commission européenne37(*) exprimèrent leur souhait qu'il soit à nouveau fait recours au système des candidats tête de liste. En particulier, le Parlement européen se déclarait « prêt à rejeter tout candidat à la présidence de la Commission qui n'[aurait] pas été désigné comme Spitzenkandidat en amont des élections européennes ».

À l'inverse, certains États membres exprimèrent une défiance envers ce processus, dont la conformité aux traités fut mise en doute par le service juridique du Conseil38(*). En février 2018, le Conseil européen refusa de s'engager a priori à respecter cette logique39(*). Le Président du Conseil européen déclara ainsi à l'issue de la réunion : « Ce processus ne présente aucun caractère automatique. Le traité est très clair à ce sujet: c'est au Conseil européen qu'il revient de nommer le candidat en toute autonomie, en tenant compte des élections européennes et après avoir procédé aux consultations appropriées ».

De son côté, le Président de la République française avait lié le système des candidats têtes de liste à la mise en place de listes transnationales, proposées dans son discours de la Sorbonne de septembre 201740(*) (cf. supra) : « On croit à la démocratie parlementaire, on veut que ce soit un grand parlement, il faut qu'il y ait le maximum de participation aux élections, il faut donc que les débats soient vraiment européens et il faut donc qu'on ose aller vers une part de listes transnationales, dont les leaders pourraient légitimement être les fameux Spitzenkandidaten. Je trouve cependant bizarre, à ce titre, de s'arrêter en quelque sorte au milieu du gué et de croire à la démocratie parlementaire si cela reste une démocratie de partis existants, structurés, dont la logique est encore principalement nationale, il faut bien le dire. »41(*).

Malgré tout, plusieurs candidats tête de liste furent désignés :

- le parti populaire européen désigna M. Manfred Weber, alors président du groupe au Parlement européen, lors de son congrès de Helsinki de novembre 2018, avec 79 % des suffrages contre M. Alexander Stubb (Finlande), alors vice-président de la Banque européenne d'investissement ;

- le parti socialiste européen désigna M. Franz Timmermans, alors commissaire européen en charge notamment de l'État de droit, lors du Congrès de Lisbonne de décembre 2018 ; il n'avait pas d'adversaire après le renoncement de M. Maro efèoviè (Slovaquie) ; la candidature de M. Paul Magnette (Belgique) avait été envisagée ;

- les verts désignèrent Mme Ska Keller (Allemagne) et M. Bas Eickhout (Pays-Bas), tous deux députés européens, désignés lors du conseil du parti vert européen de novembre 2018 à Berlin ;

- l'alliance des conservateurs et réformistes européens, qui n'avait pas désigné de candidat tête de liste en 2014, désigna M. Jan Zahradil (République tchèque), alors député européen et président du parti ;

- la gauche unitaire européenne désigna Mme Violeta Tomiè (Slovénie), eurodéputée, et M. Nico Cué (Belgique), syndicaliste.

L'alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe désigna pour sa part une « équipe », comprenant Mme Margrethe Vestager (Danemark), alors commissaire européenne à la concurrence, M. Guy Verhofstadt (Belgique), président du groupe au Parlement européen, la commissaire aux transports slovène Mme Violetta Bulc, l'Italienne Mme Emma Bonino, ex-commissaire européenne et ex-ministre des Affaires étrangères, l'Espagnol M. Luis Garicano, membre du parti Ciudadanos, l'Allemande M. Nicola Beer, l'une des dirigeantes du parti libéral FDP, et la Hongroise Mme Katalin Cseh du parti Momentum. C'est cependant Mme Margrethe Vestager qui représenta le parti dans les débats.

L'Europe des nations et des libertés désigna M. Matteo Salvini, alors ministre de l'Intérieur en Italie, comme « visage » du parti pour la campagne.

Trois débats réunissant tout ou partie des candidats furent organisés.

b) La mise à l'écart du candidat tête de liste du PPE signe l'échec de ce système en 2019

À l'issue des élections européennes de 2019, le groupe PPE demeura le premier groupe du Parlement (24 % des sièges), malgré la perte de 36 sièges, et revendiqua donc que son candidat tête de liste, M. Manfred Weber, fût désigné. En amont de la réunion informelle du Conseil européen, la Conférence des Présidents du Parlement européen adopta une déclaration soutenant la logique des candidats tête de liste : « nous réaffirmons notre détermination en faveur du processus des candidats têtes de liste, qui permet au/à la prochain(e) Président(e) de la Commission de faire connaître son programme et sa personnalité avant les élections et de s'engager dans une campagne pan-européenne »42(*).

Les chefs d'État ou de gouvernement se réunirent le 28 mai pour discuter des nominations aux postes clés et il apparut clairement que le système des candidats tête de liste ne serait pas appliqué automatiquement. Si la Chancelière allemande confirma son soutien à M. Manfred Weber, des voix se firent entendre pour souligner le manque d'expérience comme ministre ou commissaire du candidat du PPE. Le Président français cita trois noms de candidats ayant, selon lui, l'expérience et la crédibilité requises pour briguer le poste : Mme Margrethe Vestager, M. Michel Barnier, négociateur en chef pour le Brexit et membre du PPE, et M. Frans Timmermans. Un second sommet le 20 juin ne parvint pas à un accord.

Au-delà du Conseil européen, il semble que M. Weber n'ait pas non plus réussi à réunir le soutien des groupes socialiste, centriste et vert du Parlement européen (nécessaires pour sa confirmation), du fait entre autre de son opposition aux listes transnationales et au maintien des députés hongrois du Fidesz au sein du groupe PPE. Cette situation fit émerger l'hypothèse de désigner le candidat tête de liste du groupe socialiste, M. Frans Timmermans ; cette candidature souleva cependant l'opposition du groupe PPE et de certains États membres, du fait notamment du rôle du commissaire en matière d'État de droit. Une troisième réunion apparut nécessaire et permit finalement d'annoncer, conjointement, la désignation de Mme von der Leyen comme candidate à la présidence de la Commission, de M. Josep Borrell Fontelles comme Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et de Mme Christine Lagarde à la présidence de la Banque centrale européenne.

II. DES PROPOSITIONS PRÉSENTANT DES AVANTAGES INCERTAINS, MAIS DES RISQUES AVÉRÉS

A. LA CIRCONSCRIPTION UNIQUE DONNERAIT UN RÔLE PRÉPONDÉRANT AUX PARTIS POLITIQUES EUROPÉENS, TOUT EN SUSCITANT PLUSIEURS INQUIÉTUDES

1. Une mise en place possible juridiquement mais très délicate politiquement

Le traité instituant la Communauté européenne (version consolidée après le traité de Nice) définissait en son article 189 le Parlement européen comme étant « composé de représentants des peuples des États réunis dans la Communauté » ce qui aurait pu constituer un obstacle juridique à la mise en place d'une circonscription unique. L'article 14 du TUE le définit désormais comme étant « composé de représentants des citoyens de l'Union ». Il devrait donc être possible de mettre en place la circonscription unique sans modifier les traités. En définitive, c'est à la CJUE qu'il appartiendra éventuellement de trancher la question.

