F. LA CONTESTATION, POUR DES RAISONS SUBSTANTIELLES, DES POUVOIRS NON ENCORE RATIFIÉS DE LA DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE DE L'AZERBAÏDJAN
1. L'intervention de M. François Bonneau
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Tout État membre qui adhère au Conseil de l'Europe s'engage à respecter un certain nombre de règles et de devoirs. C'est parfois difficile, exigeant, mais c'est nécessaire.
Le rapport de notre collègue M. Mogens Jensen se montre à cet égard particulièrement sévère en relevant que 20 ans après son adhésion au Conseil de l'Europe, le 25 janvier 2001, l'Azerbaïdjan n'a pas rempli les engagements majeurs découlant de son adhésion à l'Organisation.
Notre Assemblée a été amenée à adopter à plusieurs reprises des résolutions soulignant l'ampleur des défis à relever pour respecter les valeurs du Conseil de l'Europe, qu'il s'agisse de la lutte contre la corruption, du respect des droits des personnes LGBTI, des restrictions des activités des associations ou encore de la liberté des journalistes, alors que 18 journalistes et acteurs des médias sont actuellement en détention.
L'opération militaire menée au Haut-Karabakh a constitué un choc et notre Assemblée l'a très vivement condamnée. Elle constitue en effet une violation majeure des engagements de règlement pacifique du différend territorial avec l'Arménie pris lors de son adhésion au Conseil de l'Europe. Elle a eu de très graves conséquences humanitaires, jetant des dizaines de milliers de personnes sur les routes, et de nombreuses atteintes au droit de l'homme ont été observées.
L'Azerbaïdjan est l'un des pays de l'Organisation qui compte le plus grand nombre d'arrêts de la Cour non exécutés : plus de 120 arrêts de la Cour rendus contre l'Azerbaïdjan n'ont pas encore été exécutés ou ne l'ont été que très partiellement.
L'Azerbaïdjan n'a pas non plus coopéré avec les rapporteurs de la commission de suivi pour qu'ils puissent rencontrer les personnes qui seraient détenues pour des motifs politiques, ni avec ceux de la commission des migrations pour qu'ils se rendent dans le corridor de Latchine.
Cela faisait déjà beaucoup. Le fait que l'Azerbaïdjan n'invite pas l'APCE à participer à l'observation de la prochaine élection présidentielle est un manquement de plus, peut-être un manquement de trop.
À quoi bon appartenir à une organisation si l'on n'en partage pas les valeurs ? Que signifie au fond cette appartenance ?
Les valeurs de la Convention européenne des droits de l'homme sont des éléments que nous devons partager dans leur ensemble ; ce ne sont pas des engagements à la carte.
Je partage donc la position de la commission de suivi qui incite, au regard de ces éléments, à ne pas ratifier les pouvoirs de la délégation de l'Azerbaïdjan. Il faut marquer le coup.
En revanche, je pense qu'il faut maintenir des voies de dialogue et forme le voeu que ce coup de semonce amène l'Azerbaïdjan à reconsidérer ses positions et ses pratiques.
L'objet de notre Organisation n'est pas d'exclure : il est de faire partager des valeurs.
Je soutiendrai donc l'amendement prévoyant que la délégation de l'Azerbaïdjan pourra reprendre ses activités au sein de l'Assemblée si les conditions prévues par le Règlement sont réunies.
Je vous remercie.
2. L'intervention de M. Claude Kern, au nom de la commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe
Merci, Monsieur le Président.
Chers collègues,
La commission de suivi soutient pleinement le rapport de M. Mogens Jensen ainsi que l'amendement écrit proposé par M. Davor Ivo Stier, M. Frank Schwabe, M. Emanuelis Zingeris, M. Iulian Bulai et M. Damien Cottier.
Au cours des derniers mois, la commission s'est penchée à plusieurs reprises sur la situation en Azerbaïdjan, notamment à l'occasion des dernières visites des corapporteurs.
En décembre, à Rome, notre commission a adopté son nouveau rapport sur le respect des obligations et des engagements de l'Azerbaïdjan pour la première fois depuis fin 2012 ; il est regrettable que ce rapport ne soit pas encore public, ce qui aurait grandement facilité la tâche de M. Jensen.
Cependant, la commission adhère pleinement aux constats du rapporteur sur les graves violations des principes de la démocratie, de la prééminence du droit, du respect des droits humains et des libertés fondamentales.
Au sein du Conseil de l'Europe, nous disposons de suffisamment de sources fiables qui confirment ces constats, comme les résolutions et les rapports de l'Assemblée, les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme et les avis de la Commission de Venise.
En outre, la commission de suivi soutient l'argument du rapporteur concernant le manque de coopération de la délégation azerbaïdjanaise dans le processus de suivi. La commission a été particulièrement déçue par le fait que les corapporteurs sur l'Azerbaïdjan n'ont pas eu accès aux personnes qui seraient détenues pour des raisons politiques, malgré le fait qu'une visite supplémentaire avait été organisée en novembre dernier afin d'avoir de telles rencontres.
Ainsi, l'Assemblée n'a pas d'autre solution que de ne pas ratifier les pouvoirs de la délégation azerbaïdjanaise.
Cependant, cette décision pourrait être revue si jamais il y a une amélioration importante dans les domaines mentionnés par notre rapporteur.
Je vous remercie de votre attention.