Remise du prix de la délégation à Shoukria Haidar

Chère Madame,

C'est avec un grand intérêt, mais aussi beaucoup d'émotion, que nous avions entendu votre témoignage lors de la table ronde du 25 novembre 2021 consacrée à la situation des femmes et des filles en Afghanistan, en même temps que notre précédente lauréate.

Vous êtes vous-même Afghane, vous êtes née à Kaboul, y avez grandi et étudié. Vous avez malheureusement dû quitter votre pays en 1980, après l'invasion soviétique, et avez obtenu l'asile politique en France. En 1995, vous êtes retournée à Kaboul pour une très brève période, avec le désir de participer à la reconstruction de l'Afghanistan. Mais quelques mois plus tard, les milices des talibans prenaient le contrôle du pays. En octobre 1996, juste après la prise de Kaboul par les talibans, vous décidez, avec des femmes afghanes établies en France et des femmes françaises, de créer une association en réponse aux messages de détresse envoyés par des femmes d'Afghanistan : l'association Negar-Soutien aux femmes d'Afghanistan.

Avec celle-ci, vous informez et mobilisez l'opinion publique et les décideurs politiques, vous faites connaître les agissements des talibans et faites entendre la voix des femmes afghanes.

Dès la chute du régime taliban en décembre 2001, l'association Negar s'installe officiellement à Kaboul et organise des conférences mixtes pour débattre des problèmes et attentes des femmes afghanes.

Depuis vingt-cinq ans - vous faites preuve de beaucoup de persévérance -, vous oeuvrez en faveur des droits des filles et des femmes afghanes, notamment à travers des actions pour l'éducation. Nous pouvons ainsi citer le financement du transport de jeunes filles vers leurs établissements scolaires, l'organisation de cours de rattrapage, le soutien aux enseignantes et bibliothécaires, la réparation et l'entretien de bâtiments scolaires, et beaucoup d'autres actions encore.

Depuis la chute de Kaboul en août 2021 et le retour au pouvoir des talibans, vous interpellez la communauté internationale sur la situation des femmes afghanes. Vous militez pour que ce régime ne soit pas reconnu. Comme vous le dites si bien, « dire oui à la reconnaissance des talibans, c'est dire non à la reconnaissance des droits des femmes, à la démocratie, à la liberté, aux droits de l'homme ».

Lors de notre table ronde du 25 novembre 2021, vous aviez notamment eu cette phrase forte et je pense importante à entendre pour tous ceux qui seraient tentés par un relativisme culturel : « Ce que font les talibans ne relève pas de la culture ou de la tradition de l'Afghanistan, de la religion ou de la culture ancestrale. » Il ne faut évidemment pas imaginer cela. C'est aussi un message d'espoir pour l'Afghanistan, qui ne saurait être assimilé au régime des talibans. Les femmes afghanes ont connu des périodes d'émancipation avec des droits à l'éducation et au travail. Le combat doit continuer afin que cette émancipation soit de nouveau possible.

C'est le sens de votre engagement au long cours avec l'association Negar-Soutien aux femmes d'Afghanistan.

Pour cette raison, je suis très heureuse de mettre à l'honneur cet engagement en vous remettant cette médaille, au nom de la délégation tout entière.

Les thèmes associés à ce dossier