N° 769

SÉNAT

2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 septembre 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l'immobilier de l'administration territoriale de l'État,

Par Mme Florence BLATRIX CONTAT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », a présenté le mardi 24 septembre 2024 les conclusions de ses travaux de contrôle sur l'immobilier de l'administration territoriale de l'État.

Le patrimoine immobilier de l'administration territoriale de l'État est dans une situation préoccupante. Au regard des différents déplacements et auditions réalisés par la rapporteure spéciale, il ressort que la dégradation globale et continue du parc se poursuit inexorablement, et que l'immobilier de l'administration territoriale de l'État fait figure de « parent pauvre » au sein des dépenses du ministère de l'intérieur. Alors que celui-ci doit répondre à des exigences importantes de transition écologique de ses emprises immobilières, cette vague d'investissements n'est que très partiellement anticipée. La rapporteure spéciale appelle par conséquent à un sursaut, que la mise en place d'une foncière interministérielle pourrait incarner dès 2025, dès lors qu'elle remplira plusieurs conditions.

I. L'IMMOBILIER DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT EST CONTRONTÉ À LA SITUATION CONTRADICTOIRE D'UN FORT MANQUE DE MOYENS ET D'UNE MULTIPLICATION DES VECTEURS BUDGÉTAIRES

A. ALORS QUE LE PROGRAMME 354 PORTE LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES D'UN PARC HÉTÉROGÈNE, SES CONDITIONS D'ENGAGEMENT DOIVENT ÊTRE CLARIFIÉES

1. Un patrimoine important, qui peut être propriété de l'État, mis à disposition par des collectivités territoriales, ou encore loué à des bailleurs privés

Le patrimoine de l'administration territoriale de l'État (ATE) comporte 2 871 bâtiments hébergeant près de 75 000 agents pour une surface utile brute (SUB) de plus de 3 millions de m², soit 3 % de la SUB de l'ensemble des bâtiments occupés par l'État et ses opérateurs.

Le périmètre immobilier du programme 354

Le périmètre immobilier du programme 354 « Administration territoriale de l'État » vise les services des :

- 101 préfectures situées en métropole et départements régions d'outre-mer, ainsi que leurs sous-préfectures ;

- 235 directions départementales interministérielles (DDI) ;

- 65 directions régionales du champ de l'administration territoriale de l'État (DR du périmètre ATE), dont 20 en départements ou région d'outre-mer ;

- 28 services de l'éducation nationale installés en cité administrative, dans des locaux communs avec les précédents services.

Source : projet annuel de performance de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2024

Les bâtiments préfectoraux représentent une surface totale de 1,8 million de m², tandis que le parc immobilier des DDI et des DR du périmètre ATE représente un peu plus de 1,3 million de m². Ces sites sont affectés à trois catégories d'usage (bureaux, logements et bâtiments techniques) et peuvent relever de trois statuts patrimoniaux (domanial, mis à disposition ou pris à bail par l'État).

Répartition de l'immobilier de l'administration territoriale de l'État

(en pourcentage des surfaces)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur

Alors que de nombreux bâtiments mis à disposition par les collectivités territoriales n'ont pas changé de statut depuis les lois de décentralisation, il devrait être permis aux préfets d'engager des échanges avec les collectivités propriétaires pour une cession à un montant symbolique de certaines emprises. Notamment, lorsque les bâtiments ne sont occupés que par les services de l'État, une telle démarche de simplification et de rationalisation ne peut qu'être bienvenue. Surtout, l'intégration pleine et entière de ces biens au patrimoine de l'État doit contribuer à améliorer la vision stratégique du ministère sur son patrimoine.

De plus, les services de l'administration territoriale de l'État louent plus de 320 000 m² à des bailleurs privés, soit près de 10 % des surfaces occupées par ces services. La location représente des montants conséquents en dépenses de fonctionnement : en 2023, ces dépenses se sont élevées à 91,32 millions d'euros, soit 27 % des dépenses immobilières du programme. Ainsi, les loyers externes ont représenté à eux seuls près de deux fois et demi (241 %) les dépenses d'investissement immobilier.

Répartition des dépenses immobilières du programme 354 en 2023

(en CP, en pourcentage des dépenses)

Source : rapport annuel de performance pour l'année 2023 de la mission « Administration générale et territoriale de l'État »

Les projets visant à abandonner des baux au profit de sites domaniaux doivent pouvoir être financés, dès lors qu'ils présentent un retour sur investissement très performant. Il est dès lors indispensable de disposer de nouveaux outils budgétaires pour permettre le financement d'opérations vertueuses, dans lesquelles les investissements sont rapidement compensés par les économies induites en fonctionnement, en particulier la diminution du coût des fluides, l'optimisation des surfaces et la baisse des charges et de l'entretien.

2. Le périmètre des dépenses soutenues par le programme 354 doit impérativement être clarifié

En principe, les dépenses immobilières du propriétaire des directions départementales interministérielles (DDI) et des directions régionales (DR) de l'ATE n'entrent pas dans le champ des dépenses prises en charge par le programme 354. Néanmoins, les autres ministères de l'ATE ne disposant plus de crédits dédiés aux fonctions support, seul demeure le programme 723, « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État », du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », pour assurer le financement des dépenses du propriétaire afférentes à ces bâtiments. Néanmoins, un tel financement n'est pas conforme à l'objet du programme 723, et les moyens du CAS sont très largement insuffisants pour assurer ces dépenses.

Répartition des dépenses du propriétaire et de l'occupant
de l'administration territoriale de l'État

 

Préfectures

DDI et DR de l'ATE

Dépenses de l'occupant

Programme 354

Programme 354

Dépenses du propriétaire

Programme 723

Source : commission des finances, d'après les informations transmises par le ministère de l'intérieur

Cette situation est d'autant plus préoccupante que les DDI et les DR, « présentent aujourd'hui des risques de détérioration accélérée (et donc de coûts démultipliés) avec les risques que cela comporte, notamment de dégradation de la qualité de vie au travail, d'accueil des usagers... »1(*) Alors que le ministère de l'intérieur souhaiterait que lui soit octroyée une majoration de ses crédits au-delà des plafonds prévus par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), la rapporteure spéciale considère que les moyens nécessaires à la prise en charge des dépenses du propriétaire de l'ensemble de l'ATE doivent être débloqués par le ministère, sous la contrainte des plafonds prévus par la LOPMI.

B. UN PATRIMOINE EN MAUVAIS ÉTAT, AVEC DU RAPIÉÇAGE BUDGÉTAIRE

1. Un patrimoine en mauvais état, qui continue à faire l'objet de mesures de restrictions budgétaires

D'après les réponses transmises par le ministère de l'Intérieur, la situation de l'immobilier de bureau de l'ATE est considérée, au regard du référentiel technique mis en place par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), comme « peu satisfaisante / peu conforme ». En effet, la note moyenne obtenue par les différents bâtiments est de 12,2/20. Surtout, 16 % des bâtiments de l'ATE sont aujourd'hui considérés comme peu ou pas conformes au regard du référentiel de la DIE.

