B. DES ÉTATS MEMBRES PROFONDÈMENT DIVISÉS SUR CETTE QUESTION

1. Une trajectoire de sobriété carbone propre à chaque État membre
a) Le droit des États membres de décider de leur bouquet énergétique et de choisir leurs technologies

Le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dans son article 194, affirme le droit pour chaque État membre de décider de son bouquet énergétique . La Commission européenne définit ainsi les grandes orientations de la politique énergétique, les États membres fixant les moyens pour sa mise en oeuvre. Ces orientations sont aujourd'hui définies en fonction des objectifs environnementaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le clivage est fort entre les États membres sur la reconnaissance de la contribution de l'énergie nucléaire aux objectifs climatiques de l'Union.

Article 194 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

1. Dans le cadre de l'établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l'exigence de préserver et d'améliorer l'environnement, la politique de l'Union dans le domaine de l'énergie vise, dans un esprit de solidarité entre les États membres :

a) à assurer le fonctionnement du marché de l'énergie;

b) à assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union;

c) à promouvoir l'efficacité énergétique et les économies d'énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables; et

d) à promouvoir l'interconnexion des réseaux énergétiques.

Le Conseil européen a rappelé, dans les conclusions de sa réunion des 12 et 13 décembre 2019 qui faisait suite à la présentation du Pacte vert, reprises dans la « stratégie de développement à long terme à faibles émissions de gaz à effet de serre » 21 ( * ) , qu'il « est conscient de la nécessité d'assurer la sécurité énergétique, et de respecter le droit des États membres de décider de leur bouquet énergétique et de choisir les technologies les plus appropriées. Certains États membres ont indiqué qu'ils recourent à l'énergie nucléaire dans le cadre de leur bouquet énergétique national » . Or la stratégie climatique de l'Union européenne prévoit une baisse de la part du nucléaire dans le bouquet énergétique européen de 26 % à 12/15 % à l'horizon 2050 , compensée par une hausse de celle des énergies renouvelables. Dans le mix électrique mondial, elle a déjà sensiblement reculé depuis 25 ans, passant de 17 % en 1990 à 10,4 % en 2017. Et, selon l'un des scénarios de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), elle pourrait tomber sous la barre des 6 % en 2050.

De ce fait, la taxonomie doit donc s'inscrire dans le respect du principe de neutralité technologique et éviter de créer des distorsions de concurrence entre l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables. L'article 19 du règlement sur la taxonomie établit ainsi que les critères d'examen technique doivent respecter le principe de neutralité technologique et « font en sorte que ces activités bénéficient d'une égalité de traitement si elles contribuent de manière égale à la réalisation d'un ou de plusieurs objectifs environnementaux » .

Les acteurs du nucléaire mettent précisément en avant ce principe de neutralité technologique pour dénoncer l'inégalité de traitement entre les diverses technologies bas-carbone . Aujourd'hui, les objectifs européens de développement des énergies renouvelables intermittentes (solaire, éolien, usines marémotrices) ne prennent pas en compte la contribution des autres technologies bas-carbone, au premier plan desquelles le nucléaire, et risquent de conduire à une réduction de la part du nucléaire pour se conformer aux objectifs de décarbonation de l'électricité, sauf à ce que l'Union européenne décide d'inclure le nucléaire dans cette trajectoire.

Le droit des États membres de décider de leur bouquet énergétique constitue un enjeu politique majeur. Pendant longtemps, le débat sur la taxonomie a été considéré comme celui de spécialistes de la finance durable ou comme ne portant pas à conséquence au-delà de quelques projets nucléaires, financés de toute façon sur fonds publics. Mais il est apparu que la décision de la Commission européenne risquait de contraindre la marge de manoeuvre des États membres au titre de la transition climatique. Ainsi nombre d'États d'Europe centrale et méridionale tels que la Pologne ou la Hongrie se sont engagés dans ce combat. Ils ont mis en regard les obligations qui pèsent sur eux au titre de la transition climatique et la facilité avec laquelle ils pourront financer cette transition, notamment par le biais du nucléaire. L'enjeu est aussi celui du financement de la décarbonation de l'ensemble des économies de l'Union européenne. Ce débat est donc éminemment politique et stratégique.

b) L'atome, pilier de la souveraineté économique et de l'indépendance énergétique

