D. UN OFFICE RENOUVELANT SON RÔLE EN S'OUVRANT DAVANTAGE VERS LES ARMÉES ET LA JEUNESSE
1. Le renouvellement du rapport de l'ONACVG à l'armée et aux combattants : vers une collaboration plus étroite
L'ONACVG a étendu ses liens avec les armées et notamment l'armée de terre. Son changement de nom, l'Office devant s'appeler « Office National des Combattants et des Victimes de Guerre » au 1 er janvier 2023, reflète cette ouverture.
En effet, une difficulté constatée dans le rôle de l'Office auprès de la 4 e génération du feu est que de nombreux anciens militaires ne réalisent pas les démarches pour devenir ressortissant de l'ONACVG alors même qu'ils remplissent les conditions nécessaires . Cette absence de démarche a plusieurs origines, notamment :
- une absence d'information des anciens militaires, qui ne connaissent pas l'Office ou ne savent pas qu'ils sont en capacité de devenir ressortissant ;
- une volonté délibérée de ne pas chercher à devenir ressortissant, car quittant l'institution militaire, ils ne souhaitent pas revendiquer le statut d'ancien combattant ou car ils ne se reconnaissent pas dans l'appellation d'ancien combattant. L'administration comme les associations d'anciens combattants insistent sur le fait que la carte remise est bien la carte du combattant et non pas la carte de l'ancien combattant. Son plus jeune titulaire en 2022 avait 19 ans.
Il n'y a pas de délai de prescription pour demander le bénéfice du statut de combattant . Le fait de ne pas réaliser cette demande au moment de son départ de l'institution militaire n'empêche pas de réaliser cette démarche plus tard.
L'armée de terre a mis en place une action visant à identifier grâce à son système d'information RH les anciens militaires remplissant les conditions pour se voir attribuer la carte du combattant sans en être titulaire afin de reprendre contact avec ces personnes et les inviter à réaliser la démarche. Le rapporteur spécial ne peut que saluer une telle action.
L'Office a aussi récemment mis en oeuvre des partenariats avec l'armée de terre afin de rendre la transition entre le statut de militaire et le statut de ressortissant de l'ONACVG la plus fluide possible . Les services de l'armée de terre vont ainsi systématiquement faire réaliser une demande d'attribution de la carte du combattant aux militaires qui remplissent les conditions.
Selon l'Office, cette action a permis de résoudre le problème du flux , la très grande majorité des militaires quittant l'armée de terre le faisant en tant que ressortissants de l'ONACVG, ce dont le rapporteur spécial se félicite. La difficulté principale réside donc actuellement dans le « stock », soit les militaires ayant quitté l'institution avant la mise en place par l'armée de terre du démarchage systématique des militaires pour le statut de ressortissant de l'ONACVG. C'est pour atteindre ces militaires que l'armée de terre a mis en oeuvre son action de retraçage via un logiciel RH.
Si l'armée de terre a mis en oeuvre des actions pour permettre une meilleure transition des militaires vers l'Office, ce n'est pas le cas de l'armée de l'air, de la marine ou des corps de gendarmerie et de pompiers dont les militaires pourraient prétendre au statut de ressortissant .
Le rapporteur spécial appelle à une généralisation des bonnes pratiques de l'armée de terre à l'ensemble des corps d'armée dont une partie significative des militaires peuvent prétendre à la qualité de ressortissant de l'ONACVG à la fin de leur service.
Enfin, l'Office doit en 2023 devenir le chef de projet du dispositif ATHOS, un dispositif récent d'accompagnement et d'aide à la réinsertion d'anciens militaires souffrant de blessures psychiques après leur départ de l'armée.
Recommandation n° 3 : Généraliser les interventions de l'ONACVG auprès des différents corps d'armée afin de limiter au maximum les départs de militaires pouvant prétendre à la qualité de combattants sans réalisation des démarches nécessaires pour devenir ressortissant de l'Office.
