B. DE MULTIPLES CAUSES

1. Le déclin de la production française, conséquence de quarante ans de délocalisation

Après quarante ans de délocalisation, la part des médicaments produits sur le territoire français ne dépasse pas aujourd'hui un tiers de la consommation. De premier producteur européen, la France est tombée à la cinquième place.

La plupart des principes actifs sont produits hors d'Europe, surtout en Asie, entraînant une dépendance forte pour la production de médicaments matures ou génériques, essentiels à nos systèmes de santé.

La France n'attire pas non plus la production de médicaments innovants, onéreux. Vecteurs importants de progrès thérapeutique, ceux-ci représentent une part croissante de la dépense de santé.

Les industriels pharmaceutiques implantés en France s'orientent de plus en plus vers l'export (1/2 du chiffre d'affaires contre 1/5e en 1990), plus rémunérateur, à la faveur de la financiarisation du secteur qui exige une rentabilité croissante.

Source : Commission d'enquête

2. Des chaînes de production concentrées, mondialisées et vulnérables

Les chaînes de valeur du médicament sont plus vulnérables que jamais.

Le recours croissant à la sous-traitance augmente les risques de rupture d'approvisionnement et limite la visibilité sur les différents maillons de la chaîne.

La concentration de la production, notamment de principes actifs, autour de quelques fournisseurs asiatiques dont dépendent les laboratoires et façonniers du monde entier, rend difficile la substitution en cas de rupture.

 

d'augmentation de la consommation mondiale de médicaments (2012-2022)

La production en flux tendu est vulnérable aux arrêts de production, qui sont pourtant fréquents, d'autant que les exigences de la réglementation sanitaire et environnementale vont croissant.

Le meilleur accès aux soins au niveau mondial et le vieillissement des populations devraient, ces prochaines années, placer la production de médicaments sous forte tension et aggraver le phénomène.

3. Une stratégie commerciale et financière portée vers les médicaments innovants et onéreux, au détriment des médicaments matures
 

des négociations de prix avec le CEPS n'aboutissent pas

Un laboratoire qui développe un médicament en monopole dispose, de fait, d'un droit de vie ou de mort sur les patientes et les patients.

La négociation entre les pouvoirs publics et les grands laboratoires est structurellement déséquilibrée : les menaces d'arrêt de commercialisation, de déremboursement ou de déni d'accès précoce sont des armes de choix entre les mains des exploitants.

Le résultat de ce chantage aux prix, encouragé par la financiarisation des laboratoires, est une explosion du prix en faveur des traitements innovants.

La forte rentabilité des produits innovants se construit au détriment des produits matures : leur éviction est déjà une réalité, et contribue largement aux pénuries de médicaments. Jusqu'à 70 % des déclarations de rupture concernent des médicaments dont l'autorisation de mise sur le marché (AMM) a été octroyée il y a plus de dix ans.

La josacine
(laboratoire Astellas Pharma)

(antibiotique antibactérien, utilisé notamment contre la pneumonie atypique infantile)

2023 : arrêt de commercialisation « non lié à une problématique de sécurité ni d'efficacité, mais à une décision industrielle du laboratoire »

Épuisement des stocks un mois après un contingentement par l'ANSM

*

Les industriels pharmaceutiques français envisagent d'abandonner la production de près de 700 médicaments, incluant des MITM.

Les thèmes associés à ce dossier