D. MIEUX ASSOCIER LE CINÉMA AUX POLITIQUES PUBLIQUES

Le CNC dispose avec ses aides d'un puissant levier pour orienter non pas le contenu des oeuvres mais les conditions de sa production.

Ainsi, la mission formule trois recommandations visant autant d'objectifs de politiques publiques que le CNC pourrait mieux servir en conditionnant ses aides à leur respect.

Ø Tout d'abord, imposer des obligations environnementales pour les tournages.

Le CNC a récemment instauré via son Règlement général des Aides une conditionnalité des aides à la production à la réalisation de bilans carbone, à la charge des producteurs.

À terme, il pourrait être imposé une modulation des aides en fonction des résultats de ces bilans carbone, ou plus largement du respect ou non de certaines exigences environnementales.

Cette prise en compte pourrait cependant nécessiter une évolution de l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée. En effet, le 2° prévoit bien que le Centre doit « contribuer, dans l'intérêt général, au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l'image animée et d'en faciliter l'adaptation à l'évolution des marchés et des technologies », mais sans explicitement mentionner les objectifs environnementaux.

Recommandation n° 11 : Moduler les aides du CNC au respect de critères environnementaux durant les tournages, en modifiant l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée.

Ø Ensuite, renforcer la mise en oeuvre des règles de rémunération minimale applicables aux auteurs.

La transposition de la directive « droit d'auteur » par l'ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021 a permis d'impulser une dynamique de négociation professionnelle entre producteurs et auteurs concernant la rémunération de ces derniers.

Le nouvel article L. 132-25-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit ainsi la possibilité de fixer les modalités de détermination et de versement de la rémunération proportionnelle par mode d'exploitation des auteurs par voie d'accord entre leurs représentants et ceux des producteurs. À défaut d'un tel accord, le Gouvernement peut fixer par voie réglementaire les conditions et les modalités de cette rémunération.

Les accords peuvent également porter sur les pratiques contractuelles ou les usages professionnels entre auteurs et producteurs, en application de l'article L. 132-25-1 du code de la propriété intellectuelle, y compris dans le domaine des rémunérations minimales relatives aux différentes étapes de création.

Il pourrait être envisageable de contraindre les producteurs du champ cinématographique comme audiovisuel à respecter les minimas de rémunération résultant de ces accords professionnels étendus par arrêté, en les privant du bénéfice des aides en cas de manquement.

La mise en place d'une conditionnalité relative à la rémunération des auteurs, comme pour les normes environnementales, suppose une évolution du même article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée.

Recommandation n° 12 : Conditionner le bénéfice des aides du CNC au respect des clauses de rémunération minimale des auteurs, en modifiant l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée.

Ø Enfin, il est nécessaire de mieux protéger notre patrimoine cinématographique et audiovisuel.

Seuls 20 % de la production des films muets existeraient encore, le reste ayant été perdu ou jeté au fil du temps. C'est donc une partie essentielle du patrimoine cinématographique qui a disparu.

On pourrait croire que la combinaison du dépôt légal et du numérique rend les films littéralement « éternels ». Il n'en est cependant rien. D'une part, les formats les plus anciens, pour être utiles, doivent disposer d'un matériel d'époque (par exemple, magnétoscope VHS ou Betamax), d'autre part, les standards de diffusion numérique évoluent sans cesse, ce qui peut rendre complexe l'usage de « vieux » fichiers.

Il est pourtant essentiel de donner au patrimoine cinématographique et audiovisuel les meilleures chances d'être transmis aux générations futures. Le stockage d'un film en version numérique est compris entre 1 500 et 4 500 euros par an, à la charge du détenteur des droits. Il parait cependant difficile d'organiser une prise en charge publique de ces éléments.

La propriété d'un film s'entend à la fois des droits de diffusion, mais également des éléments techniques nécessaires à la fixation de l'oeuvre. Les simples droits de propriété sans ces éléments sont peu utiles, et destinés à se dégrader avec le temps.

Il pourrait cependant être proposé de conditionner les aides du CNC au maintien sur le territoire européen des éléments techniques.

Il semble que le 5° de l'article L. 111-2 du code du cinéma et de l'image animée, qui confie au CNC la mission de « collecter, conserver, restaurer et valoriser le patrimoine cinématographique » soit suffisant pour ce faire.

Recommandation n° 13 : Conditionner les aides du CNC au maintien sur le territoire européen d'au moins un exemplaire des éléments techniques de l'oeuvre cinématographique bénéficiaire de l'aide.

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