C. EN RÉPONSE, DES OUTILS QUI SEMBLENT INSUFFISANTS
1. La formation initiale : une indispensable reprise en main par le ministère
À de nombreuses reprises, le Sénat a insisté sur la nécessité pour le ministère de l'éducation nationale de reprendre la main sur la formation des futurs enseignants. La transformation des ESPÉ en Inspé en 2019 - symbolisée par l'ajout du terme « national » dans les noms des organismes de formation au sein des universités - devait marquer la volonté pour le Gouvernement de réaffirmer le rôle de l'État-employeur ainsi que l'unicité de la formation délivrée. Dans cette optique, la loi pour une école de la confiance prévoit un référentiel de formations correspondant au métier du professorat des premier et second degrés arrêté conjointement par les ministères chargés de l'Enseignement supérieur et de l'éducation nationale.
Néanmoins, les leviers d'action de la rue de Grenelle pour influencer le contenu de la formation restent faibles : ils se limitent principalement à la nature des épreuves. C'est d'ailleurs le moyen utilisé par Jean-Michel Blanquer pour forcer les Inspé à mieux former les étudiants aux valeurs de la République et à la laïcité : depuis le concours 2022, la deuxième partie de l'épreuve d'admission de tous les concours d'enseignants - internes, externes et troisième concours - et de conseillers principaux d'éducation, d'une durée de vingt minutes, consiste désormais en deux mises en situation professionnelle, l'une d'enseignement, la seconde en lien avec la vie scolaire, afin de vérifier « l'aptitude du candidat d'une part à s'approprier les valeurs de la République, dont la laïcité, et les exigences du service public (droits et obligations du fonctionnaire dont la neutralité, lutte contre les discriminations et stéréotypes, promotion de l'égalité, notamment entre les filles et les garçons, etc.) ; et d'autre part faire connaître et faire partager ces valeurs et exigences ». Selon les informations transmises aux rapporteurs, ces situations proposées par le jury doivent s'inspirer le plus possible de situations réelles et permettre au candidat de montrer qu'il connaît les différentes fonctions et ressources présentes dans un établissement scolaire ou une école susceptibles d'être mobilisées.
Les tableaux ci-après indiquent la synthèse des notes obtenues par les candidats admissibles à l'épreuve de projection dans le métier de professeur, qui incluent les deux mises en situation précédemment évoquées. Le chiffre de 0 - note éliminatoire - est significativement plus élevé dans le premier degré que dans le second degré. S'il est trop tôt pour évaluer les conséquences de cette réforme du concours sur la manière dont les jeunes enseignants abordent et promeuvent les valeurs de la République dans leurs cours, celle-ci permet néanmoins de mieux les préparer à ces questions, ainsi que d'éliminer des candidats dont la projection dans leur futur métier interroge. Elle a également permis des progrès sur cette thématique dans la formation initiale : 67 % la jugent de bonne qualité contre 47 % en 201827(*).
Tableau 1 - CRPE - Notes attribuées à l'épreuve projection dans le métier de professeur
Tableau 2 - Concours du second degré - Notes attribuées à l'épreuve orale d'entretien avec le jury
La lecture des rapports de jury de la session 2023 est particulièrement révélatrice des lacunes de certains candidats sur les valeurs de la République et de la laïcité, leurs contenus ainsi que leurs déclinaisons spécifiques au sein de l'institution scolaire.
Extraits de rapports du jury du concours de recrutement des enseignants28(*)
Sans être exhaustifs, les rapports des jurys relèvent notamment, une « absence de réflexion réelle et approfondie sur les valeurs mises en jeu et notamment sur le sens de la laïcité à l'école, des confusions notionnelles fréquentes (liberté d'expression / liberté de conscience, obligation de neutralité / devoir de réserve, secret professionnel / discrétion, etc.), une connaissance trop superficielle, voire inexistante, du fonctionnement des établissements, notamment concernant le rôle respectif des différents acteurs, des emboîtements d'échelles d'action et de responsabilité, des carences disciplinaires en histoire et en géographie qui empêchent de saisir les problèmes posés par la situation proposée, une connaissance lacunaire des symboles de la République et de leur histoire, y compris sur des aspects élémentaires ».