Sa mise en place impliquerait en tout état de cause de modifier l'acte électoral de 1976, sur proposition du Parlement européen, le Conseil statuant à l'unanimité et après approbation du Parlement européen et ratification par les parlements des États membres.

Le Parlement européen issu des élections de 2019 ne s'est pas encore prononcé sur la question ; certains groupes avaient exprimé une opposition à ce principe et le groupe PPE notamment semble divisé en son sein43(*). La discussion du rapport de Domenec Ruiz Davesa apportera la réponse. S'agissant du Conseil, où l'unanimité sera requise, on peut noter que les quatre pays du groupe de Visegrad44(*) ont adopté une résolution commune rejetant les listes transnationales, considérant que les questions institutionnelles devaient être réglées « en pleine conformité avec les traités et ne devraient pas saper l'équilibre actuel » entre les institutions européennes et les États membres45(*). La question de l'équilibre entre les États les plus peuplés et les moins peuplés sera centrale pour emporter l'adhésion de tous.

2. Un équilibre difficile à trouver entre États les plus peuplés et les moins peuplés

Parvenir à un équilibre entre les États les plus peuplés et les moins peuplés sera particulièrement difficile.

En effet, d'une part, le poids des partis des États les plus peuplés au sein des partis politiques européens et, d'autre part, la tendance des électeurs à privilégier les listes présentant des candidats de leur nationalité conduiront à mettre en avant sur les positions éligibles les candidats issus des États les plus peuplés.

La définition de règles protégeant les États les moins peuplés pourrait à l'inverse aggraver le déséquilibre de représentativité des députés européens des États les plus peuplés et les moins peuplés. On rappellera en effet que l'on compte un eurodéputé maltais pour 86 000 habitants, mais un eurodéputé allemand pour 866 000 habitants, bien qu'ils représentent tous deux l'ensemble des citoyens de l'Union. Le tableau ci-dessous projette les résultats des élections de 2019 sur la circonscription unique telle que définie dans le projet de rapport précité.

Projection des résultats de 2019 sur la circonscription unique proposée dans le projet de rapport Ruiz Devesa

Parti

Score

Élus

Groupe A

Groupe B

Groupe C

Groupe D

Groupe E

PPE

20,8%

12

3

3

2

2

2

PSE

17,9%

10

2

2

2

2

2

ALDE

12,0%

6

2

1

1

1

1

ID

10,5%

6

2

1

1

1

1

Verts

10,0%

5

1

1

1

1

1

CRE

7,2%

4

1

1

1

1

-

GUE

5,2%

3

1

1

1

-

-

Nombre de députés par groupe démographique

12

10

9

8

7

Nombres d'habitants par député (en millions)

24,6

7,0

5,1

3,6

1,1

Source : Commission des affaires européennes du Sénat

N.B. On présume que les listes privilégieront systématiquement les groupes démographiques les plus peuplés.

Ces chiffres doivent être considérés avec d'infinies précautions, dans la mesure où ils sont limités aux groupes actuellement représentés au Parlement européen et se fondent sur l'hypothèse que les partis privilégieront systématiquement les États les plus peuples. Ils permettent cependant d'illustrer les effets des groupes démographiques. Cette projection montre que seraient élus 12 députés venant des États du groupe A (66 % de la population de l'Union) et 7 députés des États venant du groupe E (2 % de la population de l'Union). Ainsi, on compterait un eurodéputé pour 24,6 millions d'habitants dans le groupe A et un eurodéputé pour 1,1 million d'habitants dans le groupe E. Ce rapport de 1 à 25 est à comparer au rapport de 1 à 10 qui existe aujourd'hui entre les députés élus à Malte et ceux élus en Allemagne. On observe également un effet de seuil, un État ayant plutôt intérêt à être le premier de son groupe démographique que le dernier du groupe précédent.

On peut comprendre la volonté de « protéger » les États membres les moins peuplés. Mais il est paradoxal de mettre en place des listes transnationales, fondées sur l'idée que les députés européens représentent l'ensemble des citoyens de l'Union, tout en adoptant des règles si strictes qu'elles aboutiront à répartir les sièges de façon quasi « forfaitaire » entre les États membres. L'européanisation du scrutin s'en trouverait d'ailleurs amoindrie : plutôt que de discuter de la composition de la liste sur une base politique, au niveau du parti politique européen, on risque de voir les partis nationaux considérer les sièges obtenus sur cette liste comme des « sièges bonus », à désigner au niveau national.

3. Une « européanisation » de la campagne, au profit des partis politiques européens

L'objectif de la circonscription unique est « d'européaniser » la campagne. Ainsi, dans une tribune publiée en novembre 2017, les ministres des affaires européennes français, italien et espagnol affirmaient que les listes transnationales pourraient créer « une véritable agora européenne » et donner naissance à un « véritable espace politique européen »46(*).

Du point de vue des électeurs, les listes transnationales devraient permettre d'attirer leur attention sur les problématiques proprement européennes plutôt que sur des thèmes nationaux, de réfléchir en termes d'intérêt général européen plutôt que de calculer un « taux de retour » et d'accroître la notoriété des partis politiques européens et plus généralement des dirigeants européens.

Du point de vue des partis politiques européens, la circonscription unique leur permettrait d'accroître leur rôle vis-à-vis de leurs partis membres, en désignant - probablement - les candidats sur la liste transnationale et en déterminant leur ordre. De même, ils seraient responsables de l'organisation de la campagne pan-européenne, ce qui leur donnerait plus de poids et rendrait plus stratégique l'adoption du manifeste électoral.

4. Un risque de députés « hors sol » qui joueraient pourtant les premiers rôles

L'élection de députés européens dans une circonscription unique fait craindre que ces élus soient déconnectés du terrain et qu'on accentue ainsi encore la distance entre eurodéputés et citoyens. En effet, désignés probablement directement par les partis politiques européens, ces élus auront pour territoire une circonscription de 450 millions d'habitants et n'auront concrètement de comptes à rendre qu'au parti qui les aura désignés. C'est la position que défendait notamment l'ancien eurodéputé français Alain Lamassoure (PPE) : « La logique de la démocratie veut qu'un élu rende des comptes à ses électeurs, qui le connaissent. Alors déjà une seule liste nationale comme celle qui a été adoptée en France pour les européennes, c'est une erreur. Une liste transnationale, c'est pire, c'est encore plus hors-sol47(*). »

Or, paradoxalement, ces députés potentiellement déconnectés pourraient jouer le premier rôle : l'élection pan-européenne leur donnerait une légitimité européenne considérable, la campagne transnationale une grande visibilité et l'investiture des partis européens l'assurance d'être immédiatement au centre du jeu. Se créerait ainsi une sorte de hiérarchie entre ces « super-députés » choisis par les partis européens et les députés élus au niveau national.

