B. L'INSUFFISANCE DE L'INVESTISSEMENT DANS LE PARC DOMANIAL DE LA GENDARMERIE NATIONALE SE TRADUIT PAR DES COÛTS CROISSANTS ASSOCIÉS À SON PARC LOCATIF

1. La gendarmerie nationale dispose d'un important parc immobilier domanial qui est insuffisamment entretenu
a) Les 649 casernes domaniales de la gendarmerie nationale représentent une surface de plus de cinq millions de mètres carrés

La constitution du parc immobilier de la gendarmerie nationale résulte des constructions ou achats successifs intervenus au cours de l'histoire de la gendarmerie nationale et certains bâtiments occupés aujourd'hui, que le rapporteur a pu visiter lors de ses déplacements, sont des constructions anciennes à l'image du Fort d'Issy, construit dans les années 1840, dont un bastion est utilisé par le siège de la direction générale de la gendarmerie nationale, ou des immeubles en meulière de la caserne Delpal sur le plateau de Satory qui ont été construit en 1933.

Le parc domanial de la gendarmerie nationale comprend l'ensemble des bâtiments dont l'État est propriétaire et qui sont occupés par la gendarmerie soit dans le cadre de l'obligation de logement des militaires de la gendarmerie soit comme locaux de service et techniques (LST)23(*). Les locaux de service et techniques réunissent tous les espaces de travail des gendarmes, dont notamment les bureaux, les lieux de stockage du matériel, les lieux d'entraînement, les lieux d'accueil du public et les lieux de sûreté qui doivent être adaptés à la mission spécifique de la gendarmerie.

Le parc domanial de la gendarmerie est constitué, à la fin de l'exercice 2023, de 649 casernes pour une surface utile brute (SUB) de 5 225 479 m2. Il est à relever que le parc domanial de la gendarmerie nationale représente à lui seul 65 % du parc domanial de l'État possédé par le ministère de l'intérieur.

Répartition par région des logements domaniaux
de la gendarmerie nationale

(en nombre de logements)

Note : le code couleur correspond au nombre de logements domaniaux appartenant à la gendarmerie nationale par région métropolitaine

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Du fait de la spécificité de la gendarmerie, et en particulier du statut militaire de ses agents et de l'obligation de logement en casernement qui y est rattaché, le parc immobilier domanial de la gendarmerie est largement constitué de logements familiaux. Sur une surface totale de 5,2 millions de m2, les logements représentent 2,5 millions de m2 soit 48 % du parc. Le reste du parc est constitué par les locaux de service et techniques (LST) qui occupent 2,7 millions de m2 soit une moyenne de 4 160 m2 par caserne domaniale.

Comme il a été rappelé, les bâtiments de la gendarmerie nationale sont pour certains très anciens et le maintien en bon état de ces bâtiments est un enjeu déterminant pour assurer de bonnes conditions de logement aux militaires concernés et pour assurer des conditions de travail adéquate dans les locaux de service et techniques. Pour mesurer « l'état de santé des bâtiments », la direction de l'immobilier de l'État (DIE) et la gendarmerie nationale utilisent un diagnostic technique aboutissant à attribuer à chaque bâtiment une note entre 1 et 4, la note 1 étant attribuée à un bâtiment vétuste et la note 4 étant attribuée à un bâtiment en très bon état.

Sur l'ensemble du territoire, le parc domanial de la gendarmerie nationale dispose d'un diagnostic technique moyen de 3, soit un état de santé bâtimentaire inférieur de 14 % à celui des bâtiments loués par la gendarmerie nationale. Dans plusieurs régions, dont notamment les régions Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Île-de-France et Pays de la Loire, le diagnostic technique des bâtiments domaniaux est inférieur à 3, ce qui témoigne de la nécessité de mieux entretenir ces bâtiments dont l'État est propriétaire.

État technique24(*) des bâtiments domaniaux
de la gendarmerie nationale par région

(diagnostic technique entre 1 et 4)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Enfin, les investissements importants en matière de maintien en l'état du parc domanial de la gendarmerie nationale résultent notamment du fait que peu de bâtiments domaniaux ont été construits par la gendarmerie dans les années récentes. Par conséquent, le parc domanial est composé de bâtiments dont la majorité ont été construits dans les années 1970 à 1990 et qui demandent des investissements de maintenance et de réhabilitation conséquents. Dans certains cas qui représentent 766 logements domaniaux de la gendarmerie, le bâtiment a été construit il y a plus de cent ans.