L e nucléaire apparaît aussi comme un instrument de souveraineté économique et d'indépendance énergétique , ce qui est particulièrement important en termes de sécurité de l'approvisionnement dans le contexte des tensions géopolitiques actuelles. Actuellement, l'Union européenne est fortement dépendante des importations, qui représentent 53 % de l'énergie qu'elle consomme. Cette dépendance est particulièrement forte pour les énergies fossiles : 90 % pour les importations de pétrole, 77 % pour celles de gaz et 42 % pour celles de charbon. Certains pays sont aussi fortement dépendants d'un fournisseur dominant pour leur approvisionnement énergétique : six États membres dépendent de la Russie en tant que fournisseur extérieur unique pour la totalité de leurs importations de gaz ; or, pour trois d'entre eux, le gaz naturel couvre plus d'un quart des besoins énergétiques totaux. En outre, la sortie du nucléaire prévue par certains États pourrait contribuer à accroître encore leur dépendance aux importations de gaz.

Cette question est au centre des débats sur le renforcement de l'autonomie stratégique de l'Union européenne . En effet, la maîtrise par les États membres de leur production énergétique leur permettrait de réduire leur dépendance à l'égard de pays tiers, plus particulièrement en matière d'importations d'énergies fossiles. Force est de rappeler que, dès les années 50, les États membres fondateurs ont considéré l'énergie nucléaire comme un moyen de parvenir à l'indépendance énergétique . Cette énergie peut aussi contribuer à la souveraineté économique alors que les États membres affichent leur priorité de réindustrialiser leur économie dans un contexte de croissance des besoins en électricité décarbonée. Lors de son audition, Mme Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d'énergie nucléaire, a cité l'exemple de la production d'aluminium, faisant remarquer que la production d'une tonne d'aluminium en France, sur un site proche de la centrale nucléaire de Gravelines, émet deux tonnes de CO 2 contre 15 tonnes en Chine.

Il importe de souligner également que la dépendance de la production d'énergie nucléaire aux importations est moindre que pour d'autres énergies . L'uranium est, en effet, produit par de nombreux pays répartis sur plusieurs continents, principalement le Niger, le Canada, l'Australie et le Kazakhstan, s'agissant des importations françaises. Cette répartition géographique limite les risques géopolitiques en termes d'approvisionnement. Par ailleurs, les réserves d'uranium des principaux exploitants correspondent à deux à trois années d'exploitation.

c) Un accès au financement des investissements qui ne doit pas discriminer le nucléaire

Les considérations climatiques et environnementales sont devenues, au cours de ces dernières années, et davantage à la suite des plans de relance post-covid, un des axes prioritaires des stratégies mises en oeuvre par les investisseurs privés dans le cadre du verdissement de la finance et des orientations des politiques publiques. L'Europe est engagée dans une trajectoire de décarbonation de son économie, à laquelle doit contribuer la réorientation des flux financiers vers des activités durables.

Les conséquences de la taxonomie concernent l'ensemble des activités économiques, même si le nucléaire est essentiellement financé sur fonds publics. L'intégration du nucléaire dans la taxonomie faciliterait pour l'ensemble de la filière, qui représente 1,1 million d'emplois en Europe 22 ( * ) , l'accès à des subventions publiques mais aussi à des financements à des conditions plus intéressantes . Cet outil contribuerait donc doublement à apporter des soutiens et des garanties aux activités de production d'énergie nucléaire qui nécessitent, dans les prochaines décennies, des investissements importants.

Les institutions, y compris publiques, qui prêtent de l'argent sont soumises aux obligations de reporting financier des entreprises, articulées avec la taxonomie. Elles sont donc enclines à investir prioritairement dans des projets qui s'inscrivent dans ce cadre.

Les deux cas d'utilisation différents de la taxonomie peuvent influer sur les coûts du capital des entreprises par le biais de deux canaux. Au niveau des projets, les entreprises qui investissent dans des projets conformes à la taxonomie peuvent de plus en plus bénéficier de subventions publiques par le biais de programmes nationaux ou communautaires. Au niveau des entreprises, le coût de la dette peut baisser. L'une des raisons de ce dernier effet peut être la transparence accrue apportée par la taxonomie.