5. Des conséquences sur notre droit électoral national à ne pas sous-estimer

D'un point de vue juridique, la circonscription unique rendra probablement nécessaire une harmonisation du droit électoral applicable, sur la base du principe d'égalité entre les électeurs, prévu à l'article 20 de la charte des droits fondamentaux. Ceci plaide pour adopter des règles communes à tous les États membres, des différences trop importantes pouvant être considérées comme des violations du principe d'égalité. À cet égard, la CJUE a eu en 2015 à porter une appréciation48(*), à partir d'une question préjudicielle posée par un tribunal civil français, sur la privation de droits civiques d'un Français radié de la liste électorale de sa commune, dans la mesure où cela l'empêchait de participer aux élections européennes. Si en l'espèce elle a donné raison à la France, la Cour s'est vue ainsi dotée par cet intermédiaire d'un droit de regard sur le droit électoral français, qui pourrait à terme lui permettre d'avoir une influence directe.

Concernant les modalités de vote, de nombreux pays européens autorisent le vote par correspondance (Allemagne et Luxembourg de manière générale, et, de manière partielle Autriche, Hongrie, Irlande, Lituanie, Pays-Bas, Slovénie) ou le vote par anticipation (Portugal, Norvège, Suède, Danemark, Finlande, Estonie, Lituanie et Lettonie). La décision précitée de 2018 prévoit d'ailleurs la possibilité d'utiliser ces modalités de vote, de même que le vote électronique et le vote par internet. L'utilisation de ces modalités de vote chez nos voisins pourrait nous conduire à devoir les mettre en place, afin que les électeurs soient dans une situation d'égalité, alors qu'elles sont aujourd'hui absentes de nos habitudes électorales.

S'agissant de la parité entre hommes et femmes, seuls 11 États membres ont mis en place de telles règles, dont seulement 4 appliquent une parité parfaite (France, Italie, Belgique et Luxembourg). Se pose donc la question d'instaurer une telle règle au niveau communautaire. Si une règle moins stricte que la nôtre devait être retenue, pourrait se poser un problème constitutionnel. L'article 1er de notre Constitution dispose que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Or, le Conseil constitutionnel considère que l'application du droit de l'UE est une obligation constitutionnelle, sauf s'il porte atteinte à un principe inhérent à notre identité constitutionnelle49(*). L'on peut donc se demander si la parité est un principe inhérent à notre identité constitutionnelle et si une absence de dispositif en ce sens pour l'élection à la circonscription unique pourrait poser souci.

Enfin, il pourrait être nécessaire d'harmoniser les règles en matière de campagnes électorales, pour assurer l'égalité entre les listes, ce qui pourrait avoir des effets sur les règles de financement, la régulation audiovisuelle, l'autorisation des publicités commerciales, la diffusion des sondages électoraux, la conception des bulletins de vote, etc.

Au demeurant, le contrôle du respect de ces règles imposera de mettre en place une autorité administrative européenne électorale50(*) tandis que la CJUE obtiendra une compétence juridictionnelle en matière de contentieux électoral, car l'analyse des irrégularités et des écarts de voix ne pourra se faire qu'au niveau européen.

B. LES CANDIDATS TÊTE DE LISTE DONNERAIENT UN RÔLE FONDAMENTAL AUX PARTIS POLITIQUES EUROPÉENS SANS ASSURER L'EUROPÉANISATION DU SCRUTIN

1. Une mise en place politiquement délicate

La mise en oeuvre du système des candidats tête de liste ne nécessite pas forcément d'évolution juridique, il s'agit avant tout d'un principe politique. Au demeurant, ce système a de facto fonctionné en 2014, sans être prévu par aucun texte.

On pourrait cependant choisir de formaliser son fonctionnement à travers un accord interinstitutionnel. Se poserait alors la question de sa compatibilité avec les traités. Comme on l'a vu, de jure, la désignation du candidat à la présidence de la Commission est une prérogative du Conseil européen, à la majorité qualifiée : la question qui se posera est donc de savoir dans quelle mesure l'obligation de « tenir compte des élections au Parlement européen » peut justifier d'imposer tel ou tel candidat au Conseil européen. Au demeurant, plusieurs États membres se sont déclarés opposés à ce système. C'est notamment le cas des États du groupe de Visegrad, dans la déclaration précitée. Le Président de la République française, pour sa part, le conditionnait à la mise en place de la circonscription unique.

Au demeurant, un tel système remettrait en cause le rôle du Conseil européen dans la désignation du président de la Commission.

2. Des effets incertains sur la participation

Les précédents de 2014 et 2019, lors desquels les partis politiques européens avaient désigné des candidats à la présidence de la Commission chargés également de mener leur campagne, permettent de tenter d'analyser les effets sur le scrutin.

Le taux de participation aux élections de 2014, dans l'ensemble de l'Union européenne, est le plus bas jamais enregistré (42,6 %). On peut cependant y voir une stabilisation, après une baisse ininterrompue. Ce taux s'est en revanche sensiblement amélioré lors des élections de 2019, atteignant 50,7 %, niveau inédit depuis 25 ans. Certains promoteurs des candidats tête de liste attribuent à ce dispositif l'arrêt de la baisse de la participation en 2014 puis son augmentation en 2019. D'autres analyses pointent à l'inverse le rôle joué par le Brexit pour mobiliser les électeurs, de même que la participation plus importante des jeunes, du fait notamment de préoccupations climatiques.

Taux de participation aux élections européennes
(ensemble de l'Union)

(en pourcentage)

Source : Commission des affaires européennes du Sénat à partir des données du Parlement européen

Les études plus précises qui ont été menées ne permettent pas de conclure dans un sens ou dans l'autre. L'étude51(*) menée sur le sujet par les services de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen conclut cependant à des effets inexistants ou au mieux limités : « nous n'avons aucun élément empirique significatif permettant d'établir un lien de causalité entre les candidats tête de liste et la diminution du taux de participation en 2014 ou son augmentation en 2019. Les études empiriques sur ces deux précédents sont ambiguës, les replis et les brusques augmentations de la participation peuvent trouver différentes explications et les effets des candidats tête de liste sur la participation, s'il y en a, semblent être minimes, asymétriques et volatiles ».

3. Une européanisation hypothétique du scrutin et dépendante de la volonté des partis politiques nationaux

L'étude précitée, en se fondant notamment sur un article de 201952(*), invite également à atténuer les effets des candidats tête de liste en termes d'européanisation.

Ainsi, la visibilité des candidats tête de liste dans la campagne serait relativement basse, les partis politiques nationaux étant assez réticents à les mettre en avant. Les auteurs relèvent également l'ironie qu'il y aurait à voir ces candidats principalement mis en avant dans leur État d'origine, comme moyen de défendre l'intérêt national plutôt qu'européen. En moyenne, il apparaît que moins de 15 % des électeurs sont capables d'identifier correctement le parti politique d'un candidat tête de liste.