« Le jury s'est étonné d'entendre parfois des candidats envisager de répondre aux objections d'un élève en improvisant sur le champ un débat au sein de la classe, à propos de situations convoquant des valeurs non discutables parce que posées dans le cadre de la loi, voire de la Constitution. Ainsi ont pu être proposés des débats pour ou contre l'égalité filles/garçons ou les règles de la laïcité à l'école ! Il est attendu des futurs professeurs qu'ils aient une conscience claire des principes qui régissent notre institution, sur lesquels on ne saurait transiger. Laisser s'exprimer des voix contraires à ces principes même dans le cadre d'un débat contradictoire, au nom de la liberté d'expression et au prétexte que toutes les opinions se vaudraient, constituerait une erreur de positionnement caractérisée de la part du professeur ».
Ces commentaires des jurys soulignent la nécessité d'une modification de la formation, pour être plus professionnelle et en phase avec les situations auxquelles seront confrontés les futurs enseignants.
Par ailleurs, il existe des différences intrinsèques entre le monde universitaire et celui de l'école. Le premier bénéficie d'une plus grande liberté dans l'expression des opinions, issue d'une part des franchises universitaires, mais aussi, parce que l'université, fréquentée par des adultes, est le lieu du débat, des échanges d'idées. Les contraintes auxquelles sont soumis les intervenants dans les Inspé et leurs étudiants sont beaucoup moins strictes que pour les enseignants. Les rapporteurs ont d'ailleurs pu le constater lors des auditions, avec le positionnement d'un intervenant en Inspé sur l'abaya - évoquant une « rentrée sous le signe de la chasse à l'abaya ». Cette déclaration pose la question du discours qu'il tient aux futurs enseignants sur l'application de la laïcité à l'école et sa compréhension des raisons qui sous-tendent l'interdiction des signes et tenues religieux ostentatoires propre au milieu scolaire.
Ce constat appelle une reprise en main rapide par l'éducation nationale de la formation initiale aux valeurs de la République et à la laïcité. L'article 46 de la loi pour une école de la confiance prévoit que les équipes pédagogiques des Inspé comprennent « des personnels enseignants, d'inspection et de direction en exercice dans les premier et second degrés ainsi que des enseignants-chercheurs » (art. L. 721-2 du code de l'éducation) 29(*).
Face à une remise en cause croissante des valeurs de la République et de la laïcité à l'école, la mission souhaite que la formation à leur promotion devienne un module majeur de la formation initiale des enseignants, réalisée par un praticien de l'éducation nationale ayant bénéficié récemment d'une formation continue sur le sujet (cf. ci-après).
Recommandation : à court terme et pour garantir la formation des futurs enseignants à la promotion des valeurs de la République et de la laïcité dans le cadre spécifique scolaire, faire de celle-ci un module majeur de leurs formations en INSPÉ et prévoir qu'elle soit réalisée par un fonctionnaire de l'éducation nationale.
Au-delà de cette thématique particulière des valeurs de la République, les rapporteurs ont pu constater des carences dans les formations initiales délivrées au regard des conditions d'exercice actuelles des personnels de l'éducation nationale. Un jeune enseignant a ainsi indiqué ne jamais avoir eu de formation sur la gestion de crise avec les parents - seulement la gestion de crise avec les élèves.
Enfin, les rapporteurs soulignent qu'un nombre significatif de lauréats du concours n'ont pas suivi le master métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF) et entrent dans le métier sans aucune formation initiale sur le métier d'enseignant30(*).
Aussi, les rapporteurs recommandent de rendre la main à l'éducation nationale sur la formation initiale des futurs enseignants. Il y a urgence à agir, tant pour s'assurer d'une formation conforme aux attentes du ministère sur ce que doit être un enseignant aujourd'hui et sur les valeurs qu'il doit promouvoir et transmettre, que pour permettre une préparation des futurs personnels de l'éducation nationale au plus près des réalités du métier : le taux de démission des enseignants stagiaires est au plus haut. Notre ancien collègue Gérard Longuet soulignait « qu'en 2020-2021, 3,44 % des stagiaires ont démissionné au cours de leur stage, contre seulement 1 % 10 ans plus tôt »31(*). En 2021-2022, ils sont 3,75 %. Jamais autant d'enseignants stagiaires n'avaient démissionné ces 14 dernières années.
