G. LE RÔLE DE LA RUSSIE DANS L'ESCALADE DES TENSIONS EN RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

1. Intervention de M. Claude Kern

Merci, Monsieur le Président.

Mes chers collègues,

L'agression russe contre l'Ukraine déstabilise profondément la République de Moldova. Vladimir Poutine souhaite clairement maintenir sous domination russe les États qui entourent son pays. Quand il ne mène pas une guerre ouverte, il tente de fragiliser les régimes en place dans ces républiques pour y installer un gouvernement qui lui soit favorable. C'est le cas en République de Moldova, tout comme en Géorgie, comme j'ai pu le constater en m'y rendant le mois dernier au titre de la commission de suivi.

L'octroi à la République de Moldova, en juin 2022, du statut de pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne, a encore accru les tensions et, aujourd'hui, le risque de coup d'État ou de troubles armés apparaît élevé. Les soldats russes stationnés en Transnistrie, où la Russie dispose d'importants stocks d'armes, constituent une menace réelle.

Lors de sa visite en mars dernier, Charles Michel avait réaffirmé le soutien de l'Union européenne à la République de Moldova face aux tentatives de déstabilisation orchestrées par la Russie. Je me félicite que l'Union européenne ait décidé d'envoyer une mission civile en République de Moldova, dans le cadre de la facilité européenne pour la paix, afin de l'aider à lutter contre les menaces hybrides et de renforcer la cybersécurité. Je pense que des sanctions doivent également être prises contre ceux qui pourraient vouloir déstabiliser le pays.

Au-delà du risque politique, la situation économique s'est particulièrement dégradée. L'inflation annuelle a atteint 25,9 % en février, soit le triple du taux observé dans la zone euro. Cette flambée est alimentée en grande partie par les prix de l'énergie. En effet, la République de Moldova est dépendante de la Russie pour son approvisionnement en gaz et en pétrole, et de l'Ukraine pour son approvisionnement en électricité. Face à cette situation, le soutien de l'Union européenne, qui pourra notamment permettre de diversifier les approvisionnements, sera incontestablement précieux.

Le Conseil de l'Europe doit encore renforcer le soutien qu'il apporte à la République de Moldova. Le Sommet de Reykjavik devra à mon sens être l'occasion de réaffirmer notre solidarité avec ce pays par des actions concrètes. Des équipes techniques devraient être envoyées sur place pour aider à la mise en oeuvre des réformes démocratiques nécessaires. Le plan d'action du Conseil de l'Europe reste pertinent et devra être prorogé au-delà de 2024. Dans le contexte de tensions que nous connaissons, le renforcement du dialogue et de la confiance entre les deux rives du Dniestr m'apparaît indispensable pour le maintien de la paix dans le pays.

Mes chers collègues, notre Organisation a pour objectif de défendre la démocratie et les élections ont permis l'arrivée au pouvoir d'une majorité claire en faveur de l'adhésion à l'Union européenne. C'est cela que notre action entend faire respecter en République de Moldova mais également en Géorgie, où la menace russe se fait de plus en plus pressante.

Merci.

2. Intervention de M. Jacques Le Nay

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

La Moldova est de nouveau au centre de toutes les attentions. Sa volonté d'adhérer à l'Union européenne relance l'attention que Moscou porte à ce pays, alors que l'Union européenne a accepté de lui octroyer le statut de candidat. La tenue de la deuxième réunion de la Communauté politique européenne à Chisinau, le 1er juin prochain, y contribue certainement, puisqu'elle sera l'occasion de mettre en lumière le soutien européen et international à la Moldova, avec des progrès concrets attendus, notamment, sur l'itinérance téléphonique et les interconnexions énergétiques, qui constituent un enjeu majeur pour affranchir la Moldova de sa dépendance énergétique à l'égard de la Russie.

Des manifestations encouragées par des militants prorusses font craindre un coup d'État. Les services de renseignements russes utilisent une situation économique dégradée pour mettre en difficulté le Gouvernement moldave pro-européen.

Des cyberattaques sont à craindre, de même qu'un accroissement des tensions sur le marché de l'énergie, qui viendraient déstabiliser encore davantage l'économie moldave.

Nous constatons également que la Russie suscite de l'agitation dans les deux régions autonomes que sont la Transnistrie et la Gagaouzie.

La perspective des élections destinées à élire le nouveau gouverneur de Gagaouzie, le 30 avril prochain, ravive les tensions, comme l'a montré la tentative avortée de visite du Président de la République du Tatarstan de se rendre en Gagaouzie pour soutenir un candidat prorusse. L'an dernier, plusieurs manifestations avaient éclaté à l'initiative de Gagaouzes contre le Gouvernement moldave et la hausse des prix. Le risque de déstabilisation est bien réel et l'on peut craindre qu'à la suite de l'invasion de l'Ukraine, la Moldova passe d'un état de conflit gelé à celui de point chaud.

Face à cette menace, et en dépit des difficultés réelles, il me semble le Conseil de l'Europe doit aider à renforcer le dialogue entre les régions autonomes et le pouvoir central de Moldova. Nous devons à tout prix éviter qu'un nouveau front ne s'ouvre en Moldova.

Alors que c'est l'un des pays les plus pauvres d'Europe et qu'il est en proie à une grave crise économique, la Moldova accueille sur un territoire limité environ 100 000 réfugiés ukrainiens, dont un grand nombre de femmes et d'enfants. Cette solidarité honore le peuple moldave.

Aujourd'hui, nous devons aider la Moldova à faire face aux risques de déstabilisation. Le Sommet de Reykjavik devrait ainsi être l'occasion de réaffirmer l'appui du Conseil de l'Europe à cet État.

Je vous remercie de votre attention.

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