Identification du parti politique des candidats tête de liste

2014

Correcte

Erronée

Inconnue

 

2019

Correcte

Erronée

Inconnue

Jean-Claude Juncker (PPE)

18,9%

8,9%

72,2%

 

Manfred Weber (PPE)

17,1%

13,9%

69,1%

Martin Schulz (PSE)

16,9%

8,7%

74,5%

 

Frans Timmermans (PSE)

12,9%

16,9%

70,3%

Guy Verhofstadt (ALDE)

8,8%

5,9%

85,3%

 

Jan Zahradil (CRE)

7,4%

13,9%

78,7%

Source : Secondary Analysis of the 2014 and 2019 European Election Study (ESS), citée par l'étude de juin 2020 précitée

4. Aucune garantie que le candidat désigné dispose d'une majorité au sein du Parlement européen

Il n'y a pas de raison a priori de penser que le candidat du parti arrivé en tête dispose d'une majorité au sein du Parlement européen. Dans les régimes parlementaires traditionnels, les partis s'organisent en coalitions avant les élections ou éventuellement après les élections. Le Chef de l'État désigne alors comme chef de Gouvernement le dirigeant de la coalition, susceptible de remporter un vote de confiance au Parlement, mais qui n'est pas forcément issu du parti arrivé en tête. On peut par exemple relever le cas de Jean-Claude Juncker, au Luxembourg, qui cède en 2013 son poste de Premier ministre à Xavier Bettel, à la tête d'une coalition (parti démocratique, parti ouvrier socialiste luxembourgeois et Verts) alors même que le parti du futur candidat tête de liste (le parti populaire chrétien-social) était arrivé largement en tête des élections (34 % des suffrages contre 20 % au deuxième parti). L'application du système des candidats tête de liste en 2019 aurait dû conduire à désigner Manfred Weber comme candidat à la présidence de la Commission, mais plusieurs observateurs estiment qu'il ne serait pas parvenu à réunir une majorité au Parlement européen.

Certains considèrent qu'il suffirait alors de désigner un autre des candidats tête de liste, de la même façon que le Conseil européen a envisagé de désigner Frans Timmermans après avoir acté qu'il n'y avait pas de majorité pour Manfred Weber. On peut alors se demander quelle serait la portée du vote des électeurs, puisque le résultat des élections n'aurait plus de conséquence directe. Ce serait la désignation des candidats tête de liste, par les partis politiques européens, qui serait en fait déterminante.

En cas d'échec, on reviendrait au système actuel où le candidat à la présidence de la Commission serait choisi par le Conseil européen, sans contrainte particulière si ce n'est de « tenir compte du résultat des élections ».

En définitive, l'absence de véritable coalition majoritaire stable au sein du Parlement européen ne permet pas de rendre « évident » le choix de tel ou tel candidat tête de liste et donc de rendre le choix lisible pour les électeurs et inévitable pour le Conseil européen. On pourrait à ce titre regretter que la tentative, dans la foulée des élections de 2019, de plusieurs groupes au Parlement européen (PPE, socialistes, Renew et Verts) d'adopter une sorte d'accord de coalition ait échoué.

5. Des modalités de désignation qui manquent de transparence et donneront un rôle prépondérant aux partis politiques européens

Comme on l'a vu précédemment, le fonctionnement interne des partis politiques européens est assez peu transparent et donne un rôle prépondérant aux représentants des partis nationaux ayant réalisé des scores importants aux élections européennes. Lors de la désignation du candidat du PPE en 2014, Jean-Claude Juncker l'a emporté avec 382 voix contre 245 pour Michel Barnier. Il aurait suffi que 69 personnes changent d'avis pour que le Président de la Commission européenne soit probablement différent.

Le système des candidats tête de liste n'augmentera donc pas forcément la transparence du choix du président de la Commission européenne. Mais il transfert ce choix du Conseil européen aux partis politiques européens, et en particulier au PPE et éventuellement au PSE, au profit des acteurs qui y sont les plus puissants.

On peut certes imaginer un système de primaires ouvertes, qui donnerait une vraie légitimité aux candidats désignés. Au-delà de la complexité de son organisation à travers 27 États, dans des conditions satisfaisantes de sécurité, on ne peut s'empêcher de souligner que la primaire organisée par les Verts en 2014, par vote électronique, ouverte à tous les résidents de l'Union de plus de 16 ans, n'avait réuni que 24 000 votants.

6. Un risque important de déception des citoyens européens

La désignation à la présidence de la Commission du candidat tête de liste du parti arrivé en tête aux élections européennes calque la logique des systèmes parlementaires, familière pour beaucoup de citoyens européens : en glissant son bulletin de vote dans l'urne, l'électeur choisit la majorité - ou la coalition - et le futur chef de Gouvernement, et donc également le programme politique qui sera mené. Mais la transposition de cette logique au niveau communautaire est difficile.

En effet, le Président de la Commission n'est pas comparable à un chef de gouvernement au niveau national. En admettant que le système des candidats tête de liste soit mis en place et fonctionne, on risque de donner aux citoyens européens l'impression d'avoir « désigné la Commission ». Or, le choix des autres commissaires demeurera une prérogative du Conseil, sur proposition des États membres et en fonction de leur propre équilibre politique, comme on l'a vu précédemment. L'équilibre politique de la Commission ne sera donc pas modifié.

Par ailleurs, avoir « désigné la Commission » pourra donner l'impression aux citoyens qu'ils auront également déterminé la ligne des politiques publiques qui seront menées, par analogie avec un système parlementaire. Or, si la Commission est naturellement une institution fondamentale du système institutionnel européen, sa capacité à « déterminer et conduire la politique »53(*) de l'Union n'est pas celle d'un Gouvernement, du fait notamment de l'absence de discipline de vote au Parlement européen, du rôle central du Conseil dans le processus de décision et des domaines régis par l'unanimité.

Ainsi, paradoxalement, la mise en place des candidats tête de liste pourrait alimenter l'idée que la voix des citoyens européens ne compte pas.

CONCLUSION

Les rapporteurs partagent le constat sur les limites du scrutin européen : les 27 élections nationales juxtaposées, portant sur des enjeux essentiellement nationaux et donnant lieu à des campagnes centrées principalement sur des figures nationales, ne permettent pas suffisamment aux citoyens européens de trancher des débats politiques européens et donc de se faire entendre au niveau de l'Union.

Face à constat, les propositions de circonscription unique et de candidats tête de liste sont des propositions intéressantes, qui doivent être étudiées attentivement, dans le détail de leurs conséquences, car elles touchent aux équilibres du système institutionnel de l'Union. Un constat s'impose : ces deux propositions ne sont pas le remède miracle qui mettrait fin au « déficit démocratique » de l'Union et elles s'accompagnent de risques qu'on ne peut ignorer. La complexité du scrutin qui pourrait rebuter les électeurs, le risque de « députés hors-sol » qui ne rendront de comptes qu'au parti politique européen qui les aura investis, les déceptions que l'on pourrait susciter chez les citoyens européens si on leur donne le sentiment qu'ils pourront désigner la Commission européenne comme ils désignent leur gouvernement national peuvent aggraver les maux que l'on souhaite corriger. Et les effets sur l'européanisation du scrutin ne sont pas aussi automatiques que l'on pourrait le croire.