Ainsi, il ressort de ces différents éléments et des déplacements que la rapporteure spéciale a effectué que le patrimoine immobilier de l'administration territoriale de l'État (ATE) est dans une situation très dégradée. En effet, les dépenses immobilières de l'ATE sont le « parent pauvre »2(*) des dépenses immobilières du ministère de l'Intérieur, au sein duquel l'immobilier est déjà dans une situation très préoccupante3(*). Il a également été indiqué à plusieurs reprises que, singulièrement pour l'administration territoriale, « l'État se comporte comme un mauvais propriétaire. »

Il est dans un premier temps nécessaire d'améliorer la connaissance du parc, et de renforcer les compétences immobilières parmi les agents de l'administration territoriale. En effet, la compétence de maîtrise d'ouvrage doit être renforcée pour accompagner les principaux chantiers de l'administration territoriale de l'État : il est nécessaire que l'État, lorsqu'il est donneur d'ordre pour des chantiers complexes et onéreux, soit en capacité de disposer d'un interlocuteur compétent.

Par ailleurs, les annulations de crédits découlant du décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits à hauteur de 10 milliards d'euros ont concerné les dépenses immobilières du programme 354 et ont conduit au report de projets concernant notamment des opérations de désamiantage, d'isolation, de réfection des toitures à la suite d'infiltrations, autant d'opérations qui doivent impérativement être menées, et ne peuvent dès lors être purement et simplement annulées. Ainsi, le Gouvernement fait le choix de remplacer le déficit par de la « dette grise » : loin d'améliorer la situation des finances publiques, ces choix conduisent à exposer à davantage de risques la puissance publique, pour un résultat qui pourrait bien être défavorable à l'État. Comme le relevait l'inspection générale de l'administration en 2015, les retards dans l'entretien normal des bâtiments se traduisent « par une dégradation physique des bâtiments liée à une maintenance insuffisante, notamment pour sa composante préventive. Or, l'entretien qui n'est pas réalisé à temps coûte beaucoup plus cher une fois que les désordres sont apparus »4(*).

2. Une multiplication de vecteurs budgétaires dans un contexte d'insuffisance des financements

La présence de multiples vecteurs budgétaires, qui s'accompagne de l'intervention de nombreux acteurs, et dont les périmètres d'intervention ne sont pas clairement définis, nuit à la fois à la capacité de pilotage des projets, et au déploiement d'une réelle stratégie immobilière, qui s'inscrit dans la durée. Certains programmes, comme la rénovation des cités administratives, ou encore le financement de certaines opérations par le plan de relance ont apporté une bouffée d'oxygène bienvenue à l'immobilier de l'ATE.

En effet, les crédits de la mission « Plan de relance » et ceux du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » ont permis de retrouver des marges de manoeuvre pour mener certaines opérations indispensables pour les bâtiments de l'ATE, et ont offert des leviers au gestionnaire du programme 354 pour encourager les regroupements de services et déployer des projets de rénovation énergétique.

Néanmoins, l'urgence est désormais au changement d'échelle : comme l'indique la Cour des comptes dans un rapport de 2023, nous sommes confrontés « au regard des objectifs de rationalisation et de réponse au changement climatique, [à] des résultats décevants avec pour conséquence une mise aux normes et un « mur d'investissement » à franchir dans les vingt prochaines années. »5(*)

II. LE PARC IMMOBILIER DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT DOIT RÉUSSIR SA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

A. L'ÉTAT DOIT RÉPONDRE À DES CONTRAINTES QU'IL A LUI-MÊME FIXÉES

1. Les contraintes nationales et européennes imposent une rénovation thermique des bâtiments publics beaucoup plus ambitieuse

En matière d'efficacité énergétique, le constat des différentes personnes auditionnées par la rapporteure spéciale est unanime : « nous sommes absolument en retard. » Ce retard, et l'absence de réelle planification des besoins de rénovation énergétique, interviennent pourtant dans un contexte de renforcement des obligations nationales et européennes d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments. En application de l'article 175 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN) la « réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation [doit être] d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010 ». Cette obligation s'étend à tous les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m² construits avant le 24 novembre 2018.

Obligation de baisse des émissions de gaz à effets de serre

Source : commission des finances, d'après l'article 175 de la loi ELAN

Selon l'étude d'impact du décret tertiaire6(*), sa mise en oeuvre exige 17 milliards d'euros d'investissements publics sur 30 ans pour remettre à niveau le parc immobilier de l'État, sur la base d'un coût estimé en ordre de grandeur à 180 €/m². Cette estimation, grandement irréaliste car très en deçà des coûts réels de rénovation énergétique7(*), illustre l'ambigüité de l'exécutif depuis 2017 : alors que les nouvelles normes et obligations se multiplient, celui-ci ne se donne pas réellement les moyens d'y répondre.

Cet écart est d'autant plus important depuis la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, adoptée en avril 2024, qui apporte de nouvelles obligations aux États membres de l'Union européenne. Ces derniers devront « rénover les 16 % de bâtiments les moins performants d'ici à 2030 et les 26 % les moins performants d'ici à 2033. »8(*) Ainsi, en application de cette directive, « tous les bâtiments neufs devraient être à émissions nulles d'ici à 2030, et les bâtiments existants devraient être transformés en bâtiments à émissions nulles d'ici à 2050. »9(*)

Les besoins d'investissements « vert » identifiés avec le CEREMA se situeraient autour de 5 milliards d'euros par an, là où il ne réalise aujourd'hui que 500 millions d'euros. Ainsi, d'après le directeur de l'immobilier de l'État, M. Alain Resplandy-Bernard, les travaux de rénovation énergétique « n'ont pas été finement déclinés au niveau de l'administration territoriale de l'État ; quoi qu'il en soit, les crédits immobiliers consacrés à l'ATE (et singulièrement et DDI et directions régionales) sont notoirement insuffisants ne serait-ce que pour permettre l'entretien des bâtiments. Les crédits immobiliers prévus pour l'entretien et la rénovation thermique des bâtiments de l'État sont donc insuffisants dans l'immédiat, y compris en pluri-annualité. »

2. Pour atteindre les objectifs énergétiques, la nécessaire adaptation des surfaces par agent

Comme le relève la direction de l'immobilier de l'État, « la transition ne pourra pas se faire à parc immobilier constant»10(*). Il est par conséquent nécessaire de mener une politique de densification beaucoup plus ambitieuse, les objectifs de densification des bureaux étant loin d'être atteints sur le périmètre de l'ATE.

La surface utile brute des bureaux se situe autour d'une quarantaine de m² par résident, soit bien au-delà du plafond de 18 m² par résident de la nouvelle doctrine immobilière de l'État, fixée par la circulaire du 8 février 2023 - le plafond n'a toutefois vocation à s'appliquer dans l'immédiat qu'aux projets de construction, de rénovation, aux acquisitions et aux prises à bail. Alors que l'écart avec le plafond de 18 m² est très important, les objectifs annuels de réduction des surfaces sur le périmètre de l'ATE doivent être beaucoup plus ambitieux.

Néanmoins, il doit être tenu compte de spécificités architecturales et des usages propres aux préfectures, qui ne constituent pas un immobilier de bureaux « classique » pour calculer les surfaces par agent. Ainsi, les salons de réception ou certaines salles de réunion ne sauraient être intégrés dans les ratios de surface.

B. POUR RÉPONDRE AUX BESOINS MASSIFS D'INVESTISSEMENTS, LA MISE EN PLACE D'UNE FONCIÈRE PEUT CONSTITUER UNE RÉPONSE PERTINENTE DÈS LORS QUE CERTAINES CONDITIONS SERONT REMPLIES

1. L'immobilier de l'ATE en concurrence avec les autres postes du budget du ministère de l'intérieur, un arbitrage perdu d'avance

Comme l'a relevé lors de son audition M. Clément Boisnaud, sous-directeur de la 5sous-direction du budget, « le ministère de l'intérieur dispose d'une enveloppe au sein de laquelle il lui revient de faire ses arbitrages. » À l'échelle de la mission, les grands projets immobiliers portés par le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », absorbent une part importante des crédits, notamment le site Universeine et le site unique du renseignement Intérieur qui représentent respectivement 287 millions d'euros et 1,29 milliard d'euros.

