II. LE FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DES FONDS DE GARANTIE GÉRÉS PAR BPIFRANCE DOIT ÊTRE RENDU PLUS LISIBLE ET DEMEURER UNE PRIORITÉ STRUCTURANTE

Les financements affectés par l'État aux fonds de garantie gérés par Bpifrance manquent aujourd'hui de lisibilité. Ils doivent être entièrement budgétisés, en s'appuyant en particulier sur le programme 134. En outre, au regard de l'efficacité économique de l'activité de garantie de Bpifrance, en particulier des prêts bancaires, cette dernière doit rester une priorité dans les financements octroyés par l'État à Bpifrance.

A. LE FINANCEMENT PAR L'ÉTAT DES FONDS DE GARANTIE DOIT ÊTRE RAPIDEMENT RENDU PLUS LISIBLE ET ÊTRE ENTIÈREMENT BUDGÉTISÉ, DANS UN CONTEXTE OÙ LA FRÉQUENCE DES BESOINS EN DOTATIONS ANNUELLES DEVRAIT RETROUVER SON NIVEAU NORMAL

1. Le financement par l'État des fonds de garantie doit être pleinement budgétisé et garantir une véritable lisibilité budgétaire

Les fonds de garantie reposent ainsi sur des dotations de différents acteurs. Les dotations de l'État sont, de loin, les plus significatives46(*).

En principe, le fonctionnement normal de l'abondement par l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance repose sur l'affectation d'une dotation budgétaire annuelle, laquelle a vocation à être consommée également chaque année47(*). Cette dotation est traditionnellement principalement portée par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » et qui sont affectés aux fonds de garantie gérés par Bpifrance. Néanmoins, le financement par l'État des fonds de garantie s'effectue aujourd'hui par plusieurs biais.

En premier lieu, s'est ajouté au programme 134 un ensemble de financements plus ou moins réguliers intégrés à ce que la terminologie de Bpifrance classe dans le « périmètre Trésor », à savoir les crédits que la direction générale du Trésor loge dans les fonds de garantie. Il s'agit de crédits budgétaires issus du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance », mais également de ressources financières moins orthodoxes, dont une partie constitue des « subterfuges », pour reprendre un terme utilisé lors des auditions menées par les rapporteurs spéciaux. Depuis 2019 en particulier, le financement par l'État s'est, en fonction des années, porté sur plusieurs des vecteurs suivants au sein du « périmètre Trésor » :

- les dotations budgétaires issues du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » ;

- les dotations budgétaires issues du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » ;

- les « résidus futurs probables », qui correspondent à la part des financements des fonds de garantie qui se révèle, en cours d'exercice, supérieure aux besoins de couverture des risques en raison d'une sinistralité constatée des prêts garantis plus faible qu'anticipée (lors de la détermination du coefficient multiplicateur), sur un fonds spécifique, plusieurs fonds, voire l'ensemble des fonds relevant d'un dotateur, par exemple l'État. Les résidus futurs probables peuvent permettre des redéploiements d'un fonds à l'autre ou, lorsqu'il existe des résidus en cumulé sur l'ensemble des fonds financés par l'État en fin d'année, contribuer à leur financement pour l'année suivante, en substitution notamment de dotations budgétaires ;

- les produits financiers générés par la trésorerie du fonds de réserve et du fonds de mutualisation des fonds de garantie de Bpifrance ;

des abandons d'avances de la part d'actionnaires (l'État ou la Caisse des dépôts et consignations en particulier) ;

des transferts de trésorerie de l'EPIC Bpifrance vers les fonds de garantie ;

des recyclages de dividendes versés à l'EPIC Bpifrance et redirigés vers les fonds de garantie ;

d'autres redéploiements, d'un montant plus faible.

Lors de l'exécution 2022, selon les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, ont été consommés sur le « périmètre Trésor » 68 millions d'euros au titre des crédits ouverts sur le programme 363 « Compétitivité », 372 millions d'euros au titre des résidus futurs probables et, enfin, 3 millions d'euros au titre des produits financiers issus du fonds de réserve et du fonds de mutualisation des fonds de garantie, soit 443 millions d'euros au total. Aucun crédit n'a été consommé sur le programme 134.

