- AVANT PROPOS
- I. LA SANTÉ RESPIRATOIRE : UN ENJEU
SANITAIRE D'AMPLEUR FACE À LA RELATIVE INERTIE DES POLITIQUES DE
SANTÉ PUBLIQUE
- II. RECOMMANDATIONS EN FAVEUR D'UNE
STRATÉGIE GLOBALE DE PRÉVENTION ET DE SOINS EN SANTE
RESPIRATOIRE
- I. LA SANTÉ RESPIRATOIRE : UN ENJEU
SANITAIRE D'AMPLEUR FACE À LA RELATIVE INERTIE DES POLITIQUES DE
SANTÉ PUBLIQUE
N° 695
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur
l'enquête
de la Cour
des comptes, demandée en
application de l'article L.O. 132-3-1
du code des juridictions
financières, sur la santé
respiratoire,
Par M. Philippe MOUILLER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.
AVANT PROPOS
Mesdames, Messieurs,
En application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, qui dispose que « la Cour des comptes peut être saisie par les commissions parlementaires saisies au fond des projets de loi de financement de la sécurité sociale, de toute question relative à l'application des lois de financement de la sécurité sociale », Catherine Deroche, alors présidente de la commission des affaires sociales du Sénat a, par courrier du 13 juillet 2023, saisi le Premier président de la Cour des comptes d'une demande d'enquête portant sur la santé respiratoire. Cette demande a donné lieu à l'enquête annexée au présent rapport intitulé La santé respiratoire, un enjeu de « santé environnement » insuffisamment pris en considération, transmis par le Premier président de la Cour des comptes au président de la commission des affaires sociales le 6 mai 2024.
La présente enquête circonscrit le champ de son étude à trois principales pathologies qui concernent plus de 10 % de la population française : la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l'asthme et le cancer du poumon.
La santé respiratoire n'est pas une notion consacrée par la loi ni par la réglementation. Elle renvoie à une pluralité de pathologies, aiguës ou chroniques, ainsi qu'aux politiques de prévention et de lutte contre ces maladies. Elle est étroitement liée à la santé environnementale1(*) et au concept d'exposome. Ce dernier a été inscrit dans le code de la santé publique par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, qui en fait un pilier de la politique de surveillance et d'observation de l'état de santé de la population. Il y est défini comme « l'intégration sur la vie entière de l'ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé humaine »2(*).
Les principaux facteurs de risque favorisant l'apparition des pathologies précitées sont, si l'on excepte le vieillissement de la population3(*), comportementaux et environnementaux. Le tabagisme est le premier d'entre eux, tandis que la qualité de l'air extérieur et de l'air intérieur ont une influence grandissante, de même que le réchauffement climatique qui accentue par exemple l'asthme allergique.
Ces facteurs, peu maîtrisés, conduisent à une progression préoccupante des pathologies respiratoires en France. Pourtant, la Cour relève que « la stratégie nationale de santé 2023-2033, pas plus que la précédente de 2018-2022, ne comporte de référence à la santé respiratoire, et peu à la notion de santé environnement. » Elle souligne ainsi l'absence de politique respiratoire structurée en France : carences de la politique de prévention, parcours de soins peu performants, absence d'évaluation de l'efficacité sanitaire de la dépense publique, défaut de pilotage global...
En matière de gouvernance, plusieurs constats de la Cour rejoignent ceux de précédents rapports portant sur la santé environnementale. Il en va ainsi du rapport de la commission des affaires sociales du Sénat « Santé environnementale : une nouvelle ambition »4(*), réalisé par Bernard Jomier et Florence Lassarade en mars 2021, dont plusieurs recommandations font écho aux travaux conduits par la Cour des comptes, notamment :
- l'inscription dans le programme national santé environnement (PNSE) d'indicateurs de résultat accompagnés de cibles chiffrées (proposition n° 5) ;
- l'objectif d'une meilleure prise en compte des enjeux de santé environnementale au sein des délégations territoriales des agences régionales de santé (ARS), afin qu'elles puissent jouer un rôle d'appui de proximité aux élus locaux (proposition n° 16) ;
- l'intégration de priorités et d'objectifs en santé environnementale dans les contrats de plan État-région (CPER) et les contrats locaux de santé (CLS), en y adossant des financements pérennes (proposition n° 21).
Les auteurs du rapport soulignent encore l'importance d'installer une autorité en charge de la coordination d'une politique de santé globale, ce qui rejoint la préoccupation de la Cour des comptes relative à un pilotage coordonné dans une vision intégrative et décloisonnée.
On pourra également se référer au rapport rédigé conjointement par plusieurs corps d'inspection de l'État, « La santé environnement : recherche, expertises et décisions publiques » (décembre 2020)5(*). Cette convergence de vues témoigne d'un diagnostic partagé par une pluralité d'acteurs et d'institutions, qui n'a pourtant pas trouvé de remède ni de concrétisations.
Si la santé respiratoire appartient bien au champ de la santé environnementale et exige une coordination de l'action de multiples autorités, en premier lieu du ministère de la santé et du ministère de la transition écologique, la Cour des comptes met l'accent sur l'importance de réinvestir la dimension sanitaire de la santé environnementale.
Au terme de la présente enquête, la Cour des comptes formule deux séries de recommandations, l'une portant sur la prévention et le soin, l'autre sur la stratégie et le pilotage de la politique de santé respiratoire. En particulier, elle préconise que la stratégie nationale de santé (SNS) se saisisse des enjeux de santé respiratoire par l'adoption d'une feuille de route dédiée et par la définition d'objectifs sanitaires chiffrés. Elle recommande une plus grande implication du ministère de la santé dans le PNSE et une mise en cohérence de la SNS et du PNSE. À ce jour, l'articulation entre la SNS et le PNSE ne fait l'objet d'aucune réflexion.
Les sept recommandations formulées, simples et pragmatiques, sont susceptibles d'être mises en oeuvre à court terme et dépourvues d'impact financier, l'objectif étant de permettre au Gouvernement de s'en saisir aisément. La commission des affaires sociales du Sénat rejoint le sens de ces recommandations et a approuvé les conclusions de l'enquête de la Cour lors de sa séance du 15 mai 2024.
I. LA SANTÉ RESPIRATOIRE : UN ENJEU SANITAIRE D'AMPLEUR FACE À LA RELATIVE INERTIE DES POLITIQUES DE SANTÉ PUBLIQUE
A. L'AUGMENTATION DE LA PRÉVALENCE DES PATHOLOGIES RESPIRATOIRES
1. Des facteurs comportementaux et environnementaux prépondérants
Le poids relatif de l'asthme, de la BPCO et du cancer du poumon dans la population française doit être rappelé : 4 millions de personnes sont touchées par l'asthme et 3,5 millions par la BPCO, tandis que 160 000 personnes souffrent d'un cancer du poumon.
Ces trois pathologies sont en progression. Ainsi, la prévalence de la BPCO devrait s'établir à 9,6 % en 2025 contre 8,5 % en 2005, et le nombre de cas de cancers du poumon a crû de 25 % entre 2015 et 2021. Une hausse du nombre de cas d'asthme est également recensée.
La BPCO, l'asthme et le cancer du poumon appartiennent à la catégorie des maladies dites non transmissibles, au même titre que les maladies cardio-vasculaires ou les divers types de cancers, favorisées par une conjonction de facteurs environnementaux et comportementaux. Si l'asthme survient plutôt en population jeune6(*), la BPCO et le cancer du poumon sont deux pathologies associées au vieillissement démographique.