Au-delà du seul périmètre de la mission, la priorité données aux dépenses de personnels au profit des forces de sécurité intérieure donne lieu à un effet d'éviction massif sur les autres dépenses du ministère.

Comme le relèvent l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable, l'immobilier « se doit d'être géré au coût le plus juste sans dégrader sa valeur en gérant beaucoup d'arbitrages, notamment entre le court et le moyen terme, entre la dépense immobilière et d'autres dépenses, dont la sensibilité immédiate est plus forte, entre des arguments rationnels et des ressentis qui le sont moins, mais sont une caractéristique du rapport psychologique à l'immobilier »11(*).

Il est désormais indispensable d'en revenir à une approche beaucoup plus rigoureuse de ces arbitrages et de ne plus mettre en balance les dépenses immobilières avec les autres priorités politiques du ministère.

Dans ce contexte, il est indispensable de parvenir à une solution qui, au plan budgétaire, permette de sanctuariser les crédits nécessaires à l'entretien et à la rénovation thermique des bâtiments, en écartant la possibilité laissée au ministère de l'intérieur de prioriser d'autres postes de dépenses. La rapporteure spéciale recommande par conséquent que, lors de la préparation du budget, la direction du budget intègre de façon beaucoup plus avancée l'analyse de la soutenabilité des dépenses immobilières proposées par le ministère de l'intérieur, alors que la rénovation thermique des bâtiments résulte désormais d'obligations juridiques.

2. La mise en place d'une foncière constitue une réponse adaptée aux enjeux de l'immobilier de l'administration territoriale

Dans plusieurs États européens, la détention des biens occupés par l'État relève d'une foncière publique : tel est le cas notamment en Allemagne, au Pays-Bas, en Belgique, au Danemark ou encore en Autriche. Les modèles de gouvernance et de financement varient entre ces différents États.

Les différents modèles de détention des biens occupés par l'État

Source : étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restitution finale de l'étude, Ernst and Young pour la Commission européenne, avril 2022

Lors de la conférence nationale de l'immobilier public du 26 mars 2024, la DIE a présenté la méthodologie devant permettre de lancer une structure préfiguratrice de la foncière interministérielle à partir du 2 janvier 2025, qui sera mise en place dans les régions Normandie et Grand-Est.

La rapporteure spéciale considère que la foncière, en limitant le morcellement de la gouvernance et l'éclatement des financements, pourra contribuer de manière très positive à l'amélioration de la gestion de l'immobilier de l'État territorial. Elle recommande par conséquent de maintenir les projets pilotes tels qu'envisagés par le précédent gouvernement.

En matière de gouvernance de la foncière, il est nécessaire de maintenir une organisation cohérente au niveau territorial, en faisant notamment de la région l'échelon territorial de référence, et en confiant l'ensemble des décisions stratégiques au préfet de région.

Par ailleurs, les modalités de financement retenues devront garantir deux éléments majeurs, à savoir d'une part, permettre le bon niveau de financement pour assurer la transition énergétique du parc et, d'autre part, maintenir une incitation forte des ministères à rationaliser leurs emprises.

Alors que la fixation d'un niveau de prix équivalent aux prix de marché pourrait avoir pour conséquence un renchérissement considérable de la fonction immobilière pour les administrations occupantes, la rapporteure spéciale recommande de définir les loyers par référence aux coûts supportés par la foncière.

Néanmoins, il s'agira d'intégrer à ces loyers l'ensemble des coûts actualisés qui devront être supportés par la foncière pour maintenir un niveau d'entretien satisfaisant du parc et surtout assurer sa transition énergétique conformément à la réglementation établie par le droit national et européen.

LISTE DES RECOMMANDATIONS

Recommandation n° 1 : Prévoir, en fonction des circonstances locales, la possibilité d'un transfert de propriété des emprises préfectorales - direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES), direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier (DEPAFI) et collectivités territoriales concernées.

Recommandation n° 2 : Garantir le financement d'opérations immobilières dont le retour sur investissement est considéré comme très performant, notamment en termes de performance énergétique - DEPAFI, direction du budget (DB) et direction de l'immobilier de l'État (DIE).

Recommandation n° 3 : Unifier le régime de prise en charge des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en supprimant la distinction existante pour les dépenses du propriétaire des directions départementales interministérielles et des directions régionales de l'administration territoriale de l'État - DMATES et DEPAFI.

Recommandation n° 4 : Renforcer la maîtrise d'ouvrage de l'État, notamment en permettant la mobilisation des compétences au-delà des périmètres ministériels - DIE.

Recommandation n° 5 : Simplifier les modalités de financement des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en limitant le nombre de vecteurs budgétaires - DEPAFI, DB et DIE.

Recommandation n° 6 : Lancer un réel chantier d'objectivation des besoins financiers pour atteindre les objectifs du décret tertiaire et de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments - DMATES et DEPAFI.

Recommandation n° 7 : Engager une politique beaucoup plus volontariste en matière de densification des locaux de l'ATE - DMATES et DEPAFI.

Recommandation n° 8 : Redéfinir les modalités de calcul des ratios de surface par agent pour exclure les espaces de réception et de réunion des préfectures, afin de garantir le réalisme de ces cibles - DIE.

Recommandation n° 9 : Intégrer à l'analyse de la soutenabilité du budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » la cohérence des financements immobiliers au regard des obligations de rénovation énergétique des bâtiments - DB.

Recommandation n° 10 : Maintenir la mise en place d'une foncière dans deux régions pilotes en 2025 (ministère de l'économie et ministère de l'intérieur).

Recommandation n° 11 : Confier au préfet de région la prise de décision sur les orientations stratégiques de la foncière au niveau régional - DIE, DMATES et DEPAFI.

Recommandation n° 12 : Faire de l'échelon régional l'échelon de référence pour l'organisation territoriale de la foncière - DIE, DMATES et DEPAFI.

Recommandation n° 13 : Définir le niveau des loyers payés par les occupants en fonction des coûts réels pour la foncière, intégrant notamment celui de la transition énergétique du parc, afin de répondre aux obligations nationales et européennes - DB, DIE, DMATES et DEPAFI.

Recommandation n° 14 : Veiller à ce que la création de la foncière n'induise pas une perte de compétence en assurant le maintien des agents ayant la connaissance bâtimentaire au sein de cette nouvelle structure - DIE, DMATES et DEPAFI.

Recommandation n° 15 : Garantir l'information du Parlement en complétant le document de politique transversale sur la politique immobilière de l'État en présentant précisément les moyens déployés par la foncière et ses objectifs - DB.

I. L'IMMOBILIER DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT EST CONTRONTÉ À LA SITUATION CONTRADICTOIRE D'UN FORT MANQUE DE MOYENS ET D'UNE MULTIPLICATION DES VECTEURS BUDGÉTAIRES

A. ALORS QUE LE PROGRAMME 354 PORTE LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES D'UN PARC HÉTÉROGÈNE, SON PÉRIMÈTRE D'INTERVENTION DOIT ÊTRE CLARIFIÉ

1. Un patrimoine important, qui peut être propriété de l'État, mis à disposition par des collectivités territoriales, ou encore loué à des bailleurs privés

Le patrimoine de l'administration territoriale de l'État (ATE) comporte 2 871 bâtiments hébergeant près de 75 000 agents pour une surface utile brute (SUB) de plus de 3 millions de m², soit 3 % de la SUB de l'ensemble des bâtiments occupés par l'État et ses opérateurs.