2. L'Office comme acteur et partenaire central du renforcement des politique de lien Armées-jeunesse
a) Une ouverture vers la jeunesse à caractère pédagogique ancienne
Il s'agit d'une compétence qui était déjà exercée à travers l'organisation et la participation à des concours réalisés en partenariat avec l'Éducation nationale ainsi qu'à travers des actions ponctuelles réalisées auprès de publics scolaires.
L'ONACVG organise les concours « petits artistes de la mémoire » et « bulles de mémoire », respectivement à l'intention des élèves de primaires et des élèves de secondaire.
Le concours « petits artistes de la mémoire » consiste à la réalisation d'un carnet de poilu par des élèves de primaire. Le poilu choisi est généralement un soldat mort pour la France dont le nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune.
Le concours « bulles de mémoire » propose la réalisation d'une bande dessinée sur un conflit du 20 e siècle par des élèves de secondaire. Ce concours est ouvert à tous les élèves de secondaire qui peuvent s'inscrire individuellement ou en groupe auprès du référent mémoire de l'ONACVG de la région.
L'ONACVG participe également au concours national de la résistance et de la déportation , organisé par l'Éducation nationale, qui consiste en la réalisation d'un devoir ou d'un travail collectif portant sur les thèmes de la résistance et de la déportation. L'Office et la DCMA font partie des partenaires de ce concours. L'Office en particulier participe au financement du concours au niveau départemental, à hauteur de 75 000 euros annuels, et en participant à la correction des oeuvres et à l'organisation des cérémonies de remise de prix.
L'Office intervient également de manière ponctuelle auprès de classes, pour réaliser des présentations dans le cadre de programmes mémoriels nationaux, comme, par exemple, le programme « La guerre d'Algérie. Histoire commune, mémoire partagée ? ». Ces présentations peuvent faire intervenir une exposition et une mallette pédagogique (comportant des ressources historiques, pédagogiques, scientifiques et culturelles sur le conflit) de l'Office et peuvent faire intervenir un ou des ressortissants de l'ONACVG qui pourront présenter leurs parcours de vie et leurs mémoires aux élèves, afin de permettre une confrontation des subjectivités mémorielles. L'ONACVG a lancé un travail pédagogique sur les combattants d'Afrique suite à l'annonce du Président de la République d'août 2019 et a lancé en 2021 un programme sur les OPEX. Ce programme sur les OPEX doit se doubler d'un volet de témoignage en classe en 2022.
L'Office a également un rôle de financeur. Outre l'organisation et le financement de concours scolaire, de manière assez similaire à son rôle de financeur de la vie associative et mémorielle locale, l'ONACVG peut financer toute initiative scolaire en lien avec la mémoire. Notamment, l'Office peut jouer un rôle de financeur dans le cadre du dispositif des « classes de défense » , dans lequel une unité militaire peut parrainer une classe, qui réalisera alors des actions en lien avec l'unité la parrainant, comme, par exemple, une visite de la base dans laquelle elle réside. Ce rôle de financeur est particulièrement important puisque le dispositif de classe de défense ne disposait d'aucun financement propre jusqu'en 2021 et ne dispose en 2022 que d'un financement de 750 000 euros, alors qu'un objectif de doublement de leur nombre, de 400 à 800, avait été annoncé par Mme Geneviève Darrieussecq, alors ministre déléguée en charge des anciens combattants et de la mémoire, et que ces 750 000 euros doivent financer l'intégralité des actions portées par la DSNJ.
Enfin, l'Office intervient ponctuellement dans le cadre de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Chaque JDC met en avant une problématique à laquelle elle tente de sensibiliser les jeunes qui la suivent (par exemple l'égalité femme-homme ou les situations de handicap) selon le mois où elle est réalisée. Deux mois par an, la problématique est la mémoire et la DSNJ va pouvoir se reposer sur les ressources pédagogiques de l'ONACVG ou visiter un lieu de mémoire local, qui sera alors entretenu ou mis en valeur par L'Office.
