N° 728

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l'immobilier de la gendarmerie nationale,

Par M. Bruno BELIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

I. L'IMMOBILIER DE LA GENDARMERIE EST DANS UNE SITUATION DÉGRADÉE MALGRÉ LES DÉPENSES CROISSANTES PORTÉES PAR LE COÛT DES LOYERS

A. LA FONCTION IMMOBILIÈRE EST UNE FONCTION STRATÉGIQUE DANS LA GENDARMERIE AU REGARD DE L'OBLIGATION DE LOGEMENT EN CASERNE DES GENDARMES ET DE LEURS FAMILLES

Les militaires de la gendarmerie nationale résident par principe en casernement, à proximité de leur lieu de travail. Le logement en caserne, qui concerne également les familles des gendarmes, est à la fois un droit et une sujétion pour les militaires de la gendarmerie qui résulte de leur statut1(*) et qui garantit leur disponibilité.

Le parc de la gendarmerie nationale comporte également, outre les immeubles de logements, des locaux de service et techniques dédiés à la réalisation des missions de maintien de la sécurité et de l'ordre public de la gendarmerie.

La gendarmerie occupe

réparties dans la zone gendarmerie nationale qui recouvre

et

 
 
 

casernes

du territoire

de la population

Conditions de résidence des personnels de la gendarmerie nationale

(en ETPT en 2023)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Pour financer le parc immobilier qu'elle occupe, la gendarmerie bénéficie chaque année d'une enveloppe budgétaire, correspondant à 923 millions d'euros en 2023. Les marges de manoeuvre dont dispose le responsable de programme sont néanmoins limitées au regard du poids des loyers qui représentent 64 % de cette enveloppe.

Sur le périmètre des crédits restant, le rapporteur spécial souligne que le parc souffre d'un déficit d'investissements qui ne représentent que 39 % des dépenses budgétaires immobilières hors loyer. En particulier, seuls 18 millions d'euros sont consacrés à l'acquisition et à la construction de nouveaux bâtiments pour la gendarmerie nationale.

Dépenses immobilières de la gendarmerie nationale en 2023

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Le logement en caserne des gendarmes garantit la permanence de la réponse opérationnelle et un service de proximité efficace.

B. LA GENDARMERIE OCCUPE UN PARC DE 11 MILLIONS DE MÈTRES CARRÉS MARQUÉ PAR LA « DETTE GRISE » DU PARC DOMANIAL ET LE COÛT CROISSANT DU PARC LOCATIF

La gendarmerie occupe 649 casernes domaniales, c'est-à-dire dont l'État est propriétaire. Ce parc immobilier est le fruit de l'histoire de la gendarmerie nationale et il comporte des immeubles d'époques différentes dont certains ont été construit il y a plus de cent ans. Ce patrimoine historique, qui est un actif essentiel de la gendarmerie et qui contribue à la qualité de son service, se trouve dans une situation dégradée par le manque d'investissement en matière de maintenance et de réhabilitation des bâtiments.

Écart entre le besoin d'investissements immobiliers
et les investissements réalisés dans le parc domanial

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Alors que la gendarmerie évalue les besoins d'investissement dans la maintenance de son parc entre 300 et 400 millions d'euros, l'enveloppe allouée à ces travaux est systématiquement inférieure de plus de 50 % de cette estimation depuis plus de dix ans.

Cette période de sous-investissement systématique a contribué à la dégradation du parc domanial et a constitué une « dette grise », qui correspond à l'écart accumulé entre les besoins d'investissement et les investissements effectivement réalisés, et s'élève désormais à 2,2 milliards d'euros cumulés en dix ans.

Le sous-investissement dans la maintenance du parc domanial a généré une « dette grise » de plus de deux milliards d'euros en dix ans.

En plus de son parc domanial, la gendarmerie occupe également 3 075 casernes locatives réparties sur l'ensemble du territoire et qui représentent plus de la moitié de la surface occupée par la gendarmerie. Les investissements de maintenance des bâtiments du parc locatif, qui ont été construits plus récemment, sont à la charge des propriétaires et le rapporteur spécial relève que ce schéma aboutit à un meilleur état de santé de ces bâtiments.

Pour la construction des casernes locatives, la gendarmerie nationale s'appuie sur deux catégories principales de financeurs publics. En premier lieu, les collectivités territoriales peuvent participer au financement des immeubles destinés à la gendarmerie conformément aux dispositions du décret du 28 janvier 1993. En second lieu, le décret du 26 décembre 2016 prévoit que les organismes d'habitations à loyer modéré peuvent également financer la construction de casernes en bénéficiant d'une garantie apportée par des collectivités pour le financement de l'opération.

Du fait de la faible capacité d'investissement immobilier de la gendarmerie dans la période récente, l'extension du parc de la gendarmerie repose sur l'extension de son parc locatif en conséquence de quoi le rapporteur spécial souligne que les loyers représentent un poids croissant qui vient réduire d'autant la capacité d'investissement de la gendarmerie en termes de maintenance, de réhabilitation mais aussi de constructions et d'acquisitions.

Coût annuel des loyers versés par la gendarmerie nationale

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

II. MOBILISER DES FINANCEMENTS INNOVANTS ET SÉCURISER LA PROGRAMMATION DES INVESTISSEMENTS POUR LUTTER CONTRE LE DÉSORDRE BÂTIMENTAIRE

A. CONFIRMER LE RECOURS AUX FINANCEMENTS INNOVANTS ET CONSOLIDER LA PARTICIPATION DES COLLECTIVITÉS LOCALES AU DÉPLOIEMENT DES 200 NOUVELLES BRIGADES TERRITORIALES

Le poids des loyers versés chaque année par la gendarmerie nationale, qui concentrent 64 % du budget immobilier total de la gendarmerie, a pour conséquence de réduire considérablement les marges de manoeuvre dont dispose le responsable de programme pour investir dans l'extension du parc domanial. Pour autant, le durcissement des contraintes opérationnelles de la gendarmerie induit des investissements immobiliers en dépit du risque d'impasse de financement.

Pour répondre à cette difficulté, le rapporteur spécial recommande de mobiliser des modes de financement innovants et en particulier de recourir au marché de partenariat pour les projets immobiliers structurant de la gendarmerie, dont en priorité les projets sur le plateau de Satory et à Dijon.

B. PRIORISER LES URGENCES À TRAITER ET MIEUX PROGRAMMER À MOYEN TERME LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS

L'état dégradé du parc domanial résultant de plus d'une décennie de sous-investissement chronique a des conséquences concrètes pour les gendarmes et leurs familles qui ont l'obligation de travailler et de vivre dans des conditions extrêmement dégradées dans certaines situations.

Pour répondre dans l'urgence à ces situations et améliorer visiblement le quotidien des gendarmes, le rapporteur spécial recommande de dresser chaque année une liste de « points noirs immobiliers » à traiter en cours d'exercice pour en assurer un suivi régulier et transparent.

La gendarmerie doit investir de manière régulière et visible pour améliorer le quotidien des gendarmes et de leurs familles.

L'amélioration de la réponse apportée à des situations d'urgence ne doit pas masquer le problème structurel de sous-investissement dans le parc domanial et le rapporteur spécial recommande également de publier chaque année une trajectoire triennale des investissements de maintenance et de réhabilitation de manière à rendre visible le sous-investissement et à engager une dynamique de réinvestissement dans la maintenance du parc domanial.


* 1 Art. L. 4145-2 du code de la défense.

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