Le périmètre immobilier du programme 354

Le périmètre immobilier du programme 354 « Administration territoriale de l'État » vise les services des :

- 101 préfectures situées en métropole et départements régions d'outre-mer, ainsi que leurs sous-préfectures ;

- 235 directions départementales interministérielles (DDI) ;

- 65 directions régionales du champ de l'administration territoriale de l'État (DR du périmètre ATE), dont 20 en départements ou région d'outre-mer ;

- 28 services de l'éducation nationale installés en cité administrative, dans des locaux communs avec les précédents services.

Source : projet annuel de performances de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2024.

Ces sites sont affectés à trois catégories d'usage (bureaux, logements et bâtiments techniques) et peuvent relever de trois statuts patrimoniaux (domanial, mis à disposition ou pris à bail par l'État).

Les bâtiments préfectoraux représentent une surface totale de 1,8 million de m², tandis que le parc immobilier des DDI et des DR du périmètre ATE représente un peu plus de 1,3 million de m². Le régime applicable aux différents bâtiments répond à des héritages historiques : ainsi, une part importante des emprises préfectorales sont mises à dispositions par les collectivités territoriales, principalement les conseils départementaux (cf. infra).

Répartition de l'immobilier de l'administration territoriale de l'État

(en pourcentage des surfaces)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur

Les différents statuts des bâtiments de l'ATE appellent deux séries de remarques de la rapporteure spéciale, concernant, d'une part, les bâtiments mis à disposition de l'État par les collectivités, et, d'autre part, les bâtiments loués à des bailleurs privés.

a) Héritage des lois de décentralisation, la mise à disposition par les départements des emprises préfectorales doit pouvoir évoluer au cas par cas

Les surfaces mises à disposition par les départements depuis les lois de décentralisation représentent près de la moitié des emprises préfectorales, soit un peu plus de 800 000 m² de SUB. Le principe de mise à disposition est fixé à l'article 26 de la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions12(*).

Les charges de maintenance et de gros entretien sont réparties entre l'État et les conseils départementaux en application de l'article 13 de la loi du 11 octobre 198513(*), qui dispose que « l'État prend à sa charge les travaux d'entretien et de grosses réparations incombant au propriétaire. Il possède tous pouvoirs de gestion et, le cas échéant, agit en justice aux lieu et place du propriétaire. »

Des conventions de mise à disposition sont ainsi signées entre l'État et les conseils départementaux. Lorsque les services sont imbriqués dans les mêmes bâtiments, ces conventions permettent d'établir le régime de répartition des charges.

Dans son rapport sur la gestion de l'immobilier préfectoral de janvier 202314(*), la Cour pointe le manque de suivi des conventions, et des avenants signés entre les préfectures et les départements. De plus, alors que la répartition des espaces peut évoluer, « ces révisions demeurent à ce jour rares et sans cadre national renouvelé ».

La Cour des comptes qualifiait déjà en 201015(*) cette situation « d'accommodement ». Dans son rapport de janvier 2023, la Cour indique que « les implantations préfectorales mériteraient de faire l'objet d'une analyse approfondie quant aux enjeux portés par l'État en matière de transition écologique, de rationalisation de certaines implantations ». Le rapport propose notamment d'engager une expérimentation de reprise dans le patrimoine de l'État des sous-préfectures, qui sont dans leur grande majorité exclusivement occupées par les services de l'État.

Néanmoins, la Cour admet que certaines spécificités locales peuvent justifier le maintien du régime de répartition actuel : un cadre trop rigide de transfert à l'État des biens détenus par les collectivités pouvant même s'avérer contre-productif.

La rapporteure spéciale partage en grande partie l'analyse de la Cour : elle considère que la possibilité doit être ouverte aux Préfets d'engager des échanges avec les collectivités propriétaires pour une cession à un montant symbolique des emprises concernées.

Alors que de nombreux bâtiments ne sont occupées que par les services de l'État, une telle démarche de simplification et de rationalisation ne peut qu'être bienvenue lorsqu'elle est possible. Surtout, l'intégration pleine et entière de ces biens au patrimoine de l'État doit contribuer à améliorer la vision stratégique du ministère sur son patrimoine.

Néanmoins, ces transferts ne peuvent être automatiques et doivent intervenir après des échanges avec les conseils départementaux. En effet, il serait préjudiciable de créer des complexités alors que la mise à disposition des bâtiments intervient, dans la pratique, « sans difficulté particulière », et alors que « ces bâtiments font l'objet d'un traitement identique à ceux inscrit au patrimoine de l'État », d'après les réponses du ministère de l'intérieur au questionnaire de la rapporteure spéciale.

En outre, le ministère de l'intérieur indique que « la possession des bâtiments préfectoraux par les collectivités territoriales ouvre à ses dernières la possibilité d'obtenir des crédits du ministère de la culture au titre de la conservation des monuments historiques ». En cas de transfert de propriété, il conviendra de veiller à maintenir ces financements, indispensables à la préservation du patrimoine.

Recommandation n° 1 : prévoir, en fonction des circonstances locales, la possibilité d'un transfert de propriété des emprises préfectorales (direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur, direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier et collectivités territoriales concernées).

b) Un parc locatif qui pourrait être rationnalisé à l'occasion des chantiers de densification, les économies générées par les abandons de baux devant pouvoir contribuer à financer ces opérations

Les services de l'administration territoriale de l'État louent plus de 320 000 m² à des bailleurs privés, soit près de 10 % des surfaces occupées par ces services. La location représente des montants conséquents en dépenses de fonctionnement : en 2023, ils ont représenté 91,32 millions d'euros, soit 27 % des dépenses immobilières du programme. Ainsi, les loyers externes ont représenté à eux seuls près de deux fois et demi (241 %) les dépenses d'investissement immobilier.

Répartition des dépenses immobilières du programme 354 en 2023

(en CP, en pourcentage des dépenses)

Source : rapport annuel de performances pour l'année 2023

Il est ressorti des échanges de la rapporteure spéciale avec différents services que des projets de construction, de rationalisation des emprises et de densification, potentiellement coûteux à court terme, pouvaient se traduire par des économies à moyen terme sur les loyers - ces économies étant d'autant plus importantes que les chantiers en question peuvent permettre de répondre aux obligations environnementales de l'État (cf. infra).

À ce jour, il n'existe pas d'outil pour permettre de financer ce type d'opérations pourtant génératrices d'importantes économies de fonctionnement. Ainsi, lors de son déplacement en Corse du Sud, la rapporteure spéciale a pu relever qu'une opération qui avait pourtant été labellisée lors d'une conférence nationale de l'immobilier public (CNIP) allait être remise en cause, faute d'obtenir auprès des ministères concernés les financements nécessaires à la réalisation du projet. La rapporteure spéciale ne peut que déplorer cette situation, alors que l'objectif de la labellisation en CNIP est précisément de « s'assurer de la performance technique, économique et énergétique des projets immobiliers » de « professionnaliser le montage des projets immobiliers » et « d'objectiver la décision immobilière »

Le projet Paglia Orba 2

Le projet Paglia Orba 2 a été soumis à la labellisation CNIP en juillet 2022. Il consiste au regroupement sur le site de Paglia Orba à Ajaccio des 191 agents des services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), de la direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), de la direction de la mer et du littoral corse (DMLC) et de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), actuellement installés dans plusieurs sites. Le scénario privilégié visait à signer un contrat de vente en état futur d'achèvement pour le bâtiment dit Paglia Orba 2.