Source : Les enjeux de la taxonomie européenne pour la finance verte - Anna Creti - Université Paris Dauphine-PSL

Par rapport aux énergies renouvelables ou aux combustibles fossiles, la filière nucléaire est la plus sensible au coût de financement . Tout bonus obtenu sur le coût de financement se traduit de façon exponentielle sur le coût final. C'est pourquoi les industriels se sont intéressés à ce débat sur la taxonomie. La commission des affaires européennes considère que le principe de neutralité technologique commande d'assurer les mêmes conditions de financement pour l'ensemble des énergies bas-carbone. Les hypothèses financières sont très sensibles sur le coût de l'électricité produite pour le nucléaire : il apparaît que l'accès à des taux d'intérêts plus faibles pourrait permettre d'abaisser substantiellement le coût du financement des nouveaux projets nucléaires.

Le nucléaire, en termes de fonctionnement et de financement, est en effet l'une des filières les plus intensives en capital . S'agissant du nouveau nucléaire, les hypothèses de travail du gestionnaire de Réseau de transport d'électricité (RTE) se fondent sur un coût du capital de 1 à 7 %, ce qui se traduit par un coût du MWh du simple au triple (40 ou 110 euros du MWh). Le coût du capital a ainsi un impact très fort sur le coût final du kWh.

Si le nucléaire n'était pas inscrit dans la taxonomie, cela contribuerait à renchérir le coût du financement ou à détourner les investissements de ces projets . Concernant le financement public, cela dégraderait aussi la position concurrentielle d'EDF sur les marchés internationaux, par rapport à ses grands concurrents.

Même si, à ce stade, les investissements publics ne sont pas concernés par les critères de la taxonomie, force est de remarquer qu'ils s'imposent de plus en plus souvent comme la norme pour orienter ou réorienter les investissements publics . Dans sa communication sur le plan de relance post-covid 23 ( * ) , la Commission européenne indique ainsi : « la taxonomie de l'Union applicable à la finance durable orientera les investissements mis en oeuvre dans le cadre de la relance de l'Europe en vue de garantir leur conformité avec nos ambitions à long terme » .

2. Le nucléaire en Europe : une absence de vision commune entre les États membres

Au sein de l'Union européenne, l'énergie nucléaire représente un peu plus de 30 % de la production totale d'énergie . Cette part a eu, cependant, tendance à diminuer ces dernières années, à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima ; certains États membres ont, en effet, opté pour une politique de réduction, voire de suppression totale de leur production nucléaire.

a) Un parc nucléaire qui fournit la moitié de la production d'électricité de l'Union européenne

La filière nucléaire est ainsi importante pour satisfaire la demande en électricité à l'échelle européenne. En incluant le Royaume-Uni et la Suisse, cette production représentait, en 2019, un quart de la production électrique européenne , soit la principale source d'énergie électrique et l'équivalent de l'hydroélectricité, l'éolien et le solaire photovoltaïque réunis, et environ la moitié de la production d'électricité décarbonée.

L'énergie nucléaire est répandue à l'échelle européenne, avec 106,31 GW de capacités installées et 6,49 de capacités en construction, selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Elle est présente dans le bouquet énergétique de treize des vingt-sept États membres de l'Union européenne (France, Allemagne, Espagne, Suède, Belgique, République tchèque, Finlande, Bulgarie, Hongrie, Slovaquie, Roumanie, Slovénie, Pays-Bas). Neuf États membres, parmi lesquels la France occupe une place dominante, disposent d'un bouquet énergétique reposant à plus de 30 % sur ce mode de production. L'Europe compte ainsi cent huit réacteurs nucléaires en fonctionnement dont cinquante-huit en France, la Suède se situant en deuxième position avec huit réacteurs, l'Espagne et la Belgique en troisième position avec sept réacteurs. La moitié des États membres dispose d'un parc de réacteurs de deuxième génération et un nombre significatif étant engagés dans la construction de réacteurs de troisième génération (France, Finlande, Slovaquie, Pologne). L'Europe dispose du plus grand parc nucléaire au monde.

Source : Foratom - septembre 2021

À la suite de l'accident de la centrale nucléaire de Fukushima, l'Allemagne a accéléré sa sortie du nucléaire et programmé un arrêt de ses réacteurs pour 2022. La Belgique a voté, dès 2003, une loi programmant la fin du nucléaire pour 2025. L'Espagne est également engagée dans la fin de l'exploitation de son parc nucléaire d'ici à 2035.