L'âge moyen des locaux de service et techniques (LST) du parc domanial est ainsi de 58 ans et celui des logements domaniaux de 51 ans, ce qui signifie qu'en moyenne un gendarme logé dans le parc domanial vit avec sa famille dans un logement construit en 1973.

Répartition par âge des logements du parc domanial de la gendarmerie

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

b) Le sous-investissement chronique dans les travaux de maintenance et de réhabilitation a constitué une dette grise de plus de 2 milliards d'euros en dix ans

En tant qu'occupante et propriétaire de son parc immobilier domanial, la gendarmerie nationale est tenue de prendre en charge chaque année des dépenses importantes qui correspondent à l'entretien des bâtiments du parc domanial.

En premier lieu, le budget de la gendarmerie, abondé par le programme 152 « Gendarmerie nationale », finance les dépenses immobilières de fonctionnement (titre 325(*)) du parc domanial. Ces dépenses correspondent à celles qui sont mises à la charge de la gendarmerie en tant qu'occupante du parc.

En second lieu, le budget de la gendarmerie finance également les dépenses immobilières d'investissement (titre 526(*)) du parc domanial, c'est-à-dire les dépenses mises à la charge de la gendarmerie en qualité de propriétaire des bâtiments.

Pour maintenir en bon état ses bâtiments domaniaux, la direction générale de la gendarmerie nationale estime son besoin annuel de financement à 400 millions d'euros, dont 270 millions d'euros au titre des dépenses d'investissement, de maintenance et de réhabilitation à la charge du propriétaire et 130 millions d'euros au titre des dépenses de fonctionnement d'entretien à la charge de l'occupant.

Cette estimation du besoin annuel de financement pour le maintien en état du parc domanial de la gendarmerie a évolué à partir de l'année 2023 pour passer de 300 millions d'euros par an à 400 millions d'euros par an. Cette réévaluation s'explique par deux facteurs principaux.

En premier lieu, les coûts de construction et de travaux d'entretien ont connu un phénomène d'inflation avec une augmentation de 30 % de l'indice du coût de la construction (ICC) depuis 2012 et de 27 % de l'indice de prix des travaux d'entretien et d'amélioration (IPEA). En second lieu, la gendarmerie a renforcé ses investissements bâtimentaires pour assurer la sécurisation des casernes, notamment domaniales, en particulier depuis l'attentat de Magnanville en juin 2016. Les besoins en investissement dans le parc domanial pour assurer des travaux de sécurisation sont estimés à 300 millions d'euros répartis selon un rythme de 15 millions d'euros par an pendant vingt ans.

Écart entre le besoin d'investissements immobiliers
et les investissements réalisés dans le parc domanial

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

La trajectoire des crédits immobiliers de la gendarmerie nationale depuis dix ans fait apparaître une sous-dotation chronique du parc immobilier domanial de la gendarmerie nationale.

Entre 2014 et 2022, alors que les besoins financiers en matière immobilière étaient estimés à 300 millions d'euros par an, les crédits de paiement exécutés par la gendarmerie nationale en matière immobilière sont restés dans un intervalle entre 39 et 123 millions d'euros. Cela fait par conséquent plus d'une décennie que les crédits immobiliers de la gendarmerie n'ont pas atteint 50 % des besoins estimés de financement pour conserver en état les bâtiments domaniaux qui servent de cadre de travail aux gendarmes et de cadre de vie à leurs familles.

L'écart qui existe chaque année entre les besoins d'investissement immobiliers et les travaux effectivement engagés par la gendarmerie est constitutif d'une « dette grise » pour le parc domanial de la gendarmerie, qui correspond au besoin à couvrir accumulé au fil des années et qui se traduit par une dégradation de l'état des bâtiments concernés. En se tenant aux dix exercices compris entre 2014 et 2023, la gendarmerie nationale a constitué une dette grise de 2 208 millions d'euros de retard d'investissement dans le maintien en état de ses bâtiments. Le rapporteur relève par surcroît que l'estimation de cette dette grise est minorée par le périmètre temporel retenu de seulement dix ans, eu égard au fait que le phénomène de sous-investissement avait débuté avant 2014 et que par conséquent cette estimation constitue un minimum.