Le tabagisme est le principal facteur de risque dans la survenue de la BPCO et du cancer du poumon : la Cour rappelle qu'il est « responsable de près de 80 % des cancers du poumon et d'au moins un tiers des BPCO ». Outre le tabagisme actif ou passif, l'apparition et le développement de l'asthme sont aussi marqués par l'influence des facteurs environnementaux (allergènes divers, pollution atmosphérique, réchauffement climatique).
L'exposition permanente à la pollution atmosphérique engendre un développement accéléré des pathologies respiratoires. Le Centre international de recherche sur le cancer a d'ailleurs classé la pollution de l'air extérieur comme cancérigène dès 2013. L'ozone, les particules fines et le dioxyde d'azote, dont le transport automobile représente plus de la moitié des émissions en France, font partie des polluants pour lesquels l'Organisation mondiale de la santé (OMS) définit des valeurs seuils de référence à ne pas dépasser. L'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) estime qu'en 2019, la totalité de la population française était exposée à des taux de particules fines supérieurs à la valeur seuil réactualisée par l'OMS.
Selon Santé publique France, environ 40 000 décès annuels seraient attribuables aux particules fines en France7(*), ce qui la conduit à qualifier la pollution atmosphérique de « risque conséquent ». En comparaison, 70 000 décès sont causés chaque année par le tabagisme, qui reste le principal facteur de risque dans la survenue du cancer du poumon et de la BPCO.
Les liens de causalité entre le développement des pathologies précitées et divers facteurs comportementaux et environnementaux sont relativement bien documentés, même s'il est essentiel de poursuivre la recherche pour mieux définir les mécanismes biologiques à l'oeuvre.
2. Des inégalités en santé marquées
La prévalence du cancer du poumon est en augmentation chez les femmes, tandis qu'elle diminue chez les hommes. De même, la prévalence de la BPCO augmente plus vite chez les femmes que chez les hommes. 20 % des femmes françaises se déclarent fumeuses et 12,2 % des femmes enceintes. Un meilleur ciblage de la politique de lutte contre le tabac envers la population féminine apparaît donc nécessaire.
Actuellement, la baisse du tabagisme s'observe d'abord chez les jeunes, ce qui constitue un signe encourageant au regard de l'objectif d'une génération sans tabac à horizon 2032, inscrit dans le dernier Programme national de lutte contre le tabac (PNLT) 2023-2027. Il est à noter toutefois que le développement du vapotage et l'inhalation de vapeurs contenant des produits chimiques sont susceptibles de comporter d'autres risques.
En outre, il importe de rappeler que le cumul des facteurs de risques touche prioritairement les populations appartenant aux catégories socio-professionnelles les moins favorisées : le tabagisme y est plus élevé, de même que les problématiques de mal-logement qui exposent à une moindre qualité de l'air intérieur et extérieur. Par exemple, l'Institut national du cancer (INCa) démontre que la survie nette au cancer du poumon est étroitement dépendante de la zone d'habitation.
Au global, la prévalence des maladies chroniques respiratoires reflète des inégalités socio-économiques objectivées, corrélées aux inégalités d'espérance de vie selon le niveau de revenu. Les populations les plus vulnérables sont aussi celles qui accèdent le moins aisément aux services de santé, notamment à un médecin traitant, cet accès se révélant pourtant déterminant dans une optique de prévention. Ces inégalités de santé sont insuffisamment prises en compte dans la définition des objectifs de santé publique et la mise en oeuvre d'actions de prévention, trop peu ciblées.
Enfin, le suivi épidémiologique de l'asthme et de la BPCO mériterait d'être renforcé et les données de l'Assurance maladie davantage structurées. En effet, la distinction dans le système national des données de santé (SNDS) des patients relevant d'un suivi pour une BPCO de ceux suivis pour un asthme n'apparaît pas possible aujourd'hui, l'ensemble des patients suivis au titre d'une pathologie respiratoire chronique étant agrégés. Pour établir un diagnostic précis, piloter des objectifs sanitaires et de dépenses, il est prioritaire de disposer de données précises et fiables au sein du SNDS.
B. L'ABSENCE DE POLITIQUE DE SANTÉ RESPIRATOIRE EN FRANCE
1. Une absence globale de stratégie de prévention
Malgré un diagnostic bien établi concernant le rôle des facteurs comportementaux et environnementaux dans le développement des pathologies respiratoires, la prévention en santé respiratoire est actuellement déficiente.
Les dépenses relatives aux actions de prévention représentent un montant total de 150 millions d'euros en 2022, dont la majeure partie - 128 millions d'euros - est consacrée à la lutte contre le tabac. Les dépenses consacrées aux actions de prévention de la qualité de l'air extérieur et intérieur, principalement à l'initiative des ARS qui mobilisent leurs fonds d'intervention régionaux (FIR), restent limitées, de l'ordre de 10 millions d'euros. Les 12 millions d'euros restants sont dédiés à des actions de prévention de l'exposition au risque chimique en milieu professionnel.
La lutte contre le tabagisme, qui concentre donc 85 % du budget de la prévention en santé respiratoire, affiche pourtant un bilan mitigé en France, si on le compare à la situation des pays européens voisins. La persistance d'un niveau de prévalence tabagique élevé en France - 25,3 % en 2021 contre 16,5 % en moyenne dans les pays de l'OCDE8(*) - devrait conduire non seulement à renforcer les actions inscrites dans les plans nationaux de lutte contre le tabagisme mais aussi à mieux cibler la prévention sur les populations identifiées comme les plus vulnérables (cf. supra). Il est à noter qu'un renforcement des actions de prévention ne suppose pas nécessairement des coûts supplémentaires pour les finances publiques : l'augmentation des droits d'accise sur le tabac constitue ainsi une mesure contribuant à la lutte contre le tabagisme9(*).
Concernant la qualité de l'air extérieur, les politiques tendant à réduire la pollution atmosphérique se révèlent notoirement insuffisantes pour atteindre les objectifs gouvernementaux, malgré quelques résultats positifs rappelés par la Cour des comptes. Cette situation a conduit à la condamnation de la France par le Conseil d'État à plusieurs reprises entre 2020 et 2023, en raison du non-respect des seuils européens de concentration du dioxyde d'azote et des particules fines dans plusieurs agglomérations françaises. La Cour relève cependant que le ministère de la transition écologique dépense 5,1 milliards d'euros pour des actions de prévention de la pollution atmosphérique, en particulier des mesures d'amélioration de la qualité de l'air, tout en relevant que l'efficience de ces dépenses n'est pas certaine et mériterait d'être évaluée.
L'amélioration de l'information du grand public sur les épisodes de pollution atmosphérique et les risques qu'ils comportent, notamment pour certaines populations fragiles, est une nécessité alors que les outils et supports dédiés font toujours défaut. Si tel est l'objet de RecoSanté, service public numérique qui informe et propose des recommandations pour s'adapter au quotidien, celui-ci demeure à ce jour trop confidentiel10(*).
Enfin, les connaissances sur les polluants intérieurs sont relativement récentes et encore peu accessibles au grand public. L'observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI) réalise des mesures qui ont mis en évidence une pollution de l'air intérieur particulièrement préoccupante pour les jeunes enfants : dans 96 % des salles de classes ayant fait l'objet de mesures, un dépassement des valeurs guides de l'OMS pour les particules fines a été observé. Santé publique France a également souligné les risques associés à l'exposition dans les salles de classe des enfants de 6 à 11 ans à certains polluants comme le formaldéhyde ; environ 30 000 cas d'asthme évitables seraient imputables à ces composés organiques volatils et aux moisissures11(*).