Source : Ministère de l'éducation nationale
Recommandation : rendre la main à l'éducation nationale pour la formation des enseignants en ne faisant plus dépendre la formation initiale de l'université.
2. Un effort à poursuivre en matière de formation continue
À l'initiative de Jean-Michel Blanquer, un vaste plan de formation portant sur la promotion des valeurs de la République a été lancé, avec l'objectif ambitieux de former l'ensemble des personnels en poste sur quatre ans (2021-2025), soit 280 000 personnels par an, pour une formation d'au moins neuf heures. Selon les informations transmises aux rapporteurs, plus de 350 000 personnels ont reçu une formation au principe de laïcité.
Le plan des 1 000 : une structure de formation pyramidale pour irriguer l'ensemble du territoire
Depuis la rentrée 2021, dans le cadre du programme national de formation, presque 1 500 formateurs issus de toutes les académies ont reçu plus de 60 heures de formation, étalées sur deux années. Ils deviennent ensuite formateurs des autres personnels au sein de leur établissement. Les 1 500 formateurs contribuent à assurer la formation continue de l'ensemble des personnels de l'éducation nationale.
En parallèle, 150 formateurs ont reçu une formation renforcée de 120 à 150 heures, sanctionnée par un diplôme universitaire dont le contenu a été élaboré en partenariat avec la DGESCO et le Conseil des sages de la laïcité. Ces formateurs viennent en appui des équipes académiques valeurs de la République, notamment pour accompagner des équipes éducatives confrontées à des situations complexes et requérant une expertise particulière. Ces formations se déroulent sur trois sites (Paris Sorbonne, Université de Cergy-Pontoise, Inspé de Toulouse). 50 personnels suivent une formation certifiante pour l'année 2023-2024.
Par ailleurs, une formation spécifique a été lancée en novembre 2022 à destination des chefs d'établissement. Selon les informations transmises par les services du ministère aux rapporteurs de la mission d'information, à ce jour, 11 000 des 14 000 personnels de direction ont bénéficié d'une formation. À la rentrée 2023, celle-ci a été étendue aux cadres du 1er degré (inspecteurs de l'éducation nationale du 1er degré, DASEN (directeur académique des services de l'éducation nationale) en charge du 1er degré, référents départementaux directeurs d'école et les CPE (conseiller principal d'éducation)).
Enfin, depuis la rentrée 2022, le service de défense et de sécurité du ministère de l'éducation nationale participe à la formation initiale des 1 300 nouveaux cadres pédagogiques (IEN, IA-IPR et personnels de direction) organisée par l'IH2EF sur la laïcité et les valeurs de la République, en lien avec le conseil des sages de la laïcité.
Les rapporteurs appellent à poursuivre l'effort de formation. Celle-ci est en effet nécessaire : de nombreux enseignants et personnels administratifs connaissent mal ce que recouvre la laïcité. Il existe aujourd'hui un taux de formation des enseignants aux valeurs de la République qui varie en fonction des académies. Face aux remises en cause constatées, le maître-mot pour l'enseignant en classe et de manière générale pour tous les agents publics est l'anticipation pour savoir comment réagir lorsqu'une telle situation survient. En cela, une formation continue et régulière, axée sur des exemples concrets, ainsi que la présence d'un référent laïcité dans chaque établissement, est de nature à développer pour chaque personnel des réflexes fermes et justes face à toute remise en cause de la laïcité à l'école.