Évolution de la dette grise du parc domanial de la gendarmerie
entre 2014 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Enfin, la croissance constante de cette dette grise n'est pas sans effet sur le parc immobilier domanial de la gendarmerie. En effet, au-delà de la dégradation des conditions de vie et de travail des militaires de la gendarmerie, le sous-investissement chronique en matière immobilière a pour conséquence l'abandon de certains casernes domaniales lorsque le niveau de criticité des bâtiments se traduit par un montant d'investissement qui dépasse les marges d'intervention du programme 152 « Gendarmerie nationale ».

Depuis vingt ans, plus de deux cents casernes domaniales ont été abandonnées par la gendarmerie nationale, en étant pour certaines remplacées par de nouveaux bâtiments loués et relevant du parc locatif de la gendarmerie.

De même, les casernes domaniales du Creusot, de Douai et de Boulay présentent actuellement un besoin significatif de réhabilitation et ne pourront être conservées au sein du parc domanial de la gendarmerie qu'au prix d'un effort substantiel d'investissement immobilier pour les maintenir en état.

2. La gendarmerie nationale occupe un vaste parc locatif de plus de 3 000 casernes dont l'extension alourdit ses dépenses annuelles de loyer
a) La gendarmerie nationale occupe 3 075 casernes locatives et dispose d'un parc locatif de 5,9 millions de m2 de surface

Le parc domanial de la gendarmerie nationale, malgré son étendue et sa capacité d'accueil de 30 500 logements, ne permet pas de couvrir l'ensemble des besoins de la gendarmerie qui compte 95 000 militaires en poste et dont la zone recouvre 95 % du territoire national.

Par conséquent, la gendarmerie occupe un parc immobilier scindé en deux parties : au parc domanial, s'ajoute un parc locatif constitué de bâtiments que la gendarmerie utilise à la fois pour loger les militaires de la gendarmerie et leurs familles sous le régime du logement concédé par nécessité absolue de service (LCNAS) et pour servir de locaux de service et techniques (LST) pour toutes les activités opérationnelles de la gendarmerie, y compris en matière de lieux de sûreté ou d'accueil du public. Le rapporteur relève à ce titre que pour la réalisation de la mission éminemment régalienne de la gendarmerie nationale, l'État s'appuie largement sur des bâtiments dont il n'est pas propriétaire, dès lors que le parc locatif représente 53 % de la surface totale du parc immobilier de la gendarmerie nationale.

Le parc locatif de la gendarmerie permet d'une part l'implantation d'unités de gendarmerie dans des casernes locatives qui associent des logements et des locaux de service et techniques (LST) et d'autre part le logement de gendarmes à proximité des casernes, dans des logements qui constituent des prises à bail extérieures. Sur les 48 108 logements du parc locatif, 12 589 correspondent à des prises à bail en dehors des casernements.

Répartition par région des logements locatifs de la gendarmerie nationale

(en nombre de logements)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

En dehors des loyers qui sont financés par des crédits de fonctionnement (titre 3), les besoins d'investissements de la gendarmerie dans le parc locatif sont limités. En particulier, si elle doit prendre en charge les dépenses de l'occupant, dont notamment l'entretien courant et la gestion du parc, les investissements lourds en matière de maintenance et de réhabilitation sont financés par le propriétaire des bâtiments concernés.

De cette répartition des charges résulte un état de santé des bâtiments du parc locatif de la gendarmerie qui est meilleur que celui des bâtiments du parc domanial. Sur l'ensemble des bâtiments locatifs de la gendarmerie, la note moyenne de diagnostic technique obtenue est de 3,48 contre 3 pour les bâtiments domaniaux sur une échelle de ce diagnostic qui va de 1 à 4. L'écart de 0,48 point est donc substantiel.

État technique des bâtiments locatifs de la gendarmerie nationale
par région

(diagnostic technique entre 1 et 4)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Par conséquent, les sous-investissements constatés en matière de maintien en état du parc domanial se traduit par une situation dans laquelle les conditions de vie des familles des gendarmes et de travail des militaires de la gendarmerie nationale sont, au regard de l'état des bâtiments, meilleures dans les bâtiments loués par la gendarmerie que dans les bâtiments qui appartiennent à l'État.