Crédits annuels consommés sur le « périmètre Trésor » par Bpifrance
depuis 2017, y compris au titre des fonds de garantie

(en millions d'euros)

Ressources concernées

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (prévision, PLF pour 2023)

dotations budgétaires issues du programme 134

25

40

 

100

     

dotations budgétaires issues du programme 343

       

152

68

33

résidus futurs probables

81

324

84

283

209

372

439

produits financiers générés par la trésorerie du fonds de réserve et du fonds de mutualisation

9

9

4

4

4

3

4

abondement du fonds de mutualisation

282

           

abandons d'avances d'actionnaires

     

94

     

transferts de trésorerie de l'EPIC Bpifrance

     

115

     

recyclages de dividendes versés à l'EPIC Bpifrance

   

150

150

     

autres redéploiements

     

2

13

   

Ressources totales consommées

397

373

238

74848(*)

378

443

476

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

En second lieu, si les ressources évoquées supra regroupent la majorité des montants affectés par l'État aux fonds de garantie (et financent l'essentiel des fonds de garantie généralistes), l'État procède également à des affectations de ressources par d'autres biais. Ainsi, la mise en place de fonds de place thématiques (par exemple France numérique ou le Prêt étudiants) s'accompagne parfois de la mobilisation de dotations versées par d'autres administrations que la direction générale du Trésor, notamment la direction générale des entreprises, le secrétariat général pour l'investissement ou les administrations du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Ont notamment été concernés les programmes 364 « Cohésion », 192 « Recherche et enseignement supérieur » et 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

Au final, les modalités actuelles de financement par l'État des fonds de garantie opérés par Bpifrance posent des enjeux tenant, d'une part, à leur lisibilité et, d'autre part, à la question de leur budgétisation.

Premièrement, la lisibilité des flux financiers versés par l'État aux fonds de garantie gérés par Bpifrance est particulièrement réduite, notamment pour la Représentation nationale. D'une part, l'utilisation d'artifices de financement complique par nature le suivi des flux. D'autre part, la présentation qui est faite des modes de financement n'en permet pas encore une analyse synthétique. La création par la loi de finances pour 2022 d'un nouveau jaune budgétaire annuel, à compter du projet de loi de finances pour 2023, intitulé « Rapport relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance », était nécessaire et a amélioré l'information disponible, notamment pour le Parlement.

Le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances de l'année relatif
aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance

La loi de finances initiale pour 202249(*) a prévu, à l'initiative d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale dont les rapporteurs spéciaux avaient souligné l'opportunité, la création d'une annexe générale au projet de loi de finances de l'année relative aux activités de Bpifrance. Cette annexe est ainsi mentionnée au 30° de l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. L'existence de ces annexes est prévue au 7° de l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

L'annexe prend la forme d'un rapport, qui présente notamment « les informations suivantes, relatives au dernier exercice clos » :

- « a) le montant de prise en garantie, au 31 décembre, des principaux fonds de garantie actifs et bénéficiant de dotations de l'État, gérés par Bpifrance pour son compte propre ou pour le compte de tiers, rapporté à la dotation totale de ces fonds, ainsi que les éventuels reliquats sis sur ces fonds ; le niveau d'encours des produits qui leur sont adossés ainsi qu'un résumé des flux ayant affecté en crédit ou en débit le niveau de ces fonds au cours de l'exercice précédent, en particulier lorsque ces flux traduisent des redéploiements intervenus entre fonds de garantie » ;

- « b) Une synthèse des flux financiers intervenus entre l'État et Bpifrance, ainsi qu'une analyse des flux financiers intervenus entre entités au sein du groupe, notamment pour ce qui concerne la distribution de dividendes ou l'octroi de prêts ou de lignes de trésorerie et leur contribution éventuelle au financement de l'activité de Bpifrance » ;

- « c) Une liste des dispositifs mis en oeuvre par Bpifrance au nom et pour le compte de l'État et financés sur dotations publiques (...) ».

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, ledit jaune budgétaire a proposé une présentation générale des dotations budgétaires et flux financiers entre l'État et Bpifrance. Néanmoins, cette présentation, aussi utile soit-elle, comporte encore de nombreuses limites. Tout d'abord, y étaient principalement présentées, notamment pour ce qui concerne les fonds de garantie, les dotations budgétaires aux différents programmes qui concernent Bpifrance au titre de 2021 (pour l'ensemble de ses métiers), sans mise en perspective sur les années précédentes et prévision pour les années postérieures. En outre, les informations synthétiques présentées sur les flux financiers recouvraient l'ensemble des activités de Bpifrance et ne donnaient pas une présentation consolidée et isolée du financement annuel par l'État des fonds de garantie.