Par ailleurs, les rapporteurs insistent sur la nécessité de faire bénéficier, systématiquement et rapidement au moment de leur prise de poste, les contractuels d'une formation aux valeurs de la République et à la laïcité. Ils sont en effet un rouage essentiel dans le fonctionnement de l'école. On dénombre 29 855 ETP au 31 décembre 2022 pour l'enseignement secondaire et 5 900 ETP pour l'année 2022-2023 pour l'enseignement primaire. Leur nombre est en augmentation ces dernières années face à la baisse d'attractivité des concours enseignants. Certaines académies sont particulièrement concernées, comme celle de Créteil ou de Versailles. Or, il ressort des auditions que les contractuels ne bénéficient pas tous d'une formation à la promotion des valeurs de la République et à la laïcité. Il est pourtant essentiel que l'ensemble des agents publics d'un établissement scolaire tiennent le même discours et aient les mêmes réflexes face aux remises en cause de celles-ci.
Recommandation : rendre obligatoire pour tout contractuel et au plus tard dans le mois suivant sa prise de poste une formation à la défense de la laïcité et des valeurs de la République, s'appuyant sur des cas concrets - et prévoir la remise systématique des guides du conseil des sages de la laïcité.
3. L'absence de culture collective de protection des valeurs de la République
Lors des auditions, les rapporteurs ont été alertés sur l'enjeu de garantir la cohésion de l'équipe. Il s'agit d'assurer que l'ensemble des adultes de l'établissement partagent la même position vis-à-vis de ce qu'est la laïcité au sein de l'établissement scolaire et que tous s'attachent à faire respecter les valeurs de la République et la laïcité. Comme a pu le dire un enseignant aux rapporteurs : « je ne veux plus être le seul enseignant à demander d'enlever telle ou telle chose. Il faut la même position de la part de tous les encadrants et enseignants ».
Dans son rapport de 2019 précité, l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche a pointé que des divergences de vue sur la laïcité au sein de l'équipe éducative d'un établissement scolaire pouvaient entraîner des tensions lorsque des questions sur son application en son sein sont évoquées.
Si traditionnellement certains enseignants, du fait de la discipline enseignée, sont plus impliqués pour aborder les thématiques liées aux valeurs de la République et à la laïcité, leurs promotion et défense ne peuvent se limiter aux seules actions et responsabilité de ces derniers. En effet, elles sont des valeurs essentielles au vivre-ensemble et ne peuvent se satisfaire d'une approche fragmentée par discipline. Elles doivent irriguer l'ensemble des cours ainsi que la vie scolaire de l'établissement.
Or, aujourd'hui, dans plus de la moitié des établissements scolaires, la question de la laïcité ne fait pas l'objet d'échanges lors des réunions organisées en leur sein (conseil des maîtres ou d'école pour le premier degré, conseil départemental ou académique de l'éducation nationale, inspections, animations pédagogiques, conseil d'administration, conseil pédagogique, conseil de la vie collégienne ou conseil de la vie lycéenne, ...).
Si la laïcité a été désignée par le ministère comme une priorité nationale, elle reste un non-dit au quotidien dans les établissements scolaires, sauf en cas de problème. Il est urgent de passer d'une position défensive face à des attaques dont elle fait l'objet à sa promotion par l'intermédiaire d'une démarche proactive.
C'est la raison pour laquelle les rapporteurs recommandent d'améliorer la rédaction des projets d'établissement et d'y inclure systématiquement des actions collectives de promotion des valeurs de la République. Le projet d'établissement doit en effet être un document fédérateur, ancré dans un territoire et tenant compte des spécificités et des besoins des élèves fréquentant l'établissement. Malheureusement, ce document se limite souvent à une reprise des modèles proposés par les services du ministère, structuré autour d'axes vagues et d'actions sans lien avec les spécificités de l'établissement scolaire, ou à l'agrégation de projets portés individuellement par des enseignants, sans articulation entre eux.