Il est également à relever que le parc domanial est en général plus ancien que le parc locatif et que les logements locatifs ont en majorité été construits depuis la fin des années 1990. Alors que l'investissement dans la construction du parc domanial est atone, plus de 6 500 logements du parc locatif sont des logements récents construits depuis 2013. Cet écart dans l'âge des bâtiments du parc locatif explique également en partie le meilleur état technique des bâtiments concernés, dont plus de la moitié ont été construit il y a moins de vingt-cinq ans.

Répartition par âge des logements du parc locatif de la gendarmerie

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

b) Le parc locatif de la gendarmerie nationale est constitué de bâtiments pris à bail notamment auprès de collectivités territoriales ou d'organismes d'habitations à loyer modéré

Pour financer la construction de nouvelles casernes locatives et compte tenu de l'impossibilité pour la gendarmerie de dégager des marges d'investissement suffisantes pour étendre le parc des casernes domaniales, la gendarmerie nationale s'appuie sur deux catégories d'acteurs, les collectivités territoriales et les organismes d'habitations à loyer modéré, qui financent la construction de casernes dont ils sont propriétaires et qui reçoivent en contrepartie des loyers versés par l'État au titre de l'occupation de ces casernes.

Il est à relever que parallèlement à ces deux montages conventionnels qui permettent de construire des casernes locatives associant des bâtiments de logement et des locaux de service et techniques (LST), la gendarmerie opère également des prises à bail auprès d'autres acteurs plus diversifiés du parc privé pour s'assurer de la disponibilité de logement à proximité des casernes, soit dans des ensembles immobiliers où sont regroupés plusieurs familles de gendarmes, soit dans des logements loués individuellement par la gendarmerie nationale.

Le cas particulier des pelotons d'autoroute

La gendarmerie nationale compte 26 pelotons d'autoroute qui assurent la sécurité sur les tronçons autoroutiers du réseau national.

La construction des locaux prévus pour assurer les missions de police sur autoroute a été mise à la charge des sociétés concessionnaires des autoroutes qui sont tenues de mettre à disposition de la gendarmerie à titre gratuit les bâtiments correspondants.

Cette situation présente des risques dès lors qu'il apparait que les immeubles concernés ne font pas dans certains cas l'objet d'investissements suffisants en maintenance, dégradant ainsi les conditions de travail des unités concernées, sans que la gendarmerie soit en mesure d'investir pour la maintenance ou l'extension d'immeubles qui ne lui appartiennent pas.

À titre d'illustration, le rapporteur a constaté lors de son déplacement dans la Vienne le 14 mai 2024 que les locaux mis à disposition du groupe de gestion local des flux (GGLF) rattaché au peloton de motorisé (PMo) de Châtellerault par le groupe Vinci n'étaient plus adaptés aux besoins de cette unité. À ce titre, il est regrettable qu'en dépit des solutions proposées par la gendarmerie pour aménager ce site par l'ajout d'un bâtiment modulaire, le courrier transmis par le rapporteur au groupe Vinci n'ai pas fait l'objet d'une réponse en vue de trouver une solution concertée pour améliorer les conditions de travail et de sécurité des gendarmes de cette unité.

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Les collectivités territoriales sont des bailleurs essentiels pour la gendarmerie nationale sur le territoire. La compétence des collectivités territoriales pour construire ou financer des bâtiments destinés à la gendarmerie nationale a récemment été sécurisée juridiquement par l'insertion d'un nouvel article L. 1311-19 dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) par la loi de finances initiale pour 202127(*).

Depuis le début des années 1990, les modalités de prise à bail par la gendarmerie de locaux auprès des collectivités territoriales sont encadrées par une circulaire du Premier ministre du 28 janvier 199328(*) et un décret du même jour29(*). Ce cadre juridique prévoit en particulier la signature d'un premier bail de neuf ans pendant laquelle le loyer n'est pas révisable. Le loyer annuel est fixé par application d'un taux maximal de 6 % aux coûts de travaux et de terrain, dans la limite d'un coût-plafond par unité-logement dont le montant est réévalué trimestriellement en fonction de l'indice du coût de la construction (ICC) publié par l'INSEE.