Le pays le plus opposé de longue date au nucléaire est l'Autriche. C'est également le cas du Luxembourg ainsi que du Danemark, de l'Italie, du Portugal et de l'Irlande qui ont abandonné leur programme nucléaire au cours des années 1970 et 1980.

Parc nucléaire dans l'Union européenne en 2019

Pays

Nombre de réacteurs

Puissance installée (MW)

% de la production d'électricité nationale

Nombre de réacteurs en construction

France

56

61 370

71

1

Espagne

7

7 121

20

Suède

7

7 710

42

Belgique

7

5 918

38

Allemagne

6

8 113

12

République tchèque

6

3 932

34

Finlande

4

2 794

33

Hongrie

4

1 902

49

Slovaquie

4

1 814

55

2

Bulgarie

2

1 966

34

Roumanie

2

1 300

18

Slovénie

1

688

36

Pays-Bas

1

482

3

Données : Eurostat 2020

b) La France en position de leader

Avec une production nucléaire qui représente environ 55 % de la production totale européenne , la France détient une position de leader dans ce domaine. La loi de transition énergétique pour la croissance verte a, toutefois, fixé l'objectif de ramener à 50 %, contre près de 70 % actuellement, la part de l'énergie nucléaire dans le mix de sa production électrique à l'horizon 2050. Toute décision de la part de la France en matière de nucléaire a donc un impact à l'échelle européenne . Dans deux autres pays, la Belgique et la Slovaquie, la part du nucléaire dans la production nationale d'énergie primaire est également importante.

En France, le nucléaire est la première source de production et de consommation d'électricité. Elle provient de 56 réacteurs de différents niveaux de puissance constituant un parc réparti sur l'ensemble du territoire. Il s'agit du plus important parc nucléaire d'Europe, et le deuxième au niveau mondial. En 2019, 80 % de la production française d'électricité d'origine nucléaire est assurée par 4 régions : l'Auvergne-Rhône-Alpes (22,4 %), le Grand Est (21,8 %), le Centre val-de-Loire (19,2 %) et la Normandie (17,6 %). En 2019, la production française d'électricité d'origine nucléaire représentait un total de 379,5 TWh, soit 70 % de la production. Grâce à la puissance de son parc nucléaire et à l'importance de l'énergie renouvelable (hydroélectricité notamment) dans son mix électrique, la France produit 90 % de son électricité sans émission de dioxyde de carbone. Elle se situe au cinquième rang des économies avancées à plus faibles émissions par unité d'électricité produite.

Source : données EDF 2020

c) Les trajectoires de décarbonation font émerger deux blocs de pays au sein de l'Union européenne

Alors que certains pays européens déclassent et ferment leurs installations nucléaires, d'autres ont prévu de construire de nouvelles unités, témoignant ainsi des différences de conception et des lignes de fracture autour de l'énergie nucléaire entre les États membres , à l'exemple de celle existante entre la France et l'Allemagne. Une inquiétude accrue de l'opinion publique quant à la sécurité des installations nucléaires et un certain consensus en faveur du développement des énergies renouvelables fondent, en partie, certaines décisions prises par plusieurs États membres.

L'Allemagne doit ainsi fermer ses sept unités restantes d'ici 2022. L'Espagne a aussi prévu de sortir du nucléaire à l'horizon 2035 et devrait commencer à fermer l'ensemble de ses sept réacteurs dès 2027.

A contrario , au moins six pays de l'Union européenne, à savoir la Hongrie, la République tchèque, la Bulgarie, la Roumanie, la Finlande et la Pologne, sont engagés dans la construction de nouvelles grandes centrales nucléaires ou envisagent de nouveaux investissements. Force est de noter que l'approvisionnement énergétique de ces pays dépend principalement des importations de gaz en provenance de la Russie.

3. Vers un compromis : les stratégies de rapprochement des positions des États membres

L'inscription de la production nucléaire dans la taxonomie des investissements durables est principalement défendue par la France ainsi que par des pays situés surtout à l'est de l'Europe , qui doivent notamment engager des efforts importants pour sortir des énergies fossiles, à savoir la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Roumanie, la Bulgarie et la Slovénie. En revanche, l'Autriche, l'Allemagne, le Luxembourg, le Danemark et l'Espagne y sont opposés, souvent pour des raisons historiques. Ces pays considèrent que doit être privilégiée la production d'électricité produite à partir d'énergies renouvelables, qui ne présentent pas les mêmes risques en termes de sécurité des installations et qui satisfont au principe d'innocuité environnementale du règlement sur la taxonomie.

