B. FLUIDIFIER LE PARCOURS JUDICIAIRE POUR LES AGENTS VICTIMES D'AGRESSIONS
1. Rendre les modalités de dépôt de plainte plus accessibles et moins dissuasives pour l'agent
Un certain nombre d'éléments relatifs à la procédure de dépôt de plainte peuvent dissuader l'agent victime de menaces, outrages ou violence de se rendre en commissariat, en dépit d'assouplissements certains3(*). Au-delà du contrôle de la légalité des dépôts de main courante, d'une part, et de la généralisation des référents spécifiques dans les commissariats pour renseigner les agents de l'éducation nationale, d'autre part, la mission est convaincue que les dépôts de plainte seraient davantage garantis s'il était possible à l'administration de déposer plainte elle-même, en lieu et place de l'agent concerné.
2. Répondre à l'incertitude de l'agent victime en lui garantissant l'information sur les suites données à sa plainte et la tenue de l'audience dans des délais raisonnables et cohérents
Si les principes sont bien établis en faveur de l'information des agents de la communauté éducative, des difficultés n'en demeurent pas moins en pratique ; les enseignants entendus par les rapporteurs ont ainsi regretté que la communication sur les suites données aux plaintes soit excessivement lente, lorsqu'elle n'est pas franchement inexistante. Pour la mission, il n'est pas acceptable de ne pas tenir informés ces agents quant aux suites données à leur plainte.
Les délais souvent importants entre le dépôt de plainte et l'audience sont également sources de frustration et d'incompréhension pour les agents de la communauté éducative victimes de violences ou de menaces. Ils contribuent, en outre, à nourrir le sentiment d'impunité des auteurs de menaces et agressions à l'encontre du personnel éducatif. C'est pourquoi la mission invite à réduire ces délais ; sans méconnaître le poids de facteurs circonstanciels - dépôt de plainte tardif de la part de l'agent victime, complexité particulière des investigations -, elle ne voit pas de raison structurelle qui s'opposerait à ce que l'audience puisse, dans la plupart des cas, intervenir dans l'année scolaire suivant la date de commission des faits.
C. FACILITER LA TRANSMISSION D'INFORMATIONS ET LA COLLABORATION ENTRE LES ACTEURS INSTITUTIONNELS CONCERNÉS
1. Favoriser une relation partenariale entre l'éducation nationale et l'autorité judiciaire
Afin de protéger plus efficacement les agents de l'éducation nationale contre les menaces et agressions dont ils font l'objet, il est essentiel d'améliorer la coordination entre les services de l'éducation nationale et les parquets en favorisant un dialogue régulier et la mise en commun de méthodes de travail. En particulier, il est essentiel que les signalements émanant des services de l'éducation nationale soient formalisés de manière à permettre leur traitement efficace et rapide par les parquets. Les conventions signées entre les parquets et les DASEN gagneraient à être généralisées à cette fin.
Plus largement, c'est la connaissance par les parquets du rôle des établissements scolaires, et réciproquement, qui mériterait d'être améliorée. L'approfondissement du dialogue entre les réseaux miroirs que constituent les référents académiques pour la justice, d'une part, et les magistrats référents de l'éducation nationale, d'autre part, constitue un levier possible, de même que les rencontres régulières entre les parquets et les chefs d'établissements de leurs ressorts.
2. Fluidifier le partage d'informations face à la question de la radicalisation en milieu scolaire
Depuis l'assassinat de Samuel Paty, le dialogue entre la direction nationale du renseignement territorial (DNRT) et l'éducation nationale semble s'être fluidifié, avec un circuit d'information désormais bien établi entre les services départementaux du renseignement territorial, les rectorats et le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère de l'éducation nationale.
Il n'en reste pas moins que les services des renseignements font face, en particulier depuis l'attentat d'Arras du 13 octobre 2023, à une augmentation du nombre de signalements portés à leur connaissance, les contraignant à procéder aux évaluations et levées de doute requises, le cas échéant, dans des délais très contraints. Un nombre important de signalements ne concerne pas, du reste, des cas relevant de la prévention du terrorisme et du maintien de l'ordre public. Dans ce contexte, l'amélioration de la qualité des signalements effectués par les chefs d'établissements aux services du renseignement territorial est essentielle.
Par ailleurs, la mission juge indispensable, pour des enjeux de sécurité publique évidents, que les services des renseignements territoriaux aient accès aux éléments de la procédure judiciaire en cours.
Enfin, la mission regrette que le personnel de direction ne soit aujourd'hui pas informé de la mise en cause ou de la condamnation pour une infraction terroriste (dont l'apologie du terrorisme) d'une personne scolarisée ou ayant vocation à être scolarisée dans un établissement scolaire. Dans la même perspective d'améliorer le partage d'informations entre les acteurs intéressés aux fins de renforcer la sécurité globale du personnel éducatif, elle suggère de rendre obligatoire l'information de l'autorité académique et du chef d'établissement dans ces cas-là4(*).
* 3 Par exemple, l'agent victime a le choix, dans l'adresse de domiciliation figurant sur le procès-verbal, entre son adresse personnelle, l'adresse de la brigade de gendarmerie et l'adresse de son lieu de travail (sans que l'accord de l'administration ne soit nécessaire).
* 4 Conformément à ce que prévoit l'article 15 ter de la proposition de loi n° 202 (2023-2024) instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste, adoptée par le Sénat le 30 janvier 2024.