L'objectif de ce montage est de permettre aux communes, intercommunalités et départementaux concernés de supporter la charge d'investissement associée à la construction du bâtiment puis d'amortir le coût de l'investissement par le versement annuel d'un loyer adapté par la gendarmerie. Le rapporteur relève également que le dispositif des baux emphytéotiques administratifs (BEA), qui prévoyait la construction de bâtiments par des personnes privées sur le domaine public de collectivités, était applicable aux besoins immobiliers de la gendarmerie entre 2002 et 2016. Toutefois, la possibilité d'engager de nouveau contrat de ce type a été fermée à partir du 1er avril 2016 considérant que cette procédure n'était pas adaptée au regard du risque de fragilisation financière des collectivités par ces contrats.

Parallèlement, le décret du 28 janvier 1993 prévoit également la possibilité pour la gendarmerie de verser aux collectivités qui financent des opérations de construction, d'extension ou de réhabilitation une subvention d'investissement. Le montant de cette subvention d'investissement est fixé dans la limite de 20 % du coût-plafond, pour les communes de moins de 10 000 habitants ne bénéficiant pas d'un cofinancement, et de 18 % pour les départements, les intercommunalités, les communes de plus de 10 000 habitants ou celles de moins de 10 000 habitants bénéficiant d'un cofinancement. En 2023, alors que 280 logements ont été mis à disposition de la gendarmerie par des collectivités territoriales, le montant total des subventions d'investissement versées aux collectivités territoriales par la gendarmerie a été de 7 millions d'euros.

Répartition des loyers versées par la gendarmerie
selon la catégorie de collectivité territoriale en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

Pour ce qui est des cas dans lesquels la gendarmerie prend à bail des casernes locatives et des logements, isolés ou regroupés dans des ensembles de logement, auprès d'organismes d'habitations à loyer modéré, le schéma de financement des opérations de construction est encadré par un décret du 26 décembre 201630(*), qui prévoit également la signature d'un premier bail de neuf ans pendant lequel le loyer n'est pas révisable.

Les conditions financières de l'opération de construction immobilière réalisée par l'organisme d'habitations à loyer modéré au profit de la gendarmerie sont encadrées par des dispositions réglementaires qui prévoient que le premier loyer est fixé par l'application d'un maximum de 7 % aux coûts des travaux dans la limite d'un coût-plafond par unité de logement précisé dans le décret de 2016 et dont le montant est réévalué trimestriellement en tenant compte de l'évolution de l'indice du coût de la construction (ICC) publié par l'INSEE. Le cadre réglementaire prévoit également la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'apporter une garantie aux prêts que les offices publics de l'habitat et les sociétés d'habitations à loyer modéré contractent pour financer des opérations de construction de bâtiment au profit de la gendarmerie.

L'objectif de ce montage est de permettre d'associer à la fois un organisme d'habitations à loyer modéré qui, en qualité de maître d'ouvrage et de propriétaire du bâtiment, supporte la dette associée à l'opération immobilière, les collectivités territoriales, pour alléger la charge de cette dette par l'apport de garantie, et enfin la gendarmerie nationale qui permet de sécuriser l'opération en garantissant le versement de loyers dont le montant est fixé pour une durée minimale de neuf ans. Alors que ce dispositif est plus récent que celui du décret de 1993, il a permis le financement de nombreux projets immobiliers de la gendarmerie nationale, plus de 500 logements construits grâce à ce montage financier ayant été mis à la disposition de la gendarmerie entre 2021 et 2023.

Un exemple de caserne locative appartenant à une collectivité :
la gendarmerie de Vouillé

Pour accueillir les 20 personnels militaires de la brigade territoriale autonome (BTA) de Vouillé (Vienne), la gendarmerie a coopéré avec la communauté de communes du Haut-Poitou pour la construction d'une caserne locative neuve que le rapporteur a visité dans le cadre de ce contrôle.

Les immeubles du casernement ont été livrés en 2019 et combinent des bâtiments de locaux de service et techniques adaptés aux besoins de la gendarmerie et de logements pavillonnaires ayant une bonne performance thermique.

L'opération immobilière de 6,3 millions d'euros a été pris en charge par la communauté de commune qui a bénéficié d'une subvention versée par la gendarmerie à hauteur de 622 000 euros. Par surcroît, la gendarmerie verse au bailleur, c'est-à-dire la communauté de communes, un loyer annuel de 228 000 euros.

