D. L'EXEMPLE SUISSE : « PENSER EN PREMIER LIEU AUX PME ».

« Une politique qui réduit les coûts de la réglementation pour
les quelque 500 000 PME sera beaucoup plus efficace qu'une politique qui s'applique aux 1 000 grandes entreprises
 ».

Source : Méthodologie du test de compatibilité PME,
secrétariat d'État à l'économie (SECO) de la Confédération suisse.

a) Un « test PME » systématique

Par décision du 21 octobre 1998, le Conseil fédéral a donné les premières impulsions en vue de l'introduction du test de compatibilité PME («test PME»). Depuis 1999, dans la procédure législative suisse, il doit être tenu compte des conséquences économiques et administratives de toute nouvelle loi sur les PME. Ses conséquences sont exposées de manière analogue à l'exposé des effets financiers pour la Confédération.

Le « test PME » doit fournir des informations « pour s'assurer que les entreprises ne soient pas surchargées par des surcroîts de tâches administratives, pour leur épargner des investissements supplémentaires ou des entraves à la gestion et pour réduire aussi peu que possible leur liberté de manoeuvre »209(*). Dans ce but, l'administration doit consulter une douzaine de PME « soigneusement sélectionnées. Les résultats n'ont pas de caractère statistique représentatif, mais doivent être conçus dans le sens d'études de cas servant notamment à mettre en évidence les problèmes qui peuvent se présenter dans l'exécution ».

Depuis 2013, les tests PME sont être réalisés par les offices fédéraux dans le cadre de l'analyse d'impact de la réglementation (AIR) car les autorités suisses se sont « rendu compte que le rôle des tests PME et leur impact pouvaient être renforcés notablement s'ils étaient menés plus tôt dans le processus législatif et s'ils étaient directement réalisés par les offices responsables des projets de réglementations en question ».

Dès un stade de précoce, un « quick check », ou examen sommaire, est réalisé pour déterminer si des analyses plus poussées sont nécessaires.

Le test de compatibilité PME est obligatoire pour tous les projets de loi touchant au minimum 10 000 entreprises en Suisse. Il est recommandé lorsque plus de 1 000 entreprises, ou qu'une branche ou une région, sont touchées. Il est qualitatif210(*) et non quantitatif. Une douzaine d'entreprises est choisie, le panel devant être « proche de la structure des PME qui seront concernées par la règlementation » pour réaliser des entretiens individuels.

b) Des lois de simplification régulières

Depuis 2006211(*), une commission extraparlementaire « Forum PME », composé en majorité de chefs d'entreprise, doit « analyser les réglementations existantes qui occasionnent une charge administrative importante aux entreprises » et « proposer aux unités administratives compétentes des simplifications et des réglementations alternatives ». Plus de 70 % de ses recommandations sont suivies d'effet et représentant plusieurs centaines de millions de francs suisses d'économies pour les PME concernées. De plus, et depuis 2011, ce Forum PME vérifie que l'administration a procédé à l'analyse du coût de la réglementation et de son impact sur les PME.

Selon MM. Nicolas Wallart, chef du secteur Analyse et politique de réglementation du secrétariat d'État à l'économie (SECO), et Pascal Muller212(*), le seul allègement relatif à la règlementation comptable a généré des économies d'un montant de plus de 750 millions de francs suisses directement et 1,5 milliard indirectement, au bénéfice de 20 000 PME suisses.

En février 2020, le Forum PME s'est toutefois inquiété de la dégradation de la compétitivité des conditions-cadre. Classée en 15ème position en 2007, la Suisse a chuté au 36ème rang en 2020 faute de « réformes de grande envergure » et en raison « d'une augmentation nette des coûts de la réglementation »213(*). Au vu de ces résultats alarmants, le Forum PME a recommandé d'adopter des mesures supplémentaires en matière d'allègement administratif et notamment « qu'un organe de contrôle des analyses d'impact de la réglementation soit créé et qu'un objectif contraignant de réduction des coûts induits par les réglementations en vigueur soit prévu dans la future nouvelle loi sur la réduction de la densité réglementaire ».

Le SECO a donc mandaté en 2022 une enquête auprès d'entreprises implantées en Suisse sur le thème des « charges administratives liées aux réglementations dans les entreprises suisses », sollicitant 4 818 entreprises, 1 525 y répondant. L'objectif était de « mesurer la charge des entreprises résultant des prescriptions légales à tous les niveaux (réglementations de la Confédération, des cantons, des communes et internationales) et identifier les domaines et prescriptions légales jugés particulièrement contraignants »214(*).

D'après ce « monitoring de la bureaucratie » publié en février 2023, « la charge subjective a plutôt diminué par rapport à 2018, tandis que la charge effective (en heures) n'a pas connu d'évolution significative ». Invitées à calculer les charges administratives mensuelles externes sur la base des coûts mensuels effectifs en francs suisses, l'enquête a démontré « qu'aucun changement n'a été observé dans ce domaine par rapport à 2018. Après extrapolation aux quelques 206 000 PME qui emploient au moins trois personnes en Suisse, on obtient un résultat d'environ 525 millions de francs de coûts mensuels externes occasionnés par les charges administratives en lien avec la réglementation, soit un total de 6,3 milliards de francs par an ».

La charge effective liée aux prescriptions légales agrégée sur l'ensemble des domaines n'a que très peu augmenté depuis 2018. Alors que les entreprises interrogées l'évaluaient à l'époque à 19 heures par mois (médiane), elle était de 20 heures par mois en 2022. La charge administrative interne (en heures par mois) occasionnée a diminué par rapport à 2018. En 2022, un nombre significativement supérieur d'entreprises ont indiqué que leur charge administrative interne représentait moins de cinq heures par mois.

