CONTRIBUTIONS DES GROUPES POLITIQUES

Contribution du groupe Les Républicains à la mission d'information
sur le thème « Protéger et accompagner les individus en construisant
la sécurité sociale écologique du XXIe siècle »

• Le groupe Les Républicains exprime des réserves sur le nouveau modèle de couverture sociale des risques environnementaux.

Le rapport d'information évoque la nécessité de créer un « nouveau modèle de couverture collective » au travers d'une nouvelle branche de « sécurité sociale dédiée » afin de mieux couvrir les risques environnementaux consécutifs au réchauffement climatique. Notre groupe politique s'interroge sur la pertinence de mobiliser la sécurité sociale comme outil de lutte contre le dérèglement climatique et les risques environnementaux.

Notre groupe politique considère que la prise en charge des risques environnementaux, sur les personnes ainsi que sur les biens, devra s'adapter pour répondre au défi du réchauffement climatique et, plus particulièrement, de l'augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes.

La lecture du deuxième volet du sixième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) est à ce titre éloquente. Dans cette contribution, les experts du GIEC détaillent les conséquences du réchauffement climatique sur les écosystèmes et les sociétés humaines, avec notamment une « multiplication des vagues de chaleur, des sécheresses et des inondations ». Les auteurs estiment, par ailleurs, que ces aléas climatiques, parce qu'ils surviennent simultanément « ont des répercussions en cascade de plus en plus difficiles à gérer ».

Dans le même esprit, le rapport estime que « l'intensification et la multiplication des aléas climatiques vont accroître considérablement notre exposition aux risques dans un avenir proche, augmentant dès lors indéniablement le recours aux systèmes d'indemnisation des dommages résultant de ces aléas ».

Surtout, le rapport du GIEC rappelle à juste titre, comme l'avait démontré la Commission d'enquête sénatoriale sur le coût économique et financier de la pollution de l'air en juillet 2015, que les pollutions, quelle que soit leur nature, peuvent avoir un impact considérable sur la santé humaine : « Si la dégradation de notre environnement est un fait certain, l'influence d'un tel phénomène sur notre santé ne fait plus débat ».

Ces éléments ne doivent pourtant pas nous conduire à une remise en cause, dans ses fondements, du fonctionnement de la sécurité sociale.

Le rapport de la mission d'information (page 149) reprend les propos de Rémi Pellet, pour qui « l'aboutissement de la logique d'universalisation des dépenses de sécurité sociale et d'étatisation du financement de la protection sociale consisterait en l'absorption de la sécurité sociale par le budget de l'État ».

Avant même d'envisager l'absorption de la sécurité sociale par le budget de l'État, la commission des affaires sociales s'est toujours opposée à l'examen conjoint des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et de finances (PLF).

Le groupe Les Républicains considère qu'il est nécessaire de préserver la spécificité des finances sociales qui est l'un des grands acquis de la réforme constitutionnelle de 1996. Ses auteurs ont voulu que le Parlement se prononce sur un projet de loi de financement de la sécurité sociale, de manière à discuter dans un ensemble cohérent du niveau de couverture sociale de nos concitoyens et des ressources que la collectivité y consacre.

S'agissant plus particulièrement de la proposition 21 qui évoque la nécessité de « travailler à la mise en place d'une couverture sociale des risques environnementaux », le groupe Les Républicains émet, là encore, des réserves substantielles. Surtout, notre groupe politique ne souhaite pas s'associer à une démarche prospectiviste conduisant à la création d'une « sixième branche de sécurité sociale », évoquée dans le rapport, sans être formellement proposée. Plusieurs raisons président à ce choix :

- la majorité des pathologies liées aux risques environnementaux sont d'ores et déjà prises en charge par la Sécurité sociale :

• l'assurance maladie prend en charge toutes les affections dont l'origine ne peut pas être clairement établie et résultant directement ou non des conséquences de certains risques environnementaux ou climatiques ;

• de manière plus spécifique, un fonds « pesticides » prend en charge les conséquences de l'utilisation de pesticides, notamment dans le secteur agricole ;

• de même, le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a été mis en place dès 2001 ;

- d'autre part, les solutions envisagées pour le financement d'une nouvelle branche ne sont pas satisfaisantes.

La proposition 22 estime ainsi qu'il faut « adapter la fiscalité environnementale afin d'assurer le financement de la sécurité sociale écologique », c'est-à-dire affecter des recettes vertes à cette nouvelle branche de sécurité sociale. Pour la rapportrice : « l'intérêt principal d'une branche de sécurité sociale dédiée au risque environnemental réside dans la possibilité de renforcer le consentement à l'impôt en finançant les dépenses afférentes par des recettes en lien direct avec elles ».

Le groupe Les Républicains est, par principe, défavorable à la fiscalisation du financement de la sécurité sociale qui lui fait perdre sa logique assurantielle. La tendance de fond observée entre 1990 et 2020, où la part des impôts et taxes affectés est passée de 3,4 % à 29,4 % des ressources de la sécurité sociale, ne saurait être une justification suffisante pour remettre en cause l'esprit de ce modèle.