Ils estiment également nécessaire de rendre obligatoire chaque année en octobre, un hommage - adapté à l'âge des élèves - aux enseignants assassinés, et notamment à Samuel Paty et Dominique Bernard. Ces assassinats sont une attaque directe contre l'école et les missions que lui a confiées la Nation. En 2022, seuls six enseignants sur dix ont été concernés par l'organisation d'un temps d'hommage à Samuel Paty dans leur établissement. Quant à ceux pour lesquels un hommage a été organisé, ils sont 21 % - 42 % dans les établissements de REP - à avoir observé des contestations à cette occasion. Ce temps particulier, en début d'année scolaire, pourrait être complété par une réflexion pour présenter la laïcité sous un jour positif. Alors qu'elle est un vecteur d'émancipation, beaucoup d'élèves la perçoivent comme une interdiction des religions.
Cet hommage serait également un premier jalon permettant de mieux préparer la journée de la laïcité se déroulant début décembre, qui trop souvent reste lettre morte : aujourd'hui, les deux tiers des enseignants du public déclarent ne pas mener d'actions spécifiques à l'occasion de celle-ci.
Recommandation : élaborer dans chaque établissement un projet d'établissement incluant des actions relatives aux valeurs de la République et à la laïcité, afin de fédérer l'équipe pédagogique et administrative autour de leur défense et promotion ; renforcer le dialogue entre les enseignants.
Recommandation : Dans les établissements scolaires publics et privés sous contrat, instaurer tous les ans en octobre dans chaque établissement scolaire un hommage aux enseignants assassinés, dont les modalités tiendraient compte de l'âge des élèves.
4. Les sanctions disciplinaires à la main des établissements en cas de violence
Les punitions et les sanctions scolaires doivent répondre à un double objectif : éduquer et responsabiliser les élèves concernés. La liste des sanctions scolaires est définie de manière exhaustive dans le code de l'éducation. Elles recouvrent l'avertissement, le blâme, la mesure de responsabilisation, l'exclusion temporaire de la classe, l'exclusion temporaire ou définitive de l'établissement. Cette liste doit être impérativement rappelée dans tous les règlements intérieurs des établissements scolaires (art. R.111-13 du code de l'éducation). À la différence des punitions, l'initiative de la procédure disciplinaire appartient exclusivement au chef d'établissement, éventuellement à la demande d'un membre de la communauté éducative. S'il décide de ne pas engager de poursuite disciplinaire, il doit motiver sa décision. Enfin, chaque année, le chef d'établissement présente au conseil d'administration un bilan des décisions rendues en matière disciplinaire, ainsi que les suites données aux demandes de saisine du conseil de discipline.
Expulsions définitives en 2021-202232(*)
Collèges |
Lycées généraux et techniques |
Lycées professionnels |
Total |
19 178 |
3 724 |
4 688 |
27 590 |
Depuis 201133(*), le chef d'établissement est tenu d'engager une procédure disciplinaire envers les élèves auteurs de violences verbales à l'encontre d'un membre du personnel de l'établissement ou les auteurs d'un acte grave envers un personnel ou un élève. Il est tenu de saisir le conseil de discipline lorsqu'un membre du personnel de l'établissement a été victime de violence physique (art. R 421-10 du code de l'éducation). Un décret d'août 202334(*) est venu compléter les cas entraînant une réponse obligatoire en cas d'atteintes graves aux principes de la République, notamment la laïcité, ainsi qu'en cas de harcèlement, y compris lorsque l'autre élève est scolarisé dans un autre établissement.
La circulaire du 3 septembre 2019 sur la prévention et la prise en charge des violences en milieu scolaire rappelle le principe selon lequel toute incivilité, atteinte ou fait grave commis à l'encontre d'un personnel de l'éducation nationale doit systématiquement faire l'objet d'une réponse de la part de l'institution, sans préjudice de suites judiciaires éventuelles.
Or, les témoignages recueillis par les rapporteurs montrent que cette réponse est loin d'être systématique, certains enseignants soulignant la nécessité de devoir « monter un véritable dossier de plusieurs faits commis par un élève » avant qu'il y ait une procédure de sanction déclenchée par le chef d'établissement. Une telle situation participe au sentiment de « pas de vague » dénoncé par les enseignants et de remise en cause de l'autorité de l'école.