L'espoir est que ces deux outils enclenchent un processus d'européanisation du scrutin et donnent de la consistance à une vie politique proprement européenne, qui dépasse les limites étroites de la « bulle bruxelloise » pour atteindre tous les citoyens de l'Union. À l'issue de ces travaux, l'on constate que cet espoir repose sur deux acteurs : les partis politiques nationaux et les partis politiques européens. Aux premiers, il appartiendrait de jouer le jeu de l'européanisation du scrutin en mettant les sujets européens et les candidats tête de liste au centre de leur campagne nationale ; quant aux seconds, ils auraient à s'approprier ces nouveaux outils et à les faire vivre. Mais on l'a vu, ces structures sont peu transparentes et leur rôle est aujourd'hui très limité ; ce sont au mieux des « acteurs en devenir ».

En définitive, la mise en place de la circonscription unique et des candidats tête de liste conduirait à remettre la démocratie européenne entre les mains de partis politiques européens qui n'existent pas encore vraiment. Les partisans de ces réformes répondront que c'est justement le moyen de les faire exister. Certes. Mais le risque de voir la démocratie européenne confisquée par la « bulle bruxelloise » n'est pas anodin.

Une alternative serait d'avancer sur la voie de l'européanisation du scrutin indépendamment de ces réformes, dont, en tout état de cause, l'adoption pourrait être complexe politiquement. Les médias ont naturellement un rôle important à jouer pour améliorer l'information des Français et la couverture de l'actualité de l'Union. Par ailleurs, la décision du Conseil de 2018 permet d'européaniser les bulletins de vote : les élections de 2024 seront l'occasion de voir si les partis nationaux sont vraiment prêts à jouer le jeu et s'ils adoptent massivement cet outil, même si seules 17 listes sur 264, dans l'ensemble de l'Union, y avaient eu recours en 2019. De même, les partis politiques européens ont l'occasion de se montrer à la hauteur du rôle qu'ils entendent jouer, en désignant leurs candidats tête de liste de 2024 dans des conditions de transparence plus satisfaisantes que par un congrès réunissant quelques centaines de personnes. Une autre piste serait d'étudier la proposition formulée par le Sénat en 201854(*) de mettre en place une circonscription unique pour les seuls Européens résidant dans un État tiers.

Au demeurant, le vrai succès des candidats tête de liste serait que le choix du candidat à la présidence de la Commission s'impose avec une telle évidence à l'issue du scrutin, que, sans aucune contrainte juridique, le Conseil européen ne puisse s'en écarter.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 1er juillet 2021 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par les deux co-rapporteurs, M. Jean-François Rapin et Mme Laurence Harribey, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean-Yves Leconte. - Merci à nos deux rapporteurs pour ce travail. Globalement, je partage tout ce qui a été dit. Mais il y a une chose qui me dérange : nous ne pouvons pas nous contenter de dire que la question est difficile. Il nous faut aller de l'avant sur ce sujet, d'une manière ou d'une autre. Nous sentons bien que la construction européenne est arrivée à un moment clé où, si nous n'arrivons pas à avoir un vrai débat politique au niveau européen, la construction n'est, à mon avis, plus stable. Les politiques intégrées sont trop nombreuses pour que nous puissions continuer à les faire fonctionner sans qu'il y ait un contrôle politique au niveau européen et non seulement national ou intergouvernemental.

Ces propositions, quelles que soient les difficultés de leur mise en oeuvre, vont dans cette direction. D'ailleurs, nous avions fait un rapport sur ce sujet avec Fabienne Keller, en 2016, où nous reconnaissions que c'était très difficile. Mais nous avions également envisagé, comme première étape, de mettre en place une circonscription unique pour les ressortissants européens qui vivent hors de l'UE. Certains peuvent voter aux élections européennes, d'autres non, en fonction des choix de leur État membre, ce qui est quand même assez aberrant.

Mme Laurence Harribey, co-rapporteure. - Nous mentionnons effectivement cette proposition dans notre rapport.

M. Jean-Yves Leconte. - Un autre sujet particulièrement sensible est celui des financements. Dans un certain nombre de pays, il est possible de voter et d'être candidat, mais il n'est pas possible de participer au financement des campagnes. C'est un vrai sujet, au-delà de la difficulté que soulève la décision du Conseil d'État avant la dernière élection européenne, concernant le financement de la campagne des élections européennes par les partis politiques européens.

En revanche, dans la proposition du Parlement européen, certains points posent problème. À partir du moment où nous décidons de faire des listes transnationales, il nous faut croire au projet. Et donc, nous ne pouvons pas dire qu'il faut y mettre un Allemand et un Français mais pas de Luxembourgeois. Cela ne serait pas très sérieux et pourrait même tuer l'idée. Soit nous croyons au transnational, soit nous n'y croyons pas. Les partis européens sont aujourd'hui plus des topologies que des structures qui partagent des valeurs. Si une personne est de gauche en Bulgarie et qu'une autre est de gauche en France, elles se retrouvent dans le même parti européen, alors qu'elles ne partagent presque rien. Nous l'avons vu avec Viktor Orban et Angela Merkel. Cette configuration n'arriverait pas si des élections sur des listes communes avaient véritablement lieu. De ce point de vue, nous avons besoin de faire évoluer les choses.

Le système des spitzenkandidaten qui avait fonctionné en 2014 n'a pas été mis en oeuvre en 2019 ; mais c'est aussi parce qu'en 2019, pour la première fois, les groupes PPE et socialiste n'avaient pas la majorité à eux seuls. S'il avait eu la possibilité d'imposer un candidat, le Parlement européen l'aurait fait. Naturellement, il faut que ce candidat ait une majorité derrière lui. Si cela avait été le cas en 2019, le Parlement européen aurait pu imposer un candidat au Conseil européen, qui n'aurait pu l'écarter, compte tenu des traités. Le Président de la République n'y était pas très favorable, mais la difficulté venait surtout du fait que le Parlement n'avait pas véritablement le pouvoir de décider, puisqu'il n'y avait plus ce bloc majoritaire PPE/socialistes.

J'aimerais rappeler les conditions de constitution de la Commission présidée par Romano Prodi, en 1999. La fin de la Commission Santer avait été particulièrement difficile et Romano Prodi décida de mettre des conditions sur les commissaires qui lui étaient envoyés par les États membres. La Commission ne doit pas être une espèce de conglomérat de représentants des États, surtout si un jour où l'autre elle ne compte plus un commissaire par pays. Si nous voulons aller vers plus de démocratie européenne, la Commission doit aussi être réellement responsable et ses membres ne doivent plus être considérés comme des représentants de leur État dans l'exécutif européen. De ce point de vue, nous avons beaucoup reculé depuis l'élargissement. J'ai été très choqué de voir un certain nombre de pays nouvellement arrivés dans l'Union faire valider leur proposition de commissaire par leur parlement national. C'est une aberration absolue.