Ce rôle se retrouve dans la « Journée Défense et Mémoire » que devra contenir le Service national universel.
b) Une volonté politique de renforcement du lien Armées-jeunesse entraînant une extension et une modernisation de cette ouverture
En l'état actuel des actions de l'ONACVG et de la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ), la DSNJ tout comme la direction de la culture, de la mémoire et des archives (DCMA) estime toucher 10 % d'une classe d'âge : en fin de secondaire, un lycéen sur dix a ainsi été en contact avec une action de sensibilisation à la mémoire.
Face à ce constat, la DSNJ souhaite « industrialiser », selon le terme employé par M. le Général d'armée Daniel Menaouine 27 ( * ) , la sensibilisation à la mémoire et aux valeurs de défense des jeunes. L'esprit initial du Service National Universel, pour la préfiguration duquel l'Office a joué un rôle majeur, relevait de cette logique. Le SNU devait prendre la forme d'un séjour durant lequel les valeurs de citoyenneté et de civisme seraient prévalentes et pendant lequel une journée entière devait systématiquement être dédiée à la mémoire. Cette journée, prénommée « Journée Défense et Mémoire », a été réalisée lors de la préfiguration du SNU par les personnels de l'ONACVG. Ces mêmes personnels, qui ne sont pas suffisamment nombreux pour réaliser l'animation de la JDM d'un SNU généralisé, sont chargés de former les futurs animateurs de la JDM. L'ONACVG est également à l'origine des maquettes pédagogiques employées pour l'animation des JDM , comme, par exemple, la mallette « explique-moi une cérémonie ». L'Office aura engagé 68 000 euros en 2020 28 ( * ) dans la préfiguration du SNU, ce qui représente une participation directe somme toute mineure. L'essentiel de l'effort de l'Office relève des coûts de masse salariale que représentent les agents mis à disposition, qui n'ont pas été isolés.
Dans le cadre de sa généralisation, le SNU s'est vu attribuer un secrétariat d'État et a été rattaché au ministère de l'éducation nationale. Bien que des interrogations persistent sur la forme que prendra au final le SNU, il semblerait que la JDM ait vocation à persister sous son format actuel. L'ONACVG continuerait ainsi d'être mobilisé comme formateur et créateur de ressources pédagogiques.
Le rapporteur souhaite cependant souligner que si l'Office et notamment son département de la mémoire et de la citoyenneté (24 agents) ont pu assurer directement les JDM dans le cadre de la préfiguration du SNU et ont été capables de former les animateurs du SNU dans le cadre d'un SNU élargi à 20 000 jeunes, ils estiment ne pas disposer des ressources humaines nécessaires pour être en mesure de former, selon les modalités actuelles, suffisamment d'animateurs dans le cadre d'une généralisation complète du SNU 29 ( * ) (pour ordre de grandeur, une cohorte de 780 000 jeunes devait réaliser sa JDC en 2021).
Suivant la même logique d'augmentation de l'impact de son action auprès de l'Éducation nationale, L'ONACVG a également fait le choix de réorienter ses efforts, cherchant à intervenir prioritairement auprès des professeurs et non plus des élèves. L'Office espère ainsi toucher un nombre beaucoup plus important de jeunes à travers les professeurs.
Enfin, l'ONACVG, en plus de son rôle pour la mise en oeuvre du SNU, est un partenaire majeur et essentiel de la DSNJ sur l'ensemble des actions portées par la DSNJ . Les deux entités ont ainsi conclu deux conventions de partenariat, une relative à une coopération générale entre la DSNJ et l'Office et une spécifique à l'action « aux sports jeunes citoyens » 30 ( * ) . La première convention générale date de 2018 et a été renouvelée en 2022.
Dans le cadre de cette coopération, l'ONACVG met à la disposition de la DSNJ ses ressources pédagogiques ainsi que son réseau départemental. En effet, la DSNJ ne dispose que de 33 centres dispersés sur le territoire et est donc loin d'être représentée dans la totalité des départements. Les antennes locales de l'ONACVG permettent la projection des actions de la DSNJ sur la totalité du territoire.