Le projet permettait de répondre à plusieurs objectifs de la politique immobilière de l'État :

- le projet répond à une logique fonctionnelle de regroupement et de densification des services en réduisant les implantations de 15 à 6 emprises, avec une diminution globale de surface de 796 m² (- 28,5 % des surfaces occupées par les agents concernés) ;

- la performance énergétique du nouveau bâtiment B devait être élevée (a minima de type E3C1) permettant d'obtenir des gains importants en matière de consommation énergétique par rapport aux anciens locaux : programmation centralisée, dispositifs occultant en façade, récupération et stockage d'eau de pluie, bornes électriques. La comparaison entre la situation actuelle et la situation à l'issue du projet affiche une réduction supérieure à 60 % de la consommation énergétique, de la facture énergétique et des émissions de gaz à effet de serre ;

- le scénario acquisitif représente un coût complet sur le long terme de 25 ans (67 millions d'euros, contre près de 75 millions d'euros en cas de statu quo). D'après l'avis de la direction de l'immobilier sur le projet, celui-ci offre un retour sur investissement très performant, à 16 ans. Outre les cessions domaniales, et les moindres dépenses de location, le financement était très largement envisagé sur le programme 723 du CAS immobilier.

Source : dossier d'examen du projet Paglia Orba 2 pour sa labellisation en conférence nationale de l'immobilier public, le 12 juillet 2022

Ainsi, malgré les qualités du projet Paglia Orba 2 et le fait qu'il répondait à plusieurs des objectifs de la politique immobilière de l'État (densification des surfaces, amélioration de la performance énergétique des bâtiments, retour sur investissement performant), celui-ci a dû être abandonné faute de rassembler les financements suffisants pour sa réalisation.

À la lumière de cet exemple, la rapporteure spéciale considère par conséquent qu'il est indispensable de disposer de nouveaux outils pour permettre le financement d'opérations vertueuses, dans lesquelles les investissements sont rapidement compensés par les économies de fonctionnement, principalement sur les loyers.

Cet outil aurait dû être mis en place depuis plusieurs exercices, ce qui aurait permis au parc immobilier de l'ATE de se moderniser et de se densifier, sans coût à moyen terme pour les finances publiques.

La transition vers des bâtiments plus écologiques permet aussi de répondre à l'exigence de mise en conformité du parc, en réalisant des dépenses qui devront de toute façon être engagées. Par ailleurs, doivent être pris en compte, dans ce type d'opération, la diminution du coût des fluides et l'optimisation des surfaces voire leur abandon ainsi que la baisse des charges notamment liées à l'entretien. La prise en compte de l'ensemble de ces variables doit soutenir le financement de projets les plus vertueux.

Recommandation n° 2 : Garantir le financement d'opérations immobilières dont le retour sur investissement est considéré comme très performant, notamment en termes de performance énergétique (direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier, direction du budget et direction de l'immobilier de l'État).

Par ailleurs, un travail doit être mené pour identifier les opportunités d'optimisation des surfaces et de réduction des coûts.

À titre d'exemple, en République Tchèque, un outil, dénommé Office of Government Real Property Administration (OGRPA ou ÚZSVM) et qui prend la forme d'un registre des bâtiments administratifs (outil informatique d'enregistrement de tous les espaces de bureaux et utilisations des bureaux) centralise les données pour fournir des conseils sur les relocalisations, la politique immobilière, la stratégie et les normes.

Selon une étude d'Ersnt and Young, produite pour la Commission européenne16(*), l'OGRPA reflète l'accent mis par l'administration Tchèque sur l'aliénation de biens immobiliers et son rôle politique en ce qui concerne l'utilisation des bureaux du gouvernement, y compris les recettes de cession, la réduction de la taille du portefeuille, les postes vacants, les revenus locatifs, les coûts d'exploitation, la consommation d'énergie et la norme en matière d'espaces de bureaux.

Ainsi, afin d'améliorer la connaissance bâtimentaire et mieux identifier les gisements d'économie potentiels, la rapporteure spéciale salue les travaux de la direction de l'immobilier de l'État visant à prioriser la remontée des données utiles à une gestion proactive de l'immobilier public.

En effet, le référentiel technique, outil interministériel mis à disposition des gestionnaires de parcs des différents occupants (opérateurs, administration centrale, ...) par la direction de l'immobilier de l'État, intègre désormais prioritairement certaines données. Ce logiciel permet de recueillir, stocker, et mettre à jour les données immobilières de chaque bâtiment. L'outil doit donc être renseigné par chaque service de l'État gestionnaire et chaque opérateur.

Dans le cadre de la définition des schémas directeurs de l'immobilier régional, une mise à jour de ce référentiel technique a été engagée, et permettra de disposer de données plus précises sur l'état général des biens et leur coût.

Données prioritaires du référentiel techniques

Données générales

Adresse du bien

Surface utile brute/ surface utile nette

Nombre de poste de travail

Loyer

Présence d'amiante

États techniques

État de santé général

État d'accessibilité général

Facilité d'accès pour le personnel

Présence d'une enquête de confort d'usage

Données d'exploitation

Charges de fonctionnement

Consommation d'énergie finale annuelle

Consommation d'eau annuelle

Tri des déchets

Contrôle réalisé

État du dernier contrôle réalisé

Réserves levées (sécurité incendie, électricité et ascenseurs).

Source : boîte à outils de la Direction de l'immobilier de l'État pour la rédaction des schémas directeurs de l'immobilier régional

Le référentiel technique de la DIE doit ainsi poursuivre sa montée en puissance pour que l'outil devienne, au cours des prochains exercices, un réel moyen d'identification des leviers d'amélioration et d'optimisation du parc immobilier de l'État.

2. Le périmètre des dépenses soutenues par le programme 354 doit impérativement être clarifié
a) Lors de la création du programme 354, la question des dépenses du propriétaire des directions départementales interministérielles et des directions régionales de l'administration territoriale de l'État n'a pas été clairement tranchée

La création en 2020 d'un nouveau programme budgétaire, le programme 354, « Administration territoriale de l'État », est intervenue dans le cadre de la réforme de l'organisation territoriale de l'État (OTE). Ce nouveau programme devait alors permettre de « renforcer l'efficacité du fonctionnement des services déconcentrés par la mutualisation des moyens et par le développement de la modularité des organisations. [Il visait] à obtenir des gains de performance dans le service rendu et à renforcer la capacité d'action de l'administration de l'État au niveau départemental. »17(*) Il fusionne le programme 307 « Administration territoriale », avec le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », antérieurement rattaché à la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Dans le rapport annuel de performances du projet de loi de finances pour 2020, il était clairement inscrit que les dépenses immobilières de ce nouveau programme couvraient :

- « les dépenses immobilières de l'occupant18(*) du réseau préfectoral, des secrétariats généraux communs départementaux, des DDI et des DR de l'ATE - les dépenses concernées étant notamment les loyers, charges immobilières, coûts d'énergies-fluides et travaux d'entretien courant du locataire » ;

- « les dépenses immobilières du propriétaire19(*) du réseau préfectoral portées par le programme national d'équipement (PNE), ainsi que par des activités de travaux courants et de travaux d'investissement du propriétaire hors PNE, incluant une enveloppe mutualisée d'investissement régional (EMIR), à disposition de chaque territoire. »

L'enveloppe mutualisée d'investissement régional (EMIR)

Chaque préfet de région bénéficie d'une dotation annuelle au titre de l'enveloppe EMIR. Ces crédits sont destinés à financer des travaux généralement inférieurs à 100 000 euros pour l'entretien du patrimoine exclusivement préfectoral. Ces interventions peuvent couvrir des travaux de l'occupant ou du propriétaire.

