C. HÉBERGEMENT D'URGENCE, ENTRE AMBITION ET RÉALITÉ
Le budget consacré à l'hébergement d'urgence atteindra en 2022 un niveau historique de 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement .
Cette augmentation exceptionnelle traduit trois ambitions :
- le maintien de 190 000 places d'hébergement d'urgence par rapport aux 203 000 ouvertes en 2021 au coeur de la crise sanitaire ;
- la création d'un « service public de la rue au logement » ;
- la volonté de gérer ce programme « sous enveloppe fermée ».
S'il faut saluer à nouveau l'engagement des services du ministère du logement afin de mettre à l'abri la quasi-totalité des personnes vulnérables durant la crise sanitaire et le choix de maintenir les capacités d'accueil au plus haut niveau, s'il faut également encourager l'ambition portée par la Délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement, la Dihal, responsable de ce nouveau service public, plusieurs bémols doivent être apportés aux annonces du Gouvernement.
D'abord, on ne peut que déplorer que les besoins d'hébergement d'urgence aient atteint un niveau aussi élevé. Ensuite, les plus de 200 000 places ouvertes n'ont pas épuisé la demande . L'actualité en apporte la preuve régulièrement et les associations avancent un besoin supplémentaire de 5 000 à 10 000 places. De plus, « l'accueil inconditionnel », que la France accorde et doit à des familles dans un dénuement extrême est une dépense qui vient au bout de l'échec des politiques du logement mais aussi de l'immigration et de l'asile. Force est donc de constater, comme d'ailleurs la ministre l'a concédé à demi-mots lors de son audition, que « la gestion sous enveloppe fermée » et la réduction du nombre de places est vraisemblablement une illusion . Le budget 2022 a certes atteint un niveau historique mais les moyens ouverts en 2021 lui sont supérieurs de 263 millions d'euros !
« Le vrai danger du nouveau service
public de la rue au logement,
c'est le
low
cost
.»
La commission soutient la création de ce nouveau service public qui vise à regrouper dans une même direction de l'État l'ensemble des moyens d'accueil et d'orientation. Ce projet porte une véritable ambition en termes d'accès au logement et de performance sociale et d'insertion des dispositifs d'accueil. On peut en espérer une meilleure coordination au service des personnes en difficulté. Depuis le lancement du plan « Logement d'abord », ce sont 280 000 personnes qui ont pu être prises en charge et on sait aujourd'hui qu'un accès sinon direct, du moins le plus rapide possible à un logement et à un accompagnement offre les meilleures chances de réinsertion. C'est un véritable changement d'approche qui doit être approfondi.
Mais, dans le contexte de double pression du nombre des personnes à accueillir et de l'enveloppe financière à tenir , on peut craindre que l'ambition de départ ne se traduise par une simple mise sous tension budgétaire des acteurs, le choix des solutions les moins chères et l'insuffisance de l'accompagnement social.
On le sait, l'accueil à l'hôtel en est d'ores et déjà le symptôme. C'est la solution pour les familles dont le droit au séjour n'est pas encore établi ou a été refusé mais c'est aussi celle où l'accompagnement est le moins important. Ce point devrait peu changer d'autant que l'un des objectifs est de faire baisser le coût de l'hébergement à l'hôtel.
De même, il n'est pas question cette année d'augmenter le forfait journalier des pensions de familles. Il a progressé de deux euros l'an passé, alors que la prise en compte de l'inflation aurait dû conduire à retenir trois euros. La question est encore plus pertinente cette année.
Les associations, et plus particulièrement l'Union professionnelle du logement accompagné, l'Unafo, déplorent 14 ( * ) également que l'aide à la gestion locative sociale, l'AGLS, destinée à financer les résidences sociales ne soit en réalité versée qu'aux deux tiers à ses bénéficiaires, le reste étant redéployé vers d'autres besoins et notamment l'hébergement d'urgence.
Ces exemples font ressortir le besoin de revalorisation des métiers de l'hébergement et de l'insertion . Lourdement mis à contribution pendant la crise sanitaire mais aussi du fait d'une crise sociale et migratoire, qui elle est bien plus longue, ces personnels ont le sentiment de ne pas être reconnus à hauteur de leur engagement. Il paraît nécessaire de prendre conscience qu'il ne sera pas possible d'accroître les ambitions en termes de performance sociale et d'objectifs de réinsertion professionnelle sans inclure les principaux acteurs et avoir pour eux aussi une ambition métier.
En conclusion, il convient de prendre acte du réel effort financier accompli par le Gouvernement et d'un budget qui engage plusieurs évolutions positives. Néanmoins, il n'est pas possible d'occulter la politique menée au cours de ce quinquennat qui a affaibli le logement et de ne pas voir les menaces qui pèsent sur l'avenir du secteur.
* 14 https://www.unafo.org/les-resultats-de-lenquete-agls2021/.