Les rapporteurs proposent la mise en place d'un partage à l'échelle nationale des registres des sanctions que doit tenir chaque établissement scolaire et qui recensent de manière anonyme les sanctions prononcées avec l'énoncé des faits et les circonstances les ayant justifiées, afin que des faits similaires sur tout le territoire entraînent une réponse cohérente, dans le respect du principe d'individualisation des sanctions.
Recommandation : afin de mettre fin au « pas de vague », partager à l'échelle nationale les registres des sanctions des établissements scolaires, pour que toute incivilité, atteinte ou autre fait grave commis à l'encontre d'un personnel de l'éducation nationale fasse l'objet d'une réponse cohérente de la part de l'institution.
5. L'interdiction de l'abaya et du qamis : face à des tentatives de pression sur la laïcité, une clarification bienvenue et à poursuivre
L'année 2022-2023 s'est caractérisée par une augmentation importante du nombre de signalements d'atteinte à la laïcité, notamment en raison de tenues non conformes à la loi de 2004 sur l'interdiction du port de signes religieux ostentatoires. Les réseaux sociaux y ont fortement participé : les rapporteurs ont ainsi été informés de l'existence de défis, conduisant à de véritables opérations coordonnées dans plusieurs établissements, ou encore de discours d'influenceurs appelant au port de ces vêtements. La laïcité fait face ainsi à des « coups de boutoirs » auxquels la République se doit de répondre avec fermeté.
Les rapporteurs saluent la position prise par Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, sur l'interdiction de l'abaya et du qamis. Comme ils ont pu le constater au cours des auditions, cette clarification était attendue notamment par les chefs d'établissement. Elle a permis de mettre fin très rapidement à cette pression contre la laïcité : 513 établissements étaient, selon les estimations du ministre à la veille de la rentrée, concernés par le port de l'abaya, 298 élèves se sont présentées ainsi vêtues le jour de la rentrée, seules 67 n'ont pas accepté de l'enlever le premier jour.
Il reste néanmoins quelques zones grises qu'il conviendrait de clarifier par cohérence avec l'esprit de la loi de 2004. Il s'agit notamment des activités organisées par l'institution scolaire, y compris en dehors du temps scolaire, lorsque le jeune y participe du fait de son statut d'écolier, de collégien ou de lycéen. C'est par exemple le cas d'une sortie scolaire organisée et financée par l'institution scolaire le soir (pièce de théâtre par exemple), la cérémonie de remise d'un prix pour un concours organisé par l'éducation nationale ou en partenariat avec celle-ci et qui a eu lieu pendant le temps scolaire, ou encore la participation en dehors du temps scolaire mais organisée par l'établissement (affrètement d'un bus, accompagnement par du personnel de l'établissement scolaire) à un forum d'orientation.
Recommandation : élargir pour les élèves l'interdiction du port de signes et tenues religieux ostentatoires à toute activité organisée par l'institution scolaire, y compris en dehors du temps scolaire (sortie scolaire le soir, cérémonie de remise d'un prix pour un concours organisé par l'éducation nationale ou en partenariat avec le ministère, participation à un forum d'orientation organisé par l'établissement scolaire, ...).
* 27 Sondage IFOP pour le comité national d'action laïque, les enseignants du public et la laïcité, mai 2023.
* 28 Rapports de jury de la section histoire-géographie et de la section lettres : lettres classiques et lettres modernes, concours : Capes externe, Cafep-Capes, 3ème Capes et 3ème Cafep-Capes, session 2023.
* 29 Lors de l'examen du projet de loi, la commission de la culture s'était prononcée en faveur de pourcentages minimaux de professionnels de terrain et d'enseignants-chercheurs au sein des intervenants des Inspé.
* 30 Leur année de stage est en mi-temps avec une formation à l'Inspé.
* 31 Crise d'attractivité du métier d'enseignant : quelles réponses des pays européens ?, rapport d'information n° 649 de M. Gérard Longuet, session 2021-2022.
* 32 Audition de M. Pap Ndiaye, ministre de l'Éducation nationale le 4 juillet 2023.
* 33 Décret n° 2011-728 du 24 juin 2011.
* 34 Décret n° 2023-782 du 16 août 2023.