- L'ESSENTIEL
- AVANT-PROPOS
- I. INSTALLATION DES AGRICULTEURS : DES MOYENS
DÉJÀ CONSÉQUENTS MAIS INADAPTÉS AUX NOUVELLES
RÉALITÉS DU MONDE AGRICOLE
- II. AVOIR LE COURAGE DE METTRE LES DISPOSITIFS
D'AIDE À L'INSTALLATION AU SERVICE D'ORIENTATIONS AGRICOLES
DÉFINIES
- I. INSTALLATION DES AGRICULTEURS : DES MOYENS
DÉJÀ CONSÉQUENTS MAIS INADAPTÉS AUX NOUVELLES
RÉALITÉS DU MONDE AGRICOLE
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- ANNEXE 1
ÉTUDE COMPARÉE AVEC L'ALLEMAGNE ET L'ESPAGNE
- ANNEXE 2
COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES
À LA COMMISSION DES FINANCES
N° 521
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 avril 2023
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur la politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles,
Par MM. Patrice JOLY et Vincent SEGOUIN,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.
L'ESSENTIEL
La commission des finances du Sénat a eu recours à l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, qui lui permet de demander des enquêtes à la Cour des comptes, pour que soient passés au crible les dispositifs d'aide à l'installation des agriculteurs et les politiques de transmission des exploitations agricoles. À l'issue de cette enquête, le Premier président de la Cour des comptes est venu en présenter les conclusions à la commission des finances.
Dans le prolongement de ces travaux, les rapporteurs spéciaux de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », ont souhaité démontrer la nécessité de développer une approche territoriale plus fine de l'installation des agriculteurs.
S'appuyant sur les transformations profondes du monde agricole mises en évidence dans l'enquête, et reprenant à leur compte les quatre propositions formulées par la Cour des comptes, ils préconisent d'aller plus loin en sortant de la logique « de guichet », propice à un saupoudrage des aides qui ne permet pas de mesurer leur performance. Ils souhaitent faire du dispositif d'aides à l'installation et à la transmission des exploitations un outil au service d'objectifs agricoles assumés au niveau national, tout en faisant confiance aux territoires pour appuyer ensuite cette politique, après un indispensable inventaire destiné à mieux connaître les besoins agricoles, région par région. Ils appuient certaines de leurs préconisations sur les exemples allemand et espagnol, grâce à la réalisation d'une étude comparée sur le rôle de l'échelon régional dans les dispositifs d'aide à l'installation agricole et dans les dispositifs de transmission d'exploitation, qu'ils ont diligentée.
Il ressort de cette étude que certains länder allemands et certaines communautés autonomes espagnoles, malgré des facteurs exogènes parfois plus défavorables encore que ceux connus par la France, parviennent à attirer de nouveaux agriculteurs et contribuent à une redynamisation de certaines filières, au prix d'un volontarisme politique plus affirmé, d'actions novatrices et d'une bonne coordination avec l'échelon national.
Dans ce contexte, le transfert aux régions de nouvelles compétences en matière d'installation agricole, depuis le 1er janvier dernier, leur apparaît avoir été mené de manière précipitée : il convient de mettre en place rapidement des indicateurs de suivi précis des besoins en installation d'exploitants agricoles par filière et par région. Ce travail liminaire est indispensable pour reprendre la main sur le pilotage de la population active agricole, un des nombreux leviers indispensables si l'on souhaite rendre à la France sa souveraineté alimentaire.
I. INSTALLATION DES AGRICULTEURS : DES MOYENS DÉJÀ CONSÉQUENTS MAIS INADAPTÉS AUX NOUVELLES RÉALITÉS DU MONDE AGRICOLE
A. LE SECTEUR AGRICOLE SE TRANSFORME EN PROFONDEUR
La sociologie des agriculteurs et des exploitants agricoles a beaucoup évolué. Les travailleurs agricoles sont de moins en moins nombreux et de plus en plus âgés. La proportion de foyers où 100 % des personnes physiques en âge de travailler sont exploitants agricoles diminue. Le déclin démographique de la population active agricole française se poursuit.
Il sera bientôt anachronique de lire, à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, que « la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités de (...) préserver le caractère familial de l'agriculture et l'autonomie et la responsabilité individuelle de l'exploitant ».
En parallèle, les professions agricoles sont de moins en moins féminisées : le déclin de la part des femmes dans la population active agricole s'accentue. Alors que celles-ci comptaient pour 41 % des exploitants en 1980, quel que soit leur statut (cheffe d'exploitation, co-exploitante ou aides familiaux), soit peu ou prou la part observée dans l'ensemble de la population active, elles représentent aujourd'hui 25 % des exploitants.
Par ailleurs, on constate une diversification des formes sociétaires auxquelles les exploitants ont recours. En fonction des situations (antériorité de l'exploitation, filière concernée, degré de diversification, nombre d'employés ou d'associés, etc.), presque toutes les formes juridiques d'entreprises ont cours dans le domaine agricole : entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), société civile d'exploitation agricole (SCEA), groupement foncier agricole (GFA), formes commerciales de type société anonyme (SA, SAS, SARL), etc.
Le contexte hyperconcurrentiel conduit en outre à un agrandissement de la taille moyenne des exploitations permettant des économies d'échelle.
Taille moyenne des exploitations en 2010 et en 2020
(en production brute standard)
Source : Cour des comptes
Ces caractéristiques nouvelles doivent être mieux prises en compte pour accompagner les installations et donc adapter les dispositifs d'aide à l'installation, de manière beaucoup plus réactive.
Les rapporteurs spéciaux ont constaté au cours de la mission qu'il existe une forme d'étanchéité entre l'évolution de la population agricole, le contexte économique et les critères d'attribution des aides à l'installation.
B. CES TRANSFORMATIONS NE SONT PAS LE FRUIT D'UNE POLITIQUE AGRICOLE HOMOGÈNE ET RÉFLÉCHIE
À l'initiative de la commission européenne, un règlement a été adopté pour que chaque État membre élabore son Plan stratégique national (PSN) dans la perspective de la nouvelle période de référence de la politique agricole commune (PAC) pour 2023-2027. Le PSN français est très ambitieux, ce dont on pourrait se réjouir s'il ne comportait pas objectivement des objectifs inconciliables à moyen terme.
Le décalage entre ces objectifs agricoles sans cesse réaffirmés (souveraineté alimentaire, agriculture durable, renforcement du « bio » et diversification des cultures) et la tendance réellement constatée (absence de solution concrète pour réduire les besoins en eau, disparition des haies et des bocages pourtant sources de biodiversité, du fait de l'extension de la taille des exploitations, hausse des importations alimentaires, concentration des activités sur certaines filières, recul du bio, trop coûteux pour les consommateurs en période d'inflation) conduit les rapporteurs spéciaux à considérer que la France ne parvient pas à suivre le cap agricole qu'elle a déterminé.
Tout en naviguant à vue s'agissant du cap, la France réorganise paradoxalement sa gouvernance agricole : les rapporteurs spéciaux sont conscients du défi que constitue la conciliation de toutes les politiques publiques ici en jeu (alimentation, santé, concurrence économique, emploi, formation, etc.), mais ils considèrent que l'on ne fait pas les choses dans l'ordre en procédant ainsi. Puisque les régions, depuis le 1er janvier 2023, assurent l'attribution des fonds européens d'aides à l'installation agricole, elles doivent disposer de « capteurs » pour redynamiser le répertoire départ-installation : en place depuis 1995, il est l'objet de disparités très fortes entre les territoires.
C. LES MÉCANISMES D'AIDE À L'INSTALLATION, BIEN QUE CONSÉQUENTS, APPARAISSENT DISSÉMINÉS ET INSUFFISAMMENT CIBLÉS
Les rapporteurs spéciaux retiennent qu'il existe deux grands types d'aides à l'installation agricole en France, pour un total annuel d'environ 379 millions d'euros : d'une part, le programme d'accompagnement à l'installation et à la transmission en agriculture (AITA), destiné à tous les candidats sans critère d'âge, et, d'autre part, les aides directes ou indirectes, majoritairement ciblées sur les moins de 40 ans ou les bénéficiaires de la dotation jeune agriculteur (DJA).
Le pilotage de ces dispositifs, notamment dans le cadre de l'AITA, relève d'acteurs variés qui sont désignés après une mise en concurrence (chambres d'agricultures, mutualité sociale agricole, associations). Sur un même territoire, un acteur peut donc gérer un volet comme les « points accueil installation » (PAI), tandis qu'un autre acteur sera compétent par exemple pour le volet « préparation à l'installation ». En fonction du degré de coopération entre ces organismes, il peut en résulter des problèmes de fluidité alors qu'il faut coordonner ces maillons d'une même chaîne.
II. AVOIR LE COURAGE DE METTRE LES DISPOSITIFS D'AIDE À L'INSTALLATION AU SERVICE D'ORIENTATIONS AGRICOLES DÉFINIES
A. MIEUX MESURER LA PERFORMANCE DES DISPOSITIFS D'AIDE À L'INSTALLATION
Quelle proportion des aides est perçue à l'aune d'un simple effet d'aubaine ? Quelle proportion des nouveaux installés aurait renoncé sans les dispositifs d'aide ? Quel impact la réorientation des dispositifs d'aide a sur le nombre de nouvelles installations ? Aucun des interlocuteurs entendus n'a été en mesure de vraiment répondre à l'une de ces trois questions pourtant essentielles.
Afin de remédier à cette situation, plusieurs éléments de performance doivent, selon les rapporteurs, désormais être mieux pris en compte. Il s'agit de la capacité à réduire le flux de ceux qui quittent en cours de route le processus d'aide à l'installation, d'améliorer le taux d'accès aux dispositifs de ceux qui remplissent les critères mais ne bénéficient pourtant pas des aides existantes et enfin d'être davantage proactif dans le suivi des déclarations d'intention de cessation d'activité agricole (DICAA).
Les régions qui ont débuté ce travail obtiennent des résultats à condition d'une forte implication des acteurs, d'un suivi minutieux et d'un engagement de la chambre d'agriculture concernée qu'objectivement on ne trouve pas partout : la chambre d'agriculture des Hauts-de-France fait par exemple état d'un taux de retour du formulaire qu'elle adresse, quelques années avant un départ à la retraite, d'environ 70 %, soit trois fois plus que dans d'autres régions, grâce à un suivi personnalisé des agriculteurs dont la cessation d'activité approche mais aussi parce qu'elle ne se contente pas d'échanges écrits, impersonnels et purement administratifs.
B. FAIRE DE L'AIDE À L'INSTALLATION UN OUTIL AU SERVICE DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE EN RÉFORMANT LES CRITÈRES D'ACCÈS AUX DISPOSITIFS
Les critères pour bénéficier des aides ne sont donc pas ciblés sur les objectifs assignés à l'agriculture, mais sur des caractéristiques devenues obsolètes compte tenu des transformations du monde agricole.
Pour aller de l'avant, les rapporteurs préconisent d'adapter les critères d'attribution des aides aux nouvelles réalités du monde agricole. Ils considèrent qu'il est devenu injustifiable de faire de l'âge le critère pivot des aides à l'installation. Le critère des « 40 ans » (92 % des aides à l'installation sont fléchées vers les moins de 40 ans) n'a plus aucun sens.
Par ailleurs, les rapporteurs sont sensibles à l'hypothèse émise par certains auditionnés d'élargir les critères pris en compte pour apprécier ce qu'est la compétence d'un nouvel entrant sur le marché du travail agricole.
Au prix d'un volontarisme politique fort, qui impliquera d'assumer des choix inconfortables, la France parviendra peut-être à faire de ces dispositifs remaniés un outil au service d'une politique agricole qui doit garder à l'esprit son objectif premier : redonner à notre pays un peu de sa souveraineté alimentaire. À défaut, nous poursuivrons dans la voie actuelle de l'attentisme, d'une part en « bouchant les trous » au grès des départs à la retraite, et d'autre part en important toujours davantage de produits alimentaires.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes la réalisation, sur le fondement de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, d'une enquête relative à l'installation des agriculteurs.
Le rapport de la Cour des comptes porte sur les seuls instruments de la politique d'installation et de transmission. Certains thèmes d'intérêt, indissociables de l'attractivité des professions agricoles (rémunération, conditions de travail, pensions de retraite, place dans le système commercial, etc.) n'ont donc pas été abordés, en accord avec les rapporteurs spéciaux, pour se concentrer sur les mécanismes et acteurs, déjà nombreux, concourant à l'installation des agriculteurs. Pour autant, les rapporteurs spéciaux considèrent, comme la Cour d'ailleurs, qu'il faut agir sur l'ensemble de la chaine d'attractivité pour revaloriser un secteur aussi stratégique que mal en point.
Pour donner suite à la remise de cette enquête, la commission a organisé le 12 avril 2023, une audition1(*) du Premier président de la Cour des comptes. Il était accompagné des magistrats de la deuxième chambre, présidée par Mme Annie Podeur, ayant réalisé l'enquête.
Dans le prolongement des travaux de la Cour, les rapporteurs spéciaux de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », Patrice Joly et Vincent Segouin, ont mené des auditions complémentaires2(*) en entendant les principaux acteurs chargés du suivi de l'installation des agriculteurs. Ces auditions ont donné lieu au rapport d'information suivant, qui fait du sujet une composante essentielle du rétablissement, par la France, de sa souveraineté alimentaire, dont les limites ont été mises en exergue lors de la pandémie de covid-19. Ces éléments sont concomitants à la définition, qui aurait dû intervenir au plus tard le 1er juillet 2023, d'une stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC) prévue par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience ».
Au-delà de la question de la souveraineté alimentaire, la capacité de la France à mieux accompagner l'installation de ses agriculteurs constitue un enjeu économique et environnemental, le milieu agricole ne s'appuyant certainement pas sur un marché du travail comme les autres. Force est de constater, pourtant, qu'à ce jour, les résultats de ces dispositifs d'aide à l'installation ne sont pas à la hauteur des ambitions françaises. Le nombre d'agriculteurs continue de baisser, tout comme le nombre d'exploitations. Certes, pour l'instant, la surface agricole utile se stabilise en France mais pour combien de temps ? La forte transformation du secteur agricole au cours des dernières décennies, dont l'enquête de la Cour fournit de multiples exemples et que les rapporteurs spéciaux ont essayé de remettre en perspective ne s'est, en effet, pas accompagnée d'une adaptation suffisante des dispositifs d'aide. Il est de plus en plus difficile d'intégrer le secteur agricole, a fortiori sans un appui familial ou économique conséquent.
Cet état de fait est probablement lié pour partie aux aides à l'installation qui apparaissent déconnectées d'un quelconque fil conducteur. Alors qu'ils devraient être utilisés pour inciter à s'installer dans certaines zones géographiques, favoriser certaines filières et encourager une agriculture diversifiée et durable, bref pour servir une politique agricole prédéterminée, ces mécanismes d'aide demeurent assis sur des critères devenus inadaptés, en particulier l'âge3(*). Cette déconnexion pourrait malheureusement, à moyen terme, être accentuée par la régionalisation d'une grande partie des dispositifs d'aide, intervenue depuis le 1er janvier dernier. En effet, l'intérêt de régionaliser aurait pu résider dans l'éventuelle capacité à affiner une politique nationale en s'appuyant sur des particularités locales. Mais non seulement, il n'y a pas de politique agricole nationale, si ce n'est celle de la course au subventionnement européen, mais de surcroît, nous connaissons mal notre agriculture région par région.
En effet, en valeur absolue, la France consacre des moyens conséquents à l'aide à l'installation, mais il ressort de l'enquête de la Cour que ces moyens importants sont relativement mal ciblés, en particulier en raison d'une méconnaissance des besoins région par région, à la fois en terme de besoins des consommateurs mais aussi en termes de nombre d'agriculteurs qui manquent, ou qui manqueront, par filière dans chaque région. Favoriser la production locale suppose ainsi de mettre en adéquation, dans chaque région, les besoins et la production. Or, personne n'effectue réellement ce travail et nous connaissons donc mal le nombre d'agriculteurs qui pourraient manquer par filière dans chaque région. La politique d'aide à l'installation vient donc pallier des manques, avec un décalage de plusieurs années, mais n'est pas, à ce stade, en capacité de les devancer. Or c'est bien le principal critère qui devra être rempli pour atteindre l'objectif gouvernemental affiché de souveraineté alimentaire.
Enfin, compte tenu du transfert aux régions, depuis le 1er janvier 2023 des mécanismes d'attribution du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), les rapporteurs spéciaux ont souhaité disposer d'éléments de comparaison avec deux pays frontaliers pour mieux mesurer, d'une part, la nature et l'étendue des dispositifs d'aide à l'installation des agriculteurs chez nos voisins et, d'autre part, le rôle des länder allemands et des communautés autonomes espagnoles dans ces dispositifs. L'étude4(*), réalisée par la division de législation comparée de la direction de l'initiative parlementaire et des délégations du Sénat, est annexée au présent rapport.
Ces deux pays constituent des modèles de différentiation territoriale plus aboutis en matière d'installation agricole. Cela tient d'une part à la forme d'organisation de l'État (fédéral dans un cas, régionaliste dans l'autre) mais aussi à une meilleure prise en compte de l'existant dans la détermination des dispositifs. Or, le succès relatif de ces deux modèles, comparativement à la France, tient pour partie de la capacité de leurs entités régionales à venir appuyer la politique nationale au regard de spécificités locales qu'ils se sont donné les moyens de bien connaître.
Enfin, il ressort des travaux conduits que nous devons sortir de cette logique « de guichet » pour faire des aides à l'installation un outil au service d'objectifs agricoles que nous devons désormais assumer : la démographie est certes un aspect important dans notre politique d'aide à l'installation mais il faut cibler les aides vers des filières identifiées, ce qui suppose un travail d'anticipation des besoins, diamétralement opposé au saupoudrage actuel qui ne permet pas de mesurer la performance des aides apportées.
I. INSTALLATION DES AGRICULTEURS : DES MOYENS DÉJÀ CONSÉQUENTS MAIS INADAPTÉS AUX NOUVELLES RÉALITÉS DU MONDE AGRICOLE
Face aux transformations du monde agricole, et en l'absence d'un cap homogène en matière agricole, les dispositifs d'aide à l'installation s'avèrent, malgré des moyens conséquents, relativement inefficients.
A. LE SECTEUR AGRICOLE SE TRANSFORME EN PROFONDEUR
1. Les nouvelles caractéristiques des professionnels de l'agriculture
La sociologie des agriculteurs et des exploitations agricoles a beaucoup évolué. Les travailleurs agricoles sont de moins en moins nombreux et de plus en plus âgés. Les professions agricoles sont moins féminisées et la proportion de foyers où 100 % des personnes physiques en âge de travailler sont exploitants agricoles diminue. Par ailleurs, on constate une diversification des formes sociétaires auxquelles les exploitants ont recours. Ces caractéristiques doivent impérativement être prises en compte pour accompagner les installations et donc adapter les dispositifs d'aide à l'installation, de manière beaucoup plus réactive. Or, les rapporteurs spéciaux constatent qu'il existe une forme d'étanchéité entre l'évolution de la population agricole et les critères d'attribution des aides à l'installation.
De l'enquête de la Cour, les rapporteurs spéciaux retiennent en premier lieu la poursuite du déclin démographique de la population active agricole. En moins de soixante-dix ans, le nombre d'exploitants a été divisé par cinq : de plus de 2,5 millions en 1955, le nombre d'exploitants est passé à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020 selon les résultats du dernier recensement agricole. Les auditions conduites confirment que cette tendance se poursuit depuis 2020, la pandémie de Covid-19 l'ayant d'ailleurs accentuée. Corollaire de cette évolution, le nombre d'exploitations agricoles diminue fortement pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020. Cette diminution révèle des disparités très fortes par filière : de très nombreuses exploitations animales (bovins, ovins et autres herbivores, porcins, volailles) ont été fermées tandis que les exploitations dédiées aux diverses cultures ont vu leur nombre d'exploitation se maintenir (grandes cultures, horticulture, maraîchage) ou diminuer légèrement (viticulture, fruits).
Le rachat d'un nombre important d'exploitations par des entités disposant d'importants capitaux a entrainé un accroissement de la taille moyenne des exploitations (soixante-neuf hectares en moyenne aujourd'hui contre quarante-deux hectares en 2000), ce qui explique la stabilisation de la surface agricole utile depuis le début des années 2000, malgré la situation précédemment décrite. Ainsi que l'a souligné le Premier président de la Cour des comptes lors de son audition, 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, et susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033. L'âge moyen des agriculteurs français est ainsi passé de 50,2 ans en 2010 à 51,4 ans en 2020.
Nos voisins allemand et espagnol, tout en connaissant aussi une tendance forte à la restructuration de leur secteur agricole, parviennent, par une politique volontariste, à limiter fortement le recul de leur population agricole. Entre 2005 et 2013, l'Espagne a perdu 10 % de ses exploitations avec un total de 965 000 exploitations agricoles, principalement par un mouvement de concentration qui a conduit à une augmentation de la surface moyenne des exploitations. 5 % des exploitations en Espagne disposent d'une superficie supérieure à 100 hectares. Pour leur part, les 285 000 exploitations allemandes sont réparties sur 165 900 km² et pèsent 10 % du total de la surface agricole utile de l'ensemble de l'UE, contre 15 % pour l'Espagne5(*). Proportionnellement, l'Allemagne et l'Espagne limitent, davantage que la France, le recul du poids de leur secteur agricole au sein de l'UE, alors même que leur population générale est davantage marquée encore par le vieillissement que la France6(*).
Les rapporteurs spéciaux constatent également que la France ne parvient pas à enrayer le déclin de la part des femmes dans la population active agricole. Alors que celles-ci représentaient 41 % des exploitants en 1980, quel que soit leur statut (cheffe d'exploitation, co-exploitante ou aides familiaux), soit peu ou prou la part observée dans l'ensemble de la population active, elles constituent aujourd'hui le quart des exploitants. Certes, c'est davantage qu'en Allemagne (10 %) et en Espagne (23 %) mais ces deux pays voient la part des femmes augmenter parmi les jeunes agriculteurs grâce, là encore, à des politiques volontaristes que la France tarde à mettre en oeuvre (abondement complémentaire des aides à l'installation pour les agricultrices, prise en compte du critère du sexe pour départager des candidats à l'installation, voire des financements exclusivement destinés aux jeunes agricultrices).
2. Les nouvelles structurations économiques de l'agriculture
L'enquête de la Cour des comptes met en relief les nouvelles caractéristiques économiques des exploitations agricoles qui se manifestent parallèlement à la nouvelle réalité démographique. Ces exploitations poursuivent une transformation désormais inéluctable et qui, pourtant, n'est pas prise en compte de manière optimale dans les dispositifs d'aide à l'installation.
Longtemps, un modèle « traditionnel », au sein duquel l'exploitant agricole, dans une exploitation de petite taille sous statut individuel, dont le conjoint travaille « bénévolement », et qui tire tous ses revenus, modestes, de cette activité, a prévalu. Dans les faits, ce modèle disparaît progressivement sans que notre arsenal juridique ne tienne compte de cette réalité. Il sera bientôt anachronique de lire, à l'article L.1 du code rural et de la pêche maritime, que « la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale, a pour finalités de (...) préserver le caractère familial de l'agriculture et l'autonomie et la responsabilité individuelle de l'exploitant ».