Au fond, le maintien d'une Commission sans cohérence politique et dont les membres ne sont pas choisis par son Président empêche toute réforme complète de l'Union.

M. Richard Yung. - C'est une question qui est sur la table depuis trente ou quarante ans. J'étais parmi les premiers à militer pour l'élection du Parlement au suffrage universel et, là-dessus, nous avons eu gain de cause ; mais les autres projets de réforme se sont enlisés. J'ai une certaine préférence pour le système à deux niveaux, avec des listes nationales et des listes transnationales communes à toute l'Union. Cela me semble un bon compromis, même si certains pays y seront probablement opposés. Mais il est tout de même possible d'avancer. Vous disiez que l'instauration d'un tel système créerait un déséquilibre entre les pays les plus peuplés et ceux qui le sont moins. Nous pourrions trouver un système pour encadrer ce déséquilibre et limiter le poids prépondérant des grands pays.

Une autre critique réside dans le fait que les députés deviendraient « hors sol ». Il s'agit d'une critique que nous, sénateurs français représentant les Français à l'étranger, nous connaissons bien. Nous avons toujours été qualifiés de « hors sol ». Ce n'est pas vrai, je n'ai pas ce sentiment-là. Je vous signale qu'en Allemagne, le bulletin de vote aux élections législatives comporte deux parties : on vote pour un candidat mais aussi pour une liste, ce qui sert à répartir une part des votes à la proportionnelle. Ce système ne marche pas mal. C'est pourquoi, je ne crois pas que cette critique soit recevable. De plus, l'élection pan-européenne de certains députés leur donnerait une certaine légitimité.

Il faut bien reconnaître qu'on trouve un peu de tout au Parlement européen, en termes d'implication. Certains députés, allemands notamment, sont présents et actifs. D'autres pays, dont la France, y envoient ceux qui ont été recalés au suffrage universel. C'est dramatique pour nous mais également pour la construction européenne. Je militerai donc pour les listes transnationales, car je pense qu'elles aideraient à structurer ces pauvres partis européens qui sont plus des confédérations de partis que de véritables partis, sans réel programme.

Mme Christine Lavarde. - J'avais remarqué pendant la campagne des élections européennes que les électeurs n'avaient pas conscience que nous sommes dans un système d'élections à deux tours : les eurodéputés élus nationalement, même si leur liste arrive en tête au niveau national, ne seront pas forcément majoritaires au Parlement européen et ne pourront donc pas forcément peser sur le cours des choses. C'est peut-être notre mode d'élection qui veut cela, puisque nous faisons de ces élections européennes des élections nationales. Les listes transnationales pourraient peut-être rendre cette réalité plus visible pour les électeurs : ils se prononceraient sur une ligne européenne, portée par un parti européen, dont le parti en France n'est pas forcément celui qui aura un pouvoir de décision au niveau de l'UE.

S'agissant de la mise en oeuvre pratique, est-ce à dire que les électeurs auraient deux bulletins de vote ?

Mme Laurence Harribey, co-rapporteure. - Ils voteraient deux fois, que ce soit avec deux bulletins ou sur le même bulletin.

Mme Christine Lavarde. - Les électeurs pourraient donc exprimer deux votes complètement différents ?

Mme Laurence Harribey, co-rapporteure. - C'est théoriquement envisageable. Les électeurs allemands ont par exemple cette possibilité.

M. Richard Yung. - Effectivement, ils cochent une case pour soutenir un candidat, puis une seconde case pour soutenir une liste.

M. Jean-Yves Leconte. - Un vote ne conditionne pas l'autre ?

M. Richard Yung. - Un vote ne conditionne pas l'autre. Et ça marche très bien.

Mme Christine Lavarde. - Pourriez-vous repréciser les déséquilibres à craindre en termes de représentation des États les plus peuplés et les moins peuplés ?

M. Jean-François Rapin, président, co-rapporteur. - La proposition actuelle prévoit que les listes comportent des candidats issus d'États membres différents, jusqu'à une certaine position sur la liste, en les alternant parmi cinq groupes d'États de poids démographique comparable. D'après nos estimations, cette proposition conduirait à élire un député pour 25 millions d'habitants dans les cinq États les plus peuplés, mais un député pour 1 million d'habitants dans les six États les moins peuplés.

Mme Christine Lavarde. - Nous aurions le même type de déséquilibres si jamais nous introduisions chez nous une quelconque proportionnalité.

M. Jean-François Rapin, président, co-rapporteur. - Ce débat ressemble beaucoup, au niveau national, à celui sur les intercommunalités. Nous nous interrogeons également sur les modes de scrutins, hors suffrage universel direct, qui permettraient de leur donner plus de visibilité.

M. Pascal Allizard. - De la même façon que les intercommunalités sont des établissements publics et en aucun cas des collectivités territoriales, l'Union européenne n'est pas un État et encore moins un État souverain.

Personnellement, je ne suis absolument pas convaincu par la proposition d'un scrutin supranational. Est-ce que les citoyens français ont une attente particulière sur ce sujet ? Je ne le crois pas. Je crains qu'une fois de plus, avec ce genre d'idée bizarre, nous alimentions la répulsion de nos concitoyens envers l'idée européenne. Je préconise donc une certaine prudence sur le sujet. Peut-être faut-il quelques évolutions du système électoral mais in fine, c'est aux États et aux citoyens des États d'envoyer leurs délégués.

Par ailleurs, s'il devait y avoir un scrutin à deux niveau - ce que j'ai du mal à croire compte tenu des difficultés qui ont été parfaitement rappelées -, il faudrait étudier les exemples des pays ayant des systèmes comparables et notamment le cas allemand. Il faudrait sans doute assurer une meilleure représentativité de tous les courants de pensées, mais en aucun cas instaurer une proportionnalité à l'échelle européenne. Peut-être la solution serait-elle de prendre en compte les voix restantes après application des quotients, pour que les partis minoritaires obtiennent quelques sièges supplémentaires.

Merci pour ce travail qui est un excellent éclairage et je réitère mes réserves sur la mise en place de ce scrutin transnational.

M. Jean-François Rapin, président, co-rapporteur. - Nos conclusions à ce sujet sont claires et sont totalement partagées entre Laurence Harribey et moi-même. Nous avons abordé ce sujet sans préjugés et écouté les différents points de vue, mais en définitive, nous considérons que ce sont de « fausses bonnes idées ».

M. Jean-Yves Leconte. - « Fausse bonne idée », non ; je pense que c'est plutôt une bonne idée, qui doit encore mûrir, mais qu'elle est indispensable pour réussir la construction européenne. L'Union ne pourra pas continuer à fonctionner comme elle le fait aujourd'hui sans un véritable contrôle démocratique de niveau supranational.