La sensibilisation des populations à l'utilisation de certains équipements (cuisinières et fours à gaz) ou produits (produits ménagers), qui polluent les environnements quotidiens, mériterait d'être développée pour une meilleure appropriation des enjeux par chacun et pour favoriser l'adaptation des modes de vie.
2. Une politique de santé dépensière mais peu efficiente
La Cour des comptes fait le constat de dépenses de santé en hausse, mais non pilotées. En 2022, les dépenses de prise en charge des maladies respiratoires s'établissent à 6,7 milliards d'euros, dont 3,7 milliards pour les maladies respiratoires chroniques (incluant les dépenses de ville, d'hospitalisation et les prestations en espèce) et 3 milliards pour les cancers du poumon. Ces dernières représentent 44,8 % du total des dépenses, pour moins de 2 % des cas des pathologies recensées. L'évolution dynamique de ces dépenses est particulièrement portée par le coût des médicaments anticancéreux, à l'hôpital et en ville. Cette situation plaide en faveur d'une prévention renforcée du cancer du poumon, qui pourrait s'appuyer sur une campagne de dépistage organisée, en accord avec les recommandations publiées par la Haute Autorité de santé en février 202212(*).
Outre des interrogations sur l'efficacité de la dépense publique, la Cour relève plus largement que l'organisation du parcours des personnes souffrant d'une pathologie respiratoire est un impensé de la politique de santé actuelle. La prise en compte de chacune des étapes de ce parcours - prévention, dépistage et prise en charge - et leur articulation est à peu près inexistante. Ainsi, l'importance du sous-diagnostic de la BPCO et de l'asthme en population générale nuit à l'efficacité de la politique de santé. Il en résulte des hospitalisations évitables, dont les coûts sont bien supérieurs à ceux qui résulteraient d'une politique préventive dynamique. Elle conclut ainsi : « Une prévention plus développée et une anticipation de la prise en charge des maladies respiratoires chroniques permettrait de réduire une partie non négligeable des dépenses d'hospitalisation (0,9 milliards d'euros), en urgence et potentiellement évitables ».
Dans un contexte d'aggravation des tensions sur les ressources hospitalières et de mise sous tension récurrente des servies d'accueil des urgences qui fonctionnent le plus souvent en sous-effectifs, l'optimisation des flux et l'organisation des prises en charge préhospitalières est devenue une exigence.
Enfin, le manque d'articulation entre les actions menées par le ministère de la santé et le ministère de la transition écologique est problématique du point de vue de l'efficience globale des politiques conduites. Les dépenses consacrées par le ministère de la transition écologique aux actions en faveur de la qualité de l'air extérieur et intérieur ont crû de façon significative, mais sans que l'évaluation de leur impact sanitaire ne soit recherchée.
II. RECOMMANDATIONS EN FAVEUR D'UNE STRATÉGIE GLOBALE DE PRÉVENTION ET DE SOINS EN SANTE RESPIRATOIRE
A. UNE POLITIQUE À PLANIFIER, DE LA PRÉVENTION AU SOIN
1. Prévenir et dépister
Investir dans la prévention est à la fois une réponse à des enjeux sanitaires prégnants et une solution efficiente pour les finances publiques. Si la prévention ne produit pas d'effets immédiats mais se mesure principalement à moyen et long termes, elle présente un intérêt majeur pour la soutenabilité de la dépense publique.
Une politique de prévention efficace doit pouvoir s'appuyer sur une offre de soins de premier recours étoffée et organisée sur l'ensemble des territoires. Or, plus de 10 % des Français n'ont toujours pas accès à un médecin généraliste et 30 % de la population française vit dans un désert médical. Face à ce constat, les politiques qui encouragent le développement des structures d'exercice coordonné et la mise en réseau des professionnels de santé doivent être poursuivies (dispositif « Asalée », maisons de santé pluridisciplinaires, communautés professionnelles territoriales de santé). L'augmentation des effectifs de professionnels de santé formés, notamment des professionnels médicaux, doit par ailleurs être anticipée par le ministère de la santé.
La formation continue des professionnels de santé de premier recours doit également constituer un point d'attention prioritaire. Remédier au sous-dépistage des maladies respiratoires chroniques nécessite en effet que les praticiens soient formés au repérage de ces pathologies et à la réalisation d'examens diagnostiques indispensables tels que la spirométrie. Pour répondre à cet enjeu, l'Angleterre a par exemple fait le choix de développer l'implantation de centres de diagnostic dédiés, accessibles sur orientation d'un professionnel de santé, notamment des pharmaciens, où sont réalisés le dépistage de l'asthme par le test du monoxyde d'azote dans l'air expiré, et la spirométrie pour la détection de la BPCO.
Au-delà d'une politique de prévention générale, la prévention doit se concevoir de façon individualisée, pour cibler les publics les plus à risques. À cette fin la Cour recommande de mobiliser des outils existants, en particulier :
- les rendez-vous de prévention, créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 dont le déploiement reste attendu sur l'ensemble du territoire national et qui permettront d'opérer un repérage précoce des pathologies respiratoires tout en sensibilisant les usagers aux risques environnementaux et comportementaux ;
- l'espace numérique en santé, dont l'utilisation devrait être adaptée pour autoriser la diffusion de messages de prévention ciblés en fonction des facteurs de risque renseignés par chaque patient, et non plus seulement en fonction de l'âge ou du sexe.
Toutefois, ces outils se révèleront sans doute insuffisants pour agir auprès des publics les plus éloignés du soin, qui sont aussi les plus vulnérables aux expositions environnementales et au tabagisme. Une prévention individualisée ne peut pas faire l'impasse sur des actions « d'aller vers », au contact des publics à risque.
Enfin, la prévention doit être résolument encouragée dans le milieu professionnel. Le repérage et la déclaration des maladies respiratoires professionnelles sont très en deçà des estimations épidémiologiques d'exposition professionnelle aux facteurs à l'origine de l'asthme et de la BPCO. Le renforcement des services de santé au travail et le partage d'informations avec les médecins de ville, par l'intégration au dossier médical partagé du dossier de santé au travail, permettront d'y contribuer.
2. Accélérer la transformation des modèles de prise en charge
Autant que la politique de prévention, la consolidation de l'offre de premier recours et le renforcement des services de recours spécialisés doivent être soutenus.
S'agissant de l'offre de premier recours, ainsi que le souligne la Cour des comptes, la part des soins non médicamenteux dans l'offre globale demeure marginale. Ces soins non médicamenteux relèvent de financements hétérogènes (fonds d'intervention régional des ARS, fonds pour l'innovation du système, fonds national de prévention, d'information et d'éducation sanitaire), ce qui ne contribue guère à la lisibilité des dépenses et ne favorise pas le développement de ces modèles alternatifs. Plusieurs ont pourtant fait leurs preuves.