Les rapporteurs spéciaux constatent que la survie économique des exploitations passe par un agrandissement des surfaces exploitées, une adaptation de la forme juridique retenue à la réalité de l'environnement concurrentiel et une diversification des activités. Or, ces éléments apparaissent difficilement compatibles avec l'échelle familiale d'exploitation.
La hausse moyenne des surfaces des exploitations résulte d'un double mouvement de baisse du nombre de micro-exploitations (moins de 25 000 euros par an de production brute standard7(*)), qui représentent encore 27 % du total des exploitations mais 5 % de la surface agricole utile, et de hausse du nombre des grandes exploitations (plus de 250 000 euros de production brute standard annuelle), lesquelles représentent désormais 19 % des exploitations et 40 % de la surface agricole utile. Cette tendance est la traduction directe d'un système de plus en plus concurrentiel que seules des économies d'échelle, et donc des exploitations plus grandes, permettent d'affronter. Le graphique suivant illustre cette augmentation de la taille moyenne des exploitations lors de la dernière décennie :
Taille moyenne des exploitations en 2010 et en 2020
(en production brute standard)
Source : Cour des comptes
Les rapporteurs spéciaux prennent par ailleurs acte de la diversification des formes sociétaires à laquelle assiste le monde agricole. Comme le souligne la Cour, « les exploitations sous statut individuel (personnes physiques et entreprises individuelles à responsabilité limitée - EURL) restent majoritaires (58,4 % en 2020) » mais « leur nombre diminue à un rythme plus rapide entre 2010 et 2020 (- 33 %) que l'ensemble des exploitations (- 20 %) ».
Désormais, en fonction des situations (antériorité de l'exploitation, filière concernée, degré de diversification, nombre d'employés ou d'associés, etc.), presque toutes les formes juridiques d'entreprises ont cours dans le domaine agricole : entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), société civile d'exploitation agricole (SCEA), groupement foncier agricole (GFA), formes commerciales de type société anonyme (SA, SAS, SARL), etc.
Cette diversification des formes sociétaires entraîne une cohabitation entre le modèle agricole « familial traditionnel » et ce qui est désormais qualifié d'exploitations « aux allures de firme ».
Enfin, les transformations du modèle économique agricole passent par une redéfinition des activités qui se traduit par le recul relatif de certaines filières sur lequel les rapporteurs ne s'étendent pas mais qui est unanimement constaté.
B. CES TRANSFORMATIONS NE SONT PAS LE FRUIT D'UNE POLITIQUE AGRICOLE HOMOGÈNE ET RÉFLÉCHIE
1. La France ne parvient pas à respecter le modèle agricole qu'elle prétend incarner
En 2018, la Commission européenne a initié une réforme majeure de la PAC pour la période de référence 2023-2027. La réforme a été entérinée en 2021 par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne sous forme d'un règlement.
Le règlement adopté prévoit que chaque État membre doit se doter d'un document unique qui définit les interventions du premier et du second pilier de la PAC pour toute la durée de la programmation : le plan stratégique national (PSN). C'est ainsi que 27 PSN, soumis courant 2022 à l'approbation de la Commission européenne sont entrés en vigueur dont le PSN français8(*).
À la lecture de ce PSN, on pourrait croire la France dotée d'une feuille de route en matière agricole. Il s'agit toutefois davantage d'une déclaration d'objectifs, lesquels ne sont d'ailleurs pas tous conciliables, que les rapporteurs spéciaux n'interprètent pas comme la traduction d'un réel modèle agricole français, comme l'illustre l'extrait suivant :
« Le PSN français cherche à améliorer la compétitivité durable des filières, la création de valeur, la résilience des exploitations et la sobriété en intrants au service de la sécurité alimentaire. Il contribue à l'atteinte des objectifs du Pacte vert et de la neutralité carbone, en combinaison avec d'autres outils de politique publique déployés à cet effet, en mettant l'accent sur la diversification des cultures, la préservation des prairies, les synergies entre cultures et élevage, la production des légumineuses, une présence renforcée d'infrastructures écologiques en particulier les haies, et le développement de l'agriculture biologique. »
Le décalage entre ces objectifs sans cesse réaffirmés (souveraineté alimentaire, agriculture durable, renforcement du « bio » et diversification des cultures) et la tendance réellement constatée (absence de solution concrète pour réduire les besoins en eau, disparition des haies et des bocages, pourtant sources de biodiversité, du fait de l'extension de la taille des exploitations, hausse des importations alimentaires, concentration des activités sur certaines filières, recul du bio, trop coûteux pour les consommateurs en période d'inflation) conduit les rapporteurs spéciaux à considérer que la France ne parvient pas à suivre le cap agricole qu'elle a déterminé.
Cette difficulté à s'accorder sur un projet agricole national se traduit également par l'incapacité à respecter le délai, pourtant fixé par la loi, de détermination d'une stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (SNANC)9(*). Interrogé sur ce point, le cabinet du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire fait savoir que la publication de la SNANC est désormais prévue « dans le courant de l'automne 2023 ». Sans méconnaitre la difficulté inhérente à cet exercice de conciliation d'intérêts divergents, les rapporteurs spéciaux regrettent cette situation et l'interprètent comme un indice supplémentaire de l'absence de politique agricole française.
2. La France décentralise progressivement une partie de sa compétence agricole sans en anticiper l'impact
L'une des nombreuses déclinaisons du PSN français s'est traduite par un accord intervenu entre l'État et les régions10(*) pour décroiser leurs compétences de gestion du FEADER. L'État est redevenu l'autorité de gestion nationale pour les « aides surfaciques » comme les indemnités de compensation des handicaps naturels ou certaines mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC).
À l'inverse, la compétence d'autorité de gestion de ces aides est renforcée pour les régions. Depuis le 1er janvier 2023, ces dernières sont compétentes pour définir les critères d'éligibilité et de sélection des candidats ainsi que la nature et le montant des aides à l'installation, tout en respectant le cadre national du PSN, qui impose par exemple de consacrer à la politique de renouvellement des générations, c'est-à-dire aux jeunes agriculteurs, un minimum de 3 % des crédits affectés.
Or, force est de constater qu'il ressort, tant de l'enquête de la Cour que des auditions menées ultérieurement par les rapporteurs spéciaux, que notre connaissance du phénomène de transmission des installations agricoles est parcellaire, inégal entre les régions et révélateur des fortes disparités territoriales qui existent. D'ailleurs, cette redistribution des compétences a précédé la définition des futures orientations régionales par les comités régionaux de l'installation et de la transmission (CRIT). Il aurait semblé plus cohérent que les CRIT se prononcent sur ce point préalablement à la régionalisation du FEADER.
Régionaliser une partie des dispositifs d'aide à l'installation serait en effet positif si les régions avaient, d'une part, les moyens statistiques de connaitre avec finesse la situation de leur territoire et, d'autre part, les moyens financiers d'agir en conséquence. Pour l'écrire autrement, les rapporteurs sont favorables à la mise en place, à terme, d'une différentiation territoriale (donner à chaque région les moyens d'actionner les leviers de son choix) mais ils constatent que, pour l'instant, la France se trouve simplement au stade des disparités territoriales (les régions subissent la transmission d'une nouvelle compétence de mise en oeuvre d'une politique publique sur laquelle l'État a plus ou moins échoué selon les territoires).
À propos du programme d'aide à l'installation (AITA), l'enquête souligne que, « dans trois régions, les financements nationaux sont minoritaires. À l'inverse, huit régions ont contribué à moins de 20 % du budget du programme. Les régions apportent cependant des financements additionnels à la politique d'installation/transmission (...) Cette situation se traduit par une disparité importante des financements par bénéficiaire. »
L'enquête de la Cour fournit plusieurs exemples de ces disparités : parmi ces nombreuses données mises en avant par la Cour, il en est une que les rapporteurs spéciaux trouvent particulièrement révélatrice, il s'agit de la (mé)connaissance du devenir des surfaces agricoles pouvant être mises en succession dans les sept prochaines années.
Malgré des dispositifs permettant la mise en relation des cédants et des preneurs comme l'existence depuis 1995 d'un répertoire départ-installation (RDI), trop d'incertitudes demeurent sur les besoins en population agricole. En effet, il apparaît que nous sommes incapables d'indiquer, pour 57 % de la surface agricole utile française, si elle est susceptible ou non de faire l'objet d'un changement d'exploitant dans les sept années à venir11(*).
La cartographie suivante12(*) présente, pour chacune des régions hexagonales, la part des SAU selon que son devenir dans les sept années à venir est certain ou incertain :
Connaissance du devenir des surfaces agricoles pouvant être mises en succession dans les sept prochaines années
Source : Cour des Comptes
Pire, plus une région compte de surface agricole utile, plus la proportion de terres agricoles à propos desquelles on ignore si un repreneur devra être trouvé à une échéance de sept ans est élevée. Ainsi, la politique d'aide à l'installation ne peut pas être anticipée efficacement dans plus de 50 % des cas.
Bien entendu, cela ne signifie pas qu'il n'y aurait pas, le cas échéant, un repreneur dans un délai suffisant puisqu'un repreneur peut exister sans qu'on l'ait accompagné dans un projet de reprise, par exemple par un regroupement avec une exploitation adjacente, mais cela signifie en revanche que si un nouvel exploitant devait être accompagné depuis le début de ses études agricoles jusqu'à la reprise effective de l'exploitation, on ne serait pas en mesure de le faire dans les temps.
Les rapporteurs spéciaux s'interrogent donc sur la capacité des régions à mettre en place des « capteurs » du devenir des terres agricoles que l'État lui-même n'a pas su installer. La troisième proposition formulée par la Cour des comptes dans son enquête, qui consisterait à réaliser un bilan du fonctionnement des répertoires départ-installation, à assurer leur mise en réseau et à constituer une base nationale permettant des extractions régionales apparait donc comme un préalable impératif à tout approfondissement du rôle des régions.
À l'aune de l'enquête de la Cour, dont les rapporteurs spéciaux considèrent qu'elle a été conduite méticuleusement, c'est toute la politique de transmission des installations qui semble faire défaut. Avec une certaine pudeur, la Cour indique que « ce volet de la politique d'installation-transmission reste peu investi et mal connu ».
Or, la méconnaissance du devenir des surfaces agricoles rend inopérante toute la chaîne des dispositifs d'aide à l'installation. Les rapporteurs spéciaux considèrent donc, à l'issue des travaux de la Cour et des auditions qu'ils ont eux-mêmes conduites, que ces dispositifs sont mis en place « à l'aveugle » à la fois sur l'échelle des besoins et sur leur capacité à réellement orienter les nouveaux agriculteurs vers un modèle agricole choisi. Pourtant, les moyens dédiés à ces dispositifs apparaissent conséquents.
C. LES MÉCANISMES D'AIDE À L'INSTALLATION, BIEN QUE CONSÉQUENTS, APPARAISSENT DISSÉMINÉS ET INSUFFISAMMENT CIBLÉS
1. Des mécanismes d'aide à l'installation variés et conséquents
L'enquête conduite par la Cour présente le panel des différents dispositifs d'aide à l'installation des agriculteurs en France. Les rapporteurs spéciaux retiennent qu'il en existe deux grands types :
- le programme d'accompagnement à l'installation et à la transmission en agriculture (AITA), destiné à tous les candidats sans critère d'âge ;
- les aides directes ou indirectes, majoritairement ciblées sur les moins de 40 ans ou les bénéficiaires de la dotation jeune agriculteur (DJA).
Ce total comprend, d'une part, des dépenses fiscales et des exonérations de cotisations sociales, et d'autre part des dépenses budgétaires incluant la dotation jeunes agriculteurs (DJA), le paiement additionnel jeunes agriculteurs, l'AITA ainsi que des aides régionales. Les rapporteurs spéciaux renvoient à l'enquête pour davantage de détails quant à l'étendue des mécanismes concernés, mais ils soulignent leur grande variété. Cette variété correspond à l'intention louable de répondre à des situations initiales différentes mais, à défaut de véritables critères de performance (cf. infra), les rapporteurs s'interrogent sur un resserrement, à terme, de certains dispositifs.
Le seul programme AITA comporte six volets13(*) regroupant 18 dispositifs, dont les deux-tiers (12 sur 18) sont cofinancés par l'État et les régions, tandis que six dispositifs sont financés par un seul niveau (trois par l'État et trois par les seules régions).
Pour chacun de ces six volets, les acteurs compétents sont nombreux et de surcroît, ils différent d'un territoire à l'autre, ce qui rend peu pertinentes certaines comparaisons. S'agissant par exemple du premier volet, portant sur l'accueil des porteurs de projets, les rapporteurs soulignent le fait que les « points accueil installation » (PAI) qui constituent un guichet unique, à l'échelle départementale, conduisant aux dispositifs d'aide à l'installation, ne relèvent pas des mêmes acteurs d'un département à l'autre. Le label PAI est attribué sur le fondement d'une mise en concurrence relevant du préfet de région, après avis du président du conseil régional et du comité régional d'installation transmission (CRIT), pour trois ans.
Certes, le cahier des charges a été défini nationalement, et en théorie la marge d'adaptation régionale sur les PAI est limitée, mais les organismes auditionnés par les rapporteurs ont fait état de disparités résultant de cette situation. Les structures labellisées sont donc tenues de respecter, a minima des engagements en termes de moyens pour accueillir les candidats à l'installation mais, dans la pratique, il existe presque autant de situations que d'organismes labélisés PAI., ainsi que l'illustre le document suivant.
Organisme en charge du Label PAI
pour chacun
des départements de la France hexagonale
Source : Annexe 11 de l'enquête de la Cour des comptes
Dans la majeure partie des départements, les chambres départementales ou régionales d'agriculture constituent la structure labélisée PAI. Dans les autres départements, la labélisation a été orientée vers le syndicat Jeunes Agriculteurs ou vers les associations de développement, d'aménagement et de services en environnement et agriculture (ADASEA) ou déléguées à ces deux dernières structures par d'autres associations.
De la même manière, le volet « préparation à l'installation » de l'AITA relève dans chaque département de divers réseaux professionnels qui ne travaillent pas suffisamment ensemble. Concrètement, tout porteur de projet préalablement accueilli par le PAI et ayant réalisé un auto-diagnostic, qu'il soit ou non éligible aux aides à l'installation, se voit potentiellement ouvrir l'accès aux centres d'élaboration du plan de professionnalisation personnalisé (CEPPP). Là aussi, un label est attribué pour trois ans dans des conditions similaires à celles du PAI (un label « CEPPP »). Il en résulte des situations, dans un même département, où l'organisme labélisé PAI n'est pas le même organisme que celui labélisé CEPP, ce qui peut évidemment créer des problèmes de fluidité entre les deux volets qui sont pourtant des maillons d'une même chaîne. De plus, en théorie, les formations proposées doivent couvrir tous les systèmes de production agricole, mais les rapporteurs spéciaux ont pu relever que, dans les faits, cette diversité de l'offre de formation était très variable d'un département à l'autre.
Les rapporteurs estiment donc justifiée la proposition formulée par la Cour des comptes14(*) de conditionner la désignation des structures chargées du programme d'accompagnement à l'installation et à la transmission, à l'engagement de nouer des partenariats représentatifs des divers modèles agricoles et d'en contrôler le respect.
Cette variété des dispositifs résulte également de différences substantielles d'appropriation des dispositifs d'aides entre les régions. Il s'agit d'un point auquel les rapporteurs prêteront une attention particulière dans les années à venir : les différences entre les régions résultent aujourd'hui davantage de leur degré d'investissement, donc d'un choix, que de leurs besoins initiaux objectifs. Certaines régions font donc beaucoup pour faciliter les cessions d'exploitations, alors même que les besoins objectifs en « nouveaux entrants » sont relativement faibles, à l'inverse d'autres territoires.
Les rapporteurs pourraient multiplier les exemples au sein de chacun des dispositifs et à chacune des étapes d'aide à l'installation, qui correspondent aux différents volets, d'acteurs différents amenés à intervenir. Mécaniquement, cette situation ne facilite pas la fluidité de la chaine d'accès de nouveaux entrants vers le secteur agricole.
Cette situation ne doit pas masquer le caractère conséquent des moyens mis en oeuvre. Si l'on fait abstraction des soutiens à l'investissement, qui bien entendu ont un impact sur la capacité de nouveaux agriculteurs à s'installer mais n'entrent pas directement dans leur champ, en moyenne, chaque année de 2019 à 2021, les dispositifs précités représentent en tout 379 millions d'euros.
Ce montant marque donc l'effort réel en faveur des dispositifs d'aide à l'installation consenti par la France. Les rapporteurs considèrent néanmoins, comme la Cour, que le pilotage de ces dispositifs peut être amélioré.
2. Un pilotage principalement assis sur des objectifs de moyens
En premier lieu, les rapporteurs spéciaux partagent l'analyse de la Cour selon laquelle la Gouvernance mise en place, à la fois dans le schéma d'attribution des aides à l'installation mais aussi dans le dispositif de cession des exploitations, ne confère pas aux acteurs une vision d'ensemble. Aucun de ces acteurs n'est individuellement en cause, mais le cheminement de ces décisions n'est pas calibré pour répondre à des objectifs préétablis.
Parmi toutes les situations évoquées par la Cour des comptes, il en est une particulièrement révélatrice des insuffisances quant au pilotage de la politique publique d'aide à l'installation des agriculteurs, il s'agit des critères de répartition des fonds européens entre les régions en matière de plan stratégique national :
« La construction des objectifs associés à la programmation de la PAC pour la période 2023-2027 a procédé elle aussi d'une logique budgétaire plutôt que d'une appréciation des besoins. Comme l'indique le ministère dans sa réponse à la Cour, pour la future programmation 2023-2027, la concertation entre l'État et les régions qui a permis de répartir les fonds européens disponibles pour financer l'ensemble des interventions du PSN s'est basée sur des données historiques. »15(*)
Autrement dit, au moment où s'accentue la régionalisation des politiques agricoles en France, personne n'a réellement demandé à chaque région de justifier ses besoins de financement européens pour atteindre les objectifs fixés par le PSN : pour schématiser, on a reconduit à l'identique, à peu près, les rapports de force antérieurs. Les rapporteurs spéciaux s'en remettent sur ce point à la démonstration opérée par la Cour des comptes mais, sur le fond, considèrent qu'en procédant ainsi, on ne peut pas davantage s'éloigner d'une culture de la performance.
II. AVOIR LE COURAGE DE METTRE LES DISPOSITIFS D'AIDE À L'INSTALLATION AU SERVICE D'ORIENTATIONS AGRICOLES DÉFINIES
A. MIEUX MESURER LA PERFORMANCE DES DISPOSITIFS D'AIDE À L'INSTALLATION
À l'occasion de l'examen par le Sénat du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022, le rapporteur général a souligné16(*) les défaillances dans la mesure de performance des dispositifs d'aide agricole, y compris donc d'aide à l'installation.
Pour rappel, la maquette de performance du programme 149 « Compétitivité et à la durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » a été modifiée en loi de finances pour 2022 avec la suppression, en raison des difficultés d'accès aux données permettant de le calculer, de l'indicateur 3.1 qui mesurait les coûts de gestion de la politique agricole commune.
Ainsi que le souligne le rapporteur général, « la nouvelle maquette 2023 n'a pas rétabli d'indicateur mesurant la performance de la gestion des aides agricoles alors même qu'il s'agissait d'une recommandation formulée par les rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », MM. Segouin et Joly, mais également par la Cour des comptes. »
La « performance » de la gestion des aides agricoles n'est donc plus mesurée que par le pourcentage de dossiers payés dans les délais prévus, ratio qui est estimé proche de 100 % en 2022. Nous serions donc « 100 % efficaces » à en croire cet auto-satisfecit.
Néanmoins, comme l'indique la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour 2022 sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2022, « il appartient au ministère, grâce à la mise en place d'une comptabilité analytique, de redéfinir un nouvel indicateur ».
Ce nouvel indicateur ne peut qu'être lié à une définition objective des besoins en installation. Cela suppose, au préalable, un volontarisme politique suffisamment affirmé pour, d'une part, mettre un terme à la relative méconnaissance des cessions d'installation à venir (cf. supra) et, d'autre part, pour rendre plus efficients les dispositifs existants.
Plusieurs éléments de performance doivent, selon les rapporteurs, désormais être pris en compte, ou mieux pris en compte. Sans chercher l'exhaustivité, il s'agit de la capacité à réduire le flux de ceux qui quittent en cours de route le processus d'aide à l'installation, d'améliorer le taux d'accès aux dispositifs de ceux qui remplissent les critères mais ne bénéficient pourtant pas des aides existantes et enfin d'être davantage proactif dans le suivi des déclarations d'intention de cessation d'activité agricole (DICAA). Sur le terrain, ces pistes commencent à faire l'objet d'un suivi plus approfondi mais les rapporteurs ont pu constater qu'il fallait professionnaliser davantage encore le suivi de ces critères.
La réduction du flux de ceux qui quittent en cours de route le processus d'aide à l'installation constitue un défi puisque, comme le souligne la Cour des comptes, « le parcours menant à l'installation de la plupart des nouveaux agriculteurs n'est pas connu ». Seul les installés bénéficiaires de la DJA, donc le tiers des nouveaux agriculteurs environ, font l'objet d'un suivi qui permet de connaître en détail le parcours suivi jusqu'à l'installation.
En revanche, la France ne dispose d'aucune donnée fiable sur le nombre d'exploitants qui se sont installés sans bénéficier d'un accompagnement quelconque, ni sur le nombre d'installés passés par des structures hors du programme AITA, ni sur les exploitants qui ont quitté le programme AITA en cours de route pour finalement s'installer sans le bénéfice de la DJA, avec ou sans le soutien d'autres structures. Les rapporteurs spéciaux considèrent donc qu'on ignore le caractère décisif des mécanismes d'aides à l'installation des agriculteurs. Or cette question est centrale : quelle proportion des aides est perçue à l'aune d'un simple effet d'aubaine ? Quelle proportion des nouveaux installés aurait renoncé sans les dispositifs d'aide ? Quel impact la réorientation des dispositifs d'aide a sur le nombre de nouvelles installations ? Aucun des interlocuteurs entendus n'a été en mesure de répondre à l'une de ces trois questions pourtant essentielles.
S'agissant du taux d'accès aux aides, les rapporteurs spéciaux ont été surpris de constater qu'environ un tiers17(*) des nouveaux installés en 2020 n'a pas bénéficié de la dotation jeunes agriculteurs (DJA) alors même que les intéressés avaient moins de 40 ans. Interrogés à ce sujet, les organismes auditionnés ont mis en avant plusieurs facteurs : ils ont indiqué que les campagnes d'information visant les nouveaux agriculteurs était parfois très « discrètes » et trop tardives. En outre, ils opèrent parfois « un arbitrage de renoncement », compte tenu de sommes en jeu parfois modestes au regard des montants à investir dans leur ensemble et en raison de craintes, qu'elles soient justifiées ou exagérées, quant aux démarches administratives à opérer. Les rapporteurs spéciaux considèrent que la simplification des démarches pour lutter contre cette « phobie administrative » doit relever, pour partie au moins, des administrations elles-mêmes. Ils préconisent une réflexion, sans avoir arrêté définitivement leur position à ce sujet, sur la systématisation du versement des aides à l'installation, à l'image de la réflexion en cours pour le versement automatique des minimas sociaux.