En revanche, si nous allions dans la direction des listes transnationales pour un certain quota des députés européens, nous pourrions imaginer que les autres de ces députés ne soient plus élus dans des circonscriptions aussi grandes que celles actuelles, ce qui est d'ailleurs compatible avec l'acte électoral. Nous aurions ainsi des eurodéputés fortement liés aux territoires, ce qui n'empêche pas d'assurer une bonne représentation des partis minoritaires, comme le proposait Pascal Allizard.

Mme Laurence Harribey, co-rapporteure. - Nous, les co-rapporteurs, sommes effectivement d'accord pour considérer que ces propositions ne sont pas de véritables solutions. Ce qui ne m'empêche pas de partager l'avis de Jean-Yves Leconte : nous devons trouver des solutions pour que les citoyens européens s'approprient l'Union européenne. Je partage d'ailleurs tout à fait son analyse des limites des modalités actuelles de composition de la Commission. Composée parfois de techniciens et fruit des équilibres politiques des États membres, celle-ci n'est pas un véritable gouvernement européen. Il faut mieux articuler sa composition avec le Conseil et le Parlement. Rappelons que, depuis le début, la Commission est responsable devant le Parlement européen, qui n'a jamais utilisé ce pouvoir pour des raisons politiques, mais uniquement pour sanctionner des comportements de commissaires concernant des affaires financières.

Je rejoins Pascal Allizard sur son parallèle avec l'intercommunalité, que j'utilise régulièrement pour expliquer le fonctionnement de l'Union. Quand je demande aux gens s'ils s'ils seraient prêts à retirer toute voix au chapitre à une petite commune, au sein de son intercommunalité, ils reconnaissent que ce n'est pas possible. Je leur explique que c'est exactement pareil pour les Luxembourgeois au sein de l'UE. Jacques Delors avait raison : nous sommes bien sur un objet politique non identifié, fondé sur une légitimité interétatique et sur une légitimité citoyenne, qui vient de l'élection au suffrage universel direct du Parlement européen. Mais les deux propositions que nous évoquons ce matin sont à mon sens des solutions en trompe-l'oeil et ce n'est pas comme cela que nous allons réconcilier les citoyens avec la question européenne.

Les citoyens doivent sentir que leur vote a un poids ; et pour cela, il faut une identification à un projet politique, qui doit être porté par des partis politiques européens, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Nous prenons le problème à l'envers.

Vous nous avez interrogés sur la composition des listes transnationales et sur le système assez complexe proposé par le Parlement européen pour prendre en compte la démographie. Le risque est de dénaturer l'idée même et d'aboutir à un « bricolage » pour représenter tout le monde. L'idée d'une liste transnationale pour les Européens résidant dans un État tiers me semble plus intéressante et symboliquement significative, même si cela nécessiterait une harmonisation des droits électoraux.

M. Jean-François Rapin, président, co-rapporteur. - Cette piste pourrait servir de « démonstrateur », tout en sachant qu'elle ne bouleverserait pas les grands équilibres européens. Mais elle comporte tout de même certains écueils.

Par rapport au débat sur la taille des circonscriptions, je voudrais souligner que le passage des circonscriptions régionales à la circonscription nationale n'a eu aucune influence sur le fait que les Français se sentent plus ou moins citoyens européens mais a simplement encouragé la nationalisation du débat. Nous étudions les effets de ces propositions sur l'Union, sur le Parlement européen... mais nous ne tenons absolument pas compte de ce que vont ressentir les Français, de la façon dont ils souhaitent s'exprimer sur l'Europe. Je ne les vois pas demain s'intéresser davantage à des scrutins de listes transnationales.

Richard Yung semblait soutenir ces propositions, mais nous craignons véritablement d'avoir, d'un côté, des « supers députés », élus sur les listes transnationales et qui seraient alors une référence lourde politiquement et, de l'autre, des « députés supplétifs », qui seraient élus sur des listes nationales et qui ne seraient pas forcément considérés au Parlement européen de la même manière que les premiers.

M. Richard Yung. - Si vous transmettez ce rapport aux députés européens, il serait intéressant de recueillir leurs remarques.

M. Jean-François Rapin, président, co-rapporteur. - Nous enverrons naturellement ce rapport à nos collègues eurodéputés, pour alimenter le débat qui a commencé. Nous pourrons instaurer une veille et faire un point d'étape au cours de l'année prochaine, en fonction de l'avancée des travaux.

La commission a autorisé la publication du rapport d'information.

MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL

Les co-rapporteurs ont souhaité associer un membre de chaque groupe politique à l'ensemble de leurs auditions, à travers un groupe de travail ainsi composé :

Groupe Les Républicains

M. Jean-François Rapin, co-président rapporteur

Groupe Socialiste, Écologiste et Républicain

Mme Laurence Harribey, co-présidente rapporteure

Groupe Union Centriste

Mme Catherine Morin-Desailly

Groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

M. André Gattolin

Groupe communiste républicain citoyen et écologiste

M. Pierre Laurent

Groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen

Mme Véronique Guillotin

Groupe Les Indépendants - République
et Territoires

Mme Colette Mélot

Groupe Écologiste - Solidarité
et Territoires

M. Jacques Fernique

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Universitaires et experts

- M. Didier Blanc, professeur de droit public à l'université de Toulouse, spécialiste des institutions européennes

- M. Rémy Broc, expert associé à la fondation Jean Jaurès et vice-président du Mouvement européen - France

- M. Olivier Costa, chercheur au Centre de recherches politiques de SciencesPo (Cevipof), spécialiste des institutions européennes

- Mme Diane Fromage, chercheuse à l'école de droit de SciencesPo, spécialiste des institutions européennes

- Mme Fanny Hervo, experte associée à la fondation Jean Jaurès et responsable du plaidoyer au Mouvement européen - France

- M. Paul Magnette, professeur de science politique à l'Université libre de Bruxelles, spécialiste des institutions européennes, bourgmestre de Charleroi, ancien Ministre-président du gouvernement wallon

- M. Romain Rambaud, professeur de droit public à l'université de Grenoble-Alpes, spécialiste de droit électoral

- Mme Nathalie Saint-Cricq, journaliste, responsable du service politique de France 2 lors des élections européennes de 2014 et 2019

- Mme Christine Verger, vice-présidente de l'Institut Jacques Delors, ancienne membre du cabinet du Président de la Commission européenne, ancienne secrétaire générale du groupe socialiste au Parlement européen, ancienne directrice de cabinet du Président du Parlement européen

Députés européens français

- M. François-Xavier Bellamy (Parti populaire européen)

- Mme Nora Mebarek (Alliance des socialistes et démocrates)

- M. Pascal Durand (Renew)

- M. Gilles Lebreton (Identité et démocratie)

- Mme Gwendoline Delbos-Corfield (Verts)


* 1 Rapport d'initiative législative 2020/2220(INL).

* 2 Acte portant élection des représentants à l'assemblée au suffrage universel direct du 8 octobre 1976.