Les éléments transmis par Bpifrance dans le cadre des travaux des rapporteurs spéciaux faisant l'objet du présent rapport ont permis de clarifier de nombreux points. Mais il apparait que l'information sur le financement des fonds de garantie par l'État - et au-delà - doit encore être renforcée. Elle doit en outre être actualisée chaque année, de façon claire et lisible, dans le jaune budgétaire. Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux rejoignent la recommandation de la Cour des comptes, dans son récent rapport sur Bpifrance50(*), visant à ce que le jaune budgétaire indique chaque année le solde réellement disponible pour les nouvelles prises en garantie, qui n'est effectivement pas connu. Selon un constat clair, cette dernière précise au final que « la mise en place d'un jaune budgétaire donne un début d'information, mais sans perspective historique ni possibilité donnée au Parlement d'exercer un contrôle accru sur ces mouvements financiers ».

Recommandation n° 4 - Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique - : présenter annuellement, dans le jaune budgétaire relatif aux liens financiers entre l'État et le groupe Bpifrance, une synthèse consolidée de l'ensemble des financements de l'État, qu'ils soient budgétaires ou non, affectés aux fonds de garantie gérés par Bpifrance pour le dernier exercice clos et ceux qui sont prévisibles pour l'année en cours et l'année suivante.

Outre la lisibilité des financements des fonds de garantie par l'État, une autre difficulté tient, en second lieu, à leur débudgétisation partielle. En effet, les fonds de garantie sont aujourd'hui largement financés par des ressources ne relevant pas de dotations budgétaires annuelles51(*). Les rapporteurs spéciaux considèrent, comme ils le rappellent à l'examen de chaque projet de loi de finances, que cette situation n'est pas satisfaisante. Il est, en effet, nécessaire d'assurer la budgétisation du financement des fonds de garantie par l'État. Une telle budgétisation relève d'un principe vertueux de bonne gestion. Elle donnerait en outre sa pleine mesure au rôle du Parlement en matière de vote, de suivi et de contrôle de l'exécution des crédits affectés aux fonds de garantie. Aujourd'hui, comme l'écrit la Cour des comptes dans son rapport récent sur Bpifrance52(*), certains financements de l'État « s'effectuent hors de tout contrôle parlementaire ».

Les rapporteurs spéciaux considèrent, d'une part, que l'importance prise récemment par les résidus futurs probables dans le financement des fonds de garantie n'est pas vertueuse et qu'il doit y être mis fin, ce que des évolutions récentes devraient permettre en limitant les flux de création53(*). En effet, l'autorisation budgétaire délivrée par le Parlement devrait concerner une dotation annuelle, de nature à permettre un contrôle effectif de la politique mise en oeuvre et de l'utilisation des crédits ; or en l'état, cette autorisation est épisodique et les crédits votés, utilisés in fine sur plusieurs années, sont difficilement traçables par les parlementaires.

En outre, les modalités hétérodoxes de financement consistant dans les abandons d'avances d'actionnaires, les transferts de trésorerie et les recyclages de dividendes de la part de l'EPIC Bpifrance doivent être proscrits. Dans son précédent rapport de 2016 sur Bpifrance54(*), la Cour des comptes indiquait d'ailleurs, à propos de l'un des subterfuges de financement utilisé, que le « recyclage constitue une opération de débudgétisation qui prive de fait le Parlement d'exercer son pouvoir en matière budgétaire. Le processus budgétaire normal aurait été celui d'une remontée des dividendes de Bpifrance au budget de l'État et de l'inscription des crédits nécessaires en loi de finances en vertu des principes d'universalité et de non contraction des dépenses et des recettes ».

Plus précisément, le financement de la part de l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance devrait s'effectuer essentiellement par le biais du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » dans le « périmètre Trésor ». Ce dernier programme constitue à la fois le vecteur traditionnel et le vecteur idoine s'agissant d'une politique publique de soutien au financement des entreprises. Selon les termes mêmes de la secrétaire d'État compétente en la matière en 2019, Agnès Pannier-Runacher, il existe un « cordon ombilical »55(*) entre Bpifrance et la mission « Économie ». Or ledit programme n'a été mobilisé, depuis 2019, qu'une seule fois en cinq ans, en 2020. Les rapporteurs spéciaux ont d'ailleurs été à l'initiative, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, d'un amendement visant à maintenir la ligne qui était prévue à cet effet sur le programme 134. Par ailleurs, le fait que des fonds de garantie présentant des objectifs spécifiques continuent à être alimentés par d'autres programmes budgétaires en lien avec ces objectifs, en dehors du « périmètre Trésor », ne pose pas de difficultés, à condition que ces financements puissent être clairement suivis dans la documentation budgétaire et en particulier au sein du jaune budgétaire relatif à Bpifrance56(*).