Enfin, les rapporteurs spéciaux ont pu mesurer les marges de progrès restant à effectuer autour des différents dispositifs de transmissions d'activité : une rencontre réussie entre le nouvel agriculteur et celui qui cesse son activité se prépare des deux côtés.
En théorie, au moins trois ans avant la date à laquelle il projette de cesser son activité, tout exploitant doit adresser une déclaration d'intention de cessation d'activité agricole18(*), ce qui conditionne l'accès à un ensemble de prestations ou de droits dont la possibilité de cumuler perception de la pension de retraite et activité. Il existe bien un circuit d'information à l'heure actuelle : quatre ans avant son âge théorique de départ à la retraite, l'exploitant reçoit un courrier de la MSA l'informant de la marche à suivre. Toutefois, les rapporteurs spéciaux, qui ont pu consulter un courrier type ainsi que le formulaire joint, tiennent à souligner le décalage entre la tonalité « administrativo-juridique » de cette approche et le besoin d'accompagnement personnalisé inhérent à toute démarche de cession d'une exploitation agricole qui, bien plus que la fin à venir d'une activité professionnelle, symbolise une vie entière dédiée à la terre.
La Cour des comptes va dans le même sens en soulignant que les organisations professionnelles rencontrées ont fait état du « caractère abrupt » du courrier joint au formulaire, qui conduit nombre d'agriculteurs à « ignorer la démarche ».
Il en résulte des disparités profondes qui tiennent au volontarisme très variable des chambres d'agriculture, chargées de suivre les déclarations et d'orienter l'exploitant en fonction de son projet, puis, sauf avis contraire du déclarant, de diffuser la déclaration concernant les exploitations libres. La chambre d'agriculture des Hauts-de-France, que les rapporteurs spéciaux ont tenu à entendre spécifiquement, pour cette raison en particulier, fait par exemple état d'un taux de retour du formulaire précité d'environ 70 %, soit trois fois plus que dans d'autres régions, grâce à un suivi personnalisé des agriculteurs dont la cessation d'activité approche.
Les rapporteurs ont pu constater que ce résultat suppose une forte implication des acteurs, un suivi minutieux et un engagement de la chambre d'agriculture concernée qu'objectivement on ne trouve pas partout. Nul doute néanmoins que lorsque ce taux, région par région, fera l'objet d'une « publicité comparative et transparente » et sera pris en compte comme critère de performance, des améliorations se feront jour. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, ni Chambres d'agriculture France ni la mutualité sociale agricole (MSA) ne connaissent le taux de retour des formulaires puisque ce sont deux organismes distincts qui opèrent chacun une partie du processus. Les rapporteurs spéciaux plaident pour que ce courrier initial suive un entretien physique, au sein de l'exploitation agricole concernée, afin d'adapter l'échange aux attentes de l'interlocuteur concerné. Ils soulignent, tout en étant conscients des moyens que cela requière, le caractère extraordinaire, des métiers agricoles, au sens premier, qui justifie de « prendre les devants » en allant vers les exploitants, d'une part au sujet des conditions de cession de leur exploitation, mais aussi pour les sensibiliser à la nécessité d'effectuer des investissements lors de leurs dernières années d'activité. Or, cette absence d'investissements en fin d'activité se répercute sur les repreneurs et pèse d'autant plus lourd au stade de la reprise pour les nouveaux exploitants qu'ils doivent déjà faire face à d'autres frais en tant que primo-accédants.
C'est pourquoi les rapporteurs se retrouvent dans la quatrième19(*) et dernière proposition formulée par la Cour des comptes, la mise en place d'un « bouquet transmission » et la reprennent à leur compte. Ils préconisent même d'aller plus loin : l'aide à l'installation n'est pas une fin en soi mais un outil qui doit être piloté pour se donner les moyens d'atteindre une partie au moins des objectifs listés dans le plan stratégique national (PSN).
B. FAIRE DE L'AIDE À L'INSTALLATION UN OUTIL AU SERVICE DE LA SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE EN RÉFORMANT LES CRITÈRES D'ACCÈS AUX DISPOSITIFS
Pour schématiser, les dispositifs d'aide à l'installation des agriculteurs ne jouent pas leur rôle parce qu'on ignore qui on veut aider, dans quelle proportion, pour faire quoi et où. Les critères pour bénéficier des aides ne sont donc pas ciblés sur les objectifs assignés à l'agriculture, mais sur des caractéristiques devenues obsolètes compte tenu des transformations du monde agricole.
En premier lieu, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il est devenu injustifiable de faire de l'âge le critère pivot des aides à l'installation. Comme si le fait d'avoir, ou de ne pas avoir, 40 ans constituait un élément déterminant de la qualité du projet agricole. À mesure que l'espérance de vie augmente, que l'âge de départ à la retraite est repoussé et que les reconversions professionnelles se généralisent, le critère de l'âge, autrefois pleinement justifié, n'a plus aucun sens. Ce critère doit disparaitre du processus d'attribution de la DJA mais aussi de tous les dispositifs incitatifs qui sont conditionnés par l'éligibilité à la DJA : le « jeune agriculteur » doit se transformer en un « nouvel agriculteur ».
Les jeunes agriculteurs peuvent actuellement bénéficier d'un abattement sur les bénéfices imposables20(*) s'ils sont soumis à un régime réel d'imposition et perçoivent les aides à l'installation. L'abattement est appliqué aux bénéfices réalisés au cours des soixante premiers mois d'activité, à compter de la date d'octroi de la première aide. Il permet de limiter l'imposition des jeunes agriculteurs durant les premières années d'activité. Depuis le 1er janvier 2019, ce dispositif a été ciblé vers les niveaux les plus faibles des bénéfices et a été plafonné. À moyen terme, ce ciblage, plus adapté, doit aussi être décorrélé de la question de l'âge. L'ancienneté dans l'activité constitue donc un critère plus en adéquation avec un secteur agricole en mutation.
Outre l'âge, et le fait de s'installer pour la première fois, d'autres critères conditionnent l'éligibilité à la DJA : des critères de compétence et de viabilité du projet.
S'agissant de la compétence, la France a choisi d'exiger un diplôme agricole de niveau IV et la validation du plan de professionnalisation personnalisé (PPP). Sans avoir exploré toutes les pistes, les rapporteurs spéciaux ont été sensibles aux hypothèses émises par certains auditionnés d'élargir les voies d'appréciation de cette compétence qui peut sans doute, dans certaines hypothèse, s'apprécier autrement que par des formations diplômantes.
En revanche, il semble nécessaire de conserver des critères exigeants de viabilité économique du projet. Actuellement, le candidat à l'installation doit opérer une présentation du plan d'entreprise normalisé, qui a vocation à être validé pour une période de quatre ans. L'exploitation doit ensuite dégager une production brute standard (PBS) supérieure ou égale à 10 000 euros par exploitation et inférieure ou égale à 1,2 million d'euros par associé exploitant pour ouvrir droit à versement de la DJA, ce qui semble cohérent avec l'objectif de pérennité. Toutefois, comme pour toute activité, des risques existent et peut-être faut-il aller jusqu'à reconnaitre un droit à l'erreur, donc une possibilité de deuxième tentative d'installation aidée. C'est en tout cas la position émise par la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) lors de son audition par les rapporteurs, qui ont été sensibles à cette hypothèse.
En revanche, le contenu de ce plan d'entreprises normalisé doit être amélioré en rendant obligatoire la présentation par le candidat des conséquences écologiques de son projet. Il s'agit d'un prérequis indispensable à toute évaluation de la viabilité environnementale du projet, tout aussi importante désormais que la viabilité économique.
Comme l'indique la Cour des comptes, « différentes parties prenantes ont mentionné l'intérêt de prendre en compte à l'avenir dans la valeur des exploitations leur qualité agronomique au moyen d'un diagnostic de la qualité des sols. Certaines plaident aussi pour un objectif ou une obligation d'autonomie organique des exploitations excluant une trop forte spécialisation des pratiques. »
Les rapporteurs spéciaux reconnaissent qu'il s'agit d'un objectif ambitieux mais atteignable dès lors qu'il s'accompagnerait d'une réflexion pour adapter le montant des aides, et aussi à terme de la fiscalité, au respect de critères environnementaux. À défaut d'un tel volontarisme, il ne sera pas possible d'atteindre les objectifs du Pacte vert et la neutralité carbone, ce que préconise pourtant le PSN français.
Une telle évolution supposerait de faire de la qualité des sols (propriétés, pollutions diffuses) un élément connu au stade de la transmission. Elle aurait également pour intérêt d'inciter les cédants à mieux entretenir, jusqu'à la cession, leur exploitation.
Au terme de leur mission, les rapporteurs spéciaux mesurent donc le défi qui s'offre à la France : une meilleure efficience des aides à l'installation agricole suppose de réformer en profondeur notre modèle, au coeur d'enjeux inconciliables.
Le réchauffement climatique, les crises sanitaires qui accompagnent toujours plus fréquemment l'intensification de la mondialisation, la distorsion de concurrence qui résulte de produits importés qui, dans les faits, ne sont pas soumis aux mêmes contraintes que ceux que nous produisons, la course aux prix bas à un moment où l'inflation repart dans le monde, les transformations du marché du travail, les conséquences de l'intelligence artificielle sur l'agriculture ou encore la remise en cause du modèle agricole familial rendent progressivement nos dispositifs d'aide à l'installation inadaptés et obsolètes.
C'est au prix d'un volontarisme politique fort, qui impliquera d'assumer des choix inconfortables que nous parviendrons peut-être à faire de ces dispositifs un outil au service d'une politique agricole qui doit garder à l'esprit son objectif premier : redonner à la France un peu de sa souveraineté alimentaire.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. RÉUNION DU MERCREDI 12 AVRIL 2023 : AUDITION POUR SUITE À DONNER
Réunie le mercredi 12 avril 2023, sous la présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, la commission des finances a procédé à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur l'installation des agriculteurs.
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Nous procédons à présent à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes réalisée à la demande de notre commission, en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), sur la politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles.
Nous recevons donc son Premier président, M. Pierre Moscovici, qui nous présentera les principales conclusions de cette enquête. Il est accompagné par Mme Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre de la Cour, et par les magistrats qui ont préparé cette enquête.
Par ailleurs, je vous informe du fait que les rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », MM. Vincent Segouin et Patrice Joly, procéderont à une série d'auditions complémentaires afin d'entendre les services du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, le cabinet du ministre, le syndicat Jeunes agriculteurs, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (Apca). Ces auditions, au format rapporteur, seront ouvertes à ceux d'entre vous qui souhaiteraient y assister.
Après avoir entendu M. Moscovici, notre rapporteur spécial Vincent Segouin présentera les principaux enseignements qu'il tire de cette enquête. À l'issue des débats, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.
Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Le rapport de la Cour des comptes est relatif à la politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles.
Alors que plus de 40 % des chefs d'exploitation atteindront d'ici à dix ans l'âge de départ à la retraite, la question du maintien et du développement de notre tissu agricole est cruciale. Celui-ci doit demeurer un outil au service de notre production agricole dans un contexte d'inflation des prix des produits alimentaires mais aussi de nécessaire transition écologique de notre modèle.
Votre commission a saisi la Cour en janvier 2022 d'une demande d'enquête sur l'installation des agriculteurs sur le fondement de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. C'est en effet le rôle de la Cour de contribuer à votre contrôle sur les dépenses publiques, y compris dans un domaine difficile à appréhender comme celui de l'installation des jeunes agriculteurs, et nous en sommes fiers.
Sont présents à mes côtés ceux qui ont mené à bien ce travail de grande ampleur, Annie Podeur, présidente de la deuxième chambre, Anne-Laure de Coincy, conseillère maître, contre-rapporteure, ainsi que les rapporteurs, Nathalie Reuland, conseillère référendaire, et Guillaume Brulé conseiller référendaire en service extraordinaire.
Aujourd'hui, je souhaite vous présenter les trois messages principaux qu'il faut en retenir. Le premier est que la politique de renouvellement des générations doit à la fois relever le défi de la démographie et accompagner l'évolution vers des modèles et des pratiques d'agriculture durable et résiliente. Le deuxième est que les instruments d'aide à l'installation et au démarrage demandent à être adaptés en ce sens. Le troisième est la nécessité mise en lumière d'anticiper la transmission par les cédants, et de mieux tirer parti des années qui précèdent leur fin d'activité pour orienter les transmissions vers des exploitations durables.
Pour revenir au premier constat, la politique de renouvellement des générations se doit d'articuler deux enjeux essentiels : attirer de nouveaux actifs agricoles et soutenir l'évolution des modèles d'exploitation. En effet, nous sommes confrontés à des enjeux importants liés à la diminution et au vieillissement de la population agricole, et à la baisse du nombre d'exploitations.
Je souhaite d'abord dresser un rapide état des lieux de la situation. Le déclin de la population active agricole est un phénomène ancien. De plus de 2,5 millions en 1955, le nombre d'exploitants est passé à 764 000 en 2000 puis à 496 000 en 2020 selon les résultats du dernier recensement agricole. Corollaire de cette évolution, le nombre d'exploitations agricoles lui aussi diminue fortement pour se situer en France métropolitaine à 389 000 en 2020. La surface agricole utile se stabilisant depuis le début des années 2000, la taille des exploitations augmente mécaniquement : elle est actuellement de soixante-neuf hectares en moyenne contre quarante-deux hectares en 2000.
Au regard des données dont nous disposons et des projections effectuées, ces tendances sont appelées à se poursuivre, quoique de manière moins prononcée que par le passé, alors que - je l'ai déjà souligné - 43 % des exploitants sont à l'heure actuelle âgés de 55 ans ou plus, donc susceptibles de partir à la retraite d'ici à 2033.
Pour autant, le devenir de l'agriculture française ne se laisse pas enfermer ou résumer par ces chiffres. Alors que nombre de parties prenantes mentionnent les difficultés à transmettre ou à s'installer, une étude de 2015 du ministère de l'agriculture sur des exploitations concernées par le départ à la retraite de leur chef durant les années 2000 avait montré que les exploitations cédées perdaient leur vocation agricole seulement dans un cas sur dix, la moitié d'entre elles étant reprises à l'identique et 40 % étant démantelées pour agrandir ou créer de nouvelles fermes.
Par ailleurs, le monde agricole évolue avec le développement des formes sociétaires le recours au salariat et à la main-d'oeuvre externalisée, et avec la diversification des activités sur l'exploitation. Toutefois, le modèle d'exploitation dite familiale, un modèle économique où coïncident propriété, réalisation du travail et pouvoir de gestion et de décision, demeure majoritaire. Dans l'ensemble, il reste difficile de caractériser l'ampleur des évolutions en l'absence d'études récentes sur le devenir des exploitations lors des cessions et de projections des flux de cessation d'activité.
Au seuil d'une décennie où nombre d'exploitants cesseront leur activité, la question se pose, à l'échelle européenne comme nationale, de savoir quel sera à l'avenir le visage de l'agriculture et, bien plus largement, du monde rural et des territoires. D'ailleurs, la politique d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations telle que l'énonce notre code rural comporte plusieurs objectifs inséparables : renouvellement des générations, production, durabilité sociale et environnementale, et aménagement du territoire.
Pour répondre à ce défi, l'aide à l'installation et le renouvellement des générations sont des priorités politiques désormais affirmées. La Cour a examiné la mise en oeuvre des quatre principaux types d'instruments prévus aux échelles européenne et française et mis en oeuvre par l'État, par les régions et par les autres partenaires pour faciliter l'installation et la transmission.
Le premier instrument est celui des subventions pour soutenir l'installation et les premières années d'activité des jeunes agriculteurs, sous forme d'aides directes ou de soutiens à l'investissement.
Le deuxième instrument est celui des aides fiscales et des exonérations sociales, bénéficiant principalement aux jeunes agriculteurs attributaires de la dotation jeune agriculteur (DJA) ou visant à faciliter la transmission au moment de la cessation d'activité et de la reprise de l'exploitation.
Le troisième instrument est celui des actions d'information et d'accompagnement, essentiellement portées par le programme d'accompagnement à l'installation et à la transmission en agriculture, cofinancé par l'État et par les régions pour aider les candidats à l'installation à bâtir et à professionnaliser leur projet, et les cédants à anticiper leur transmission.
Le quatrième instrument est celui de l'encadrement du marché foncier agricole qui régule les prix des terres et peut favoriser l'installation des jeunes grâce à des instruments que vous connaissez comme le contrôle des structures, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) et les baux ruraux.
À l'échelle nationale, la loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a renforcé les moyens consacrés à la politique d'installation et de transmission, en particulier le soutien aux jeunes agriculteurs. Cette politique inclut les objectifs pertinents d'aménagement et de développement des territoires, de diversification des systèmes de production, de soutien aux projets créateurs de valeur ajoutée et d'emplois ainsi que d'incitations à la mise en place de pratiques performantes et respectueuses de l'environnement.
À l'échelle européenne, amplifiant l'effort engagé lors de la programmation 2014 2022, la programmation de la politique agricole commune (PAC) pour 2023-2027 définit un objectif visant à « attirer et soutenir les jeunes agriculteurs et les autres nouveaux agriculteurs et faciliter le développement durable des entreprises dans les zones rurales ». Cet objectif se traduit par l'obligation pour chaque État membre de consacrer au moins 3 % de l'ensemble des crédits des deux piliers au soutien des jeunes agriculteurs, ceux de moins de 40 ans. Pour la France, les moyens européens consacrés aux jeunes agriculteurs s'élèveront ainsi à environ 220 millions d'euros par an.
Malgré des objectifs affirmés et des moyens en augmentation, cette politique est marquée par un défaut de pilotage stratégique national et régional. Ce défaut s'explique en partie par le manque de données exploitables : absence d'actualisation d'études structurantes sur le devenir des exploitations, mise en place partielle des observatoires régionaux de l'installation-transmission et absence de mise en place de l'observatoire national de l'installation-transmission malgré les dispositions de la loi du 13 octobre 2014, connaissance très imparfaite des biens à céder, de la valeur des exploitations et du montant des transactions, et impossibilité de matérialiser les difficultés de cession mentionnées par les parties prenantes. Il s'explique également par l'attention insuffisante portée à la stratégie et à la coordination des politiques par les organes de gouvernance que sont le comité national de l'installation-transmission et les comités régionaux.
La Cour formule plusieurs recommandations pour pallier ces manques.
En guise de premier constat, elle suggère la définition d'une stratégie nationale déclinée en stratégies régionales, articulées entre elles, aux plans régionaux d'agriculture durable ainsi qu'aux programmes alimentaires territoriaux, avec des cibles concernant les capacités de production et le nombre d'exploitations et d'exploitants par filière et par région, selon des enjeux agroéconomiques, environnementaux, sociaux et d'aménagement.
Sans sous-estimer les difficultés de tels exercices, ceux-ci paraissent nécessaires pour partager un cap et calibrer les dispositifs. L'État mène depuis décembre 2022, comme vous le savez, une concertation à l'échelle nationale et régionale destinée à nourrir les projets de pacte et de loi d'orientation et d'avenir agricoles annoncés pour l'été 2023. Nous savons que l'un des trois axes de la concertation concerne précisément l'installation et la transmission. Le présent rapport arrive donc à point nommé pour que les enjeux que je viens de rappeler puissent être traités.
En guise de deuxième constat, la Cour relève que les instruments d'aide à l'installation et au démarrage demandent à être adaptés, notamment pour prendre en compte la diversité de l'agriculture et des profils des candidats à l'installation.
Le programme d'accompagnement à l'installation et à la transmission en agriculture est un dispositif qui doit encore être adapté aux besoins. Mis en oeuvre par l'État, par les régions et par des opérateurs labellisés, il est doté d'un budget de 20 millions d'euros en moyenne par an entre 2019 et 2021.
Or ce programme souffre de plusieurs lacunes alors que se diversifie l'origine professionnelle et familiale des candidats à l'installation : absence de dispositifs consacrés à l'émergence des projets, inégale représentation des différents types d'agriculture parmi les structures chargées d'accueillir et de conseiller les candidats à l'installation et manque d'individualisation des plans de professionnalisation personnalisés.
Au titre des soutiens financiers, la dotation jeune agriculteur, cofinancée par le budget de l'État, les fonds européens et es régions, est centrale. Même si ses effets sur la décision d'installation et sur la viabilité à long terme de l'exploitation ne sont pas démontrés pour tous les projets agricoles, ses conditions d'attribution, à savoir la présentation d'un plan d'entreprise et la possession d'un niveau minimal de formation, apportent une garantie sur la qualité des projets soutenus. En outre, les aides complémentaires auxquelles le bénéfice de cette dotation ouvre droit, notamment les exonérations fiscales, contribuent à faciliter l'installation.
Toutefois, comme le Sénat l'avait relevé au moment de saisir la Cour de ce travail, nous constatons une nouvelle fois que les objectifs de recours à cette dotation jeune agriculteur ne sont pas atteints, car la moitié de la population qui y est éligible ne la demande pas. Les motifs de ce manque d'intérêt ont peu varié depuis les derniers travaux de la Cour et c'est plus fondamentalement le ciblage de l'ensemble des soutiens qui pose problème puisqu'un tiers des installations est le fait de personnes âgées de plus de 40 ans, en général des personnes en reconversion professionnelle. Ces candidats de plus de 40 ans ne peuvent accéder qu'à 9 % des aides publiques d'installation alors qu'ils disposent souvent d'idées novatrices et de fonds propres.
Lorsque l'État a préparé, en coordination avec les régions, son plan stratégique national de mise en oeuvre de la nouvelle PAC, les soutiens à l'installation, comme nous l'avons relevé, ont été abordés sous un angle budgétaire et non stratégique. La détermination du budget consacré à l'aide à l'installation et sa répartition entre régions n'ont été fondées que sur la poursuite des tendances précédentes. Sans justification, le budget consacré aux aides complémentaires au revenu pour les jeunes agriculteurs a été significativement relevé par rapport à d'autres choix de substitution comme l'augmentation des aides à l'investissement. Aucune analyse sur les avantages comparés des différents types d'aides - aide de trésorerie, aide à la production, aide à l'investissement - n'a été réalisée.
Par ailleurs, la délégation aux régions de la gestion des aides depuis le 1er janvier 2023 ne sera pas sans effets sur la politique d'installation. Des incertitudes persistent et des décisions sont à prendre au plus vite quant au niveau d'exigence des engagements requis de la part des bénéficiaires en contrepartie de l'attribution de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs.
Enfin, s'agissant des nouveaux agriculteurs de plus de 40 ans, malgré la création d'une aide spécifique au titre du développement des entreprises en milieu rural, le budget qui leur sera consacré restera marginal, à hauteur de 4 % de l'enveloppe des fonds européens et des cofinancements nationaux et régionaux.
Pour conclure sur ces dispositifs, alors que démarre un nouveau cycle PAC et que les régions voient leurs pouvoirs renforcés, nous relevons que ces dernières pourraient utilement veiller à, d'une part, rééquilibrer les dispositifs de soutien en faveur des plus de 40 ans et, d'autre part, conserver des critères d'éligibilité exigeants pour l'attribution des aides.