Tel est le cas de l'éduction thérapeutique du patient, modèle adapté à la prise en charge des maladies chroniques et relativement bien développé pour la prise en charge du diabète de type 1. Malgré tout, la Cour constate que « l'accessibilité à de tels programmes demeure faible et majoritairement hospitalière ». Les programmes d'éducation thérapeutique exigent l'intervention coordonnée de plusieurs professionnels de santé et répondent à des protocoles précis. Ils mobilisent des moyens moins coûteux qu'un séjour hospitalier classique et permettent d'allier le soin à la prévention. À l'appui des outils numériques connectés et du recours croissant à la télésurveillance, ils contribuent à l'autonomisation du patient et à l'optimisation des moyens.
L'éducation thérapeutique du patient
L'éducation thérapeutique du patient est inscrite dans le code de la santé publique13(*). Elle a pour but de « rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie » (article L. 1161-1 du code de la santé publique). Elle permet ainsi d'autonomiser et de responsabiliser le patient dans la gestion de sa maladie tout au long de sa vie. Elle peut être mise en oeuvre à tout moment et dès l'annonce du diagnostic d'une pathologie.
Les programmes d'éducation thérapeutique sont conformes aux recommandations et référentiels établis par la Haute Autorité de santé (HAS).
La HAS décompose la mise en oeuvre de l'éducation thérapeutique en quatre étapes : l'élaboration d'un diagnostic éducatif ; la définition d'un programme personnalisé d'éducation thérapeutique du patient ; la planification et la mise en oeuvre des séances, individuelles ou collectives ; l'évaluation finale.
De même, l'activité physique adaptée peine à se développer, en raison notamment de freins financiers. Bien que promue par les gouvernements successifs et reconnue par le code de la santé publique, elle n'est à ce jour pas prise en charge par l'Assurance maladie. L'évolution timide esquissée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 - une telle prise en charge par l'Assurance maladie a été prévue à titre expérimental pour les seuls patients souffrant de cancer - ne répond pas aux besoins exprimés ni à la nécessité d'accélérer la transformation des modèles de prise en charge.
Enfin, un constat similaire peut être établi s'agissant de la réhabilitation respiratoire, à laquelle accède moins d'un tiers des patients à la sortie d'une hospitalisation. Encore méconnue, la réhabilitation respiratoire bénéficie de financements au titre des expérimentations dites de l'article 51, à défaut du développement d'une offre structurée globalement.
S'agissant de l'offre de recours spécialisé, le ministère de la santé appuie la structuration de filières spécifiques à la prise en charge des pathologies respiratoires depuis peu : en attestent la création d'une vingtaine d'unités transversales d'allergologie (UTA) dans les services hospitaliers, mais aussi l'identification de dispositifs de prise en charge précoce post-aiguë respiratoire (PREPAR) début 2023, dans le cadre de la réforme des soins médicaux et de réadaptation.
De façon plus générale, une réflexion sur la notion de parcours est fondamentale, parce qu'elle conditionne l'efficacité des prises en charge, depuis le repérage jusqu'au soin. La structuration de parcours patients doit constituer une priorité déclinée sur les territoires dans le cadre des projets régionaux de santé des ARS.
B. UNE GOUVERNANCE À CLARIFIER, POUR UN PILOTAGE OPÉRATIONNEL
1. Piloter une stratégie de santé respiratoire au sein de la SNS
La Cour rappelle une évidence : le pilotage d'une politique publique repose sur la définition d'objectifs clairs et d'indicateurs précis. Or, en matière de santé respiratoire, la SNS ne fixe ni les uns ni les autres. Ce constat est d'autant plus saillant que divers plans relatifs à la BPCO et à l'asthme ont été mis en oeuvre entre 2005 et 2011. La faiblesse des résultats obtenus à l'issue de ces plans ne suffit pas à justifier l'abandon d'une stratégie pluriannuelle organisée.
Pour remédier à ce défaut regrettable, il est donc préconisé d'intégrer des objectifs sanitaires chiffrés en santé respiratoire dans la SNS, cohérents avec ceux prévus dans le cadre du PNSE (recommandation n° 4).
En outre, une feuille de route devrait être établie pour définir une stratégie nationale d'action pour les maladies respiratoires chroniques (recommandation n° 5). L'expérience finlandaise est étudiée et citée en exemple, en raison des résultats remarquables que sa planification systématique a permis d'atteindre concernant le recul des pathologies respiratoires depuis 25 ans. Les symptômes d'asthme ont par exemple reculé de plus de 16 points entre 1996 et 2016, les journées d'hospitalisation ont chuté de près de 75 % entre 2008 et 2018 et les coûts de l'asthme et des allergies ont diminué de 30 % sur la même période.
Le succès de cette politique a reposé sur une multitude de facteurs et d'actions, notamment la création d'un réseau de professionnels responsables de l'asthme et la formation des professionnels de santé de premier recours, points d'entrée dans le parcours de soins et rouages essentiels du repérage précoce. La mise en oeuvre d'une politique de lutte contre le tabagisme s'est également révélée cruciale pour réduire la prévalence des pathologies respiratoires.
2. Une coordination nécessaire pour une politique décloisonnée de santé environnementale
Dans le rapport précité, « La santé environnement : recherche, expertises et décisions publiques »14(*), les auteurs constatent l'insuffisante identification de la santé environnementale comme enjeu majeur des politiques publiques. Ils préconisent d'inclure des objectifs de santé environnementale dans la SNS et de faire du PNSE un outil de pilotage opérationnel.
Alors qu'elle exigerait une approche décloisonnée et multidisciplinaire de type « une seule santé » (en anglais « one health ») telle que promue par l'OMS, la santé environnementale demeure mal appréhendée en France, « une politique publique aux contours mal définis » selon l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), qui relève en parallèle qu'« au moins trente-deux stratégies, plans ou programmes d'action, promus par les pouvoirs publics, peuvent être considérés en relation avec le PNSE 4 »15(*). Une telle dispersion n'est évidemment gage ni de cohérence ni de lisibilité.
Outre les lacunes de la SNS, le PNSE ne comporte pas de dimension sanitaire affirmée. La notion de « santé respiratoire » n'y figure pas et son contenu concerne essentiellement le ministère de la transition écologique. Là encore, l'absence d'indicateurs précis ne permet pas de faire du PNSE un instrument de pilotage opérationnel.
Afin de réinvestir la dimension sanitaire du PNSE et de favoriser l'implication du ministère de la santé dans sa coordination et sa mise en oeuvre, la Cour recommande de doter le PNSE d'objectifs sanitaires mesurables pour l'asthme, la BPCO et le cancer du poumon, qui seraient déclinés dans les plans régionaux santé environnement (recommandation n° 6). La définition d'un indicateur de suivi de la dépense qui serait adjoint au PNSE est également préconisée.
3. Une dynamique territoriale à soutenir
À l'échelle des territoires, les plans régionaux de santé environnement (PRSE) définissent des stratégies d'action à la confluence des domaines de compétences respectifs des collectivités territoriales, des préfectures et des agences régionales de santé. Le PRSE constitue un outil de planification dont la cohérence avec le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires devrait être assurée. Toutefois, les PRSE souffrent du même défaut que le PNSE : le volet « santé respiratoire » en est relativement absent.
Parallèlement aux PRSE, les contrats locaux de santé se sont développés depuis plusieurs années. Ils constituent un cadre de coopération souple et de proximité entre les ARS et les intercommunalités auxquels les acteurs semblent adhérer. Ainsi que le relève la Cour, 350 contrats locaux avaient été signés au 31 décembre 2022 ; 236 contrats étaient par ailleurs en projet à la même date. Le contrat local de santé est un outil de territorialisation de la politique de santé, qui permet d'articuler les politiques portées par les collectivités - urbanisme, transports, etc. - et le projet régional de santé (PRS).