Les actions récentes menées par la DSNJ et l'ONACVG, dont l'illustration la plus claire est le programme « aux sports jeunes citoyens » cherchent à éviter l'écueil principal des actions plus classiques comme les concours : le risque d'agir auprès d'un public déjà sensibilisé. Les nouvelles actions mettent en avant le sport comme moyen d'attirer un public plus large et utilisent des activités plus pédagogiques pour le sensibiliser aux enjeux de mémoire. Ces activités peuvent prendre la forme de rallye mémoire ou d' escape games mémoriels.
Le rapporteur spécial tient à souligner une difficulté significative pour la mise en oeuvre de ces actions : elles ne disposaient pas de financement propre jusqu'en 2022 et ne disposent en 2022 que de 750 000 euros dédiés . Cette somme est présumée couvrir l'intégralité des dispositifs, classes de défense comprises.
Le rapporteur spécial estime que la situation actuelle n'est pas satisfaisante , dans la mesure où de telles actions nécessitent évidemment un financement pour être mise en oeuvre et de ne pas en prévoir un emporte plusieurs conséquences :
- la mise en oeuvre des actions de lien entre la jeunesse et les armées dépend entièrement du bon vouloir des acteurs et elles peuvent aisément être remises en cause par un redéploiement des crédits qui y sont effectivement dédiés ;
- la mise en oeuvre des actions rogne directement sur les marges de manoeuvre des responsables de programmes sur lesquels les crédits employés sont prélevés ;
- la documentation budgétaire ne porte pas trace des crédits qui sont effectivement dédiés aux actions de liens entre la jeunesse et les armées, empêchant la représentation nationale d'en prendre connaissance ou de s'exprimer sur la pertinence des montants alloués.
À la demande du rapporteur spécial, l'Office a estimé son effort budgétaire en faveur des actions spécifiquement de liens entre la jeunesse et les armées à plus de 650 000 euros en 2021 31 ( * ) . Il s'agit d'une estimation a minima qui exclut le coût en masse salariale des agents de l'Office qui auront participé à ces actions et les crédits à destination de la politique de la pierre qui ont été utilisés à des fins de valorisation pédagogique. Cette estimation ne prend également pas en compte les crédits en provenance de la mission Défense consacrés à cette politique. Une somme supérieure à 700 000 euros peut être attendue pour 2022 32 ( * ) .
Recommandation n° 4 : Individualiser et préciser les montants des actions en faveur du lien armée-jeunesse au niveau d'une sous-action de l'action mémoire du programme 169.
* 27 M. le Général d'armée Daniel Menaouine est le Directeur de la DSNJ. Il a été entendu par le rapporteur spécial.
* 28 38 000 euros de conception des supports, 15 000 euros de formation des animateurs, 15 000 euros en indemnités.
* 29 Audition du directeur du département de la mémoire et de la citoyenneté de l'ONACVG, le lundi 5 septembre 2022.
* 30 Deux autres entités partenaire sont également signataire de la convention, le centre national sport et défense et la fédération des clubs de défense.
* 31 Répartition des crédits : 200 000 € de tirés du programme 167 pour des « actions pédagogique », 330 000 € tirés de la quête du bleuet de France pour des actions en direction de la jeunesse (ex : rallyes mémoriels), 75 000 euros de participation au concours national de la résistance et de la déportation, 55 000 euros pour le concours bulles de mémoire
* 32 Les « actions pédagogiques » du programme 167 sont budgétées à hauteur de 350 000 euros, les 330 000 euros issus du bleuet de France sont constant, ainsi que les 75 000 euros du concours national de la résistance et de la déportation. Le cout du concours bulle de mémoire devrait lui être moins important, la session 2020-2021 ayant entrainé des surcouts du fait d'une relance post-Covid.