Comme nous, vous aurez relevé que, lors de la présentation du « plan Eau » effectuée le 30 mars dernier, le Président de la République a renouvelé l'annonce selon laquelle les aides à l'installation devraient intégrer un diagnostic eau, sols et adaptation. Si la mesure reste à écrire, le signal envoyé rejoint les constats et recommandations de notre enquête.
Enfin, notre rapport met en lumière la nécessité de s'intéresser au long cours à la transmissibilité des exploitations et de mieux tirer parti des années qui précèdent la fin d'activité des cédants pour orienter les repreneurs vers un modèle durable.
En premier lieu, après avoir rappelé que les politiques publiques ont longtemps encouragé la sortie d'activité des agriculteurs, nous faisons le constat, partagé par l'ensemble des parties prenantes, que la politique de transmission est à l'heure actuelle insuffisamment investie et essentiellement patrimoniale.
Dans leur ensemble, exception faite des mesures fiscales, les mesures proposées par l'État dans le cadre du programme d'accompagnement ne sont utilisées que par un faible nombre de cédants, pour un montant d'environ un million d'euros par an. Certes, les sessions d'information, de conseil et de mise en relation entre cédants et candidats à l'installation proposées par les chambres départementales d'agriculture sont appréciées et bien déployées sur le territoire, cependant elles concernent peu de monde : leur portée paraît donc modeste.
Les aides financières personnalisées sont, quant à elles, utilisées de manière anecdotique. Par ailleurs, les sources d'information susceptibles d'éclairer et d'orienter les agriculteurs dans leurs projets de fin d'activité sont rares et peu accessibles. Transmettre ou démanteler ? Accueillir un jeune pour un tuilage ? Transmettre un ensemble ou garder une habitation ? Le champ des possibles pour répondre à ces questions mériterait d'être mieux présenté. En effet, la transmission est un moment sensible où s'expriment des préoccupations patrimoniales, familiales et personnelles, et où la prise en compte du devenir agricole des terres n'est pas aisée.
En deuxième lieu, l'enquête a conduit à souligner des freins structurels internes au monde agricole pour transmettre et s'installer : le prix complexe à fixer des exploitations et la transparence insuffisante du marché, qui favorise surtout le bouche-à-oreille ; la possibilité que les exploitations et les équipements proposés soient en inadéquation avec les attentes ou les moyens des repreneurs ; mais aussi la concurrence entre l'installation de nouveaux agriculteurs et l'agrandissement de fermes existantes.
Ces phénomènes gagneraient à être corrigés par les exploitants afin de garantir, en cas de retraite ou de mobilité professionnelle, une meilleure transmissibilité de celle-ci. Ils devraient aussi être mieux pris en compte par les politiques publiques.
En effet, il apparaît probable qu'à l'avenir, l'activité agricole ne soit plus systématiquement le choix de toute une vie, justifiant que les agriculteurs appréhendent différemment le fonctionnement et la transmissibilité de l'appareil productif.
Par ailleurs, le renouvellement des générations rejoignant celui des pratiques, il convient de tirer le meilleur parti du moment clé que constitue la préparation de la transmission pour accompagner les agriculteurs et accélérer la mutation de l'agriculture française vers un modèle durable.
Enfin, si la politique d'installation-transmission présente un intérêt national, sa conception et sa mise en oeuvre nécessitent d'être ancrées à l'échelle locale pour s'appuyer sur tous les outils pertinents.
Au moment où s'esquissent une nouvelle répartition des compétences et un nouvel équilibre entre l'État et les régions, le rapport recense des dispositifs et de nouvelles manières de travailler que les pouvoirs publics peuvent associer aux instruments plus classiques de la politique d'installation-transmission.
Dans un contexte évolutif, une bonne coopération entre les services de l'État et des régions apparaît souhaitable. De ce point de vue, la Cour relève que la réalisation par les régions d'un bilan annuel de la politique d'installation-transmission, prévue par la loi à compter de 2023, offrira une visibilité nouvelle à cette politique.
Enfin, alors que la délégation de la gestion des aides aux régions se met en place et que le législateur sera très prochainement appelé à adapter les contours de la politique d'installation-transmission aux enjeux contemporains, la Cour souligne le caractère propice de ce moment pour la mise en place de guichets uniques, nécessaires pour assurer l'accessibilité et la cohérence des dispositifs mobilisables par les agriculteurs concernés.
Tous ces constats nous conduisent à identifier trois orientations et à formuler des recommandations opérationnelles.
Pour renforcer la connaissance des phénomènes, ainsi que la transparence et la fluidité du marché, nous proposons de mettre en place un réseau d'observatoires régionaux de l'installation-transmission alimentant l'Observatoire national et de faire un bilan du fonctionnement des répertoires départ-installation, afin d'en améliorer l'utilité.
Pour favoriser l'ouverture du monde agricole à de nouveaux actifs et à l'ensemble des pratiques culturales, il faut conditionner la désignation des structures chargées du programme d'accompagnement à l'installation et à la transmission, à l'engagement de nouer des partenariats représentatifs des divers modèles agricoles et d'en contrôler le respect.
Pour soutenir la préparation et la transmission d'exploitations orientées vers une agriculture durable et tirer parti des années précédant les cessions, nous suggérons de renforcer l'accompagnement des cédants qui envisagent de transmettre leur exploitation et non seulement de la céder, grâce à un guichet unique.
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Je vous remercie, monsieur le Premier président, pour la qualité de votre présentation. Je remercie également les magistrats qui ont contribué à répondre à cette enquête dont les conclusions sont très précieuses pour notre commission.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - J'ai pris connaissance avec intérêt de l'enquête qui nous a été communiquée par la Cour des comptes et de la présentation qui en a été faite à l'instant par son Premier président. Je me permets d'associer mon collègue rapporteur spécial Patrice Joly, qui ne pouvait être présent aujourd'hui mais qui partage le diagnostic posé par la Cour dans son enquête.
Tout d'abord, je tiens à saluer le travail qui a été accompli. Nous sommes, au Sénat, bien placés pour mesurer l'importance des enjeux en matière agricole, et le défi que constitue l'installation des agriculteurs, comme l'a rappelé notre collègue Sylvie Vermeillet, va bien au-delà de la simple question de l'accès à un secteur du marché du travail. La complexité du sujet est telle que je la comparerais volontiers à une forme de tectonique des plaques, avec tout ce que peuvent engendrer des forces qui ne vont pas dans le même sens. Il suffit pour s'en convaincre de relire l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui liste les finalités de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, pour mieux mesurer le caractère presque inconciliable de ces enjeux.
Compte tenu de la charge de travail importante que cela représentait déjà, et en accord avec nous, l'enquête de la Cour a été circonscrite aux seuls instruments de la politique d'installation et de transmission.
Certains thèmes d'intérêt, indissociables de l'attractivité, doivent également être pris en compte dans une optique de revalorisation globale des filières agricoles. Je ne voudrais pas dresser un tableau apocalyptique de la situation, mais entre les conditions de travail, pas toujours enviables, la rémunération globalement insuffisante, les enjeux environnementaux de plus en plus prégnants, sans compter la concurrence de pays qui ne sont pas soumis aux mêmes normes mais dont on importe les produits, c'est l'ensemble de la philosophie de notre politique agricole qui doit être repensée.
Alors, comment rendre son attractivité à un secteur qui cumule tant de handicaps ?
Vous avez rappelé le contexte. Je ne reviendrai donc pas sur ce point, mais je retiens trois caractéristiques importantes, citées dans votre enquête, et qui ont un impact sur notre politique de soutien à l'installation.
D'abord, nous connaissons globalement un déclin continu de la population active agricole, avec toutefois un maintien des surfaces agricoles utiles.
Ensuite, le modèle d'exploitation familiale demeure le plus répandu, mais laisse une place de plus en plus importante à d'autres formes d'organisation, en raison du développement des formes sociétaires, du recours au salariat et à la main d'oeuvre externalisée et de la diversification des activités sur l'exploitation. Sur ce point, je me réjouis de la philosophie globale de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027, favorable à ce modèle d'exploitation familiale.
Enfin, pour favoriser les installations des agriculteurs, on ne peut pas faire abstraction de certaines données concernant les professionnels de l'agriculture : les agricultrices représentent une part de moins en moins importante de l'ensemble des agriculteurs, ceux-ci sont de plus en plus âgés, et leurs revenus sont de plus en plus décorrélés de leur activité principale puisque, en moyenne, seul le tiers du revenu disponible moyen des ménages agricoles provient d'une activité agricole.
Afin d'atteindre l'un des objectifs fixés par la programmation de la PAC 2023 2027, à savoir « attirer et soutenir les jeunes agriculteurs et les autres nouveaux agriculteurs et faciliter le développement durable des entreprises dans les zones rurales », je partage l'analyse de la Cour qui, sans le formuler ainsi, nous fournit beaucoup d'éléments indiquant que les dispositifs actuels d'aide à l'installation ne fonctionnent pas de manière optimale.
Le Premier président a évoqué la prise en compte de la diversité de l'agriculture dans les mécanismes d'installation, la nécessité de mieux connaître nos besoins et nos capacités et celle de revoir la politique de transmission.
Je suis convaincu du fait que les dysfonctionnements pointés par la Cour ne sont pas liés à une insuffisance des moyens. D'ailleurs, les crédits alloués à l'installation des agriculteurs augmentent constamment, malheureusement sans atteindre leurs objectifs. Pour la seule aide à l'installation des jeunes agriculteurs et l'aide complémentaire au revenu, nous passerons progressivement de 243 millions d'euros en 2021 à 297 millions en 2026. Un autre élément qui plaide en ce sens est le faible différentiel entre le taux de maintien des installations aidées après cinq ans d'activité - entre 98 et 99 % - et le taux de maintien des installations non aidées, qui est de 90 %.
J'ai donc le sentiment que nous aboutons des crédits en multipliant les dispositifs, parce que la réalité des difficultés rencontrées est avérée, sans nous interroger sur une utilisation plus efficiente. Votre enquête souligne d'ailleurs que certaines évaluations de crédits « n'ont été précédées ni d'étude prospective ni d'analyse stratégique en fonction des besoins d'activité et de production identifiés selon les filières et les territoires ».
Je partage donc les quatre préconisations de la Cour qui vont dans le sens d'une meilleure remontée d'informations pour connaître les besoins en matière d'installation agricole et rendre plus accessibles les dispositifs existants, mais il me semble que tout cela sera vain tant que nous n'aurons pas clarifié ce que l'on attend de notre modèle agricole. Notre dispositif actuel, qui consiste à soutenir simultanément des modèles opposés, voire contradictoires, et à concaténer des dispositifs qui se font ensuite concurrence, n'a aucun sens.
Je me limiterai à deux questions.
La Cour préconise de mettre en place un réseau d'observatoires régionaux alimentant l'Observatoire national de l'installation-transmission (Onit) selon un protocole commun de recueil des données. Je partage totalement votre analyse sur la nécessité de connaître enfin, région par région, les besoins en termes tant de consommation que de production. Cette méconnaissance des pratiques et des besoins agricoles par territoire m'a un peu surpris. Les chambres d'agriculture ne sont-elles pas en mesure d'assurer toutes les remontées d'informations nécessaires ? C'est le sentiment que j'ai eu en lisant votre enquête : elles apparaissent globalement un peu au second plan et ne semblent pas être toujours en mesure d'assurer leurs missions en matière d'installation, mais je serais curieux d'avoir votre sentiment.
Je suis très favorable à l'extension des dispositifs d'aide à l'installation des plus de 40 ans. De mon point de vue, cet âge plafond pour la dotation jeunes agriculteurs (DJA) n'a aujourd'hui plus de sens. Est-ce envisageable à moyens constants ? Avez-vous identifié de potentielles sources d'économies dans les nombreux dispositifs existants qui pourraient être redéployées vers l'aide à l'installation des plus de 40 ans ? A-t-on une idée, même approximative, du coût de la suppression du critère d'âge ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie les magistrats de la Cour des comptes, et notamment son Premier président, pour ses travaux. Je me réjouis que le rapporteur spécial ait sollicité la Cour sur ce sujet dont nous avons moins l'habitude d'entendre parler.
On voit bien combien l'agriculture a évolué en quelques décennies, qu'il s'agisse du nombre d'exploitations, de l'âge moyen des agriculteurs et de l'origine de celles et ceux qui s'installent. Un équilibre nouveau a aussi été trouvé s'agissant de la place et du rôle des femmes dans l'agriculture. Mais tel n'est pas l'objet de vos travaux. Vous avez examiné les modalités de financement et d'accompagnement à l'installation. La question de l'accès à l'installation recouvre un enjeu financier, mais pose également la question de la souveraineté foncière nationale, qui mérite d'être interrogée. Je ne remets pas en cause le dispositif des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer), mais il est aujourd'hui opportun de s'interroger sur ce modèle au regard des nouveaux acteurs et du développement des investissements étrangers, qui concernent des territoires variés.
Les questions sont ouvertes, des éléments de réponse ont été apportés : ils nous seront d'une grande aide pour nos travaux budgétaires.
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Je salue la présence parmi nous de notre collègue Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Moscovici. - Merci de l'accueil que vous faites à ce rapport qui, je l'espère, permettra d'éclairer utilement vos travaux. À vous écouter, je constate une large convergence d'analyse. Je veux notamment reprendre un point que vous évoquiez, monsieur le sénateur Segouin, à savoir qu'il ne s'agit pas essentiellement d'un problème de moyens. Nous insistons sur la connaissance, le dialogue, l'ouverture et l'accompagnement, des dimensions plus qualitatives qui permettent de s'adapter aux nouvelles formes de transmission-installation et à la modification du modèle agricole, que nous souhaitons plus durable.
Le rôle des chambres d'agriculture est variable selon les territoires. Certaines sont ouvertes aux partenariats, soutiennent tous types de projets, produisent et communiquent des informations ; d'autres ne respectent pas leur cahier des charges. Ce constat n'invalide pas notre proposition de la mise en place d'observatoires régionaux qui est jusqu'à présent restée lettre morte. Nous recommandons de contrôler le respect des engagements des chambres d'agriculture.
Sur l'extension aux plus de 40 ans, une hypothèse maximaliste serait de compter 5 000 installés, pour un coût moyen de 25 000 euros, soit 125 millions d'euros au total. Mais des solutions intermédiaires sont envisageables, selon la volonté des régions. Il me semble toutefois que cette question rejoint l'observation sur l'efficience. Si l'on a une approche plus holistique de la question, il s'agit non pas forcément de dépenses additionnelles, mais d'une répartition différente de la dépense. Un travail sur l'efficience devrait permettre de financer le surcroît que représenterait cette prise en compte qui nous apparaît nécessaire, car elle correspond à des réalités sociologiques qu'il serait absurde d'ignorer. Les installants sont de plus en plus souvent âgés de plus de 40 ans - un couperet d'âge ne fait donc pas sens - et bénéficient de très peu d'aides, ce qui les place dans une situation moins favorable. Il faut remédier à cette situation.
M. Michel Canévet. - Je remercie la Cour des comptes de ce travail sur l'agriculture, secteur d'activité absolument essentiel pour notre pays, singulièrement pour les territoires. Je note une certaine convergence entre ces analyses et ce que j'observe moi-même dans mon département, le Finistère, où la surface agricole utile moyenne des exploitations est passée de 76 hectares en 2021 à 82 hectares en 2022. C'est dire que les choses évoluent grandement malgré la diversité des formes d'agriculture. La capitalisation extrêmement forte des structures agricoles pénalise la transmission des entreprises. Pensez-vous qu'il faille recourir à des formes différentes de propriété des structures agricoles par des collectivités - on parle beaucoup des fermes relais - ou par des investisseurs capables d'investir massivement ?
Vous avez évoqué les perspectives quelque peu inquiétantes en matière de transmission. Le Finistère compte 7 500 exploitations agricoles, contre 389 000 au niveau national. Nous aidons environ 120 candidats à l'installation par an. Le delta est extrêmement large entre ceux qui partent à la retraite et ceux qui s'installent, même si un grand nombre d'exploitants, notamment pour les petites structures, sont en reconversion professionnelle et n'entrent pas dans les chiffres. Avez-vous analysé les questions relatives à la formation agricole, en particulier les moyens dédiés aux établissements d'enseignement agricole ? Vous évoquez dans votre rapport la nécessité d'une évolution vers une agriculture durable et résiliente. Cela passe, notamment, par une formation adaptée. Que peut-on dire de l'évolution des effectifs dans les établissements de formation agricole ?
L'agriculture souffre parfois d'une très mauvaise image, notamment en matière de pollution. On y gagne également difficilement sa vie, sans parler du temps de travail, qui est hors norme. Tous ces éléments constituent des facteurs limitants qu'il faudrait analyser de près.
Votre rapport aborde également la question de l'accompagnement. J'ai le sentiment que les effectifs des chambres d'agriculture ont beaucoup baissé. Voilà peut-être pourquoi l'accompagnement est difficile aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, l'accompagnement dans le Finistère des candidats à l'installation par la chambre d'agriculture ou d'autres structures demeure particulièrement intéressant et positif, notamment dans le segment de l'agriculture biologique - je pense à l'association Eloi. Actuellement, 10 % des exploitations agricoles dans le Finistère sont des exploitations bio ou en conversion, c'est dire l'évolution.
Vous avez évoqué en conclusion le guichet unique. Doit-il se situer au niveau des chambres d'agriculture et des organisations professionnelles ou doit-il dépendre de l'État et des régions ? Les régions et les départements ont souvent des politiques d'accompagnement à l'installation, d'autant que les régions gèrent une partie des fonds européens dédiés à l'agriculture. Quelle structure pourrait-elle piloter le guichet unique ?
M. Marc Laménie. - Certes, l'enjeu financier est important, mais il ne faut pas oublier le volet humain. La démographie est une difficulté. Il y a eu plus de 500 millions d'euros de contribution publique en 2021. Les jeunes sont volontaires, mais les dossiers sont complexes à monter - Europe, État, région, collectivités territoriales et autres partenaires -, je le constate au niveau de mon département, les Ardennes. Il existe souvent une insuffisance de communication concernant les modes de financement. Les effectifs des chambres d'agriculture, dont le rôle est important, ont par ailleurs diminué. Il existait auparavant des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, qui aidaient réellement les agriculteurs. Maintenant, il faut s'adresser aux directions départementales des territoires (DDT), qui ne disposent pas des mêmes moyens humains. Les dossiers sont de plus en plus complexes et dématérialisés. Sans parler du lien avec les experts comptables et les centres de gestion. Comment envisagez-vous le fonctionnement de ce guichet unique ?
Mme Christine Lavarde. - En vous entendant ce matin et en lisant la synthèse de vos travaux, j'ai eu le sentiment que les politiques publiques étaient un peu sectorielles. Il est surtout question finalement d'aménagement du territoire. Ces aides à l'installation ne devraient-elles pas aussi s'accompagner d'une aide à la transition du modèle agricole ? Je pense aux enjeux sur l'eau qui sont de plus en plus prégnants. Un agriculteur qui reprend une installation peut-il continuer à travailler comme on le fait depuis deux siècles ? Je ne vous ai pas entendu sur cette question. Dans quelle mesure le Gouvernement est-il moteur sur ces sujets ? Quid de la politique européenne et des évolutions de la politique agricole commune (PAC) ?
M. Christian Bilhac. - L'indépendance alimentaire est un sujet essentiel. Le nombre d'exploitants, qui a été divisé par cinq en sept décennies, s'est accompagné d'une baisse de la surface agricole utile. De plus en plus de parcelles sont abandonnées, quelles que soient les régions. Quel pourcentage de fils d'agriculteurs perçoit la DJA ? Cette aide profite-t-elle à de nouveaux agriculteurs ou va-t-elle essentiellement à des personnes qui reprennent l'exploitation familiale ?
Il faut, bien sûr, accompagner la transmission grâce à une opération gagnant gagnant entre le vendeur et le repreneur. Je m'interroge : ne faudrait-il pas mettre en place un plan national pour lutter contre la vente à la découpe ? On vend le tracteur à un collègue, trois parcelles à un autre, mais certaines parcelles ne trouvent pas preneur et deviennent des friches. Dans mon territoire, les communautés de communes et les intercommunalités ont mis en place des actions en matière de développement économique pour l'artisanat, le commerce et l'industrie, mais très peu en faveur de l'agriculture. Il existe beaucoup d'ateliers relais aujourd'hui dans les zones industrielles, mais les fermes relais sont assez rares et relèvent du niveau expérimental. Ne faudrait-il pas envisager un plan national de transmission en impliquant les régions et les intercommunalités ?
M. Stéphane Sautarel. - J'évoquerai essentiellement la question du foncier, soulevée notamment par le rapporteur général. Vous pointez dans votre rapport le foncier comme étant l'un des enjeux. La régulation ou les questions de portage sont des freins pour les installations hors cadre familial. Dans la synthèse de votre rapport, vous écrivez que si le prix des terres est connu et modéré, les autres éléments d'actifs sont difficiles à évaluer. Je suis étonné que vous trouviez le prix des terres modéré. C'est en contradiction avec un autre frein que vous signalez, à savoir le fait que l'approche patrimoniale et l'approche économique sont difficiles à concilier. Quelles sont les pistes possibles, selon vous, pour contourner cette difficulté, notamment en matière de portage et de régulation du foncier ?
M. Antoine Lefèvre. - Je suis élu du département de l'Aisne, un département très agricole où toutes les productions sont présentes, avec deux AOC : le champagne et le maroilles. Je partage bien sûr l'inquiétude exprimée dans le rapport sur les difficultés de l'installation, y compris dans un département comme le mien où l'agriculture a toujours occupé une place très forte et dynamique. Dans le cadre du contrôle effectué par la Cour des comptes, avez-vous eu l'opportunité d'examiner ce qui se pratique à l'étranger en matière d'installations agricoles ? La Ferme France est certes un peu spécifique, mais existe-t-il des expériences significatives d'aide à l'installation dans les autres pays ?
M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je vous remercie de m'avoir invité. Ce rapport est une pierre angulaire qui pourrait servir à imaginer le nouveau modèle agricole français. Nous allons bientôt examiner au Sénat une PPL sur le sujet. Nous examinerons également prochainement un projet de loi d'orientation agricole. Tous les éléments qui figurent dans votre rapport nous aideront à réfléchir.
Nous faisons tous le constat de la difficulté de la transmission. Mais il y a quand même un élément de base, qui est factuel, à savoir qu'aujourd'hui le produit ne paie plus outil. Comment transmettre une exploitation qui ne rapporte pas d'argent ? Comment transmettre une exploitation qui ne n'apporte aucun dividende, voire qui ne permet pas de rembourser l'emprunt nécessaire à l'acquisition ? Voilà pourquoi j'ai parlé au début de mon propos de nouveau modèle agricole. Il y a quelques années, un agriculteur qui s'installait à vingt-cinq ans travaillait jusqu'à soixante ans et transmettait ensuite à ses enfants ou à quelqu'un d'autre son exploitation. Ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Comme vous l'avez rappelé dans votre propos liminaire, nos concitoyens changent de cursus professionnel à tout âge, y compris après quarante ans. Il existe d'ailleurs dans nos territoires des espaces-tests qui servent de tremplin et permettent aux repreneurs potentiels de s'installer pendant quelque temps, avec l'appui souvent des collectivités et de la profession agricole. Faut-il toujours mettre en avant la barrière de l'âge ou devons-nous réfléchir autrement ? Faut-il aider la structure à se transmettre ou faut-il aider la personne qui reprend la structure ? C'est une piste de réflexion que je tenais à porter à votre connaissance, car il importe d'imaginer un autre modèle.