Par ailleurs, il nous semble dangereux de recourir à une fiscalité environnementale, même si celle-ci peut être dynamique, du fait de la pression croissante qu'elle exerce sur le pouvoir d'achat des ménages, notamment dans les zones peu denses.

Dans le même esprit, notre groupe politique se montre très réservé s'agissant de « la légitimité d'une contribution des ménages, proportionnelle à leur empreinte environnementale, au financement de la couverture sociale des risques environnementaux ». Cette proposition nous semble d'abord d'une grande complexité dans sa mise en oeuvre et nous semble surtout, génératrice d'injustice, notamment pour les ménages des zones périurbaines et rurales.

Le rapport estime aussi que le financement de la couverture sociale des risques environnementaux pourrait également reposer sur les ressources actuellement affectées, via la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), au remboursement de la dette sociale.

Or, comme le rappelle le rapporteur général de la commission des affaires sociales du Sénat 309 ( * ) , l'objectif d'extinction de la dette de la sécurité sociale, poursuivi depuis 1996, repose sur une idée simple : il revient à chaque génération de financer ses dépenses de protection sociale sans en transmettre le coût aux générations suivantes.

Deux lois récentes ont transféré à la Cades de nouvelles dettes d'un montant maximal de 136 milliards d'euros (soit plus de la moitié des dettes jusqu'alors confiées à la caisse depuis sa création) : 31 milliards pour la reprise de déficits passés ; 92 milliards à titre provisionnel pour couvrir les déficits des années 2020 à 2023, du fait de la crise actuelle ; 13 milliards ne correspondant à aucun déficit mais à la prise en charge du coût d'un tiers de la dette des hôpitaux.

Ces transferts nécessitent de prolonger la date limite de l'amortissement de la dette sociale, dont l'extinction était jusqu'alors prévue en 2024 au 31 décembre 2033.

La Cades a été conçue pour n'avoir qu'une existence provisoire. Une fois sa mission d'apurement de la dette sociale achevée, elle doit disparaître, tout comme d'ailleurs la recette spécifique qui lui a été affectée à cette fin : la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

• Le groupe Les Républicains ne souhaite pas lier le financement des acteurs de la santé par l'assurance maladie à la poursuite d'objectifs environnementaux.

Pour les sénateurs du groupe Les Républicains, il n'est pas opportun de lier le financement d'établissements de santé à leurs efforts en matière environnementale mais il faut encourager les démarches qui existent.

La mise en place d'une politique de développement durable dans le secteur de la santé fait partie du Ségur de la santé. Le ministère des Solidarités et de la Santé a annoncé, en octobre 2021, la création de nouveaux postes de conseillers en transition énergétique et écologique en santé (CTEES). Ces professionnels exerceront dans les hôpitaux, les cliniques et les Ehpad. L'objectif est d'accompagner des actions pour réduire l'empreinte carbone.

Il existe un guide des pratiques vertueuses en développement durable pour les établissements sanitaires et médico-sociaux, édité en octobre 2021 par le Comité pour le développement durable en santé (CD2S). Cette association fédère près de 730 établissements engagés dans une démarche de développement durable : des CHU, des centres hospitaliers, des cliniques, des EHPAD ou des centres de lutte contre le cancer... Le CD2S y dresse un état des lieux d'actions concrètes déjà entreprises dans certains établissements, et de leurs effets sur les bilans d'émissions de gaz à effet de serre.

• Le groupe Les Républicains demeure vigilant sur d'éventuelles contraintes nouvelles qui seraient imposées aux entreprises.

Plusieurs propositions du rapport nous semblent source de complexité pour les entreprises, notamment les plus petites, alors même qu'un consensus politique se dégage aujourd'hui pour considérer qu'il faut baisser les contraintes qui pèsent sur elles.

Pour cette raison, le groupe Les Républicains est réservé sur la proposition 30 qui vise à « améliorer le suivi de la santé au travail en France en assurant la bonne réalisation des DUERP et les adresser chaque année à Santé publique France afin d'évaluer l'exposition aux risques sanitaires ». Dans le même esprit, la proposition 33 qui vise à « modifier l'article L. 2112 3 du code de la commande publique pour permettre aux acheteurs publics de prendre en compte la dimension RSE dans leurs appels d'offres » nous semble également de nature à porter préjudice aux petites entreprises. Nous appelons à une certaine vigilance pour que les contraintes ne soient pas manifestement disproportionnées par rapport au bénéfice environnemental attendu.

• Le groupe Les Républicains défend un nouveau modèle de croissance.

Le changement climatique doit nous amener à réfléchir à un nouveau modèle de croissance. Il s'agit même d'une opportunité pour construire une croissance décorrélée des émissions de gaz à effet de serre.

Le groupe Les Républicains se montre donc très réservé sur la proposition 17, et ses implications potentielles, qui vise à « affiner l'évaluation des conséquences du changement climatique sur la croissance économique et le financement de la protection sociale afin de mieux orienter les politiques publiques ». Les conséquences du changement climatique sur la croissance économique ne doivent pas être une opportunité pour un renoncement à une croissance respectueuse de l'environnement.