* 3 Ce système de vote permet à l'électeur d'ajouter d'autres noms de candidats, dans un ordre de préférence ; il aboutit à une répartition proportionnelle.

* 4 Article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

* 5 Ont été élus députés européens M. Sandro Gozi, de nationalité italienne, et Mme Chrysoula Zacharopoulou, de nationalité grecque.

* 6 Décision (UE, Euratom) 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976.

* 7 Loi n° 2019-131 du 25 février 2019 autorisant l'approbation de la décision (UE, EURATOM) 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976.

* 8 Voir l'étude du Parlement européen de juin 2021 précitée, qui retrace précisément les raisons.

* 9 Plus un État est peuplé, plus il dispose de sièges au Parlement européen, mais plus le nombre de députés par habitant de cet État est faible. Ainsi, on compte en Allemagne un député européen pour 866 000 habitants, mais un pour 86 000 habitants à Malte.

* 10 Loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

* 11 Loi n° 2018-509 du 25 juin 2018 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

* 12 Décision n° 2019-811 QPC du 25 octobre 2019 Mme Fairouz H. et autres.

* 13 Règlement n°1141/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes.

* 14 Voir la décision du bureau du Parlement européen du 28 mai 2018 fixant les modalités d'application du règlement (UE, Euratom) n° 1141/2014 du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes (2018/C 225/02).

* 15 Voir le « guide du candidat et du mandataire relatif à l'élection des représentants au Parlement européen » du 10 janvier 2019.

* 16 Article 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence de la vie politique.

* 17 Draft report on the application of Regulation (EU, Euratom) No 1141/2014 on the statute and funding of European political parties and European political foundations 2021/2018(INI).

* 18 Thierry Coosemans, « Les partis politiques européens », in Courrier hebdomadaire du Centre de recherche et d'information socio-politiques (Crisp), 2013/36 n° 2201-2202.

* 19 Alliance de partis politiques souverainistes qui a cessé d'exister en 2017.

* 20 Francisco Roa-Bastos, Des « partis politiques au niveau européen » ? État des lieux à la veille des élections européennes de juin 2009, étude pour l'Institut Jacques Delors, mai 2009.

* 21 Institut Jacques Delors, « Propositions des principales familles politiques européennes sur les grands thèmes de la campagne pour les élections européennes », mars 2019.

* 22 Karlheinz Reif et Hermann Schmitt, « Nine Second-Order National Elections - A Conceptual Framework for the Analysis of European Election Results », in European Journal of Political Research, mars 1980.

* 23 Laura Sudulich, Matthew Wall et David Farrell, « Why bother campaigning? Campaign effectiveness in the 2009 European Parliament Elections », in Electoral Studies, Vol. 32, No 4, 2013.

* 24 Voir par exemple « Aux européennes, Macron et Le Pen veulent rejouer le duel de 2017 », in Le Monde du 29 mars 2019.

* 25 « Les habitudes médiatiques dans l'Union européenne », Eurobaromètre standard 88, automne 2017.

* 26 Rémy Broc, Rémi Lauwerier et Théo Verdier, Renforcer l'information des Français sur l'Union européenne : le défi du cycle européen 2019-2024, fondation Jean Jaurès, décembre 2019.

* 27 Fanny Hervo et Théo Verdier, Élections européennes et Covid-19 : quelle visibilité de l'Union européenne dans les journaux télévisés ?, fondation Jean Jaurès, mai 2021.

* 28 Les rapporteurs soulignent toutefois que cette expression est ambiguë, dans la mesure où les listes actuelles au niveau des États membres sont déjà transnationales, dès lors qu'elles peuvent comporter des citoyens de toute l'Union.

* 29 Rapport d'initiative sur la proposition de modification de l'acte du 20 septembre 1976 portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct, décembre 2012 (2009/2134(INI)).

* 30 Résolution du Parlement européen du 11 novembre 2015 sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne (2015/2035(INL).

* 31 Résolution du Parlement européen du 7 février 2018 sur la composition du Parlement européen (2017/2054(INL) - 2017/0900(NLE)).

* 32 Résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020 sur le bilan des élections européennes (2020/2088(INI)).

* 33 Procédure 2020/2220(INL).

* 34 Bol, Harfs, Blais, Golder, Laslier, Stephenson and Van der Straeten, « Addressing Europe's democratic deficit: An experimental evaluation of the pan-European district proposal », European Union Politics, Vol. 17, No 4, 525-545.

* 35 Résolution du Parlement européen du 22 novembre 2012 sur les élections au Parlement européen en 2014 (2012/2829(RSP)).

* 36 Décision du Parlement européen du 7 février 2018 sur la révision de l'accord-cadre sur les relations entre le Parlement européen et la Commission européenne (2017/2233(ACI)).

* 37 Recommandation de la Commission du 14 février 2018 visant à renforcer le caractère européen des élections au Parlement européen de 2019 et à rendre leur conduite plus efficace - C(2018) 900.

* 38 Avis du service juridique du Conseil 7038/16 du 15 mars 2016.

* 39 Conclusions du sommet informel du 23 février 2018.

* 40 Discours pour une Europe souveraine, unie et démocratique, 26 septembre 2017.

* 41 Parlement européen, débat avec M. Emmanuel Macron, Président de la République française, sur l'avenir de l'Europe, 17 avril 2018.

* 42 Déclaration de la Conférence des Présidents du Parlement européen, 28 mai 2019.

* 43 Lors de la présentation du projet de rapport en commission des affaires constitutionnelles le 15 juin dernier, M. Ruiz Devesa a indiqué qu'un accord du groupe PPE semblait possible ; son collègue du PPE Paulo Rangel (Portugal) s'est toutefois montré assez réservé lors de son intervention.

* 44 Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie.

* 45 Déclaration sur l'avenir de l'Europe, Budapest, 26 janvier 2018.

* 46 « Pour la création de listes transnationales aux élections européennes », in Le Monde du 17 novembre 2017.

* 47Entretien accordé à Euractiv, Alain Lamassoure : « Les listes transnationales sont une idée loufoque ! », 5 février 2018.

* 48 CJUE, 2015, Delvigne (affaire C-650/13).

* 49 CC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information, n° 2006-540 DC (considérant 19).

* 50 Ce rôle pourrait éventuellement être exercé par l'Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes, en renforçant ses compétences.

* 51 Parlement européen, Europeanising European Public Spheres, étude pour la commission des affaires constitutionnelles, juin 2020.

* 52 Braun, D. and Schwarzbözl, T., « Put in the spotlight or largely ignored? Emphasis on the Spitzenkandidaten by political parties in their online campaigns for European elections », Journal of European Public Policy, Vol. 26, No 3, 2019, pp. 428-445.

* 53 Par analogie avec l'article 20 de la Constitution française qui dispose que « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ».

* 54 Rapport d'information n° 463 (2015-2016) sur la réforme de la loi électorale de l'Union européenne, 10 mars 2016.

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