En outre, alors que la prévalence des pathologies respiratoires est marquée par d'importants contrastes révélateurs d'inégalités socio-économiques, les contrats locaux de santé peuvent permettre de travailler à la réduction de ces inégalités de santé de façon concrète, au plus près des usagers.
En conséquence, la Cour recommande d'intégrer systématiquement dans les contrats locaux de santé un volet consacré à la qualité de l'air extérieur et intérieur (recommandation n° 7).
Le rapport sénatorial précité « Santé environnementale : une nouvelle ambition » soulignait également la nécessité de renforcer l'interface entre les élus locaux et les délégations départementales des ARS, pour une meilleure prise en compte des enjeux de santé environnementale par les ARS et pour qu'elles puissent jouer un rôle d'appui de proximité aux élus locaux16(*).
EXAMEN EN COMMISSION
___________
Réunie le mercredi 15 mai 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission procède à l'audition de Mme Véronique Hamayon, présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes pour donner suite à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, concernant la santé respiratoire.
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous allons entendre à présent Mme Véronique Hamayon, présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes, qui va nous présenter l'enquête demandée par notre ancienne présidente, Mme Catherine Deroche, concernant la santé respiratoire.
Madame la présidente, je vous indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est retransmise en direct sur le site du Sénat et sera disponible en vidéo à la demande.
Je vais vous laisser sans plus attendre nous présenter les observations et les recommandations de la Cour à l'issue de ses travaux. Je vous poserai ensuite les premières questions en ma qualité de rapporteur pour la commission des affaires sociales du Sénat. Enfin, les commissaires pourront également vous interroger.
Mme Véronique Hamayon, présidente de la 6e chambre de la Cour des comptes. - Monsieur le président, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les sénatrices et les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter ce matin le rapport issu de l'enquête de la Cour des comptes portant sur la santé respiratoire, en réponse à votre demande en application de l'article LO. 132-3-1 du code des juridictions financières.
Le premier président aurait souhaité vous présenter lui-même ce rapport, mais ses contraintes d'agenda l'en ont empêché. Ce rapport a été réalisé par la 6e chambre, que je préside. À mes côtés, l'équipe qui a réalisé ce rapport : François de la Gueronnière, président de la 2e section, Juliette Méadel, conseillère référendaire, Catherine Rumeau-Pichon, conseillère référendaire en service extraordinaire et Alexandre Picard, vérificateur.
La notion de santé respiratoire fait référence à des pathologies du système respiratoire, dont les trois principales concernent 10 % de la population. Il s'agit des maladies chroniques que sont l'asthme (4 millions de personnes), la broncho-pneumopathie chronique obstructive ou BPCO (3,5 millions de patients) et le cancer du poumon (160 000 individus, principalement en augmentation chez les femmes).
Premier constat, et non des moindres, les facteurs de risques des pathologies respiratoires sont principalement le tabac, mais aussi la qualité de l'air intérieur et extérieur et le réchauffement climatique. Le tabac constitue la première cause des maladies respiratoires, devant les facteurs de risques de nature environnementale, la pollution atmosphérique, l'air intérieur vicié et les expositions professionnelles.
Pour renforcer la prévention des risques, il vaut mieux cibler les stratégies de prévention en ce qui concerne les plus fragiles, et les personnes exposées en raison de leur profession (10 à 20 % des cancers du poumon seraient d'origine professionnelle). S'agissant du tabac, malgré des politiques actives, la consommation ne diminue pas assez vite en comparaison avec nos voisins européens, notamment chez les femmes et les populations les plus modestes.
Sous l'effet du réchauffement climatique, les facteurs environnementaux des maladies respiratoires pourraient à l'avenir devenir plus déterminants, notamment s'agissant de l'asthme d'origine allergique.
L'efficacité de la prévention dépend aussi d'une approche individualisée, prenant en compte toutes les expositions : comportementales, environnementales et socio-économiques. C'est l'objet de l'exposome, introduit par la loi en 2016, et à la mise en oeuvre duquel pourrait contribuer l'espace numérique de santé.
Le repérage des maladies respiratoires est trop tardif, ce qui affecte l'efficacité de la prise en charge sanitaire. Par exemple, les cancers du poumon sont découverts à un stade avancé avec déjà des métastases pour près de la moitié d'entre eux, en raison de failles dans l'organisation du premier recours et de l'insuffisance de l'offre de proximité, conduisant à des hospitalisations en urgence, coûteuses et potentiellement évitables.
La BPCO est, elle aussi, insuffisamment détectée, parce qu'elle est mal connue des professionnels de santé et de la population. La BPCO est perçue avec un certain fatalisme, comme une conséquence inéluctable du tabagisme sans thérapie efficace. Seulement 20 % des patients à risque ont réalisé une spirométrie, c'est-à-dire un examen permettant de diagnostiquer la BPCO et de proposer au patient un suivi afin d'éviter les épisodes d'exacerbation conduisant à une hospitalisation coûteuse.
Au total, 185 millions d'euros pourraient être économisés si les hospitalisations trop tardives étaient évitées par une prévention et un dépistage au bon moment, notamment pour l'asthme et la BPCO.
Ainsi, la prise en charge lors du premier recours, c'est-à-dire par les médecins généralistes, est insuffisante : les maladies respiratoires sont peu prises en considération en premier recours, et rarement ciblées. Ainsi, le dispositif Asalée (infirmière de santé publique travaillant dans des cabinets généralistes et dédiées aux maladies chroniques), les infirmières de pratiques avancées ou même les communautés professionnelles de territoires de santé (CPTS) sont peu mobilisés pour détecter ces maladies.
Pourtant, la littérature scientifique a montré tout l'intérêt de modalités de prise en charge non médicamenteuses des maladies chroniques : l'éducation thérapeutique du patient qui inclut l'aide au sevrage tabagique, et l'activité physique adaptée constituent ainsi des traitements à part entière des maladies respiratoires. Bien qu'inscrites dans la loi, elles sont encore trop peu accessibles aux patients en proximité de leurs lieux de vie et demeurent insuffisamment sollicitées.
Par ailleurs, il importe de renforcer les initiatives pour favoriser l'accompagnement des patients, comme PRADO (« programme de retour à domicile » après une hospitalisation) et SOPHIA (pour l'asthme). Il faut aussi renforcer les supports numériques. Ainsi, il convient d'encourager le recours aux outils connectés, dès lors qu'ils favorisent l'autonomie et le suivi du patient. Ils ont un rôle à jouer, notamment pour les patients les plus jeunes.
Enfin, il conviendrait de repenser la gouvernance en introduisant la notion même de santé respiratoire dans la planification de la santé environnementale. Le cadre légal applicable à la prévention et à la lutte contre les pathologies respiratoires relève de la notion de « santé environnement », dont la déclinaison administrative est prévue par le code de la santé publique avec la mise en oeuvre du Plan national santé environnement (PNSE). Ce dernier s'ajoute à d'autres plans relevant de nombreux ministères, sans pour autant que soit garantie la cohérence entre tous les objectifs poursuivis. Cette juxtaposition de plans et la dualité des compétences administratives mobilisées, entre le ministère de la santé et celui de la transition écologique, affectent la lisibilité de la politique poursuivie et, par conséquent, son efficacité, son pilotage et le suivi de la dépense publique afférente.