• Le groupe Les Républicains est réservé sur la création d'une allocation alimentaire durable.

Cette proposition qui vise à organiser une « concertation nationale pour élaborer de manière démocratique les fondements d'une allocation alimentaire durable ou de mécanismes plus ciblés favorisant la consommation de produits sains, locaux et de qualité » ne nous semble pas prendre en considération l'ensemble des dispositifs redistributifs nationaux ni les initiatives menées par les collectivités territoriales en vertu des compétences qui leur ont été attribuées par le code général des collectivités territoriales.

Contribution du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires
au rapport de la mission d'information sur la sécurité sociale écologique

La sécurité sociale vise à garantir une existence décente à toutes et tous, chacun participant à son financement selon ses moyens. L'entraide mutuelle ainsi institutionnalisée vise à préserver les individus contre les risques de l'existence. Ce modèle historique doit être défendu et renforcé dans son caractère démocratique et universel : il est au coeur de notre modèle social depuis l'ordonnance du 4 octobre 1945.

Afin de la préserver, il convient d'adapter la sécurité sociale aux défis de notre temps. La sécurité sociale pourra-t-elle protéger les individus des bouleversements environnementaux présents et futurs ? Quelle place peut prendre la sécurité sociale dans la prévention et l'atténuation de ces risques ?

C'est cette interrogation qui a présidé à la création de cette mission d'information, à l'initiative du groupe GEST et de sa rapportrice Mélanie Vogel. Nous remercions le président Guillaume Chevrollier et l'ensemble des membres de la mission d'information pour leur travail. Les constats figurant dans ce rapport sont une base de réflexion solide afin de changer de paradigme : la défense de l'environnement et de la santé humaine ne peuvent plus être considérées séparément .

Toutefois, nous proposons un ensemble de recommandations plus ambitieuses et structurantes que celles présentées dans le rapport. Ces mesures s'appuient sur les constats présentés en auditions, dont il faut souligner le caractère largement consensuel . La majorité sénatoriale partage en effet toujours les constats posés en audition, mais ne semble plus vouloir prendre acte des transformations qu'ils supposent. En dépit de positions divergentes, un accord a été trouvé sur l'essentiel, cependant notre groupe estime qu'il aurait pu être plus ambitieux .

La sécurité sociale écologique est un moyen de s'interroger sur notre modèle de société afin de la rendre durable et résiliente.

C'est dans cette optique que nous présentons les orientations suivantes :

Pour relever les défis climatiques du XXI e siècle, la création d'une nouvelle branche de sécurité sociale dédiée à la couverture des risques environnementaux est une solution majeure. Cette sixième branche pourrait couvrir le remboursement aux cinq autres branches des dépenses effectuées au titre du risque social qu'elles couvrent et identifiées comme étant liées au dérèglement climatique, à savoir :

1) Le financement des dépenses de prévention des risques naturels ;

2) L'intervention publique en matière d'assurance récolte ;

3) La couverture des risques environnementaux devenus non assurables par les organismes privés ;

4) La compensation des conséquences du changement climatique sur les revenus des ménages les moins aisés ;

5) Le financement de l'accompagnement des mutations professionnelles.

Nous sommes attachés à ce que le modèle de gouvernance de cette branche soit pluraliste, démocratique et décentralisé. Nous proposons que soient parties prenantes à sa gouvernance les acteurs du social, de l'économie et de l'environnement ainsi que des citoyens tirés au sort. Les financements peuvent être multiples : les économies considérables pouvant être générées par l'assurance maladie du fait de la transition d'un système curatif vers un système préventif, l'affectation du produit de la fiscalité environnementale ou des ressources dédiées au remboursement de la dette sociale une fois celle-ci éteinte, ou encore une c ontribution des ménages, proportionnelle à leur empreinte environnementale et à leurs revenus et patrimoines, et des organismes d'assurance.

Rendre effectif le droit à l'alimentation saine doit être un objectif prioritaire : nous défendons le financement par cette nouvelle branche d'une allocation alimentaire universelle de 150 euros par mois et par individu . La crise de la Covid-19 a aggravé une situation d'urgence, plus de 8 millions de personnes en France sont en situation d'insécurité alimentaire, et plus de 5,5 millions sont des bénéficiaires réguliers de l'aide alimentaire. Cette allocation permettrait notamment à celles et ceux d'entre nous qui sont les plus précaires d'avoir un accès facilité à une alimentation de qualité, de mieux rémunérer les paysannes et les paysans, d'accélérer et de faciliter la transition du monde agricole en limitant les pesticides et les perturbateurs endocriniens. Les politiques alimentaires doivent être territorialisées et décentralisées. Enfin, nous proposons la création d'une compétence « alimentation » ou d'un « chef de filât » en matière de lutte contre la précarité alimentaire pour une catégorie de collectivité territoriale à définir.


* 309 Rapport n° 659 (2019-2020) de M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 juillet 2020.

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