Source : Cour des comptes, La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023

Ainsi, en principe, les dépenses immobilières du propriétaire des DDI et des DR de l'ATE n'entraient pas dans le champ des dépenses prises en charge par le programme 354. Néanmoins, les ministères de l'ATE ne disposant plus de crédits dédiés aux fonctions support, seul demeurait le programme 723, « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État », du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », pour assurer le financement des dépenses du propriétaire afférentes à ces bâtiments, alors même que ce programme a une vocation beaucoup plus large que la seule ATE.

Comme l'indique le document de politique transversale dédié à la politique immobilière de l'État, annexé au projet de loi de finances pour 2024, « les dépenses d'investissement immobilier (T5) du programme [354] ne concernent quasi exclusivement que les sites préfectoraux. »20(*)

Répartition des dépenses du propriétaire et de l'occupant
de l'administration territoriale de l'État

 

Préfectures

DDI et DR de l'ATE

Dépenses de l'occupant

Programme 354

Programme 354

Dépenses du propriétaire

Programme 723

Source : commission des finances, d'après les informations transmises par le ministère de l'intérieur

Néanmoins, comme le relève depuis plusieurs exercices le rapporteur du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » de la commission des finances du Sénat, M. Claude Nougein, le CAS est marqué par une baisse tendancielle de ses recettes et de ses dépenses, et celles-ci « sont loin d'être suffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins du parc immobilier de l'État. »21(*)

Le fonctionnement du programme 723

Le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » porte les crédits destinés à financer les dépenses d'entretien à la charge du propriétaire, ainsi que les opérations immobilières structurantes réalisées sur le parc immobilier de l'État.

Les produits des cessions de biens, qui constituent la principale ressource du compte, sont répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le compte d'affectation spéciale22(*). Cette règle de gestion répond à un double objectif : a) mutualiser les recettes au profit des dépenses d'entretien du propriétaire et b) encourager les ministères à rationaliser leurs emprises et à respecter les principes de la politique immobilière de l'État, en leur reversant une partie des produits issus de leurs actions de valorisation.

Concrètement, chaque ministère et chaque préfecture de région dispose d'un budget opérationnel de programme (BOP) pour financer ses projets immobiliers, en partie appuyé sur les droits de tirage qui lui sont alloués sur les produits de cession encaissés sur le CAS.

Source : Rapport spécial sur le projet de loi de finances pour 2024 du Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État, M. Claude Nougein, commission des finances du Sénat23(*).

En tout état de cause, le CAS n'a ni la vocation, ni les moyens, de prendre en charge l'ensemble des dépenses du propriétaire du parc des DDI et des DR du périmètre ATE, quand bien même ces dernières seraient « mieux servies » que d'autres bâtiments publics.

En effet, financer les dépenses du propriétaire de près de la moitié du parc immobilier de l'ATE uniquement avec les produits de cession des biens de l'État n'est « ni sain, ni suffisant », d'après les termes du directeur de l'immobilier de l'État, M. Alain Resplandy Bernard, auditionné par la rapporteure spéciale.

D'abord, le financement de ces besoins pérennes ne saurait être durablement assuré par des recettes ponctuelles de cession, qui ont de surcroît vocation à réduire au fil des exercices.

Ensuite, pour 2024, les dépenses d'investissement du programme 723 s'élèvent à 123 millions d'euros pour l'ensemble du parc immobilier de l'État, alors même que ce programme fait lui aussi l'objet d'effets d'éviction au profit de grands programmes (projet Quai d'Orsay XXI du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le projet de Saint-Mandé mené par le ministère de la transition écologique). Les crédits du programme 723 ne peuvent en aucun cas suffire à assurer les charges du propriétaire inhérentes au parc immobilier des DDI et des DR de l'ATE.

Comme l'indique le ministère de l'Intérieur dans ses réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale : « le CAS 723, dont la dynamique est par ailleurs en voie de ralentissement, étant également mobilisable pour les contrôles réglementaires sur l'ensemble du parc de l'État au-delà du périmètre ATE, un grand nombre de projets au bénéfice des DDI et DR sont laissés en suspens. »24(*)

De plus, comme le relève l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable dans son rapport sur l'immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, « les interlocuteurs rencontrés par la mission ont unanimement souligné la faiblesse des enveloppes délégués par la DIE [sur le programme 723], qui ne permettent pas de couvrir plus que la moitié des besoins identifiés. » 25(*) Ainsi, le rapport évoque un CAS « à bout de souffle ».

Cette situation est d'autant plus préoccupante que : les DDI et les DR, « présentent aujourd'hui des risques de détérioration accélérée (et donc de coûts démultipliés) avec les risques que cela comporte, notamment de dégradation de la qualité de vie au travail, d'accueil des usagers... »26(*)

b) La responsabilité des dépenses du propriétaire de l'administration territoriale de l'État doit être harmonisée et accompagnée d'un fléchage des moyens suffisants

D'après le directeur de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier, M. Pierre Chavy le programme national d'équipement (PNE) du programme 354 « peut ponctuellement prendre en charge certaines dépenses du propriétaire des DDI et des DR ». Au regard des éléments transmis, ces interventions ponctuelles sont très limitées. Ainsi, sur le total des demandes PNE de la période 2023-2027, seuls 1,6 % d'entre elles27(*) concernent les directions départementales ou les cités administratives.

Cette situation est d'autant plus problématique que, d'après les réponses transmises par la direction de l'immobilier de l'État à la rapporteure spéciale, le ministère de l'intérieur « a décidé de ne pas couvrir les dépenses sur les périmètres des DDI et DR, alors qu'il en a la compétence. Cela relève sans doute d'un débat entre le ministère de l'intérieur et la direction du Budget sur le juste niveau de budgétisation à réaliser ou sur les conditions du transfert au moment de la réforme de l'organisation territoriale de l'État. Reste que cette situation a des implications fortes sur la dégradation du patrimoine de l'État, les conditions d'accueil des usagers et de travail des agents, et peut avoir des conséquences pénales pour les chefs d'établissement. »28(*)

Il est par ailleurs à noter que la création, depuis 2018, de nouveaux vecteurs budgétaires, dédiés à la rénovation des cités administratives (programme 348), ou à des opérations ponctuelles pour les crédits du plan de relance (programme 362), ont contribué à garantir le financement d'opérations indispensables pour les DDI et les DR de l'ATE (cf.infra).

Ainsi, lancé avant la création du programme 354 et la crise sanitaire, le programme 348 a permis de financer un milliard d'euros de rénovation de 36 cités administratives, occupées en partie par des directions de l'ATE.

Par ailleurs sur les crédits du programme 362 « Écologie », de la mission « Plan de relance » onze projets de grande envergure de plus de 10 millions d'euros ont été financés, correspondant au périmètre des dépenses du propriétaires des DDI et des DR de l'ATE.

Le programme 362 a ainsi permis de débloquer des financements indispensables pour répondre à des besoins massifs sur les dépenses du propriétaire des bâtiments de l'administration territoriale.

Il n'en demeure pas moins que ces vecteurs budgétaires, qui fonctionnent selon une logique d'appel à projet et ne sont pas dotés de crédits budgétaires pérennes, ne sauraient devenir les vecteurs de « droit commun » du financement des dépenses du propriétaire de ces directions.

