D. LES PISTES POUR ASSURER L'ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE DU SERVICE PUBLIC DE LA RESTAURATION SCOLAIRE

M. Philippe Pont-Nouras, président du Syndicat national de la restauration collective (SNRC). - Madame la Présidente, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, merci de votre invitation. Le SNRC réunit une quarantaine d'entreprises de toute taille (grands groupes, PME, ETI, TPE) qui maillent le territoire national pour réaliser le métier de la restauration collective. Nous gérons 20 000 restaurants en France, avec 80 000 salariés, pour un volume d'achats annuel de 2,6 milliards d'euros. Nous réalisons un quart de notre chiffre d'affaires avec les marchés publics, dont une partie importante est portée par les collectivités locales au titre de la restauration scolaire.

Le coût d'un repas est composé à 40 % des matières premières, qui ont connu une augmentation de 20 % entre janvier 2022 et janvier 2023. Ce chiffre est supérieur à celui des grandes et moyennes surfaces (GMS), où les produits alimentaires ont en moyenne augmenté de 15 %. En effet, les volumes d'achat de la restauration collective ne sont pas ceux de la GMS, et la restauration collective utilise 85 % de produits bruts dans ses cuisines. Nous commençons à observer une légère décrue. Début juin, l'augmentation s'élevait à 17 %. Nous restons cependant dans des niveaux d'inflation inconnus depuis 40 ans. Le deuxième poste du compte de résultat de la restauration collective est constitué des salaires pour 45 % de la structure du coût d'un repas. Les augmentations successives du SMIC ont été mécaniques et représentent aujourd'hui plus de 10 %. Or il est nécessaire de tenir compte de cette progression sur le reste de la grille des salaires. Nous sommes en discussion avec les partenaires sociaux, dans le cadre d'une négociation qui devrait prendre fin le 20 juin. L'augmentation moyenne de la grille se situera à 12 % en 18 mois. Enfin, dans les autres coûts, qui représentent 15 %, la part de l'énergie est très modeste, puisqu'elle représente moins de 3 % du coût de la production et de la distribution d'un repas. En conséquence, nous ne pilotons pas la part énergétique mais la ressentons au travers du coût des matières premières que nous achetons.

Nous ne pouvons augmenter nos prix qu'une seule fois par an, à la date anniversaire du contrat. Les deux dates majeures sont soit le 1er septembre, soit le 1er  janvier. 70 % des contrats voient leur évolution tarifaire fixée au 1er septembre. Le 1er septembre 2022, nous avons augmenté nos prix de 4,5 %, en application mécanique des formules contractuelles dans les cahiers des charges. L'écart est donc majeur. La marge de la restauration collective est habituellement de 3 %. L'augmentation des prix appliquée au 1er janvier, passée de 4,5 à 5,1 %, reste encore loin de l'augmentation des coûts subie par la restauration collective. L'enjeu est donc majeur. Des entreprises se désengagent de ce métier, notamment les TPE et PME, qui ne veulent plus entendre parler des marchés publics. Les filières en amont considèrent, quant à elles, que la restauration collective n'est plus un débouché rentable, et envisagent également de s'en désengager, ce qui est dramatique du point de vue de l'enjeu de la souveraineté alimentaire et du soutien à l'agriculture française. Enfin, les professions d'hôtelier, de cafetier et de restaurateur manquent aujourd'hui de 200 000 à 250 000 salariés. Si nous ne sommes pas capables d'assurer une progression des salaires et de développer l'attractivité de nos métiers, de moins en moins de personnes souhaiteront les exercer. Du point de vue de la santé publique, nous pourrions également rencontrer des problèmes au sein de l'hôpital, si personne ne souhaite y être chef cuisinier. La gestion de cette crise conjoncturelle aura donc des effets structurels.

Pour soulager cette pression que nous devons répercuter auprès des collectivités locales, nous avons présenté à l'Association des maires de France (AMF) des pistes, parmi lesquelles le passage de cinq à quatre composantes pour certaines catégories de convives, notamment les petits des classes de maternelle, de trois à quatre ans. Certaines collectivités ont ainsi fait le choix de supprimer une des composantes, soit tous les jours, soit deux jours par semaine, sans que cela nuise à l'équilibre nutritionnel, afin de diminuer le volume servi. Ensuite, s'agissant du conditionnement des repas, le fait de diminuer le nombre de conditionnements abaisse le coût de la prestation. Le Covid a en outre perturbé nos statistiques de fréquentation des restaurants en raison des pratiques de télétravail des parents. L'une des pistes consiste donc à prévenir à l'avance des jours d'absence des enfants en restauration collective. Certains maires ont pris la décision de facturer les repas non consommés en cas d'absence, sauf justification. Des livraisons ont en outre été assurées très tôt le matin, afin de dégager quelques marges de manoeuvre, qui restent toutefois marginales. Il est nécessaire de se saisir de chacune de ces opportunités. Les indices applicables aux révisions de prix aux prochaines échéances devraient s'élever de 5 à 7 %, ce qui reste toutefois loin de couvrir le point mort des entreprises. Lors des nouveaux appels d'offre, les prix de marché sont nettement supérieurs aux prix pratiqués actuellement. Un travail est conduit avec la direction des affaires juridiques (DAJ) à Bercy et l'Insee afin d'avoir des mécanismes de révision plus équilibrés et de parvenir à un équilibre économique des contrats, au bénéfice des deux parties.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je vous remercie pour vos témoignages complémentaires. Il est intéressant de constater que la culture de la sobriété dans la consommation d'énergie, comme dans la restauration collective, tend à se diffuser. On ne peut également manquer de relever que ce secteur de la restauration collective souffre d'injonctions contradictoires, avec d'une part des obligations d'approvisionnement en bio et en circuit court et, d'autre part, l'exigence des parents quant à la qualité nutritionnelle des repas.

M. Philippe Pont-Nouras. - Les 20 % d'augmentation que j'ai évoqués ont empêché la montée en gamme poursuivie par la loi EGAlim. Il n'est pas possible de supporter à la fois cette augmentation et d'organiser cette montée en gamme, qui suppose d'ajouter 40 centimes au couvert.

Par ailleurs, 25 % des appels d'offres lancés par les collectivités locales, pour leurs achats en denrées alimentaires à destination des cantines scolaires, sont infructueux.

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