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale.

Répartition des loyers versés par la gendarmerie
selon la catégorie du bailleur en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la gendarmerie nationale

c) La dynamique d'extension du parc locatif se traduit par un poids croissant des loyers dans les crédits immobiliers de la gendarmerie nationale

La conséquence de l'extension importante du parc locatif de la gendarmerie nationale depuis dix ans est la croissance du coût annuel des loyers versés par la gendarmerie nationale aux collectivités locales et aux organismes d'habitations à loyer modéré en qualité de bailleur. Les crédits inscrits sur le programme 152 « Gendarmerie nationale » ayant pour finalité le versement des loyers sont figés au sein du programme pour garantir la possibilité pour la gendarmerie de respecter ses engagements auprès de ses bailleurs.

Par suite, du fait de l'inertie des dépenses de loyer associées à chaque prise à bail, l'extension du parc locatif à un effet de long terme sur les crédits immobiliers de la gendarmerie nationale. Chaque nouveau projet financé selon le schéma du décret de 1993 ou du décret de 2016 implique le versement annuel pendant plusieurs années voire plusieurs décennies d'un loyer qui vient s'imputer sur les crédits de fonctionnement (titre 3) du programme 152 « Gendarmerie nationale ».

Depuis 2014, le parc immobilier de la gendarmerie nationale a connu un phénomène d'extension porté par le parc locatif. Le nombre de nouveaux logements mis à disposition par les collectivités locales et les organismes d'habitations à loyer modéré atteint 2 873 entre 2014 et 2023.

Cette extension s'est traduite corrélativement par une croissance de l'enveloppe correspondant au règlement des loyers dans le budget de la gendarmerie nationale. Le coût annuel des loyers versés par la gendarmerie nationale est ainsi passé de 467 millions d'euros en 2014 à 590 millions d'euros en crédits de paiement en 2023.

En 2023, les seuls loyers versés par la gendarmerie représentaient 35 % des crédits hors titre 2 du budget de la gendarmerie nationale. L'extension du parc locatif, si elle constitue une réponse à l'impossibilité pour la gendarmerie de financer des investissements immobiliers importants, se traduit néanmoins par un rétrécissement des marges de manoeuvre des gestionnaires du programme et en particulier du directeur général de la gendarmerie nationale en qualité de responsable du programme 152 « Gendarmerie nationale ». En effet, dans une période de forte contrainte budgétaire, la captation des crédits budgétaires par les dépenses de loyers ne permet pas au responsable de programme de réaliser un arbitrage global pour favoriser un redressement de la trajectoire des crédits dédiés aux projets d'acquisition ou de construction pour étendre le parc domanial.

Le rapporteur souligne que ce risque de verrouillage excessif du financement immobilier de la gendarmerie, qui aboutit à une situation d'inertie qui réduit tendanciellement les marges de manoeuvre du responsable de programme, doit être pris en compte pour trouver des modes innovants de financement pour les opérations immobilières de la gendarmerie nationale.


* 23 Les locaux destinés à l'hébergement des gendarmes adjoints volontaires, qui ne sont pas des logements, sont également considérés comme relevant des locaux de service et techniques (LST).

* 24 Le diagnostic technique consiste à attribuer à chaque bâtiment une note entre 1 et 4, la note 1 étant attribuée à un bâtiment vétuste et la note 4 étant attribuée à un bâtiment en très bon état.

* 25 Art. 5 de la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 26 Art. 5 de la loi n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 27 Art. 259 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 28 Circulaire du 28 janvier 1993 relative aux conditions de prise à bail par l'État des locaux destinés aux unités de gendarmerie départementale, édifiés par les collectivités territoriales.

* 29 Décret n° 93-130 du 28 janvier 1993 relatif aux modalités d'attribution de subventions aux collectivités territoriales pour la construction de casernements de gendarmerie.

* 30 Décret n° 2016-1884 du 26 décembre 2016 relatif aux conditions de réalisation et de financement d'opérations immobilières par les offices publics de l'habitat et les sociétés d'habitations à loyer modéré financées par des prêts garantis par les collectivités territoriales et leurs groupements, destinées aux unités de gendarmerie nationale, aux forces de police nationale, aux services départementaux d'incendie et de secours et aux services pénitentiaire.

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