2. Les évolutions récentes des modalités de détermination des coefficients multiplicateurs devraient opportunément conduire à une réduction du flux de résidus annuels

L'activité des fonds de garantie gérés par Bpifrance, ces dernières années, a conduit à la création d'un stock important de résidus futurs probables sur le « périmètre Trésor ». Dans un contexte de sinistralité faible et d'application d'un mode de calcul prudent des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie, le stock de résidus est allé croissant. Alors que ce stock consolidé représentait 138 millions d'euros au 30 juin 2016, il a atteint 1 070 millions d'euros au 30 juin 2021, avant de s'établir à 923 millions d'euros au 30 juin 2022.

Évolution du stock consolidé de résidus futurs probables
sur le « périmètre Trésor »

(en millions d'euros)

Date

Dotations

Au 30 juin 2016

138

Au 30 juin 2017

194

Au 30 juin 2018

206

Au 30 juin 2019

358

Au 30 juin 2020

378

Au 30 juin 2021

1 070

Au 30 juin 2022

923

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

La très forte hausse du stock cumulé observée en un an, au 30 juin 2021, s'explique principalement de deux manières. D'une part, le conseil d'administration de Bpifrance a modifié cette année-là les modalités de détermination des résidus futurs probables, aboutissant à une hausse mécanique de 400 millions d'euros du stock. D'autre part, la sinistralité constatée sur les prêts garantis à compter de mars 2020 était moitié plus faible qu'attendue, ce qui a conduit à une forte hausse des résidus futurs probables. La faible sinistralité constatée en 2020 et 2021 s'explique en particulier par l'effet des mesures de soutien aux entreprises mises en place par ailleurs durant cette période, notamment le soutien massif en trésorerie apporté par les PGE. Jusqu'en juin 2022, le flux de création de résidus futurs probables est resté significatif (bien que le stock ait lui-même réduit57(*)), notamment en raison d'un contexte de sinistralité restant faible - bien qu'en hausse progressive -, ce qui a généré des résidus futurs additionnels. 

Or, la forte hausse du stock de résidus futurs probables a participé à déséquilibrer le mode de financement des fonds de garantie par l'État. En effet, elle conduit à mobiliser ces sommes pour financer le fonctionnement des fonds de garantie l'année suivante, notamment en substitution des dotations budgétaires. L'une des principales sources de financement des fonds de garantie ces dernières années a ainsi pris la forme des résidus futurs probables, qui ont représenté sur quatre ans (2020 à 2023) un financement de 1,3 milliard d'euros. En 2022, les résidus futurs probables ont représenté 84,0 % des financements sur le « périmètre Trésor », pour seulement 15,3 % pour la dotation budgétaire du programme 363.

Cette situation, très insatisfaisante en termes de gestion budgétaire, devrait néanmoins évoluer à court terme. En effet, il est rapidement attendu une nette diminution des montants de résidus dès 2023, pour plusieurs raisons.

Premièrement, la sinistralité des prêts garantis connait désormais une tendance haussière plus nette, tant sur les fonds de place que sur les fonds associés aux PSG, même si le niveau de sinistralité reste très modéré. À titre d'exemple, alors que le taux de sinistralité était d'environ 2 % pour le fonds « création » début 2022, il dépasse 3 % début 2023, soit une hausse d'environ 50 % en un an.

Évolution depuis 2007 du taux de sinistralité instantané annuel des prêts garantis, pour cinq fonds de garantie

(en millions d'euros, au 30 juin)

Source: Bpifrance

D'autre part, Bpifrance a récemment fait évoluer les modalités générales de calcul des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie.

Une évolution des modalités générales de détermination des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie en 2023, de nature à limiter la production de résidus annuels

Si chaque fonds de garantie voit son coefficient multiplicateur être spécifiquement fixé, des critères généraux de détermination des modalités de calcul des coefficients multiplicateurs s'appliquent à tous les fonds.

Jusqu'en 2023, la pratique retenue, pour les fonds de garantie dépendant de l'État, était de privilégier un coefficient multiplicateur correspondant à une probabilité de 65 % que la dotation couvre les pertes anticipées. Selon la direction générale du Trésor58(*), cette règle conduisait à « un niveau de prudence très hétérogène et globalement trop élevée entre les fonds, dont la dotation envisagée pour les générations 202359(*) des fonds n'aurait pas été consommée en moyenne à hauteur de 6 % à 25 % ». Il a donc été décidé, notamment au motif du manque de lisibilité budgétaire engendré par cette situation, de modifier ce critère général de détermination des coefficients multiplicateurs et de retenir, pour l'avenir, des coefficients correspondant à une prévision de taux de non-consommation de 2 % du montant de la dotation pour chaque fonds. Cette nouvelle règle permet, selon la direction générale du Trésor, d'augmenter l'effet de levier des fonds de garantie, tout en assurant l'équilibre financier des fonds. Selon le très récent de la Cour des comptes sur Bpifrance60(*), cette règle conduirait, « à disponibilités sur les fonds inchangées, d'augmenter de 15 % les capacités d'octroi de garantie »61(*).