Vous avez parlé de transparence en matière de transmission d'exploitation. Pour avoir été installé pendant vingt-cinq ans à mon compte sur une exploitation agricole, je puis vous assurer que très souvent, pour ne pas dire toujours, l'affaire est faite quand on arrive devant la commission départementale d'orientation de l'agriculture, surtout si vous venez d'un autre département pour reprendre une exploitation. La transparence doit donc se faire jusqu'au bout, il ne faut pas seulement connaître la structure, il faut aussi se mettre autour de la table avec la volonté de vouloir installer quelqu'un d'autre, qui travaillera peut-être dans une logique différente. Il importe de faire preuve d'ouverture d'esprit. Force est de reconnaître que si l'on s'obstine à vouloir transmettre un modèle agricole à bout de souffle, le constat sera toujours le même : nos exploitations ne seront pas transmissibles et la Ferme France sera en déclin.
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - L'évolution des structures et des modèles sera sans doute forcée par les effets du réchauffement climatique. Dans le Jura, dont je suis l'élue, les agriculteurs se demandent si la production de comté sera toujours possible dans quelques décennies.
M. Jean-Marie Mizzon. - La France, pays agricole de longue date, est aussi un pays touristique - depuis un peu moins de temps. L'agritourisme se développe beaucoup chez nos voisins, notamment en Italie. Voyez-vous un avenir à cette diversification ? Est-elle de nature à faciliter l'installation agricole ? De la même manière, qu'en est-il de l'énergiculture ?
M. Pierre Moscovici. - Je vous remercie de ces questions, qui alimentent la réflexion - et sans doute est-ce là la vocation essentielle de nos rapports établis à la demande du Parlement.
Je n'aurai pas de réponse à toutes les questions posées. D'une part, le rapport en apporte déjà beaucoup ; d'autre part, nous n'avons pas abordé tous les sujets, le champ d'étude ayant été déterminé avec les sénateurs à l'origine de la saisine, MM. Segouin et Joly, puis étendu, à partir d'un dialogue avec eux, à l'ensemble de la politique d'installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles. Il n'a pas paru souhaitable d'aller au-delà de ce périmètre, déjà ample. La Cour, par ailleurs, publiera prochainement un travail sur le revenu des éleveurs et débute une enquête sur la compétitivité de l'agriculture française.
J'observe une convergence entre vos analyses et les nôtres, par exemple sur la capitalisation des structures, qui peut être accompagnée par de nouvelles formes de sociétés et de financements, avec de possibles solutions intermédiaires. Il faut utiliser toutes les innovations organisationnelles et financières disponibles, et développer de nouveaux collectifs de travail.
À la question de savoir si l'accompagnement demeure à un niveau pertinent avec la baisse des effectifs des chambres d'agriculture, je répondrai que la Bretagne est précisément un bon exemple de travail efficace, à partir d'une organisation régionale et d'un guichet d'accueil. Ce n'est pas nécessairement un modèle, mais cela prouve que l'efficience peut être améliorée. Je rejoins donc le diagnostic selon lequel la question primordiale est, non pas celle des moyens, mais celle de la qualité du travail rendu.
L'important pour le guichet unique, c'est l'adaptation locale. Il reviendra à l'État et aux collectivités locales, dans le cadre des différentes négociations, de définir la meilleure organisation entre la DDT et la chambre d'agriculture.
Par ailleurs, les régions joueront demain le rôle des DDT : à elles de s'organiser et d'organiser leurs relations avec les chambres d'agriculture et les autres structures d'accompagnement, d'où l'importance d'un suivi national pour s'assurer de l'homogénéité et diffuser les bonnes pratiques.
Il me semble avoir souligné, dans ma présentation, l'importance des préoccupations agroécologiques et de l'adaptation aux changements climatiques. Nos orientations vont dans ce sens.
Observons que le nombre des candidats hors cadre familial a progressé, passant de 26 % à 34 % des jeunes agriculteurs. Ces candidats expliquent la hausse des dotations jeune agriculteur. Une diversification est donc en cours.
Le rapport propose un bouquet de services d'accompagnement - diagnostics d'exploitation, information sur les dispositifs, aides économiques aux cédants, aide à l'accueil de nouveaux agriculteurs, espaces tests, etc. - pour éviter les problèmes de découpe et, face à la diversité des préoccupations des cédants, anticiper autant que possible.
S'agissant des expériences étrangères, nous avons examiné les situations de l'Italie, où existe un guichet unique pour les aides à l'installation et l'investissement ; l'Espagne, qui propose une bonification pour les jeunes agricultrices ; le Danemark, où l'on dispense une aide à l'installation. Nous avons donc un modèle qui nous est propre.
Peut-on imaginer un autre modèle ? Nous recommandons de favoriser les partenariats avec les diverses structures d'accompagnement, notamment les espaces tests, que nous encourageons très clairement.
Encore une fois, je n'ai pas répondu à toutes les questions, mais nous serons toujours disponibles pour participer à vos travaux. J'ai d'ailleurs trouvé cet exercice particulièrement enrichissant et, sans filer la métaphore employée par M. Christian Bilhac, j'insiste sur le caractère tout à fait fondamental du sujet. En 70 ans, nous avons divisé par cinq le nombre d'agriculteurs - c'était d'ailleurs un objectif de la PAC que de permettre une mutation correcte du modèle. Nous ne sommes probablement pas loin d'un étiage bas. Il faut donc maintenant conserver et accompagner, en veillant à la durabilité et en ayant la préoccupation des hommes et des femmes, ceux qui cèdent comme ceux qui s'installent.
Notre rapport, je l'espère, contribuera à cette nécessaire réflexion sur le modèle agricole de demain.
Mme Sylvie Vermeillet, présidente. - Je vous remercie.
La commission a autorisé la publication de l'enquête de la Cour des comptes, ainsi que du compte rendu de la présente réunion, en annexe au rapport d'information de MM. Vincent Segouin et Patrice Joly, rapporteurs spéciaux.
II. RÉUNION DU MERCREDI 12 JUILLET 2023 : COMMUNICATION DE MM. PATRICE JOLY ET VINCENT SEGOUIN
Réunie le mercredi 12 juillet 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a entendu une communication de MM. Patrice Joly et Vincent Segouin, rapporteurs spéciaux, sur l'installation des agriculteurs.
M. Claude Raynal, président. - Le 12 avril dernier, nous avons procédé à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes sur l'installation des agriculteurs réalisée à la demande de notre commission en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Le Premier président est venu lui-même présenter les conclusions de l'enquête, soulignant le manque d'attractivité global de professions agricoles pourtant essentielles et pointant certains freins dans les transmissions d'exploitations.
Comme l'usage le veut en pareille situation, nous n'avions pas procédé à une audition sous forme contradictoire avec les principaux organismes concernés : Chambres d'agriculture France, la Mutualité sociale agricole (MSA), le syndicat Jeunes agriculteurs, mais aussi la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA).
C'est pourquoi les rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », Patrice Joly et Vincent Segouin, ont décidé de conduire, dans le prolongement de l'enquête, une série d'auditions qui leur a permis d'entendre les acteurs que je viens de citer, mais qui a aussi été l'occasion d'examiner des exemples étrangers.
Ils vont ainsi nous rendre compte de leurs travaux.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Le 12 avril dernier, le Premier président de la Cour des comptes est venu présenter devant notre commission les conclusions de l'enquête que nous avions diligentée, dans le cadre du 2° de l'article 58 de la Lolf, sur la politique d'installation des agriculteurs et de transmission des exploitations.
A été mis en exergue le manque d'attractivité des professions agricoles, fil rouge de cette présentation. Sans dresser un tableau apocalyptique de la situation, entre les conditions de travail pas toujours enviables, une rémunération globalement insuffisante, des enjeux environnementaux de plus en plus prégnants, la concurrence de pays qui ne sont pas soumis aux mêmes normes que celles qui s'appliquent chez nous, mais dont paradoxalement nous importons les produits, c'est l'ensemble de la philosophie de notre politique agricole qui mériterait d'être repensée.
Toutefois, nous avions volontairement circonscrit l'enquête, en accord avec la Cour et compte tenu de la charge de travail importante que cela représentait déjà, aux seuls instruments de la politique d'installation et de transmission, tout en sachant que les thèmes que je viens de citer, indissociables de la question de l'attractivité, doivent également être pris en compte dans une optique de revalorisation globale des filières agricoles.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Dans le prolongement des travaux de la Cour, nous avons souhaité, avec Vincent Segouin, mener des auditions complémentaires en entendant les principaux acteurs chargés du suivi de l'installation des agriculteurs et en gardant toujours à l'esprit la même question : ces dispositifs favorisent-ils effectivement l'accès aux métiers agricoles et, ce faisant, contribuent-ils à restaurer, au moins partiellement, notre souveraineté alimentaire et permettent-ils de prendre en charge les nombreux défis qu'il nous faut relever ?
Force est de constater, à l'issue de tous les travaux conduits, que les résultats de ces dispositifs d'aide à l'installation ne sont pas à la hauteur des ambitions françaises. Nous en tirons deux grandes conclusions.
Il me revient de vous présenter la première de ces conclusions, qui est assez sévère, mais juste : les moyens consacrés à l'aide à l'installation sont considérables, mais totalement inadaptés aux caractéristiques du monde agricole. Tout se passe comme si nous avions admis une forme d'étanchéité entre l'évolution de la population agricole, le contexte économique et les critères d'attribution des aides à l'installation.
En effet - cela ne surprendra personne -, le secteur agricole s'est profondément transformé. Les travailleurs agricoles sont de moins en moins nombreux et de plus en plus âgés. En dix ans, la moyenne d'âge des agriculteurs a encore augmenté d'un an : un agriculteur français en exercice a aujourd'hui en moyenne 51,4 ans. De surcroît, les foyers où 100 % des personnes physiques en âge de travailler sont exploitants agricoles sont devenus une denrée rare. Bref, le déclin démographique de la population active agricole française se poursuit et les agriculteurs se mélangent davantage au reste de la population.
En parallèle, les professions agricoles sont de moins en moins féminisées : il y avait 41 % d'exploitantes en 1980, tous statuts confondus, contre 25 % aujourd'hui.
Pour exercer et même parfois pour survivre, les exploitants agricoles se sont également adaptés à un environnement économique complètement transformé : en fonction des situations locales, des formes d'entreprise agricole très variées se sont mises à cohabiter. Presque toutes les formes juridiques d'entreprise ont actuellement cours dans le domaine agricole : entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), groupement agricole d'exploitation en commun (Gaec), société civile d'exploitation agricole (SCEA), groupement foncier agricole (GFA), société anonyme (SA), société par actions simplifiée (SAS), société à responsabilité limitée (SARL), etc.
En outre, le contexte hyperconcurrentiel et la recherche légitime d'un maintien du revenu, voire de son augmentation, conduisent à un agrandissement de la taille moyenne des exploitations. Grosso modo, l'exploitation moyenne est passée de 42 à 69 hectares en un peu plus de vingt ans.
Nous évoquons dans le rapport beaucoup d'autres manifestations de ces transformations ; je ne les développerai pas ici.
Pourtant, malgré la profondeur de ces transformations, les critères d'aide à l'installation, eux, restent inchangés.
D'une certaine manière, c'est logique, puisque les transformations en question ne sont pas le fruit d'une politique agricole homogène et réfléchie ; nous faisons donc comme si ces nouvelles réalités n'existaient pas.
En conséquence, un décalage s'accroît entre, d'une part, les objectifs agricoles affirmés et les politiques publiques sur lesquelles on les aligne fictivement - souveraineté alimentaire, agriculture durable, renforcement du « bio », diversification des cultures, et j'en passe -, et, d'autre part, une réalité malheureusement de plus en plus prégnante : absence de solution concrète pour réduire les besoins en eau ; disparition des haies et des bocages, pourtant sources de biodiversité, du fait de l'extension de la taille des exploitations ; hausse des importations alimentaires ; concentration des activités sur certaines filières ; recul du bio, trop coûteux pour les consommateurs en période d'inflation - et je pourrais continuer cette liste...
Ce décalage nous conduit à dire que la France ne parvient pas à suivre le cap agricole qu'elle a fixé pour elle-même. Si nous étions dans une optique de communication, nous irions même jusqu'à dire, Vincent Segouin et moi-même, qu'il n'existe pas de politique agricole française, à l'exception, bien sûr, de la course aux fonds européens. Si ce diagnostic est sévère, il nous paraît conforme à la réalité.
Paradoxalement, c'est le moment choisi pour revoir notre gouvernance agricole : quand un problème devient trop prégnant au niveau national, l'État se remémore qu'il est temps de faire appel à l'intelligence des territoires.
Depuis le 1er janvier dernier, les régions assurent l'attribution des fonds européens d'aide à l'installation agricole. Dans cet univers plus que mouvant, nous ne maîtrisons pas suffisamment le pilotage des aides à l'installation, alors même qu'objectivement les montants alloués, près de 400 millions d'euros par an, devraient permettre de faire mieux.
Si l'on schématise, il existe deux grands types d'aides à l'installation agricole en France : d'une part, ce que l'on appelle le programme d'accompagnement à l'installation et la transmission en agriculture (AITA), destiné à tous les candidats sans critère d'âge, et, d'autre part, les aides directes ou indirectes, majoritairement ciblées sur les moins de 40 ans.
L'AITA, à lui seul, comporte six volets et regroupe dix-huit dispositifs. Sans les détailler, nous tenons à faire passer un message : le pilotage de ces dispositifs relève d'acteurs variés, qui sont désignés après mise en concurrence : chambres d'agriculture, MSA, associations, organisations syndicales. Il peut donc arriver, sur un même territoire, qu'un acteur gère par exemple les « points accueil installation », tandis qu'un autre est compétent en matière de « préparation à l'installation », alors qu'il s'agit pourtant de maillons d'une même chaîne. Dès que la coordination entre ces différents organismes fléchit, la politique d'installation en pâtit.
Voilà donc pour le diagnostic.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Après cette série de constats atrabilaires qu'a parfaitement exposés Patrice Joly, il me revient de vous présenter notre seconde grande conclusion : nous devons avoir le courage de mettre les dispositifs d'aide à l'installation au service d'orientations agricoles définies.
Concrètement, nous appelons à sortir de la logique de « guichet » qui prévaut pour la plupart des aides à l'installation, car elle est propice à un saupoudrage des aides qui ne permet pas de mesurer leur performance.
Nous pensons que les aides à l'installation et à la transmission des exploitations doivent devenir un outil au service d'objectifs agricoles assumés au niveau national, en même temps qu'il faut faire confiance aux territoires pour appuyer ensuite cette politique.
Il sera difficile, j'en conviens, de se mettre d'accord sur ce que doivent être ces objectifs agricoles ; mais je pense que nous pouvons être nombreux ici à partager l'idée que les aides à l'installation, au lieu d'être une fin en soi, doivent être réintégrées à une palette d'outils mis au service de la politique agricole. Cela suppose en particulier de forcer un peu notre nature en consentant à mesurer la performance des outils d'aide à l'installation.
Nous avons posé une série de questions récurrentes aux personnes auditionnées.
Quelle proportion des aides est perçue par simple effet d'aubaine ? Quelle proportion des nouveaux installés aurait renoncé sans les dispositifs d'aide ? Quel impact la réorientation des dispositifs d'aide a-t-elle sur le nombre de nouvelles installations ?
Aucun de nos interlocuteurs n'a véritablement été en mesure de nous répondre. Voilà qui n'est pas vraiment surprenant, pour ce qui est du ministère en tout cas : le seul critère d'évaluation est de savoir si les aides sont versées dans les délais. Autrement dit, si 100 % des aides sont versées dans les délais, notre politique d'aide à l'installation est 100 % efficace ! C'est évidemment absurde : on n'évalue pas le flux de ceux qui quittent en cours de route le processus d'aide à l'installation ; on n'évalue pas le taux d'accès aux dispositifs de ceux qui, tout en remplissant les critères, y renoncent pour diverses raisons ; on n'évalue pas la qualité de l'accompagnement de ceux qui cessent leur activité agricole.
Vous l'avez compris, nous considérons que ces critères doivent à tout le moins être pris en compte, évalués et faire l'objet d'une comparaison entre collectivités. J'en veux pour preuve que les régions qui ont débuté ce travail obtiennent des résultats : la chambre d'agriculture des Hauts-de-France fait, par exemple, état d'un taux de retour du formulaire qu'elle adresse, quelques années avant un départ à la retraite, d'environ 70 %, soit trois fois plus que dans d'autres régions, grâce à un suivi personnalisé des agriculteurs dont la cessation d'activité approche, mais aussi parce qu'elle ne se contente pas d'échanges écrits, impersonnels et purement administratifs.
Nous en arrivons au coeur et au terme du sujet et de nos préconisations. L'inefficience des aides est davantage liée à leur ciblage qu'à leur montant. Nous préconisons de nous pencher sur les critères d'attribution des aides, qui doivent être alignés sur des objectifs assignés à l'agriculture, et non plus sur des caractéristiques devenues obsolètes qui font fi des transformations du monde agricole. Nous ne pouvons que lancer quelque pistes, car ce travail suppose à la fois de connaître région par région les besoins - ce n'est pas le cas aujourd'hui -, mais aussi de nous mettre véritablement d'accord sur des objectifs agricoles nationaux, ce que le plan stratégique national (PSN) est loin d'avoir fait. Il devient, par exemple, injustifiable de faire de la limite d'âge de 40 ans le critère pivot des attributions d'aides alors qu'aujourd'hui 92 % des aides à l'installation sont fléchées vers les moins de 40 ans. Nous sommes par ailleurs sensibles à l'hypothèse émise par certains auditionnés d'élargir les critères d'attribution pris en compte. Le fait de réduire la compétence aux seuls diplômes, comme c'est le cas actuellement, ne fait ainsi pas forcément sens dans le secteur agricole.
Cette situation nous aurait laissé un goût amer si nous en étions restés là, mais nous avons choisi de regarder ce que font nos voisins. Nous avons donc sollicité des services du Sénat une étude de législation comparée. Elle figurera dans le rapport, et je vous invite à en prendre connaissance, tant la comparaison avec l'Allemagne et l'Espagne nous a semblé inspirante.
Cette comparaison visait, d'une part, la nature et l'étendue des dispositifs d'aide à l'installation des agriculteurs chez nos voisins, d'autre part, le rôle des collectivités en la matière, au sein de modèles de différentiation territoriale plus aboutis en raison de la forme d'organisation de l'État.
Il en ressort que certains Länder et certaines communautés autonomes espagnoles, malgré des facteurs exogènes parfois plus défavorables encore qu'en France, parviennent à attirer de nouveaux agriculteurs et contribuent, depuis peu, à une redynamisation de filières, au prix d'un volontarisme politique plus affirmé, d'actions novatrices et d'une bonne coordination avec l'échelon national. À ce prix, la France parviendra peut-être à faire de dispositifs remaniés un outil au service d'une politique agricole qui doit garder à l'esprit son objectif premier : redonner à notre pays un peu de sa souveraineté alimentaire et ne plus se contenter de « boucher les trous » au gré des départs à la retraite.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Quel lien pensez-vous qu'il faille établir entre les aides à l'installation et les orientations nationales de la politique agricole commune (PAC) ? Il se peut que la réponse s'avère complexe, car il faudrait s'enquérir des objectifs de la politique agricole française, de ses points forts et de ses points faibles, voir où placer les priorités et croiser ces constats avec les dispositifs d'aide existants.
Que plus de 90 % des aides bénéficient aux moins de 40 ans ne me paraît pas nécessairement anormal ni incohérent. Il faut disposer du temps nécessaire au remboursement des aides financières et il reste permis de penser qu'un agriculteur qui s'installe à un âge plus avancé, par exemple après 50 ans, aura moins besoin d'aides. Le chantier n'en reste pas moins important. Dans vos rencontres avec vos différents interlocuteurs, avez-vous perçu une ouverture sur la question ? Avez-vous par ailleurs abordé le problème qui me semble majeur de l'accès au foncier par les candidats à l'installation ?
M. Antoine Lefèvre. - Je remercie les rapporteurs spéciaux d'avoir été attentifs à la situation du département de l'Aisne, qu'on qualifie souvent de petite France parce qu'il regroupe à lui seul l'ensemble des productions agricoles nationales et qu'il donne ainsi une image fidèle de l'état de l'agriculture dans notre pays. Cette situation apparaît plutôt préoccupante. Évoquer l'installation des agriculteurs revient à évoquer l'avenir de notre agriculture. Vous faites à juste titre le lien entre notre capacité à anticiper le renouvellement de la main-d'oeuvre agricole et notre souveraineté alimentaire. Il me semblait qu'une stratégie nationale pour l'alimentation devait être définie. Disposez-vous d'informations à ce sujet ? Cette stratégie est-elle toujours d'actualité ?
M. Michel Canévet. - Le sujet de l'installation des agriculteurs est crucial en ce qu'il induit une question d'aménagement du territoire. Si, en matière de transmission, les chambres d'agriculture demeurent dans les territoires, au travers de leur mission de service public, les interlocutrices classiques, elles n'empêchent pas l'intervention d'autres acteurs, notamment associatifs, qui, telle l'association Eloi, proposent un accompagnement plus fin de certains projets ciblés. De fait, différents types d'agriculteurs s'installent.
D'une part, nous constatons qu'un nombre croissant d'installations ont trait à de petites structures et à de petites surfaces, de type maraîchage ou productions végétales spécifiques, qui visent des marchés de niche. Leurs besoins en capitalisation restent modérés à l'échelle du secteur agroalimentaire. D'autre part, la concentration des exploitations agricoles, en particulier celles qui se consacrent à l'élevage, leur a souvent permis de résister. Avec elle se pose la problématique d'un niveau de capitalisation bien plus significatif. Comment y répondre ? Vous semble-t-il logique que des aides de même niveau intéressent des situations et des niveaux de capitalisation totalement différents ? Sans doute devrons-nous évoluer sur ce terrain.
Par ailleurs, l'intelligence artificielle (IA) est-elle susceptible d'apporter des réponses aux besoins en main-d'oeuvre agricole des exploitations ?
M. Marc Laménie. - Votre travail d'investigation montre que le sujet de l'installation des agriculteurs dépasse les seuls aspects financiers, pour confiner à l'analyse sociologique du monde agricole. La démographie y connaît en particulier une baisse continue depuis de nombreuses années. Au-delà des constats, comment attirer davantage de jeunes vers l'agriculture ? Comment susciter des vocations et mieux intégrer l'enseignement agricole et les problématiques de diversification des productions ?
M. Thierry Cozic. - De jeunes agriculteurs ne sollicitent pas les aides, non pas faute d'accompagnement, mais par abandon des procédures. À cet égard, vos recommandations m'apparaissent pertinentes.
