III. LES INTERVENTIONS DES PARLEMENTAIRES FRANÇAIS DANS LES DÉBATS

Les interventions qui suivent sont présentées selon l'ordre chronologique dans lequel elles ont été prononcées, en fonction de l'ordre du jour adopté et des listes d'orateurs établies par la direction de la séance de l'APCE.

A. OBSERVATION DE L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE AU MONTÉNÉGRO (19 MARS ET 2 AVRIL 2023)

1. L'intervention de M. Bernard Fournier

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Je tiens tout d'abord à remercier notre collègue M. Joseph O'REILLY pour son rapport qui rend bien compte des progrès accomplis par le Monténégro depuis son indépendance en 2006. En effet, que de chemin parcouru ! Dès 2007, le Monténégro a adhéré à notre Organisation puis a mis en place un système politique visant à renforcer la démocratie, les droits de l'homme et l'État de droit.

Aujourd'hui, ces élections représentent un tournant particulier dans la mesure où elles marquent une alternance politique.

L'arrivée au pouvoir de Jakov Milatoviæ rappelle combien les Monténégrins sont attachés aux valeurs du Conseil de l'Europe et marque leur volonté de se rattacher aux démocraties libérales occidentales. Je ne peux que m'en féliciter, d'autant plus que le Monténégro est engagé dans le processus d'adhésion à l'Union européenne. Pour notre part, nous devons continuer à donner des perspectives européennes aux Monténégrins et à les soutenir dans les mises en oeuvre de réformes qui s'avèrent indispensables.

Je voudrais tout d'abord évoquer l'enjeu de la lutte contre la corruption et la réforme du système judiciaire, qui restent des défis essentiels pour le Monténégro. Le GRECO a fait un certain nombre de recommandations pour améliorer l'indépendance du système judiciaire et établir un système de nominations qui permette de garantir cette indépendance. Malheureusement, la crise politique que traverse le pays depuis plus de deux ans a rendu difficile toute réforme. Aujourd'hui, il est nécessaire que les prochaines élections législatives puissent permettre de dégager une majorité stable, qui ne soit pas en conflit ouvert avec le pouvoir exécutif, et en particulier avec le Président de la République.

En outre, le rapport qui nous est présenté aujourd'hui pointe des insuffisances en matière d'indépendance des médias.

Si les candidats ont bénéficié d'un égal accès aux médias, ceux-ci ont fait preuve de partialité dans leur couverture de la campagne, ce qui tend à montrer que les organes de presse sont particulièrement vulnérables à l'influence d'intérêts commerciaux et politiques.

Je souhaite que les prochaines élections législatives permettent de rassembler les Monténégrins autour d'un projet clair et que le rapprochement avec les démocraties occidentales ne soit pas source de tensions internes. Or, il existe un vrai risque que la Russie cherche à attiser les tensions dans le but de déstabiliser le pays. Je rappelle en effet que le Monténégro a été inscrit sur la liste des pays ennemis par la Russie en raison de son soutien aux sanctions occidentales prononcées à la suite de l'invasion de l'Ukraine.

Je souhaite donc que le Monténégro soit en capacité de conjurer cette menace et de se rassembler autour des valeurs communes, et en particulier des valeurs du Conseil de l'Europe.

Je vous remercie.

2. L'intervention de M. Jacques Le Nay

Discours non-prononcé mais annexé au compte rendu officiel.

La commission ad hoc chargée d'observer l'élection présidentielle au Monténégro, à laquelle j'ai participé, conclut que les candidats ont pu faire campagne librement, dans un environnement où les libertés fondamentales étaient respectées. Une véritable mise en concurrence des candidats a ainsi été possible. Cette élection s'est déroulée dans le calme, bien que le ton se soit durci entre les candidats à l'approche du second tour.

De fait, le résultat de cette élection marque un tournant. Le Monténégro apparaît comme une démocratie de plus en plus mature. C'est la première fois, depuis l'introduction du multipartisme en 1990, qu'un président monténégrin n'est pas issu du Parti démocratique des socialistes. Cette alternance montre la solidité des institutions. Le président élu, Jakov Milatovic, s'est particulièrement engagé à lutter contre la corruption, défi majeur pour le pays. D'autres sujets comme l'indépendance des médias méritent une attention particulière. Je souhaite donc que le Conseil de l'Europe continue de soutenir le Monténégro.

En parallèle, depuis 2010, le Monténégro est officiellement candidat à l'adhésion à l'Union européenne. Sur un total de 35 chapitres de négociation, 33 sont désormais ouverts, dont trois clôturés à titre provisoire. L'arrivée au pouvoir d'un président pro-européen permettra, je l'espère, d'avancer dans la voie de ces négociations. Les États des Balkans occidentaux ont vocation à rejoindre l'Union européenne et les électeurs du Monténégro viennent à cet égard d'adresser un message fort.

Toutefois, la victoire de Jakov Milatovic résulte d'une alliance de partis différents, qui partageaient l'objectif de mettre fin au règne du parti démocratique des socialistes. Des élections législatives anticipées, destinées à mettre fin à la crise politique que traverse le pays, auront lieu en juin prochain. Avec le scrutin proportionnel en vigueur au Monténégro, on peut craindre que les résultats de ces élections ne permettent pas de dégager une majorité claire qui donnera au futur gouvernement les moyens de mettre en oeuvre sa politique.

Au-delà, je crains l'influence que peut exercer la Russie, qui voit d'un mauvais oeil la volonté du Monténégro d'intégrer l'Union européenne. Pour tenter d'empêcher l'adhésion du Monténégro à l'OTAN, des militants pro-russes avaient en 2016 tenté un coup d'État qui avait heureusement échoué. Plus récemment, en août 2022, deux cyberattaques majeures ont frappé le Monténégro : elles ont été attribuées par les autorités à la Russie. Le Président Milatovic devra donc, comme l'avait fait son prédécesseur, contenir les tentatives de déstabilisation russes. Notre devoir sera de le soutenir.

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