Le rehaussement de l'effet de levier des ressources des fonds de garantie permis par la hausse générale des coefficients multiplicateurs conduit, à niveau d'engagements de garantie constants, à un moindre besoin en ressources, quelles que soient leurs formes (y compris budgétaires). Dans le même temps, la hausse des coefficients multiplicateurs devrait conduire à une baisse très significative des résidus constatés chaque année.

Au total, dans une optique pluriannuelle, les besoins en dotations vont se révéler plus fréquents, mais le besoin annuel en ressources des fonds de garantie sera moindre, grâce à un effet de levier plus fort. Les rapporteurs spéciaux estiment que cette évolution doit être mise à profit pour appuyer le financement des fonds de garantie sur la consommation d'une dotation annuelle financée par le programme 134.

À l'occasion du projet de loi de finances pour 2023, il a été indiqué, en réponse au questionnaire budgétaire des rapporteurs spéciaux, que le besoin de financement des fonds de garantie sur le « périmètre Trésor » serait de 476 millions d'euros en 2023, dont 439 millions d'euros seraient ponctionnés sur le stock de résidus. Les résidus représenteraient donc plus de 92 % des ressources en 2023. À fin 2023, Bpifrance estime que le stock de résidus devrait s'établir à 370 millions d'euros.

Évolution du stock consolidé de résidus futurs probables
sur le « périmètre Trésor » depuis 2018

(en millions d'euros, au 30 juin, de 2018 à 2022,
et au 31 décembre en 2023)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux

Pour 2024, selon les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux, le besoin en financement des fonds de garantie sur le « périmètre Trésor » serait d'environ 350 millions d'euros. Ce niveau, inférieur d'environ 20 % à celui de 2022, permettrait selon Bpifrance de maintenir un niveau d'engagements de garantie équivalent, en raison de la hausse de l'effet de levier permise par la modification des modalités de détermination des coefficients multiplicateurs des fonds de garantie62(*).

Il résulte de ce besoin que les résidus futurs probables ne pourront pas financer entièrement les besoins de financement des fonds de garantie au-delà de 2024. À l'occasion des auditions de Bpifrance dans le cadre du présent contrôle, ce dernier a suggéré de répartir l'utilisation du stock restant de résidus sur deux ans, à raison d'environ 185 millions d'euros en 2024 puis en 2025, et de mobiliser pour le reste du besoin de financement des crédits du programme 134. Les rapporteurs spéciaux souscrivent sur le principe à cette proposition, qui permet de rétablir la place du programme 134 dans le financement des fonds de garantie, tout en lissant sur plusieurs années la hausse des crédits budgétaires nécessaires et en épuisant le stock de résidus disponible.

Recommandation n° 5 - Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique - : recentrer le financement par l'État des fonds de garantie gérés par Bpifrance sur les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », et ce dès 2024.


* 46 Voir supra.

* 47 Idem.

* 48 Le pic de consommation de dotations de l'année 2020 est lié à la campagne exceptionnelle de lancement du « Prêt Atout », en préfiguration des PGE.

* 49 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, article 185.

* 50 Rapport portant sur une entreprise publique, « Bpifrance », exercices 2016 à 2021, juin 2023.

* 51 Voir supra.

* 52 Rapport portant sur une entreprise publique, « Bpifrance », exercices 2016 à 2021, juin 2023.

* 53 Voir infra.

* 54 Cour des comptes, Bpifrance, novembre 2016.

* 55 Compte rendu de la séance publique du jeudi 31 octobre 2019, Assemblée nationale.

* 56 Voir supra.

* 57 Voir infra.

* 58 Réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux.

* 59 Une génération correspond à une année calendaire d'octroi des garanties.

* 60 Rapport portant sur une entreprise publique, « Bpifrance », exercices 2016 à 2021, juin 2023.

* 61 Les rapporteurs spéciaux n'ont pas à leur disposition les éléments permettant de corroborer ce calcul

* 62 Voir supra.

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