Connaît-on aujourd'hui le taux de jeunes agriculteurs qui s'installent et qui sollicitent la dotation à laquelle ils peuvent prétendre ? Avez-vous pu estimer dans quelle mesure vos recommandations seraient susceptibles d'influer sur cette proportion ?
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Vos questions montrent combien le sujet est large et dépasse par ses enjeux les seules aides à l'installation sur lesquelles nous nous sommes focalisés. S'il ne faut pas négliger les difficultés du métier d'agriculteur, en changer les représentations, en mettant en avant des aspects positifs comme l'autonomie, l'indépendance ou le sens qu'il apporte, contribue à le revaloriser.
En ce qui concerne les liens entre les aides à l'installation et la PAC, on ne peut qu'insister sur les contradictions qui se font jour entre les objectifs affichés - en particulier ceux de la souveraineté alimentaire, d'une agriculture durable, du renforcement du bio, de la diversification des cultures et de la protection de la biodiversité - et la réalité du développement de l'activité agricole. Celle-ci est marquée par la quasi-absence de solutions concrètes quant à la diversification des productions et leurs modalités, pour réduire les besoins en eau, répondre à la disparition des haies et des bocages. En matière de protection de la biodiversité, une approche plus locale que l'approche régionale qui prévaut actuellement serait certainement mieux adaptée. Mais si la société est capable d'estimer la valorisation de la biodiversité d'un point de vue financier, l'exploitant agricole n'en retire pas nécessairement une contrepartie.
Par ailleurs, on relève une augmentation de la taille des exploitations quand, dans le même temps, et jusque dans le code rural, on affirme la priorité d'une agriculture familiale et paysanne. L'intensification des importations alimentaires conduit aussi à s'interroger sur les aspects de souveraineté.
Sur la pertinence du maintien d'un critère de limite d'âge pour l'octroi des aides à l'installation, il est intéressant de relever que l'Espagne s'est affranchie d'une telle restriction. Des aides y concernent toujours les jeunes agriculteurs, mais d'autres bénéficient aux nouveaux agriculteurs, sans critère d'âge. Ce choix est un moyen d'étendre le champ des entrants dans l'agriculture à l'heure même où l'on allonge la durée de la vie professionnelle et où les organismes de formation - centres de formation d'apprentis (CFA) ou lycées professionnels agricoles (LPA) - voient toujours plus de personnes en reconversion professionnelle en rejoindre les formations. À 45 ans, on peut faire face à des investissements, étant rappelé que de nouvelles niches d'activité ne sont pas excessivement exigeantes en matière d'apport en capital, avec des durées d'amortissement des prêts à 5, 7 ou 10 ans.
La question foncière représente un sujet à part entière.
Pour sa part, la stratégie nationale pour l'alimentation n'a toujours pas été adoptée. Aucune échéance précise ne lui a non plus été associée.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Avant de distribuer les aides financières, il conviendrait de déterminer le cap à suivre à l'échelle nationale tant en matière de production agricole qu'en matière d'emploi. Pour y parvenir, nous pouvons nous appuyer sur les constats dressés lors de l'examen récemment de la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la Ferme France. Le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles que nous examinerons à la rentrée reprendra ce travail. Aujourd'hui, les régions répartissent les budgets existants avec pour unique objectif de les consommer intégralement, c'est-à-dire sans analyse préalable des évolutions à l'oeuvre.
On dit communément qu'une même personne changera deux ou trois fois d'orientation professionnelle dans sa vie. La remarque vaut aussi pour les exploitants agricoles, particulièrement dans le secteur du maraîchage. Je pense qu'il faut absolument qu'à l'instar de l'Espagne nous cessions d'appliquer un critère d'âge dans l'attribution des aides, afin de nous ouvrir à de nouveaux candidats à l'installation.
Nous restons en France très attachés à la ferme de type familial, avec un foncier encore relativement limité du point de vue du coût. Si, dans les pays voisins, le prix de l'hectare peut atteindre 30 000 ou 40 000 euros, et jusqu'à 55 000 euros aux Pays-Bas, il n'excède pas 10 000 euros en France et se situe en moyenne autour de 6 000 euros. Cependant, même dans le modèle de la ferme familiale, le foncier suppose de mobiliser des capitaux que le produit du travail ne permet pas toujours de rembourser à l'échéance. Des systèmes de sociétés de capitaux qui investissent dans le foncier agricole se mettent alors en place.
Bien que les chambres d'agriculture restent le guichet principal auquel les agriculteurs s'adressent quand ils s'installent, les acteurs en présence s'avèrent nombreux. Nous relevons que des associations de jeunes agriculteurs gèrent ainsi parfois l'attribution de la dotation jeunes agriculteurs (DJA). Il nous semble qu'un syndicat de jeunes agriculteurs, dont le rôle consiste avant tout à définir une politique, ne devrait pas en principe s'en occuper.
Assurément, le montant des aides demeure trop faible, avec une moyenne de 38 000 euros environ, voire inadéquat, dans un contexte de concentration des exploitations, de mobilisation de capitaux toujours plus importants, ainsi qu'à l'égard du type de transmission des exploitations sous forme de parts sociales.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Paradoxalement, les organisations d'exploitants que nous avons entendues ne remettaient pas nécessairement en cause le montant des aides à l'installation et nous n'avons pas relevé une demande forte en faveur de leur augmentation.
M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Quant à l'intelligence artificielle, il ne s'agit pas d'en ignorer les développements. Remplacera-t-elle pour autant notre modèle d'agriculture ? Il nous faut en suivre et contrôler les évolutions, avec pour préoccupation centrale qu'elle serve toujours la dimension humaine de l'activité.
L'orientation de la formation en matière agricole est un sujet qui nous préoccupe. À ce titre, nos collègues de la commission de la culture ont examiné un rapport d'information relatif à l'enseignement agricole et à son devenir. L'objectif consiste à susciter des vocations.
Enfin, je précise qu'un tiers des agriculteurs qui s'installent bénéficient de la DJA ; un deuxième tiers ne l'obtient pas, principalement parce que les agriculteurs concernés n'effectuent pas les démarches ; un dernier tiers ne peut y prétendre en raison du dépassement de la limite d'âge de 40 ans.
M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - L'intelligence artificielle ne remplacera jamais l'intelligence relationnelle et émotionnelle, surtout chez les agriculteurs, toujours en proie au risque d'isolement. Cependant, elle est appelée à prendre toute sa part à l'essor de la mécanisation et de la robotisation qui deviennent indispensables au regard de l'accroissement des surfaces agricoles et, par conséquent, du volume d'activité des exploitations. Les précisions auxquelles elle donne accès leur permettent aussi de réduire leurs charges.
Par ailleurs, j'ajoute qu'un des critères d'octroi de la DJA tient au modèle économique de l'exploitation qui doit permettre d'en assurer la viabilité. Or un tel modèle répondant à une logique économique s'appuie sur des investissements souvent jugés trop importants par les preneurs. Ils y renoncent au profit d'approches plus modestes de leur activité. Ainsi, non sans paradoxe, un critère destiné à garantir aux exploitants qui s'installent un niveau de revenu en rapport avec la nature de leur activité, constitue en définitive un frein. C'est d'autant plus vrai au regard des nouvelles modalités de vie et du rapport au travail de certains exploitants.
M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie. Ces éléments complémentaires seront intégrés au rapport d'information dont notre commission a déjà autorisé la publication le 12 avril dernier.
Il en est ainsi décidé.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Cabinet du Ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
- M. Tom MICHON, conseiller budgétaire et financements ;
- Mme Dorothée DEMAILLY, conseillère formation, entrepreneuriat, transmission et emploi.
Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises du Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
- M. Serge LHERMITTE, chef du service compétitivité et performance environnementale ;
- M. Emmanuel BOUYER, adjoint à la sous-directrice de la compétitivité.
Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles
- M. Luc SMESSAERT , vice-président ;
- M. Xavier JAMET, responsables des affaires publiques ;
- M. Vincent GUILLOT, juriste.
Jeunes agriculteurs
- M. Jérémy GIROUD, vice-président ;
- M. Xavier HEINZLÉ, conseiller en charge du renouvellement des générations.
Assemblée permanente des chambres d'agriculture
- M. François BEAUPÈRE, 2e vice-président de Chambres d'agriculture France et Président de la Chambre régionale d'agriculture des Pays de la Loire ;
- Mme Noémie TERMEAU, chargée de missions préparation, installation et conseil d'entreprises ;
- M. Romain FONTAINE, responsable du service Hommes et entreprises ;
- Mme Louise VERRIER, chargée de missions affaires publiques.
Chambre d'agriculture des Hauts-de-France
- Mme Francine THERET, présidente de la commission régionale "Installation, transmission, emploi et formation".
Mutualité sociale agricole (MSA)
- M. Pascal CORMERY, président de la Caisse centrale de la MSA ;
- Mme Christine DECHESNE-CEARD, directrice de la réglementation ;
- Mme Maryse AIO, directrice responsabilité sociale des entreprises (RSE) et mission handicap ;
- Mme Élodie PRINCE, attachée de direction au sein de la direction du cabinet de la présidence et de la direction générale.
ANNEXE 1
ÉTUDE COMPARÉE AVEC L'ALLEMAGNE ET L'ESPAGNE
L'AIDE À L'INSTALLATION DES
AGRICULTEURS
EN ALLEMAGNE ET EN ESPAGNE
À la demande du service de la commission des finances, la Division de la Législation comparée a réalisé une étude sur les dispositifs d'aide à l'installation des agriculteurs en Allemagne et en Espagne.
L'Allemagne et l'Espagne, en temps qu'États membres de l'Union européenne, conduisent leurs politiques publiques en matière agricole, principalement dans le cadre de la politique agricole commune de l'Union européenne (PAC). En 2018, la Commission européenne a initié une réforme majeure de la PAC visant à la moderniser et à la simplifier, pour la nouvelle période de référence (2023-2027). La réforme a été entérinée en 2021 par le Parlement européen et le Conseil de l'Union européenne, notamment par l'adoption du règlement (UE) 2021/211521(*), dit règlement « plans stratégiques ».
La principale innovation prévue par le règlement est l'établissement, par chaque État membre, d'un document unique qui définit les interventions du premier et du second pilier de la PAC pour toute la durée de la programmation (2023-2027) : le plan stratégique national (PSN).
Les plans stratégiques nationaux des 27 États membres ont été soumis à l'approbation de la Commission européenne courant 2022 et, depuis, sont entrés en vigueur, notamment en Allemagne et en Espagne.
La présente note se concentre sur la présentation des dispositifs spécifiques en faveur de l'aide à l'installation des agriculteurs, en vigueur depuis 2023.
1. Tableau de synthèse
Allemagne |
Espagne |
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Informations générales |
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Poids secteur agricole |
· Production agricole22(*) (2020) : 60 Md€ (1,4 % du PIB) · Nombre d'exploitations agricoles (2013) : 285 000 · Surface agricole utilisée (2021) : 165 900 km² (soit 10 % de la SAU totale de l'UE) |
· Production agricole (2020) : 52 Md€ (3,6 % du PIB) · Nombre d'exploitations agricoles (2013) : 965 000 · Surface agricole utilisée (2021) : 244 200 km² (soit 15 % de la SAU totale de l'UE) |
Principaux défis en matière de renouvellement générationnel |
· Une répartition générationnelle plus équilibrée par rapport à la moyenne européenne avec des disparités régionales importantes mais, à court terme, une hausse attendue de la moyenne d'âge et du nombre d'exploitations à transmettre · Une très faible part de femmes dans la population agricole (10 % en 2016) |
· Une population vieillissante (moyenne d'âge > 60 ans) constituant un enjeu fort pour la soutenabilité du secteur agricole · Une part de femmes dans la population agricole plus proche de la moyenne européenne (23 % contre 29 % en Europe, en 2016) |
Dispositifs PAC |
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Budget 2023-2027 pour les dispositifs visés |
· 712 millions d'euros |
· 724 millions d'euros |
Dispositifs « Article 30 » |
· Aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs è Critères d'âge et de formation/qualification è Versée sur 5 ans dans la limite de 120 ha è Montant : moyenne de 134 €/ha/an |
· Aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs è Critères d'âge et de formation/qualification è Versée sur 5 ans dans la limite de 100 ha è Montant variable (100 % de la valeur moyenne régionale de l'aide de base), abondé de 15 % supplémentaire pour les femmes |
Dispositifs « Article 75 » |
Un dispositif visant exclusivement les agriculteurs de moins de 41 ans : · Aide à l'installation des jeunes agriculteurs è Critères d'âge, de formation/qualification et sélection sur la base d'un plan d'entreprise è Montant forfaitaire versé en une ou plusieurs fois (max. 100 k€) |
Trois dispositifs distincts : · Aide à l'installation de jeunes agriculteurs · Aide à l'installation de nouveaux agriculteurs · Aide à la mise en place de nouvelles entreprises rurales agricoles, sylvicoles ou liées à la diversification des revenus des ménages agricoles et nouvelles activités commerciales non agricoles è Selon le dispositif, application large ou limitée, voire très limitée géographiquement è Critères d'âge (pour la première), de formation/qualification et sélection sur la base d'un plan d'entreprise è Montant forfaitaire versé en une ou plusieurs fois (max. 100 k€), éventuellement selon des étapes fixées librement par les communautés autonomes |
Allemagne |
Espagne |
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Autres dispositifs PAC |
· Aide à l'investissement via une prime destinée spécifiquement aux jeunes agriculteurs |
· Aide aux investissements pour la diversification agricole è Dispositif limité à 3 régions è Critères de sélection larges, notamment un plan d'entreprise démontrant la capacité du projet à attirer de jeunes agriculteurs è Montant forfaitaire (de 10 k€ à 2 M€), portant sur 30 % à 80 % des investissements à réaliser · Coopération pour la succession des exploitations agricoles è Dispositif nouveau limité à 4 régions è L'aide ne vise pas les nouveaux entrants mais les sortants qui s'engagent à transmettre leur exploitation au moyen d'un projet de coopération è Montant forfaitaire variable selon la région (max. de 10 à 50 k€) |
Dispositifs régionaux |
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Rôle et marges d'intervention des entités régionales |
· Les 16 Länder participent activement à la définition de la politique agricole nationale, en partenariat avec l'État fédéral (compétence partagée) · Ils constituent les autorités responsables de la mise en oeuvre des mesures agricoles sur leurs territoires respectifs et sont chargés du pilotage et de l'allocation des fonds européens · Ils disposent également de fonds propres pour définir des programmes régionaux sous la forme de subventions complémentaires, de prêts avantageux via le réseau de la Banque publique agricole (Landwirtschaftliche Rentenbank) et/ou d'actions non financières (accompagnement, formation, conseil). |
· Les 17 communautés autonomes disposent de crédits répartis par le gouvernement espagnol, dans le cadre d'une réserve nationale · Elles sont chargées du pilotage et de l'allocation des fonds européens · Leurs actions propres se déclinent principalement à travers des financements complémentaires aux aides de la PAC |
2. Allemagne
? La nouvelle PAC prévoit principalement deux dispositifs : l'aide complémentaire au revenu pour jeunes agriculteurs (qui s'appuie sur le premier pilier) et l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs et jeunes agricultrices (qui s'appuie sur le second pilier). Ces deux aides préexistantes ont été reconduites pour un montant total de 712 millions d'euros pour la période de référence (2023-2027).
? Les Länder constituent l'autorité de référence pour la mise en oeuvre opérationnelle des dispositifs prévus par le PSN. En complément, ils disposent par ailleurs de fonds propres, définissent leurs propres programmes régionaux et peuvent s'appuyer sur la Landwirtschaftliche Rentenbank (banque publique agricole). Certains de ces programmes visent plus particulièrement l'installation de nouveaux agriculteurs.
A) Cadre général
(1) Principales données sur l'agriculture
En Allemagne, la surface agricole utilisée (SAU) s'élevait à 16,59 millions d'hectares en 2021, soit près de 10 % de la SAU totale de l'Union européenne à 2723(*). Ce chiffre est en léger recul sur dix ans (16,72 millions d'hectares en 2011).
Selon les dernières données Eurostat disponibles, en 2013, le nombre d'exploitations agricoles était d'environ 285 000, en baisse de près de 27 % par rapport à 200524(*). En 2013, environ 8 % des exploitations avaient une surface inférieure à 5 hectares et 12 % une surface supérieure à 100 hectares. L'une des caractéristiques structurelles les plus importantes de l'agriculture allemande est en effet le recul continu du nombre d'exploitations agricoles et d'agriculteurs. Cette tendance s'explique notamment par l'incertitude qui entoure la reprise des exploitations.
Le secteur agricole allemand présente une répartition générationnelle plus équilibrée par rapport à la moyenne européenne. En 2016, la proportion de jeunes agriculteurs de moins de 35 ans était supérieure à la moyenne européenne (7,4 % en Allemagne contre 5,1 % dans l'UE), tandis que la proportion d'agriculteurs de plus de 55 ans était inférieure à la moyenne (39,5 % en Allemagne contre 57,9 % dans l'UE). Cette répartition suit également une tendance favorable aux plus jeunes : la proportion de jeunes agriculteurs a augmenté depuis 2010, pendant qu'il diminuait globalement dans l'Union européenne. Au niveau régional, on peut toutefois nuancer : en Rhénanie-Palatinat, en Basse-Saxe et dans le Brandebourg, le ratio jeunes agriculteurs/agriculteurs âgés est proche de la moyenne de l'UE, qui est de 0,0925(*).
On observe toutefois dans le secteur agricole une tendance générale selon laquelle les agriculteurs restent actifs plus longtemps, ce qui se traduit mécaniquement, à terme, par une moyenne d'âge plus élevée. Ainsi, d'ici 2027, quelque 109 000 agriculteurs allemands auront atteint l'âge de la retraite (65 ans), de sorte que chaque année, 9 650 exploitations devraient connaître un changement d'exploitant en raison de ces départs en retraite, soit 35 % des exploitations dans les dix prochaines années26(*).
Par ailleurs, s'agissant de la répartition par sexe, on constate que, depuis 2005, les femmes ne représentent qu'une très faible proportion des jeunes agriculteurs ; en 2016, on comptait à peine une femme pour environ sept jeunes agriculteurs hommes27(*).
Enfin, seules 36,6 % des entreprises individuelles agricoles, dont le chef d'exploitation est âgé de 45 ans ou plus, trouvent un repreneur28(*). Plusieurs facteurs expliquent cette situation, notamment la forte intensité capitalistique, l'absence de recours au capital-risque, les difficultés d'accès aux terres agricoles ou encore le retard d'investissement au sein des exploitations agricoles à vendre. Les jeunes agriculteurs doivent supporter des charges financières importantes, en particulier au cours des premières années suivant la reprise ou la création d'une exploitation, conduisant souvent à des revenus insuffisants29(*). Ce sont donc plutôt des grandes entreprises, solides financièrement, qui ont tendance à racheter les surfaces agricoles de plus grande valeur. Interviennent également des investisseurs non agricoles, ce qui nuit à la diversité agricole traditionnelle, au sein de petites et moyennes exploitations. Cette tendance a également des répercussions négatives sur les structures agricoles30(*).
(2) Cadre juridique et financier de la politique agricole et répartition des compétences
En Allemagne, la compétence en matière d'agriculture est partagée entre l'État fédéral et les Länder. Un ensemble de textes (notamment la Loi fondamentale31(*) et loi du 5 septembre 1955 relative à l'agriculture32(*)) établit les principes et les mesures générales de la politique agricole, tandis que les Länder ont des compétences opérationnelles dans sa mise en oeuvre et son pilotage.
La coopération entre l'État fédéral et les Länder repose sur un principe de subsidiarité selon lequel les Länder sont responsables de la mise en oeuvre des mesures agricoles sur leur territoire respectif, conformément aux directives et aux objectifs généraux définis au niveau fédéral.
Depuis 1969, la tâche d'intérêt commun33(*) « Amélioration des structures agricoles et de la protection côtière » (Gemeinschaftsaufgabe Agrarstruktur und Küstenschutz - GAK) est le principal instrument de l'aide nationale aux structures agricoles et constitue le noyau de nombreux programmes régionaux, en termes de contenu et de financement. « La GAK est le principal instrument national de promotion d'une agriculture performante, orientée vers les exigences futures et compétitives [...]. Il s'agit d'un instrument financier important dont les objectifs et l'offre de soutien qui en découle se recoupent largement avec les interventions proposées par le plan stratégique national dans le cadre du FEADER34(*) ».
Pour répondre aux besoins de soutien relevant de leurs territoires, les Länder peuvent recourir à différents instruments de soutien nationaux et européens. Ils disposent, par exemple, de fonds issus de leur budget régional et définissent leurs propres programmes régionaux. Ils peuvent aussi mettre en place des programmes indépendamment des dispositifs du PSN et recourir aux fonds structurels pour intervenir en faveur des infrastructures, de l'emploi et des aspects environnementaux liés aux investissements dans les zones rurales35(*).
B) Objectifs et moyens mis à disposition des nouveaux entrants dans le cadre du plan stratégique national 2023-2027
Le plan stratégique national (PSN) a été officiellement approuvé par la Commission européenne le 21 novembre 2022. À travers le PSN, l'Allemagne entend « soutenir les nouvelles étapes de la transformation engagée [...] vers un système agroalimentaire durable et résilient, d'une part, et vers la création d'espaces ruraux attrayants, d'autre part36(*). »
(1) La volonté d'attirer et de soutenir les nouveaux exploitants et tout particulièrement les jeunes agriculteurs
Comme dans d'autres pays de l'Union européenne, en Allemagne, l'agriculture et les espaces ruraux sont confrontés à de grands défis économiques, écologiques et démographiques (tels que la résilience des exploitations agricoles et des espaces ruraux, le maintien d'espaces de vie et de travail ruraux attrayants, la sécurité d'approvisionnement ou la promotion d'une production agricole et sylvicole durable).
Pour répondre à ces défis, le PSN se décline en trois objectifs principaux, parmi lesquels le renforcement du tissu socio-économique des zones rurales37(*), et notamment la recherche et le soutien de nouveaux exploitants. L'attractivité pour les jeunes agriculteurs est présentée comme un facteur essentiel de vitalité des espaces ruraux, qui ne peut être garantie que par un revenu adéquat.
Or, les nouveaux exploitants sont encore trop souvent confrontés à des contraintes financières significatives, dans le cas d'une reprise d'exploitation. Si la majorité des exploitations agricoles se transmettent toujours au sein du cercle familial, de plus en plus d'exploitations ne trouvent pas de repreneurs. Dans les deux cas, la reprise d'une exploitation suppose un soutien financier adéquat.
Il s'agit également de protéger le modèle de petites et moyennes exploitations, présentée comme le « garant de la diversité agricole et culturelle traditionnelle »38(*), en limitant, d'une part, la tendance à la reprise de terres agricoles de plus grande valeur par de grands groupes solides financièrement et disposant d'une grande superficie, et, d'autre part, le rachat des terres par des investisseurs non agricoles.
(2) Un objectif qui s'appuie principalement sur deux dispositifs
En application du règlement « plans stratégiques », le PSN allemand pour la période 2023-2027 définit différentes interventions qui prennent la forme, soit de paiements directs (premier pilier PAC), soit d'interventions sectorielles en faveur du développement rural (second pilier).