À l'instar du modèle finlandais, dont les résultats en termes de diminution de la prévalence de la BPCO, de l'asthme et du cancer du poumon sont bons, il est préconisé de prévoir une planification plus ciblée sur les pathologies respiratoires. Il convient donc de doter le PNSE de grands objectifs mesurables en termes de prévalence de ces trois pathologies.
Pour assurer la cohérence de l'ensemble, il est nécessaire d'insérer la santé respiratoire dans la stratégie nationale de santé et de veiller à sa cohérence avec le PNSE. Ce dernier doit également s'inscrire dans le cadre des objectifs définis par le ministère de la santé en ce qui concerne spécifiquement la feuille de route consacrée à la BPCO et à l'asthme, telle qu'issue des recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS).
Enfin, la dépense publique est globalement en augmentation mais son impact sanitaire n'est pas mesuré. Les dépenses de santé en 2021 sont de 150 millions pour la prévention de la consommation de tabac, et de 6,7 milliards pour les soins relatifs aux pathologies respiratoires. Pour le ministère de la transition écologique, ces dépenses recouvrent des mesures d'amélioration de la qualité de l'air, évaluées à 2,3 milliards d'euros en 2022.
Enfin, l'essentiel de l'augmentation de la dépense publique de soins s'explique par la croissance des médicaments anticancéreux innovants. S'agissant de la dépense du ministère de la transition écologique pour la qualité de l'air, elle doit faire l'objet d'un suivi à partir d'un indicateur de type sanitaire. Nous ne sommes pas capables de dire si l'amélioration de la qualité de l'air a permis d'améliorer, de diminuer ou de stabiliser la situation des patients atteints de pathologies respiratoires en l'absence de tels indicateurs.
Nos recommandations sont de deux types : un volet sur la prévention et le soin, un volet sur la stratégie et le pilotage.
La plupart de nos recommandations ne se traduisent pas par un coût. Revoir la gouvernance et le pilotage n'est qu'une question de volonté. Sur la prévention et le soin, un certain nombre d'outils n'induisent pas non plus de coûts supplémentaires.
Nos recommandations relatives à la prévention et au soin sont les suivantes : mettre en place une stratégie de prévention individualisée au moyen de l'espace numérique de santé en adressant aux patients à risque des messages de prévention individualisés (ministère de la santé, Cnam) ; sous réserve des résultats de l'expérimentation menée dans les Hauts-de-France, inclure dans « le bilan prévention » à 45 ans un auto-questionnaire en cinq questions en vue d'orienter les patients le nécessitant vers un test de dépistage respiratoire (ministère de la santé, Cnam) ; promouvoir les dispositifs numériques favorisant l'autonomie des patients, notamment des jeunes asthmatiques, et en proposer le référencement (Cnam).
Quant à la stratégie et au pilotage, nous recommandons : d'intégrer dans la Stratégie nationale de santé des objectifs sanitaires chiffrés en santé respiratoire et les mettre en cohérence avec ceux du PNSE (ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités) ; d'adopter une feuille de route « maladies respiratoires chroniques » et la mettre en cohérence avec le PNSE et la Stratégie nationale de santé, et fixer des objectifs quantitatifs (ministère de la santé) ; de doter le PNSE d'objectifs sanitaires mesurables pour l'asthme, la BPCO et le cancer du poumon ; en confier le suivi au Groupe santé environnement, et en assurer la déclinaison dans les Plans régionaux santé environnement. Ajouter au PNSE un indicateur de suivi de la dépense (ministère de la santé) ; intégrer systématiquement dans les contrats locaux de santé un volet consacré à la qualité de l'air extérieur et intérieur (ministère du travail, de la santé et des solidarités).
M. Philippe Mouiller, président. - Merci, Madame la présidente. Je vous poserai trois questions pour commencer.
Première question : Le rapport de la Cour souligne l'importance des déterminants socio-économiques dans le développement des pathologies respiratoires dont la prévalence est plus forte chez les individus appartenant à une catégorie socioprofessionnelle dite défavorisée ou vulnérable.
Parmi les outils à mobiliser pour favoriser le repérage précoce de ces pathologies, la Cour évoque l'espace numérique de santé, pour diffuser la culture de la prévention à l'aide de messages personnalisés, mais aussi les nouveaux rendez-vous de prévention.
Selon vous, une politique de prévention efficace ne doit-elle pas prévoir des actions « d'aller vers » pour cibler ces populations spécifiques, qui sont aussi les plus éloignées du soin ?
De ce point de vue, l'espace numérique de santé et les rendez-vous de prévention vous paraissent-ils des outils suffisants ? Quelles politiques complémentaires pourraient être mises en oeuvre au plus près des usagers ?
Deuxième question : En janvier 2024, Santé publique France a publié le résultat de travaux qui soulignent les risques associés à l'exposition des enfants de 6 à 11 ans dans les salles de classe à certains polluants. Environ 30 000 cas d'asthme évitables seraient imputables à ces composés organiques volatils et aux moisissures.
La question de la rénovation des bâtiments scolaires devrait donc constituer une priorité de la politique de santé respiratoire, impliquant les collectivités territoriales et le ministère de l'éducation nationale. Santé publique France avait même indiqué qu'une surveillance réglementaire de la qualité de l'air serait nécessaire au sein des établissements scolaires.
La Cour a-t-elle eu l'occasion d'explorer ce sujet particulier dans le cadre de la présente enquête ?
Enfin, troisième question : Le financement d'actions de prévention portées par l'Assurance maladie est en augmentation. Ces dépenses, estimées à 150 millions d'euros, restent principalement concentrées sur la lutte contre le tabagisme et le remboursement des substituts nicotiniques (à hauteur de 128 millions d'euros). En revanche, les dépenses consacrées aux actions de prévention de la qualité de l'air intérieur et extérieur, principalement à l'initiative de l'ARS, restent limitées, de l'ordre de 10 millions d'euros.
La Cour peut-elle éclairer la commission sur la façon dont se positionne la France en termes de financement de la prévention en santé respiratoire par rapport à d'autres pays européens ?
Mme Véronique Hamayon. - L'efficacité des politiques de prévention repose sur une double approche, l'approche globale et populationnelle, par exemple avec les campagnes de sensibilisation à la lutte contre le tabac, et des actions individualisées et ciblées, notamment pour favoriser l'individualisation de la prise en charge, et le ciblage social et géographique des publics.
Pour ce qui concerne la BPCO, pathologie la plus importante en nombre de personnes touchées, elle est aussi celle qui recèle les plus importantes inégalités socio-économiques. Elle est aujourd'hui insuffisamment détectée tant par méconnaissance de ses symptômes par les fumeurs eux-mêmes, que par les professionnels de santé de première ligne, qui ne sont pas toujours outillés pour la repérer. La BPCO a l'image d'une maladie inéluctable sans traitement adapté. La toux d'une personne fumeuse de plus de 50 ans est considérée comme presque « normale ». C'est notamment pour cette raison qu'ont été mis en place les rendez-vous prévention, pour permettre un repérage précoce en population générale.
Il importe aussi de sensibiliser autant les professionnels de santé que les patients à la nécessité d'avoir recours à des méthodes thérapeutiques non médicamenteuses, dont l'efficacité a été démontrée. Les rendez-vous de prévention sont destinés à favoriser la logique de l'« aller vers », tout comme la formation des médecins généralistes qui peuvent, en étant mieux formés, conseiller à leur patient de réaliser un examen pour diagnostiquer la BPCO, avec le recours à la spirométrie.