De plus, ces appels à projets de la direction de l'immobilier de l'État exigent le plus souvent des co-financements et induisent des effets de bord à financer en sus des travaux, (relogements temporaires, achat de mobilier, déménagements, archivage, etc)29(*).

Pour sortir de « l'impasse du financement de l'immobilier du propriétaire des DDI et des DR », le ministère de l'intérieur souhaiterait « harmoniser le portage des crédits immobiliers de l'ATE », en augmentant la dotation du programme 354 de 42 millions d'euros. Cette demande a été portée par le ministère de l'intérieur auprès de la direction du budget, à l'occasion de la préparation du projet de loi de finances pour 2024. Elle n'a pas été satisfaite en 2024 et a donc été réitérée lors des travaux préparatoires au projet de loi de finances pour 2025.

Le ministère de l'intérieur souhaiterait que cette demande soit satisfaite au-delà du cadre de la loi de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), arguant notamment du fait que l'inflation intervenue depuis le vote de la loi a rogné une partie des moyens supplémentaires octroyés par celle-ci. Néanmoins, les lois de programmation sectorielles votées par le Parlement ont vocation à définir des trajectoires strictes de finances publiques pour les ministères, et l'augmentation de cette enveloppe ne serait pas sans poser d'importantes difficultés.

Trajectoire du budget du ministère de l'intérieur,
définie par l'article 2 de la loi d'orientation et de programmation

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Il est donc urgent d'arbitrer clairement la responsabilité des dépenses du propriétaire du parc des DDI et des DR de l'ATE et de les intégrer aux dépenses prises en charge par le programme 354.

Au regard de l'impératif de maîtrise de dépense publique, il ne semble pas opportun de revoir à la hause l'enveloppe fixée par la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Si l'on peut déplorer, comme l'a relevé M. Clément Boisnaud, sous-directeur de la 5e sous-direction du budget, que « les sous-jacents de la LOPMI n'aient pas suffisamment pris en compte le sujet immobilier », ce constat ne doit pas pour autant conduire à une réévaluation des plafonds de la LOPMI.

Le ministère de l'intérieur doit, sous la contrainte de cette enveloppe, débloquer les crédits nécessaires aux dépenses du propriétaire de l'ensemble du parc de l'ATE.

Recommandation n° 3 : Unifier le régime de prise en charge des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en supprimant la distinction existante pour les dépenses du propriétaire des directions départementales interministérielles et des directions régionales de l'administration territoriale de l'État (direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

B. UN PATRIMOINE EN MAUVAIS ÉTAT, AVEC DU RAPIÉÇAGE BUDGÉTAIRE

1. Un patrimoine en mauvais état, qui continue à faire l'objet de mesures de restrictions budgétaires
a) Un patrimoine en mauvais état

D'après les réponses transmises par le ministère de l'Intérieur, la situation de l'immobilier de bureau de l'ATE est considérée, au regard du référentiel technique mis en place par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), comme « peu satisfaisante / peu conforme ». En effet, la note moyenne obtenue par les différents bâtiments est de 12,2/20. Surtout, 16 % des bâtiments de l'ATE sont aujourd'hui considérés comme peu ou pas conformes au regard du référentiel de la DIE.

Ainsi, il ressort de ces différents éléments et des déplacements que la rapporteure spéciale a effectué sur le terrain, que le patrimoine immobilier de l'administration territoriale de l'État (ATE) est dans une situation préoccupante. En effet, les dépenses immobilières de l'ATE sont, d'après l'une des personnes auditionnées par la rapporteure spéciale, le « parent pauvre »30(*) des dépenses immobilières du ministère de l'Intérieur, au sein duquel l'immobilier est déjà dans une situation très dégradée31(*). Il a également été indiqué à plusieurs reprises que, singulièrement pour l'administration territoriale, « l'État se comporte comme un mauvais propriétaire. »

L'immobilier de l'ATE a ainsi accumulé une dette « grise » importante, alors que les emprises immobilières ont été insuffisamment entretenues au cours des dernières années. Loin de permettre de limiter la dépense publique, le sous-investissement immobilier est facteur de risques importants, et de coûts potentiellement décuplés pour l'État. Plusieurs rapports32(*) indiquent en effet que l'absence d'entretien régulier du patrimoine peut conduire à une dérive importante des coûts.

Par ailleurs, le patrimoine immobilier de l'ATE est insuffisamment connu et il n'existe pas de véritable cartographie des risques et des besoins immobiliers. Ainsi, d'après plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure spéciale, les dépenses immobilières engagées sur le programme 354 ces dernières années visent prioritairement à répondre à l'urgence et ne sont pas suffisants pour effectuer des opérations de diagnostic ou d'anticipation. D'après la directrice du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur, Mme Fabienne Balussou, les services doivent prioriser les chantiers, alors qu'ils sont confrontés à un parc vieillissant.

Ce constat est pourtant déjà ancien : dans son référé en date du 5 novembre 2010 sur la gestion du parc immobilier des préfectures et des sous-préfectures, la Cour des comptes faisait déjà part de ses préoccupations concernant « l'absence de perspectives stratégiques et un relatif manque de réalisme budgétaire pour la rationalisation du parc immobilier des préfectures et des sous-préfectures ».

Dans un rapport d'avril 2022, l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable indiquaient ainsi que « au niveau déconcentré, l'immobilier des administrations territoriales de l'État géré par les préfets est pour sa part progressivement devenu le parent pauvre de la politique immobilière. Malgré l'appui reconnu des missions régionales de la politique immobilière de l'État (MRPIE), les préfets de région sont confrontés à la dispersion des structures chargées des questions immobilières, à la raréfaction des compétences de maîtrise d'ouvrage et à la faiblesse des budgets consacrés à l'entretien du parc immobilier de l'État »33(*)

b) Un patrimoine insuffisamment connu et une problématique quant aux compétences immobilières

Concernant l'immobilier préfectoral, la Cour des comptes relève qu'il s'agit d'un « parc immobilier mal connu, aux usages divers, aux fonctions imbriquées et au statut singulier. Le parc immobilier préfectoral reste trop mal connu quant à son état général d'entretien et son évolution dans le temps [...] ce réseau [des sous-préfectures] reste plus mal connu encore que celui des préfectures »34(*)

Si la création des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD) devait initialement contribuer à apporter des réponses à cette situation, il ressort que leurs compétences sont encore aujourd'hui insuffisantes et que des perspectives de professionnalisation demeurent : « l'hétérogénéité du parc, la méconnaissance qu'en ont les gestionnaires et la nécessité de développer une stratégie immobilière nécessitent de mettre en place des formations au bénéfice des agents de SGCD. Le ministère de l'intérieur souscrit à cette recommandation et précise que la prise en main du référentiel technique monte en puissance. La DIE indique pour sa part être disposée à apporter son concours en désignant un référentiel de l'immobilier ministériel au sein de chaque SGCD. » 35(*)

Pour la Cour des comptes, cette meilleure connaissance du parc préfectoral doit permettre de mieux le gérer au plan immobilier, en facilitant les arbitrages budgétaires en fonction des besoins. Ce constat est partagé par l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable : « la connaissance lacunaire du parc immobilier et de son état de vétusté ne permet pas aux décideurs de faire des choix éclairés sur le niveau d'investissement nécessaire pour assurer le maintien en état du parc immobilier. » 36(*)

Le constat des lacunes dans la connaissance du parc doit être doublé par celui de réelles difficultés dans la mobilisation de compétences immobilières au niveau territorial.