Ce sont principalement deux dispositifs qui ciblent les nouveaux exploitants :
- d'une part, l'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs (Ergänzende Einkommensstützung für Junglandwirtinnen und Junglandwirte - JES), sur le fondement de l'article 30 du règlement « plans stratégiques», qui vise les nouveaux exploitants âgés de moins de 41 ans et se présente sous forme de paiement direct dans le cadre du premier pilier de la PAC ;
- d'autre part, l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs et agricultrices (Niederlassungsbeihilfe Junglandwirtinnen und Junglandwirte - EL-0501) fondée sur l'article 75 dudit règlement et relevant du second pilier, sous forme d'intervention sectorielle cofinancée par des fonds de l'Union européenne et des crédits des Länder.
De façon plus résiduelle, dans le cadre du second pilier, une aide à l'investissement à travers une prime destinée spécifiquement aux jeunes agriculteurs est également prévue.
Le PSN 2023-2027 a défini un budget de 712 millions d'euros pour l'ensemble de la période en faveur du renouvellement agricole, dont 590 millions fléchés vers l'aide complémentaire du premier pilier et 122 millions vers l'aide à l'installation du second pilier.
(a) L'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs
L'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs (Ergänzende Einkommensstützung für Junglandwirtinnen und Junglandwirte - JES), sur le fondement de l'article 30 du règlement « plans stratégiques » a pour objectif de compenser une partie des charges qui constituent une barrière à l'entrée, compte tenu des besoins significatifs en matière d'investissement pour le développement de l'exploitation39(*).
Ce dispositif, qui existait déjà dans la précédente PAC, représentait un montant de 322 millions d'euros (pour la période 2015-2020), pour un nombre moyen de 32 000 bénéficiaires par an (soit 10 % de l'ensemble des bénéficiaires de paiements directs).
Le PSN 2023-2027 prévoit une augmentation de son montant. À terme, il doit permettre à environ 80 % des surfaces exploitées par de jeunes agriculteurs de bénéficier d'une aide supplémentaire. Les montants élevés des primes prévues par le dispositif doivent également contribuer à la constitution de fonds propres, en vue d'une plus grande stabilité des entreprises et afin de faciliter les investissements supplémentaires qui conduisent à une augmentation durable des capacités de revenus40(*).
ü Conditions d'éligibilité, durée de l'aide et conditions de définition d'une nouvelle installation
Les exigences relatives à la qualité de « jeune agriculteur » doivent être remplies, notamment en matière de qualification ou de formation pertinentes. D'autres critères sont définis pour être éligible au dispositif41(*) : le jeune agriculteur ne doit pas être âgé de plus de 40 ans à la fin de l'année de la première demande ; il doit être éligible à l'aide de base au revenu de la PAC, telle que prévue par l'article 21 du règlement « plans stratégiques », qui constitue le socle des paiements directs de la PAC ; la première demande doit être introduite au plus tard au cours de la cinquième année suivant l'année d'établissement.
La notion de « jeune agriculteur » (Junglandwirt)
Dans le PSN allemand, un « jeune agriculteur » est défini comme une personne physique de moins de 41 ans s'installant en tant que chef d'exploitation pour la première fois.
La qualité de « jeune agriculteur » peut également être attribuée à une personne morale (entreprise ou association) soumise pour la première fois à un contrôle effectif et à long terme en ce qui concerne les décisions relatives à la gestion de l'exploitation, à l'utilisation des bénéfices et aux risques financiers, de la part d'une personne physique qui, l'année où ce contrôle est entamé, n'est pas âgée de plus de 40 ans, ne s'est pas installée précédemment dans une exploitation agricole en tant que chef d'exploitation et n'a pas contrôlé précédemment un agriculteur ayant une forme juridique autre que celle d'une personne physique.
Cette qualité répond également à des critères de qualification ou de formation :
1. avoir réussi l'examen final d'une formation reconnue par l'État dans le domaine agricole, ou avoir obtenu un diplôme dans le domaine de l'économie agricole ;
2. avoir suivi avec succès une formation dans le domaine agricole reconnue par les autorités compétentes des Länder, afin d'acquérir les connaissances et les compétences nécessaires à la gestion d'une exploitation agricole, d'une durée minimale de 300 heures ;
3. avoir été en activité pendant au moins deux ans dans une ou plusieurs exploitations agricoles, soit sur la base d'un contrat de travail dont la durée hebdomadaire régulière de travail convenue est d'au moins 15 heures, soit en tant qu'aidant familial dans le cadre d'un emploi déclaré, soit en tant qu'associé d'un exploitant agricole, d'une durée hebdomadaire de travail de 15 heures minimum, établie dans le cadre d'un contrat de travail.
Un « nouvel agriculteur » est défini comme une personne physique de plus de 40 ans s'installant en tant que chef d'exploitation pour la première fois. À l'instar du « jeune agriculteur », la qualité de nouvel agriculteur peut également être attribuée à une personne morale.
Source : BMEL, GAP Strategie-Plan, op. cit.,p. 252
ü Modalités et montant de l'aide42(*)
L'aide est accordée pour une durée maximale de cinq ans à compter de la date de la première demande. Elle est cumulable avec l'aide prévue à l'article 5043(*) du règlement (UE) n° 1307/2013, au titre de la précédente PAC, dans la mesure où le jeune agriculteur pourrait continuer à en bénéficier pour la période restante.
Le paiement est accordé chaque année, sur demande, par hectare admissible conformément à l'article 30 du règlement « plans stratégiques », dans la limite de 120 hectares. Ce nouveau seuil (qui passe de 90 hectares à 120 hectares) doit permettre d'étendre le bénéfice de l'aide44(*), de telle sorte qu'environ 80 % des surfaces exploitées par de jeunes agriculteurs devraient en bénéficier à partir de 2023.
Pour la période 2023-2027, 147 millions d'euros du plafond national des paiements directs sont ainsi affectés au soutien complémentaire des revenus des jeunes agriculteurs, ce qui correspond, compte tenu des futures surfaces potentiellement éligibles à un paiement de 134 euros par hectare. Les jeunes agriculteurs dont les surfaces d'exploitation n'excèdent pas 120 hectares disposeront ainsi chaque année d'un montant supplémentaire de 16 000 euros (sur un total de 80 000 euros).
(b) L'aide à l'installation des jeunes agriculteurs
Le second pilier offre la possibilité aux Länder qui le souhaitent de verser une aide à l'installation des jeunes agriculteurs (Niederlassungsbeihilfe Junglandwirtinnen und Junglandwirte - EL-0501), afin d'accompagner et d'encourager le renouvellement générationnel. Six Länder (le Brandebourg, la Rhénanie-Palatinat, la Sarre, la Saxe, la Saxe-Anhalt et la Thuringe) ont mis en place le dispositif d'aide à l'installation du second pilier45(*), fondé sur l'article 75 du règlement « plans stratégiques ».
Le dispositif a pour objectif de soutenir les jeunes agriculteurs lors de leur installation et de favoriser le lancement d'activités agricoles ou para-agricoles indépendantes, au moyen d'une aide à la création d'entreprise. Il s'agit de faciliter l'accès à la terre pour les jeunes agriculteurs qui créent, achètent ou reprennent une exploitation au sein ou en dehors de la famille.
Des critères de sélection des projets sont prévus par l'article 79 du règlement « plans stratégiques » précité. Ils sont fondés sur les objectifs dudit règlement, sur le pacte vert pour l'Europe et sur les besoins d'action sélectionnés dans le cadre du plan stratégique national de l'Allemagne.
Par dérogation au premier alinéa de l'article 79, les Länder peuvent décider d'établir une procédure de sélection alternative, après consultation du comité de suivi.
Ce dispositif est distinct de l'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs, prévue dans le cadre du premier pilier de la PAC et décrite précédemment.
ü Conditions d'éligibilité, durée de l'aide et conditions de définition d'une nouvelle installation46(*)
Le montant forfaitaire accordé est conditionné à la mise en oeuvre d'un plan d'entreprise. Sont éligibles au dispositif :
- les entreprises individuelles dont le chef d'exploitation est un jeune agriculteur ;
- les sociétés de personnes, les associations de personnes et les personnes morales, dès lors qu'un jeune agriculteur contrôle effectivement et à long terme la société en ce qui concerne les décisions relatives à la gestion de l'exploitation, aux bénéfices et aux risques financiers.
Les jeunes agriculteurs doivent remplir les conditions définies aux alinéas 2 (a) et 3 de l'article 75 du règlement « plans stratégiques ». Il est nécessaire de répondre à la définition du jeune agriculteur (voir supra), conformément à l'article 4, alinéa 1, point e), dudit règlement, qui prévoit les critères suivants :
- être âgé de 40 ans au plus au moment de la première demande ;
- première installation dans une exploitation agricole en tant qu'agriculteur ;
- les qualifications et/ou exigences de formation pertinentes pour la bonne gestion d'une exploitation agricole, telles que définies par les autorités administratives régionales ;
- la preuve de la qualification et/ou des exigences en matière de formation pour remplir les conditions nécessaires à la bonne gestion d'une exploitation agricole peut être apportée dans un délai de 36 mois à compter de la date d'autorisation ;
- la présentation et à la mise en oeuvre d'un plan d'entreprise.
Selon le PSN, lors de l'examen des candidatures, une attention particulière est accordée aux femmes. Ainsi, « en cas d'égalité de points, après évaluation sur la base des critères de sélection, les jeunes agricultrices peuvent être privilégiées »47(*).
ü Modalités et montant de l'aide48(*)
L'article 75, alinéa 4, du règlement « plans stratégiques» prévoit que les États membres octroient l'aide sous la forme d'un montant forfaitaire ou d'instruments financiers, ou d'une combinaison des deux. L'aide est limitée à un montant maximal de 100 000 euros et peut être différenciée selon des critères objectifs. Les aides accordées prennent la forme de subventions non remboursables.
Selon le Land, le montant forfaitaire est versé en plusieurs tranches, soit au cours des trois premières années, soit sur une durée plus longue.
Les autorités administratives régionales fixent les critères selon lesquels le montant forfaitaire peut varier. Ces critères peuvent être, par exemple :
- le recours au temps partiel ;
- le type de reprise de l'exploitation ;
- l'évaluation du plan d'entreprise ;
- une attestation de main-d'oeuvre.
Certains Länder fixent un montant forfaitaire unique par exploitation.
· L'aide à l'investissement à travers une prime destinée spécifiquement aux jeunes agriculteurs
Le soutien aux jeunes agriculteurs au titre du second pilier passe également par un dispositif d'aide à l'investissement (Einzelbetriebliche produktive Investitionen in landwirtschaftlichen Unternehmen, EL-0403). Dans le cadre de cette aide, les jeunes agriculteurs peuvent se voir accorder le versement d'une subvention complémentaire, et/ou bénéficier d'un avantage dans l'examen de leur projet. Les deux mesures peuvent être mises en oeuvre indépendamment ou de façon combinée.
C) Une politique d'aide et de soutien aux agriculteurs complétée par l'intervention des Länder
Les Länder, en charge du pilotage des dispositifs de la PAC, interviennent également via des instruments complémentaires de soutien à la politique agricole, financiers ou non financiers.
Ils disposent de fonds issus de leur propre budget pour leurs programmes régionaux. Ils peuvent aussi mettre en place ces moyens indépendamment des interventions du plan stratégique national, en tant que mesures de soutien propres.
Ils peuvent également recourir aux moyens des fonds structurels européens de la politique de cohésion pour les interventions en faveur des infrastructures, de l'emploi et des aspects environnementaux liés aux investissements dans les zones rurales.
S'agissant du soutien aux jeunes agriculteurs pour l'accès aux terres et aux équipements, il existe différentes offres de financement de la Landwirtschaftliche Rentenbank (LR)49(*). On peut citer par exemple une aide à l'innovation, qui n'est pas spécifique aux jeunes agriculteurs, financée par la dotation de l'État fédéral au profit de la LR. Cette aide encourage des projets innovants de PME agricoles et agro-alimentaires à travers des subventions50(*). En outre, dans certains Länder, les jeunes agriculteurs bénéficient auprès de l'État fédéral d'une priorité lors de l'attribution de terres appartenant au domaine public.
L'appui aux jeunes agriculteurs passe enfin par d'autres dispositifs non financiers, tels que la formation et le conseil, qui revêtent en Allemagne une importance particulière. La politique de formation et les actions d'accompagnement sont soutenus par les Länder, aussi bien dans le cadre du FEADER qu'en dehors.
Les contenus des actions d'accompagnement et de conseils sont élaborés sur la base des lois existantes et des règlements de l'Union européenne (par exemple, s'agissant de l'objectif de réduction des produits phytosanitaires). Ainsi, tous les Länder disposent d'un service phytosanitaire qui est un service de conseil au sens de l'article 59 de la loi du 6 février 2012 relative à la protection des végétaux (PfSchG)51(*) et qui contribue à la mise en oeuvre des dispositions de l'Union européenne. Les Länder s'appuient sur un grand nombre d'institutions de formation et de conseil qui, en plus de la formation professionnelle, dispensent par ailleurs du conseil à tous les types d'entreprises et dans tous les domaines de production.
Exemple dans le Land de Saxe-Anhalt
Outre les dispositions du second pilier, le Land de Saxe-Anhalt propose également aux jeunes agriculteurs un prêt à taux zéro. Ce prêt sert à financer les dépenses engagées dans le cadre de la reprise d'entreprise et d'assurer une couverture supplémentaire des besoins52(*).
Par ailleurs, depuis 2016, le Land accorde aux jeunes agriculteurs une subvention supplémentaire allant jusqu'à 10 % du volume d'investissement éligible (avec un plafond de 20 000 euros) pour les investissements de modernisation d'une exploitation agricole53(*).
Exemple dans le Land de Bavière
En Bavière, il existe plusieurs dispositifs, généralistes ou ciblés, qui participent à la politique de soutien à l'installation des nouveaux agriculteurs :
- la plateforme Gründerland Bayern54(*), destinée à aider les créateurs d'entreprise via des offres de financement du Land, de conseil, du coaching et la mise en relation avec les réseaux d'entrepreneurs et d'investisseurs privés. Elle s'adresse aux créateurs et repreneurs d'entreprise dans tous les secteurs ;
- la transition des exploitations existantes et la création d'exploitations d'agriculture biologique et plus respectueuses de l'environnement sont encouragées par le Programme spécial bavarois pour l'agriculture (BaySL)55(*). Ce programme permet de bénéficier de subventions d'investissement spécifiques ;
- pour les agriculteurs sans formation professionnelle agricole, les offices de l'alimentation, de l'agriculture et des forêts proposent des séminaires de qualification56(*) (par exemple sur les méthodes de production respectueuses de l'environnement, la gestion d'entreprise agricole, la protection phytosanitaire...). Ces enseignements sont généralement répartis sur deux ans et ouvrent la possibilité de passer l'examen final dans la profession d'agriculteur (BiLa).
3. Espagne
? La nouvelle PAC prévoit deux dispositifs principaux : l'aide complémentaire au revenu pour jeunes agriculteurs (qui s'appuie sur le premier pilier) et l'aide à l'installation des jeunes et nouveaux agriculteurs et pour la création de nouvelles entreprises rurales (aide qui s'appuie sur le second pilier, avec une distinction entre les trois notions).
? Elle prévoit par ailleurs deux autres dispositifs : l'aide aux investissements pour la diversification agricole et le dispositif de coopération en matière de succession agricole (dont le périmètre géographique d'application est plus restreint).
? Ces dispositifs bénéficient d'un budget de 724 millions d'euros pour la période de référence (2023-2027).
? La répartition des crédits entre régions relève d'une décision nationale. Toutefois, les communautés autonomes constituent les entités de gestion, d'instruction et de versement des aides. Éventuellement, elles allouent des montants plus importants et mettent en oeuvre des actions complémentaires.
A) Cadre général
(1) Principales données sur l'agriculture
En Espagne, la surface agricole utilisée (SAU) représentait 24,42 millions d'hectares en 2021, soit 15 % de la SAU totale de l'Union européenne à 2757(*). Ce chiffre est en légère hausse par rapport à 2011 (23,89 millions d'hectares).
Selon les dernières données Eurostat disponibles, en 2013, l'Espagne comptait environ 965 000 exploitations agricoles, soit une diminution de 10 % par rapport à 200558(*). En 2013, 50 % des exploitations avaient une surface inférieur à 5 hectares et 5 % une surface supérieure à 100 hectares.
S'agissant de la population agricole, en 2016, 8,5 % des chefs d'exploitations agricoles avaient moins de 40 ans, 60 % entre 40 et 64 ans et 31 % étaient âgés de 65 ans ou plus59(*).
En 2017, environ 25 000 exploitants ont bénéficié d'une aide au titre de la première installation, pour un montant moyen de 25 883 euros. Par ailleurs, la même année, un peu moins de 9 000 jeunes exploitants ont bénéficié de l'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs60(*).
(2) Cadre juridique et financier de la politique agricole et répartition des compétences
En Espagne, la législation nationale en matière agricole repose sur plusieurs textes qui établissent les principes généraux et les réglementations spécifiques, tels que la modernisation des exploitations agricoles, le développement rural durable, la qualité et la sécurité alimentaire, ou encore la protection des ressources en eau. Elles fournissent également le cadre juridique pour la mise en place de réglementations spécifiques et de programmes de soutien dans le secteur agricole61(*).
Le ministère de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation joue un rôle d'élaboration des politiques agricoles. Il établit des lignes directrices communes pour garantir la cohérence de la politique à l'échelle nationale et joue un rôle de coordination avec les entités régionales62(*). Une procédure de concertation et de négociation entre l'État et les communautés autonomes permet de déterminer les budgets alloués à chaque région en fonction de leurs besoins spécifiques, de leurs priorités agricoles et des critères objectifs.
Les 17 communautés autonomes constituent les autorités de référence pour la définition et la gestion des programmes de développement rural à l'échelon régional. Elles sont chargées de gérer et d'allouer les fonds de l'Union européenne63(*).
Le plan stratégique national pour la période 2023-2027 a été approuvé par la Commission européenne le 31 août 2022. Deux décrets royaux64(*) ont été publiés fin 2022 afin de préciser les modalités de gestion et de versement de l'aide de base et des dispositifs sous forme de paiements directs. Le premier prévoit la constitution d'une réserve nationale visant à faciliter l'installation des jeunes et nouveaux agriculteurs et favoriser le renouvellement générationnel.
B) Objectifs et moyens mis à disposition des nouveaux entrants dans le cadre du plan stratégique national 2023-2027
(1) Le vieillissement de la population agricole constitue un enjeu fort pour la soutenabilité du secteur agricole en Espagne
Le vieillissement est visible dans tous les secteurs de production agricole, avec une moyenne d'âge supérieure à 60 ans65(*). L'âge des exploitants agricoles ayant une incidence sur la compétitivité et la productivité des exploitations, le gouvernement espagnol entend promouvoir le renouvellement générationnel, en visant notamment les jeunes et les femmes, en particulier dans les zones présentant un risque important de dépeuplement. Pour la période 2023-2027, le PSN espagnol relève la nécessité de simplifier le traitement et l'octroi des aides, d'accélérer les paiements aux jeunes et de prévoir un budget suffisant pour couvrir la demande d'aides pour le démarrage de l'activité agricole. Cette simplification passe notamment par l'harmonisation des critères d'octroi des aides des premier et second piliers.
Dans ses recommandations adressées en réponse au PSN 2023-2027, la Commission européenne encourage le renforcement du tissu socio-économique des zones rurales et invite l'Espagne à fournir des efforts pour relever le défi du renouvellement générationnel dans l'agriculture. Elle vise tout particulièrement la réduction des obstacles à l'entrée dans le secteur, ainsi que l'adoption de mesures spécifiques afin de réduire l'écart entre l'emploi des hommes et celui des femmes dans les zones rurales.
(2) Le PSN espagnol présente quatre dispositifs spécifiques devant répondre aux enjeux de renouvellement des exploitations agricoles
Les dispositifs en faveur du renouvellement agricole s'appuient sur les premier et second piliers de la PAC. Le PSN 2023-2027 a défini un budget de 724 millions d'euros pour l'ensemble de la période pour les quatre dispositifs suivants :
- il s'agit d'abord et principalement de l'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs (article 30 du règlement « plans stratégiques » et de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales (article 75 du règlement « plans stratégiques »). Ces deux dispositifs sont directement destinés à atténuer la faible proportion de jeunes travaillant dans le secteur agricole (la plus faible au sein de l'Union européenne). Les 17 communautés autonomes y ont recours ;
- par ailleurs, le PSN prévoit le recours à « l'aide aux investissements pour la diversification agricole ». Ce dernier dispositif, bien qu'il soit applicable sur moins de la moitié du territoire espagnol et qu'il ne vise pas spécifiquement les jeunes, contribue toutefois au renouvellement générationnel et à la création d'emplois ;
- enfin, le dispositif de « coopération pour la succession des exploitations agricoles » (programmé par quatre communautés autonomes) vise à répondre aux difficultés d'accès au foncier, l'un des principaux problèmes rencontrés par les jeunes qui décident de s'installer. Il s'agit de faciliter la transmission d'exploitation d'un agriculteur partant en retraite à une autre personne souhaitant lui succéder.
(3) L'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs
L'aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs (Ayuda complementaria a la renta para jóvenes agricultores), sur le fondement de l'article 30 du règlement « PSN », est déployée à l'échelle nationale66(*) (à l'exception des îles Canaries). Elle prend la forme d'un paiement complémentaire aux droits à paiement de base prévus par l'article 21 du règlement « plans stratégiques ». Le budget consacré à ce paiement doit s'élever à 2 % des aides directes en Espagne.
Compte tenu de fortes inégalités de revenu entre les hommes et les femmes, le gouvernement espagnol a jugé nécessaire d'établir un montant unitaire plus élevé pour les femmes exploitantes. Un montant unitaire de 15 % supérieur à l'aide de base au revenu est appliqué au bénéfice des femmes exploitantes.
Le bénéficiaire doit être le dirigeant d'une exploitation agricole inscrite au registre des exploitations agricoles et disposer des droits à paiement de base. Il peut s'agir d'une personne physique ou d'une personne morale dont les associés :
- ne sont pas âgés de plus de 40 ans au cours de l'année civile de la première demande éligible à l'aide de base ;
- s'installent pour la première fois en tant que chef d'exploitation ;
- répondent aux critères de formation ou de compétence exigés, c'est-à-dire avoir accompli un minimum de 150 heures de formation dans des matières reconnues par l'autorité compétente.
Le montant de l'aide complémentaire est égal à 100 % de la valeur moyenne régionale de l'aide de base applicable. Elle est versée pendant cinq ans à compter de la première année de la demande, jusqu'à concurrence de 100 hectares.
(4) L'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales
L'article 75 du règlement « plans stratégiques » s'applique en théorie à une cible très large. Alors que certains États membres ont choisi de restreindre le recours à ce dispositif aux seules populations jeunes (notamment l'Allemagne), l'Espagne a choisi de l'activer de façon différenciée pour les trois cas de figure prévus par l'article 75 : les jeunes agriculteurs, les nouveaux agriculteurs et la création de nouvelles entreprises rurales liées à l'agriculture et à la sylviculture ou à la diversification des revenus des ménages agricoles et aux nouvelles activités commerciales non agricoles.