S'agissant de l'espace numérique de santé, il en est à ses débuts. Il ne peut pas, en l'état, suffire mais il est un progrès indéniable. Les évolutions en cours prévoient la diffusion de messages de prévention personnalisés sur la base des informations fournies par l'usager, qui serviront également de base de renseignement pour personnaliser les rendez-vous prévention. Il faut aussi penser aux générations à venir puisque 80 % de la population est susceptible d'utiliser cet outil.
Outre l'amélioration de l'existant (rendez-vous prévention, espace numérique de santé), le rapport propose de durcir les conditions de mise en oeuvre du PNSE afin de mieux évaluer l'efficacité des politiques conduites par les pouvoirs publics.
Nous n'avons pas regardé spécifiquement ce qui se passait dans les écoles car cela sortait du champ de notre enquête. La loi Grenelle II a rendu obligatoire la surveillance de la qualité de l'air intérieur dans les établissements recevant du public, notamment les enfants. Le PNSE a renforcé ces mesures. Depuis 2022, l'évaluation devient annuelle et doit être réalisée d'ici fin 2024. Des progrès ont donc été réalisés. C'est d'ailleurs nécessaire, car 96 % des écoles primaires ont des taux de particules fines dépassant les valeurs de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Les ARS interviennent, en complément de la DREAL, pour contrôler ces actions. Les pratiques sont très hétérogènes selon les territoires.
La lutte contre le tabagisme donne des résultats tangibles, bien qu'insuffisants. La conjugaison de l'augmentation du prix du paquet, du remboursement des substituts nicotiniques, le Mois sans tabac et l'extension des lieux sans tabac ont porté leurs fruits. La baisse du nombre de fumeurs est assez sensible, mais moindre que ce à quoi nous aspirions. Le taux de consommation est passé de 42 % à 24,5 % entre 1974 et 2022. Cette politique doit continuer, notamment en faveur des femmes et des catégories socioprofessionnelles défavorisées, qui sont les plus touchées.
La Cour travaille actuellement à un chapitre du prochain rapport public annuel portant sur les addictions des jeunes aux drogues et à l'alcool. En effet, si les résultats pour le tabac sont bons sur cette génération, ce n'est pas le cas en matière de drogues ou d'alcoolisme.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Avec ma collègue Cathy Apourceau-Poly, nous travaillons à un rapport sur la fiscalité comportementale. Les politiques de lutte contre le tabagisme ont porté leurs fruits mais ce n'est pas suffisant. Nous avons observé une baisse du tabagisme en France mais le niveau de prévalence reste très élevé par rapport à nos voisins. Le tabagisme a stagné dans les populations âgées et baissé chez les jeunes, mais peut-être ces derniers se tournent-ils vers d'autres produits.
Les mesures avancées dans le nouveau Plan national de lutte contre le tabac vous paraissent-elles suffisantes pour obtenir une génération sans tabac ?
Concernant la santé environnement, vous dites qu'il faut une collaboration entre les ministères, et une cohérence des plans de lutte. J'observe que certaines ARS sont sensibles à ce sujet et ont recruté des médecins chargés de l'expertiser dans les contrats territoriaux de santé. Il faudrait capitaliser sur les territoires qui effectuent ce genre de démarches et les développer au niveau national. Avez-vous une méthode pour rendre efficace cette coordination ?
Mme Véronique Hamayon. - Le dernier plan de lutte contre le tabac est ambitieux, puisqu'il a fixé à 20 % l'objectif de prévalence générale du tabagisme, et à 10 % chez les jeunes. Nous regrettons cependant l'insuffisant ciblage des femmes, notamment des femmes enceintes, et la difficulté à faire baisser la consommation de tabac au sein des catégories socioprofessionnelles les plus fragiles. La différence avec les autres pays européens est patente. Il y a une certaine tolérance envers le tabagisme des femmes enceintes, contrairement à l'alcoolisme. Il faut produire un effort envers cette population particulière.
Nous appelons à développer une vision d'ensemble coordonnant la stratégie nationale de santé et le PNSE. Il faut ensuite que des feuilles de route soient établies pour les pathologies chroniques (BPCO, asthme) et le cancer du poumon. Il faut impérativement des indicateurs chiffrés à chaque niveau.
Mme Corinne Imbert. - Votre rapport souligne qu'une politique de prévention doit pouvoir s'appuyer sur une offre de soins de premier recours étoffée et structurée dans l'ensemble des territoires. Cela nous renvoie à notre audition récente sur la démographie médicale. Vous avez évoqué la question de la formation des professionnels. Cela passe aussi par l'organisation de modèles innovants entre professionnels de santé et, pourquoi pas, en s'appuyant sur de la télésurveillance. Compte tenu des difficultés actuelles de la démographie médicale, à quel horizon cette recommandation est-elle atteignable ?
Vous recommandez un auto-questionnaire à 45 ans. Pourquoi pas plus tôt ?
Concernant les modèles de prise en charge à promouvoir, comment la Cour explique-t-elle la faible diffusion de l'éducation thérapeutique du patient en dehors du champ hospitalier ? Vous êtes-vous rapproché de la Cnam pour savoir combien d'accompagnements pharmaceutiques de patients asthmatiques étaient réalisés ?
Enfin, vous avez dit que stratégie et pilotage étaient une question de volonté et non de coût. Toutefois, une stratégie peut se décliner en plusieurs actions qui peuvent avoir un coût. Avez-vous une approche sur ce point ?
M. Olivier Henno. - Cela fait effectivement le lien avec la précédente audition et la nécessité d'aller vers plus de prévention. Je suis toujours surpris de constater à quel point on est plus efficace en intervenant très tôt, dès l'école. Ne serait-il pas opportun d'inclure plus systématiquement le ministère de l'éducation nationale dans ces travaux ?
Mme Véronique Hamayon. - Nous ne parlons pas forcément de formation initiale des professionnels de santé. Il peut s'agir d'enrichissement des connaissances par la formation continue. C'est surtout une question de sensibilisation aux approches non médicamenteuses, qui ne sont pas encore bien connues des médecins généralistes. Cette sensibilisation peut être effectuée rapidement et à faible coût, pour des résultats tangibles à court terme.
Nous ne préconisons pas l'auto-questionnaire avant 45 ans car, hormis l'asthme, ces pathologies apparaissent avec l'âge parce qu'elles sont liées à un tabagisme à long terme. L'asthme, en revanche, touche majoritairement les enfants.
Votre question rejoint celle sur l'accompagnement des patients asthmatiques par les pharmaciens. Aujourd'hui, environ 1 000 d'entre eux effectuent cet accompagnement en France. C'est une piste intéressante. Lorsque ce dispositif sera plus développé, nous pourrons avoir une vision de son efficience.
Concernant les coûts induits par la stratégie, nous pouvons chiffrer les économies liées aux hospitalisations en urgence qui pourraient être évitées (185 millions d'euros). La mise en place d'un meilleur dépistage, d'une sensibilisation des médecins, d'une spirométrie à l'issue du questionnaire, représentent des coûts assez modestes. Aucune de nos recommandations n'induit de coûts importants.
Vous avez raison sur le fait que le ministère de l'éducation nationale devrait travailler de concert avec le ministère de la santé pour sensibiliser à l'asthme et le repérer dans les écoles. Plus les enfants grandissent, plus l'asthme est important.