Plusieurs courriers ont, d'ailleurs, été adressés à la Commission européenne par les États membres soit pour s'opposer, soit pour demander l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie. Ainsi, le 19 mars 2021, le Président de la République française et les Premiers ministres de six pays de l'Union européenne, la Hongrie, la Pologne, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie, ont adressé une lettre commune à la Commission européenne pour souligner le rôle majeur de l'énergie nucléaire pour atteindre l'objectif de neutralité carbone d'ici 2050 . En octobre 2021, plusieurs ministres de dix États ont publié une tribune 24 ( * ) pour soutenir l'énergie nucléaire, considérant comme « absolument indispensable » son inclusion dans la taxonomie européenne avant la fin de l'année. Outre la France, ce texte a été signé par la Roumanie, la République tchèque, la Finlande, la Slovaquie, la Croatie, la Slovénie, la Bulgarie, la Pologne et la Hongrie.

À la fin du mois de juin, ce sont cinq États membres, l'Autriche, le Danemark, le Luxembourg, l'Espagne et l'Allemagne qui ont appelé, dans une lettre commune adressée à la Commission européenne, à maintenir l'énergie nucléaire hors du champ d'application de la taxonomie de l'Union européenne.

Les conclusions de la dernière réunion du Conseil européen d'octobre 2021 ont insisté, dans un contexte de flambée des prix de l'énergie, sur la prise en compte de la diversité et de la spécificité de la situation des États membres en matière énergétique, ce qui constitue une avancée pour les partisans du nucléaire notamment.

Plusieurs autres pays se sont, à cette occasion, rapprochés de cette position, à savoir les Pays-Bas, la Grèce et l'Irlande. C'est une coalition assez forte qui se dégage désormais en faveur de l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie . Cet équilibre politique ne saurait être ignoré par la Commission européenne. Il est donc possible aujourd'hui d'être raisonnablement optimiste sur la présentation d'un acte délégué complémentaire dans des délais rapides.

En marge de la COP26 de novembre 2021, les ministres de l'environnement de cinq États membres, l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, le Luxembourg et le Portugal, ont toutefois tenu encore à rappeler, dans une déclaration commune intitulée « Pour une taxonomie européenne sans nucléaire », publiée le 11 novembre 2021, leur opposition à faire figurer le nucléaire dans la liste des investissements éligibles à la taxonomie de l'Union européenne. « L'énergie nucléaire est incompatible avec le principe « do no significant harm » inscrit dans le règlement de l'UE sur la taxonomie. Nous exhortons donc la Commission européenne à ne pas mettre en péril la voie courageuse qu'elle a empruntée pour faire de l'UE le premier marché mondial pour la finance durable », écrivent-ils. La ministre de l'environnement luxembourgeoise a ainsi déclaré : « inclure l'énergie nucléaire dans la taxonomie aurait des conséquences négatives massives sur la crédibilité, la sûreté et la transparence en Europe et dans le monde ». L'Autriche a d'ailleurs annoncé qu'elle contesterait devant la Cour de justice de l'Union européenne l'éventuelle inclusion du nucléaire dans la taxonomie.

Pour sa part, l'Allemagne plaide pour une période transitoire pour le gaz naturel. Le contrat de coalition met d'ailleurs l'accent sur la construction de nombreuses centrales à gaz jusqu'à ce que les énergies renouvelables soient en capacité d'assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique. La sortie du nucléaire n'est pas remise en cause mais la feuille de route, présentée le 24 novembre du futur gouvernement ne fait plus mention du refus d'inscrire le nucléaire dans la taxonomie de l'Union européenne. Un compromis politique semble donc se dessiner, pour ne pas disjoindre le nucléaire et le gaz dans l'acte délégué complémentaire.


* 21 Notifiée à la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le 6 mars 2020.

* 22 Données Foratom - septembre 2020.

* 23 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « L'heure de l'Europe: réparer les dommages et préparer l'avenir pour la prochaine génération », du 27 mai 2020.

* 24 Tribune collective parue dans Le Figaro du 10 octobre 2021 : « Nous, Européen, avons besoin du nucléaire ! ».

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