L'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, de nouveaux agriculteurs et à la création de nouvelles entreprises rurales (establecimiento de jóvenes agricultores y nuevos agricultores y puesta en marcha de nuevas empresas rurales), sur le fondement de l'article 75 du règlement précité, comprend ainsi trois volets.
(a) Le dispositif « article 75 » visant les jeunes agriculteurs
Selon le PSN espagnol67(*), l'objectif de cette intervention est de contribuer au renouvellement générationnel et à la création d'emplois dans les zones rurales, face au défi du changement de génération et au dépeuplement des zones rurales.
Elle se traduit par la fourniture d'aides forfaitaires au cours de la période d'installation pour répondre aux difficultés économiques qui se posent aux jeunes qui ne sont pas encore en mesure de générer un rendement suffisant. Elle passe aussi par la fourniture de services financiers afin faciliter l'accès au crédit pour les jeunes, seuls ou en combinaison avec la subvention. Dans le cadre de ce dispositif, les femmes bénéficient de primes plus avantageuses68(*).
Sont éligibles les personnes qui remplissent les conditions liées au statut de jeune agriculteur.
La notion de « jeune agriculteur » (jóven agricultor)
Le PSN espagnol définit le jeune agriculteur comme une personne physique ou un groupe de personnes physiques de moins de 41 ans qui exercent un contrôle effectif et durable sur l'exploitation agricole, en termes de décisions de gestion, de bénéfices et de risques financiers, responsable de la gestion des opérations financières et de production quotidiennes et courantes de l'exploitation.
Comme en Allemagne, il peut également s'agir d'une personne morale, sous forme de groupe d'associés de moins de 41 ans détenant au moins le même pourcentage du capital social et des droits de vote au sein du conseil d'administration de la personne morale, égal à la part de l'associé majoritaire.
Pour être éligible aux droits à paiement de la réserve nationale (RN), à l'aide au revenu des jeunes agriculteurs ou à l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, un niveau minimum d'enseignement ou de formation agricole est requis. La durée minimale est de 150 heures. Cette obligation n'est pas applicable au moment de la demande d'aide, mais les agriculteurs disposent d'une période de 36 mois à compter de la date d'établissement pour satisfaire à cette exigence.
Source : Plan estratégio PAC 2023-2027 (page 447)
Les bénéficiaires doivent être majeurs et :
- avoir soumis un plan d'entreprise avec un contenu minimum dans lequel ils s'engagent à acquérir les aptitudes, la formation ou les compétences professionnelles appropriées ;
- ne pas avoir bénéficié de l'aide à la première installation et ne pas être considérés comme installés selon les critères établis au niveau régional.
Il s'agit d'une aide forfaitaire. Les montants de l'aide varient en fonction du contenu du plan d'entreprise, avec un maximum de 100 000 euros.
La mise en oeuvre du plan d'entreprise doit suivre la réalisation d'étapes fixées par les communautés autonomes. De même, la sélection des étapes pour les paiements individuels est laissée à la discrétion des régions.
(b) Le dispositif « article 75 » visant les nouveaux agriculteurs
Inscrit dans le PSN 2023-202769(*), ce nouveau dispositif est déployé dans six communautés autonomes (Galice, Asturies, Cantabrie, Navarre, Communauté de Madrid et Communauté de Valence)70(*). Là aussi, il s'agit d'aides forfaitaires et de fournitures d'instruments financiers. Le dispositif est présenté comme devant « contribuer au maintien de l'esprit d'entreprise et des talents dans les zones rurales ». Il prévoit également de privilégier les candidatures féminines.
Un certain nombre de critères de sélection sont pris en compte dans le cadre des appels d'offre émis par les communautés autonomes, notamment l'intégration des femmes dans l'activité agricole, le mode d'installation, la formation du candidat, le lieu de l'exploitation, l'intégration dans les secteurs stratégiques pour les régions, le maintien ou la création d'emplois, les caractéristiques de l'exploitation à installer, le partenariat et/ou le modèle de commercialisation, l'inclusion d'une première transformation, la stratégie pour atteindre un retour sur investissement ou encore la complémentarité avec d'autres dispositifs PAC.
Sont éligibles les personnes qui remplissent les conditions liées au statut de nouvel agriculteur.
La notion de « nouvel agriculteur » (nuevo agricultor)
Le PSN espagnol définit les nouveaux agriculteurs comme des personnes physiques qui s'installent pour la première fois en tant qu'exploitants, dès lors qu'ils exercent un contrôle effectif et durable sur les décisions quotidiennes liées à la gestion de l'exploitation et à l'activité agricole exercée, et qu'ils en assument les risques financiers.
Les personnes morales qui s'établissent pour la première fois sont l'associé ou le groupe d'associés qui détiennent une part du capital social et des droits de vote au sein du conseil d'administration de la personne morale au moins égale à la part de l'associé majoritaire. Dans le cas des nouveaux agriculteurs, il s'agit des associés qui remplissent les conditions propres aux nouveaux agriculteurs, spécifiques aux personnes physiques. Sont considérés comme primo-accédants ceux qui, avant la date retenue pour l'installation, n'exerçaient pas auparavant d'activité agricole pour leur propre compte et à leurs propres risques et n'exerçaient pas de contrôle sur une personne morale exerçant une activité agricole.
Afin d'obtenir des droits à paiement de la Réserve nationale (RN) pour les nouveaux agriculteurs et pour l'installation de nouveaux agriculteurs, une quantité minimale d'enseignement ou de formation agricole doit être disponible. La durée minimale est de 150 heures. Cette obligation n'est pas applicable au moment de la demande d'aide, mais les agriculteurs disposent d'une période de 36 mois à compter de la date d'établissement pour satisfaire à cette exigence.
Source : Plan estratégio PAC 2023-2027 (page 448)
Les autres critères d'éligibilité sont les mêmes que ceux prévus dans le cadre de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs (voir supra).
Il s'agit d'une aide forfaitaire dont le montant est variable et dépend du plan d'entreprise (avec un montant minimal de 20 000 euros et un maximum de 100 000 euros).
La mise en oeuvre du plan d'entreprise se fait en fonction de la réalisation d'étapes fixées par les régions. De même, le choix des étapes pour les différents paiements est laissé à la discrétion des autorités régionales, le dernier paiement étant, en tout état de cause, lié à la justification de la mise en oeuvre du plan d'entreprise et au respect des engagements pris.
(c) Le dispositif « article 75 » visant la création de nouvelles entreprises rurales liées à l'agriculture et à la sylviculture ou à la diversification des revenus des ménages agricoles, et nouvelles activités commerciales non agricoles
Cette intervention n'est mise en oeuvre que par une seule région espagnole : la Navarre70(*).
L'objectif de cette aide est de contribuer à la création d'emplois dans les zones rurales ainsi qu'au développement de l'économie rurale, à travers la fourniture d'aides forfaitaires au cours de la période de démarrage de l'activité, lorsque l'entreprise est moins rentable.
Ce dispositif prévoit la possibilité de privilégier les candidatures de jeunes et/ou de femmes. Il prévoit lui aussi une série de critères de sélection, notamment le statut de l'exploitant, le sexe, l'âge, le type d'exploitation, la formation de l'exploitant, les caractéristiques sociodémographiques de la municipalité où l'activité est générée, ou encore les synergies possibles avec le réseau local d'exploitations.
Sont éligibles à cette aide les personnes physiques ou morales souhaitant créer une nouvelle entreprise, située en zone rurale. L'entreprise peut être liée à l'agriculture et/ou à la sylviculture mais peut aussi avoir une activité commerciale non agricole.
Pour être éligibles, les bénéficiaires doivent remplir certaines conditions :
- être âgé de plus de 18 ans ;
- présenter un plan d'entreprise contenant une analyse de faisabilité du projet ;
- dans le cas des aides à la création d'entreprises non agricoles, ne pas avoir été bénéficiaire d'une aide à la création de nouvelles activités non agricoles au cours de la période de programmation 2014-2020 ;
- dans le cas du lancement de nouvelles entreprises rurales liées à l'agriculture, ne pas avoir été bénéficiaire de l'aide à la première installation.
Il s'agit d'une aide forfaitaire pour laquelle les bénéficiaires doivent présenter un plan d'entreprise.
La mise en oeuvre du plan d'entreprise doit suivre la réalisation d'étapes fixées par les communautés autonomes, qui procèdent aux sélections des projets par étape.
(5) L'aide aux investissements pour la diversification agricole
Ce troisième dispositif est applicable uniquement dans certaines communautés autonomes (Estrémadure, Galice et Navarre)71(*). Il vise à contribuer au maintien de la population dans les zones rurales, en évitant l'abandon des exploitations, en améliorant leur taille, en maintenant l'activité de l'exploitation, en la complétant, le cas échéant, par d'autres activités menées dans les zones rurales. Il s'agit de diversifier et d'améliorer le revenu des agriculteurs.
Il s'appuie sur des critères de sélection larges, tels que la contribution au maintien de la population rurale, la situation géographique des entreprises dans les zones rurales ou encore le développement de microentreprises ou de petites initiatives en zone rurale.
Sont éligibles les personnes physiques ou morales qui souhaitent développer des investissements ou bien des entreprises déjà créées dans le cadre d'un autre dispositif.
Le dispositif est conditionné à la présentation d'un plan d'entreprise qui doit justifier que l'investissement contribuera à attirer les jeunes agriculteurs et à faciliter le développement des entreprises dans les zones rurales, sinon à promouvoir l'emploi, la croissance, l'inclusion sociale et le développement local dans les zones rurales, y compris la bioéconomie et la sylviculture durable. Il doit également démontrer que l'investissement et les dépenses sont techniquement et économiquement réalisables et, enfin, que ceux-ci n'ont pas été initiés avant la demande ou après la date du rapport vérifiant cette circonstance.
Le dispositif se présente sous la forme d'une subvention, avec un montant minimum de 10 000 euros et un maximum de 2 millions d'euros, et peut porter sur 30 % à 80 % des investissements.
(6) La coopération en matière de succession agricole
Ce dispositif, qui n'existait pas dans la période de programmation précédente, est applicable dans quatre communautés autonomes72(*) (Asturies, Communauté de Madrid, Castille-et-Léon, Îles Baléares). Il doit, à terme, être déployé à plus grande échelle.
Son objectif principal est de favoriser le renouvellement des générations et d'accroître la viabilité des exploitations agricoles en les restructurant, en les agrandissant et en augmentant le niveau de qualification professionnelle de leurs propriétaires.
Il ne s'agit pas d'une aide ciblant directement les nouveaux agriculteurs. Mais le dispositif doit favoriser la transmission des exploitations via un soutien apporté aux agriculteurs qui décident de cesser leur activité agricole ou d'élevage pour transmettre leur exploitation à d'autres agriculteurs, en présentant un projet de coopération entre les parties.
C) Une politique de soutien complétée de façon plus marginale par les communautés autonomes
Pour répondre aux défis posés par le renouvellement générationnel, il existe des actions complémentaires à celles prévues par le PSN, que les communautés autonomes sont libres de financer à partir des crédits de la PAC dont elles assurent la gestion, en apportant éventuellement un cofinancement.
Exemple dans la communauté autonome de Castille-La Manche
En décembre 2022, le gouvernement de Castille-La Manche a renouvelé l'accord du gouvernement régional avec sept institutions financières73(*), afin que les agriculteurs et les éleveurs de la communauté autonome puissent accéder à des prêts spécifiques, à des conditions avantageuses. L'objectif est de faciliter l'accès au financement à des conditions spéciales pour les propriétaires d'exploitations agricoles et d'élevage, afin de leur permettre d'entrer dans l'activité agricole et d'élevage, comme moyen d'encourager le renouvellement des générations nécessaire dans les campagnes, ainsi que pour la réalisation d'investissements agricoles.
Exemple dans la communauté autonome d'Andalousie
Dans le cadre de son programme de développement rural 2014-2020, la communauté autonome d'Andalousie avait prévu 80 millions d'euros en faveur de l'aide à l'installation de jeunes agriculteurs, financés à 100 % par le fonds européen d'aménagement et de développement rural (FEADER). Pour la première fois, l'appel à candidatures comportait une ligne de financement exclusivement dédiée aux femmes (15,9 millions d'euros). L'objectif du gouvernement andalou était de permettre l'installation de 4 000 jeunes agriculteurs d'ici 2023.
En mars 2023, à l'issue de l'attribution définitive de la totalité des aides, le gouvernement andalou a constaté que ce programme avait bénéficié à 1 000 jeunes agriculteurs, dont 65 % de jeunes femmes, lui permettant d'atteindre son objectif global de 4 000 installations sur l'ensemble de la période. Ainsi, « les femmes qui n'ont pas bénéficié de l'appel à candidatures général pour des raisons budgétaires ont pu recevoir la subvention par le biais de l'appel à candidature spécifique ». La communauté autonome constate également que « la simplification administrative importante dans la gestion de ces aides et le versement anticipé de 25 % de l'aide du montant dès le début de l'activité ont conduit à une augmentation significative du nombre de demandes lors des derniers appels à candidatures pour cette aide au renouvellement des générations ».
Selon les autorités andalouses, « ces types d'appels à candidatures ont été fondamentaux pour que l'Andalousie dépasse la moyenne espagnole de jeunes de moins de 35 ans dans les campagnes, avec 4 % contre 3,9 % au niveau national. De plus, la province d'Almeria est la championne en matière de rajeunissement des campagnes, dépassant de loin les moyennes nationale et andalouse avec 8,7 % d'agriculteurs de moins de 35 ans ».
Source : https://www.juntadeandalucia.es/presidencia/portavoz/tierraymar/181235/JuntadeAndalucia/ConsejodeGobierno et https://www.juntadeandalucia.es/sites/default/files/inline-files/2023/03/20230327_RESOLUCI%C3 %93N%20SUBMD.%206.1 %20CONVOC.%202022 %20PARA%20FIRMA%28F%29_0.pdf
ANNEXE 2
COMMUNICATION DE LA COUR DES
COMPTES
À LA COMMISSION DES FINANCES
Consultable uniquement au format PDF
* 1 La vidéo de l'audition, le compte rendu afférent et l'enquête proprement dite de la Cour sont consultables sur le site Internet du Sénat : https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/commissions/commission-des-finances/actualite/audition-du-premier-president-de-la-cour-des-comptes-m-pierre-moscovici-new642e79a9ccd1b650284109.html
* 2 La liste des personnes entendues et des contributions écrites reçues figure en annexe au présent rapport.
* 3 La Cour souligne dans son enquête que 92 % des aides à l'installation sont volontairement ciblées sur les moins de 40 ans.
* 4 L'étude mentionnée est annexée au présent rapport d'information.
* 5 Ces chiffres sont antérieurs au Brexit dans les deux cas.
* 6 L'Espagne est aujourd'hui le seul pays européen où l'espérance de vie est plus élevée chez les hommes et chez les femmes que la France, elle connait donc un vieillissement accéléré de sa population.
* 7 Les coefficients de production brute standard (PBS) traduisent la valeur de production potentielle par hectare ou par tête d'animal. Ils permettent une comparaison par taille, toutes choses égales par ailleurs, des exploitations agricoles.
* 8 Celui-ci est consultable via le site du ministère de l'agriculture : https://agriculture.gouv.fr/pac-2023-2027-le-plan-strategique-national
* 9 Au 1er juillet 2023, date limite fixée par la loi, cette stratégie est toujours en cours de définition.
* 10Cet accord s'est traduit par la promulgation de l'ordonnance n° 2022-68 du 26 janvier 2022 relative à la gestion du FEADE.
* 11 Sur la méthodologie retenue pour parvenir à ces éléments, les rapporteurs spéciaux renvoient à l'enquête de la Cour (pages 28-29).
* 12 Elle est extraite de l'enquête de la Cour (annexe 8).
* 13 Accueil des porteurs de projet, Conseil à l'installation, Préparation à l'installation, Suivi du nouvel exploitant, Incitation à la transmission et Communication/Animation.
* 14 Proposition n°2 de la Cour des comptes.
* 15 Page 38 de l'enquêté précitée.
* 16 Rapport n° 771 (2022-2023) de M. Jean-François HUSSON, tome I, déposé le 28 juin 2023, consultable à l'adresse : https://www.senat.fr/rap/l22-771-1/l22-771-1.html
* 17 L'enquête de la Cour indique qu'en 2020, 12 508 exploitants se sont installés, répartis en trois blocs de taille similaire : 4 829 moins de 40 ans bénéficiant de la DJA ; 4 009 moins de 40 ans n'en bénéficiant pas et 3 670 ayant plus de 40 ans et donc non éligibles à la DJA.
* 18 Article L. 300-5 du code rural et de la pêche maritime.
* 19 Renforcer l'accompagnement des cédants souhaitant transmettre leur exploitation par un « bouquet transmission » (diagnostic d'exploitation et conseil, inscription au répertoire départ installation, coopération test sur un an, transmission globale du foncier) et prévoir un guichet unique d'instruction (ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, 2023).
* 20 Article 73 B du Code général des impôts.
* 21 Règlement ( UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l'aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) n° 1307/2013.
* 22 https://ec.europa.eu/eurostat/documents/2995521/11519753/5-16112020-AP-FR.pdf/0cdb4ba6-66bc-3c71-06e7-991670c1d54e
* 23 https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tag00025/default/table?lang=fr
* 24 https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/TAG00001/default/table?lang=fr
* 25 Commission européenne, Empfehlungen der Kommission für den GAP-Strategieplan Deutschlands, SWD(2020) 373 final, 2020, p. 21.
* 26 Ibid.
* 27 Commission européenne, op. cit., p. 22.
* 28 Bundesministerium für Ernährung und Landwirtschaft (BMEL), GAP Strategie-Plan, 2023, p. 1 500.
* 29 https://www.bmel.de/DE/themen/landwirtschaft/eu-agrarpolitik-und-foerderung/gap/gap-strategieplan.html (présentation du dispositif, page 418).
* 30 BMEL, GAP Strategie-Plan, p. 1506.
* 33 Cette tâche d'intérêt commun doit être entendue comme une compétence partagée entre l'État fédéral et les Länder. En matière « d'amélioration des structures agricoles », elle est prévue par l'article 91 a de la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne.
* 34 https://www.bmel.de/DE/themen/laendliche-regionen/foerderung-des-laendlichen-raumes/gemeinschaftsaufgabe-agrarstruktur-kuestenschutz/gemeinschaftsaufgabe-agrarstr-kuestenschutz_node.html
* 35 BMEL, GAP Strategie-Plan, op. cit., pp. 195-196.
* 36 Ibid.
* 37 BMEL, GAP Strategie-Plan, op. cit., p. 31.
* 38 BMEL, GAP Strategie-Plan, op. cit., p. 193.
* 39 BMEL, GAP Strategie-Plan, op. cit., p. 195.
* 40 Ibid., p. 421.
* 41 Ibid., p. 419.
* 42 BMEL, GAP Strategie-Plan, op. cit., p. 421.
* 43 Les exigences relatives aux qualifications et aux exigences en matière de formation prévues ne s'appliquent pas en raison de la définition différente du bénéficiaire figurant à l'article 30, alinéa 2.
* 44 89 % des jeunes agriculteurs ont une surface d'exploitation inférieure au nouveau seuil.
* 45 BMEL, GAP Strategie-Plan, op. cit., p. 1506.
* 46 https://www.bmel.de/DE/themen/landwirtschaft/eu-agrarpolitik-und-foerderung/gap/gap-strategieplan.html (présentation du dispositif, page 1502)
* 47 BMEL, GAP Strategie-Plan, op. cit.,, p. 1502.
* 48 https://www.bmel.de/DE/themen/landwirtschaft/eu-agrarpolitik-und-foerderung/gap/gap-strategieplan.html (présentation du dispositif, page 1505)
* 49 La Landwirtschaftliche Rentenbank, établissement public fédéral basé à Francfort-sur-le-Main, est la Banque allemande de développement pour l'économie agricole et les espaces ruraux. Elle soutient les entreprises agricoles, viticoles, de la sylviculture, de l'horticulture, les fabricants d'équipements agricoles et toutes les entreprises de services qui ont un lien étroit avec l'agriculture.
* 50 https://www.rentenbank.de/bmel-zuschuesse/landwirtschaft/
* 51 https://www.gesetze-im-internet.de/pflschg_2012/BJNR014810012.html
* 52 https://mwl.sachsen-anhalt.de/news-detail/junglandwirte-in-sachsen-anhalt-erhalten-starthilfe-fuer-hofnachfolge
* 53 https://www.foerderdatenbank.de/FDB/Content/DE/Foerderprogramm/Land/Sachsen-Anhalt/agrarinvestitionsfoerderungsprogramm.html
* 54 https://www.gruenderland.bayern/
* 55 https://www.agrarbericht.bayern.de/landwirtschaft/foerderung-des-oekologischen-landbaus.html
* 56 https://www.aelf-kw.bayern.de/bildung/landwirtschaft/index.php
* 57 https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tag00025/default/table?lang=fr
* 58 https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/TAG00001/default/table?lang=fr
* 59 Junta de Andalucia, Evaluacion de las ayudas a la creacion de empresas para los jovenes agricultores del programa de desarollo rural de Andalucia (2014-2020), 2021, p. 50.
* 60 Junta de Andalucia, op. cit., p. 73.
* 61 Ley 19/1995, de 4 de julio, de Modernización de las Explotaciones Agrarias , article 22.
* 62 https://www.mapa.gob.es/es/ministerio/funciones-estructura/
* 63 https://www.mapa.gob.es/images/es/rd-gobernanza-audiencia-publica_tcm30-624383.pdf
* 64 Real Decreto 1045/2022, de 27 de diciembre, sobre derechos de ayuda básica a la renta para la sostenibilidad de la Política Agrícola Común et Real Decreto 1048/2022, de 27 de diciembre, sobre la aplicación, a partir de 2023, de las intervenciones en forma de pagos directos y el establecimiento de requisitos comunes en el marco del Plan Estratégico de la Política Agrícola Común
* 65 Ministerio de Agricultura, Pesca y Alimentación (MAPA), Plan estratégico de la PAC 2023-2027, 2022, p. 149.
* 66 MAPA, Plan estratégico de la PAC 2023-2027, op. cit., p. 568.
* 67 MAPA, Plan estratégico de la PAC 2023-2027, op. cit., p. 2221.
* 68 Ibid.
* 69 MAPA, Plan estratégico de la PAC 2023-2027, op. cit., p. 2255.
* 70 On peut noter toutefois que d'autres communautés autonomes mettent en oeuvre le démarrage de nouvelles entreprises rurales liées à l'agriculture et à la sylviculture, la diversification des revenus des ménages agricoles ou de nouvelles activités commerciales non agricoles par le biais du dispositif LEADER.
* 71 MAPA, Plan estratégico de la PAC 2023-2027, op. cit.,p. 2450.
* 72 MAPA, Plan estratégico de la PAC 2023-2027, op. cit.,p. 2450.
* 73 https://www.castillalamancha.es/actualidad/notasdeprensa/el-gobierno-de-castilla-la-mancha-avala-los-agricultores-y-ganaderos-ante-las-principales-entidades