Mme Juliette Meadel, conseillère référendaire. - Il faut aussi mobiliser les communes. Nous avons investigué un cas de moisissures dans une école en Finlande. Ils ont constaté qu'une quinzaine d'enfants et d'enseignants étaient tombés malades (asthmes, maux de tête). Ils adoptent une approche intégrée de la santé respiratoire mêlant les collectivités locales et l'État dans une prise en compte de tout l'environnement. Lorsque des maladies sont détectées, ils enquêtent immédiatement sur la qualité de l'air. Ils ont engagé des travaux intriquant la commune et l'État de manière très réactive.
M. Khalifé Khalifé. - Jusqu'à il y a quelques années, des radiographies du poumon étaient systématiquement effectuées par la médecine du travail au titre du dépistage. Les données issues de cette enquête incitent-elles à revenir sur cette décision ?
Les écoles et les communes ont été fortement sensibilisées au problème de la qualité de l'air pendant la crise du covid-19. Cependant, dans les logements collectifs, les communes sont fréquemment sollicitées au sujet de problèmes d'asthme mais sont impuissantes.
Enfin, ne pensez-vous pas qu'il faudrait être encore plus sévère en matière de lutte contre le tabac ? À quand l'hôpital sans tabac ?
M. Bernard Jomier. - Vous constatez que la santé respiratoire relève surtout de la prévention mais les choses ne bougent pas beaucoup. Vous avez notamment évoqué les questions de gouvernance. Il y a deux ans, nous avions présenté à la commission un rapport sur la santé environnementale mais rien n'est fait. Le ministère de la santé est malheureusement beaucoup moins impliqué que le ministère de la transition écologique. Il existe une vingtaine de plans en santé environnementale mais il n'y a pas de priorités identifiables. L'air des crèches, par exemple, dépend de deux choses : l'air extérieur et les matériaux utilisés à l'intérieur. C'est donc une question de réglementation. Il suffirait donc de légiférer pour interdire les meubles en bois pressé et éviter ainsi les composés organiques volatils (COV). Qu'est-ce qui coince, au niveau de l'État, pour que ces rapports, pourtant bien documentés, ne débouchent pas sur des changements ?
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Vous avez évoqué le coût de la prise en charge d'urgence des patients, notamment atteints d'asthme. J'ai le sentiment qu'il y a une sorte de résignation des patients, qui apprennent à vivre avec leur maladie. Comment éviter le renoncement aux soins ou l'abandon d'un traitement ? Comment faire en sorte que les protocoles de soins soient plus coordonnés, par exemple lorsque des traitements pour l'asthme sont incompatibles avec des molécules utilisées en cardiologie ?
Nous avons vu durant la crise du covid-19 comment les collectivités locales ont été obligées d'installer des capteurs dans les écoles et les crèches. Cela coûte beaucoup d'argent. Elles n'en ont pas toujours les moyens. Ne faut-il pas, en amont, s'interroger sur le bâti, la politique patrimoniale des collectivités locales et sur les matériaux ?
Mme Véronique Hamayon. - Nous n'avons pas étudié la question du dépistage du cancer du poumon par radiologie, mais un travail est en cours par l'Institut national du cancer (INCa) et la Haute Autorité de santé (HAS) sur un dépistage par scanner à faible dose.
Effectivement, les collectivités locales peuvent intervenir dans les bâtiments collectifs, mais c'est plus difficile dans les habitats collectifs.
La population qui fume n'est pas du tout sensibilisée à la BPCO, alors que cela concerne 3,5 millions de personnes. Plus le dépistage est précoce, plus l'accompagnement thérapeutique est efficace. C'est pourquoi nous insistons sur la nécessité d'un dépistage à 45 ans.
Je ne peux être que d'accord avec le constat de M. Jomier. Les résultats de la prévention restent insuffisants. Il existe non pas 20, mais 37 plans, sans priorités clairement affichées. Il faut fixer des objectifs sanitaires au PNSE et que son pilotage soit transféré au ministère de la santé.
La prise de conscience des patients passe par la prévention, la formation et la sensibilisation des médecins. C'est un travail de longue haleine. Au-delà de la question des pathologies respiratoires, il existe un problème de coordination des professionnels de santé. D'où l'espoir mis dans l'espace numérique en santé.
Concernant le bâti scolaire, la réponse est aux mains des collectivités locales.
M. Philippe Mouiller, président. - Merci, Madame la présidente. Merci à toutes les personnes qui ont travaillé sur ce rapport, qui alimentera les travaux de la commission.
La commission autorise la publication de l'enquête sous la forme d'un rapport d'information.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES
Consultable uniquement en version pdf.
* 1 La santé environnementale est définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis la Conférence d'Helsinki en 1994 comme comprenant « les aspects de la santé humaine, y compris la qualité de la vie, qui sont déterminés par les facteurs physiques, chimiques, biologiques, sociaux, psychosociaux et esthétiques de notre environnement ».
* 2 Article L. 1411-1 du code de la santé publique.
* 3 Des facteurs génétiques peuvent également exister.
* 4 Sénat, rapport d'information n° 479 (2020-2021) de M. Bernard Jomier et Mme Florence Lassarade, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur les orientations et la gouvernance de la politique de santé environnementale.
* 5 Conseil général de l'environnement et du développement durable, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des finances, Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, conseil général de l'alimentation, de l'agriculture, et des espaces ruraux, La santé environnement : recherche, expertises et décisions publiques, décembre 2020.
* 6 L'Inserm précise toutefois que pour 10 % à 15 % des adultes asthmatiques, les expositions professionnelles sont la cause ou engendrent une aggravation de la maladie : « Asthme : une inflammation chronique des bronches de mieux en mieux contrôlée », 13 juillet 2023 ( www.inserm.fr/dossier/asthme).
* 7 Santé publique France, Impact de la pollution de l'air ambiant sur la mortalité prématurée en France métropolitaine. Réduction en lien avec le confinement du printemps 2020 et nouvelles données sur le poids total pour la période 2016-2019, avril 2021.
* 8 OCDE, Évaluation du programme national de lutte contre le tabagisme en France, Document de travail sur la santé n° 155, 16 juin 2023.
* 9 Selon l'OMS, l'augmentation des prix du tabac par la hausse de la fiscalité constitue la mesure de lutte contre le tabagisme la plus efficiente.
* 10 9 343 abonnés étaient dénombrés en 2023.
* 11 Santé publique France, résultats de la première évaluation quantitative des impacts sur la santé (EQIS) de la pollution de l'air dans les salles de classes des écoles élémentaires.
* 12 Dans la continuité d'un rapport de la HAS du 1er février 2022 indiquant un avis favorable de l'autorité sanitaire à l'expérimentation d'un dépistage organisé chez les personnes à risque élevé de cancer du poumon, un projet pilote devrait être initié par l'INCa.
* 13 Articles L. 1161-1 à L. 1161-6 du code de la santé publique.
* 14 Conseil général de l'environnement et du développement durable, Inspection générale des affaires sociales, Inspection générale des finances, Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, conseil général de l'alimentation, de l'agriculture, et des espaces ruraux, La santé environnement : recherche, expertises et décisions publiques, décembre 2020.
* 15 Inspection générale des affaires sociales, La santé-environnement dans les travaux de l'Igas, Rapport de capitalisation 2013-2022, octobre 2023.
* 16 Il s'agit de la recommandation n° 16 du rapport.