La Suisse souhaite néanmoins approfondir ses efforts pour alléger les coûts de la réglementation sur les entreprises avec un projet de loi fédérale sur l'allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises (« LACRE »)215(*), présenté par le Conseil fédéral le 9 décembre 2022, en cours d'examen parlementaire au premier semestre 2023.

Ce projet contient le principe général selon lequel « les actes fédéraux fixant des règles de droit soient efficients pour l'économie dans son ensemble et entraînent une faible charge pour les entreprises » en respectant les cinq principes suivants :

1. retenir l'option qui offre le meilleur rapport coût-utilité pour l'économie dans son ensemble ;

2. procéder à un stade précoce à une analyse, présentée de manière transparente, de la charge que font peser les coûts de la réglementation sur les entreprises (charge réglementaire) et ne pas faire peser une charge disproportionnée sur les petites et moyennes entreprises par rapport aux grandes ;

3. concevoir une réglementation qui soit favorable à l'innovation et technologiquement neutre ;

4. concevoir une réglementation qui soit neutre du point de vue de la concurrence et qui évite les distorsions de concurrence, effectives ou potentielles, entre les entreprises ;

5. formuler les actes de façon adéquate, claire et compréhensible.

L'exécution des actes fédéraux fixant des règles de droit devra s'effectuer « de façon à limiter le plus possible la charge administrative pour les entreprises », avec six objectifs :

1. limiter autant que possible le nombre d'interlocuteurs auxquels les entreprises doivent s'adresser ;

2. communiquer aux entreprises les règles applicables de façon adéquate, claire et compréhensible ;

3. exécuter simplement et rapidement les procédures de première instance de droit de l'économie et limiter leur durée par des délais d'ordre ;

4. exploiter pleinement les possibilités qu'offrent les moyens électroniques dans les interactions avec les autorités ;

5. concevoir des formulaires simples et uniformes ;

6. contrôler les entreprises sur la base des risques.

La loi prévoit une évaluation régulière « en vue d'identifier les allègements possibles des coûts de la réglementation pour les entreprises ».

L'administration fédérale suisse devra vérifier lors de l'élaboration des actes fédéraux fixant des règles de droit les quatre points suivants :

1. si les petites et moyennes entreprises peuvent être soumises à des règles simplifiées ou engendrant moins de coûts;

2. si la réglementation n'impose pas des exigences plus élevées aux entreprises que les réglementations comparables à l'étranger;

3. si des moyens électroniques peuvent simplifier l'exécution de la réglementation;

4. si la charge réglementaire peut être allégée par l'abrogation d'autres réglementations dans le même domaine.

Le ministère fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche devra fournir les bases méthodologiques pour procéder à l'estimation des coûts uniques et des coûts récurrents que les entreprises « doivent assumer parce qu'elles sont contraintes à agir, à tolérer une action ou à s'abstenir d'une action ». Dans la mesure du possible, ces coûts seront rapportés à l'utilité attendue de la réglementation, chiffrables et mis à jour pendant le processus législatif.

Une entité sera désignée par le Conseil fédéral suisse pour suivre l'évolution de la charge réglementaire pour les entreprises.

Tous les ans, trois à cinq domaines qui sont soumis à une évaluation externe en vue de déterminer le potentiel d'allègement des coûts de la réglementation pour les entreprises. Les domaines de ces études sectorielles seront choisis par le gouvernement fédéral ou proposées par les cantons ou les organisations patronales.

Enfin, un rapport sur l'allégement des coûts de la réglementation pour les entreprises sera remis tous les quatre ans par le Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale.

À bien des égards, les efforts de la Suisse en ce domaine sont exemplaires.


* 209 Site du secrétariat d'État à l'économie (SECO).

* 210 « Technique exploratoire qui donne un aperçu du comportement et des perceptions des gens et permet d'étudier leurs opinions sur un sujet particulier, de façon plus approfondie que dans un sondage. Elle génère des idées et des hypothèses lorsqu'on ne sait pas très bien comment une question est perçue par la population cible ou lorsque les options liées à cette question ne sont pas définies ou sont mal comprises. La recherche qualitative est fondée sur des entrevues semi-structurées dans le cadre desquelles l'intervieweur travaille avec un guide d'entrevue. Comparativement aux sondages, le chercheur dis-pose d'une certaine latitude pour adapter le guide de discussion selon les réponses et les expériences individuelles des participants. Les méthodes qualitatives ne génèrent pas de données statistiques, mais renvoient à des tendances lourdes. Les résultats ne peuvent être extrapolés à la grande population, étant donné que l'échantillon de la recherche n'est pas représentatif. Cette partie de l'analyse doit être effectuée par une estimation des coûts de la réglementation, par exemple avec le check-up de la réglementation » selon la Méthodologie du test de compatibilité PME du SECO.

* 211 https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/2007/18/fr

* 212 Audition du 9 mai 2023.

* 213 « Si de nombreuses mesures adoptées par le Conseil fédéral et le Parlement ont permis de réduire les charges et coûts dans certains domaines ou de freiner leur progression, un grand nombre de nouvelles réglementations ont parallèlement été adoptées et annulent les effets positifs des mesures d'allègement décidées ».

* 214 « Monitoring de la bureaucratie 2022 », février 2023.

https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/75736.pdf

* 215 https://www.fedlex.admin.ch/eli/fga/2023/167/fr

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