L'une des principales difficultés, revenue à de nombreuses reprises lors des échanges de la rapporteure spéciale avec les différents services, concerne la maîtrise d'ouvrage. Sur ce sujet, les services de l'État territorial ont très nettement perdu en compétence au cours de la dernière décennie, alors même que les besoins sont aujourd'hui très importants au regard de l'impératif de transition énergétique. Alors que les directions départementales des territoires (DDT) avaient une mission historique de maîtrise d'ouvrage au sein de l'État territorial, cette mission a progressivement disparu, et ne demeure que de façon ponctuelle dans certains territoires.

En effet, comme le relève l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable « les services territoriaux du ministère de la transition écologique se sont progressivement désengagés de la conduite de projets immobiliers complexes, laissant un vide qui n'a pas été comblé. » 37(*) 

Cette situation résulte du double effet de la transformation des missions du ministère de la transition écologique et de la réduction des effectifs dans les territoires.

En effet, « après des années de retrait progressif de l'ingénierie publique, le Gouvernement a diffusé en février 2016, une instruction relative au retrait de l'activité de conduite d'opérations au sein des services déconcentrés du ministère du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Cette instruction définit les modalités de désengagement des missions de conduite d'opération sur le volet bâtiment pour les services déconcentrés, tout en rappelant le maintien du rôle d'appui et de référent technique de ces services auprès des préfets dans le cadre de la politique de gestion du patrimoine immobilier de l'État. Elle précise que "toutes les conduites d'opérations de construction réhabilitation, rénovation lourde sont concernées par ce désengagement, quel que soit le ministère commanditaire, y compris pour le propre compte du ministère" » 38(*).

Il apparaît par conséquent nécessaire de mener une politique ambitieuse pour renforcer la capacité de maîtrise d'ouvrage de l'État dans l'ensemble des territoires.

Cette question est en partie traitée par le projet de mise en place d'une foncière (cf. infra). Il n'en demeure pas moins indispensable que l'ensemble des services de l'État dans les territoires aient accès à une maîtrise d'ouvrage publique et la rapporteure spéciale partage le constat de l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable : la mutualisation des compétences déjà présentes dans les territoires doit être renforcée.

Ainsi, comme le souligne leur rapport : « afin de répondre aux difficultés structurelles des administrations territoriales de l'État pour la conduite de leurs opérations immobilières et pour la gestion technique de leur patrimoine, une mutualisation des ressources existantes devrait être envisagée, qui permettrait d'atteindre la taille critique nécessaire pour générer des gains d'efficience, pour renforcer les compétences et la robustesse des équipes et pour gérer un plan de charge permettant d'absorber les pics et les ralentissements de charge et pour professionnaliser la gestion technique du patrimoine. »39(*)

Effectifs dédiés à la maîtrise d'ouvrage

 

Effectifs

Implantations

L'agence publique pour l'immobilier de la justice

137

Siège au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) et une antenne en Guadeloupe

L'établissement public d'aménagement universitaire de la région Île de France

69

Siège à Paris

Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture

125

Siège à Paris

Bureau immobilier et maîtrise d'ouvrage du secrétariat général des ministères économiques et financiers

68

Six antennes (Lyon, Marseille, Nantes, Noisy, Strasbourg, Toulouse)

Directions immobilières des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI)

571

Sept antennes (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Metz, Paris, Rennes)

Directions interrégionales du secrétariat général du ministère de la Justice

115

Neuf antennes (Aix-en-Provence, Bordeaux, Dijon, Lille, Lyon, Nancy, Savigny, Rennes, Toulouse)

Services immobiliers des rectorats

160

Ingénieurs régionaux de l'équipement

Total

1 245

 

Source : Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et conseil général de l'environnement et du développement durable

Alors que le rapport de l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable recommande la création d'une agence de la maîtrise d'ouvrage de l'État, la rapporteure spéciale considère que cette évolution pourrait, à terme, s'inscrire dans le cadre de la création d'une foncière (cf. infra).

En tout état de cause, il est indispensable que la compétence de maîtrise d'ouvrage soit disponible pour accompagner les principaux chantiers de l'administration territoriale de l'État : il est nécessaire que l'État, lorsqu'il est donneur d'ordre pour des chantiers complexes et onéreux, soit en capacité de disposer d'un interlocuteur compétent.

Recommandation n° 4 : renforcer la maîtrise d'ouvrage de l'État, notamment en permettant la mobilisation des compétences au-delà des périmètres ministériels (direction de l'immobilier de l'État).

c) Des coupes budgétaires qui se poursuivent, à rebours des grands défis de l'administration territoriale de l'État

Pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État », le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits à hauteur de 10 milliards d'euros a donné lieu à l'annulation de 170,5 millions d'euros, dont 65,9 millions d'euros pour le programme 354 « Administration territoriale de l'État ». Les crédits annulés sont de deux natures : 21,2 millions d'euros de masse salariale et 44,7 millions d'euros de crédits de fonctionnement et d'investissement, dont 30,2 millions d'euros portant sur la réserve de précaution.

La programmation des opérations immobilières a en conséquence été revue, en identifiant les opérations qui n'avaient pas encore été lancées, afin que celles-ci soient décalées. Alors qu'elle comptait 138 opérations représentant 36 millions d'euros en crédits de paiement en début d'année, l'exécution de 29 opérations a été décalée à 2025, permettant de dégager 7 millions d'euros de CP sur le total notifié en début d'année.

De plus, l'enveloppe consacrée chaque année aux travaux d'entretien courant du parc immobilier, fixée depuis 2023 à 10 millions d'euros, a été réduite de moitié.

Cette situation appelle deux remarques de la rapporteure spéciale, concernant d'une part les annulations de crédits effectués par le Gouvernement, et d'autre part, les conséquences concrètes de cette annulation pour la fonction immobilière de l'administration territoriale de l'État.

D'abord, il convient de relever que les annulations actées par l'exécutif en février dernier sont intervenues sans vision ni stratégie. Il en a donc résulté une érosion des moyens atteignant largement l'investissement et l'entretien du parc immobilier.

Sur un budget d'opérations de 36 millions d'euros, ce sont ainsi près de 20 % des crédits qui ont été annulés, tandis que les travaux d'entretien courant ont vu leur enveloppe fondre de moitié. Cette situation n'est pas satisfaisante : faute d'avoir mis en oeuvre une stratégie de finances publiques claire, le choix de l'exécutif a été de rogner sur des dépenses dont l'urgence n'est pourtant plus à démontrer.

Surtout, il ressort des éléments transmis que les opérations en question sont seulement remises à 2025, de sorte que « l'économie » réalisée n'est que temporaire. Surtout, elle ne tient pas toujours compte des coûts induits par les retards de chantier.

Ainsi, lors de son déplacement en Haute-Corse, la rapporteure spéciale a pu constater que les reports de chantiers pouvaient être générateurs de coûts en cascade : accentuation de la contamination à l'amiante, poursuite du paiement des loyers externes, problématiques liées à l'éclatement des sites etc. Elle ne peut par conséquent que déplorer que les crédits soient reportés à 2025, alors même que localement, les services semblaient prêts à lancer ce chantier avant la fin de l'année.

Plus largement, les projets reportés concernent notamment des opérations de désamiantage, d'isolation, de réfection des toitures à la suite d'infiltrations, autant d'opérations qui doivent impérativement être menées. Ainsi, le Gouvernement fait le choix de remplacer le déficit par de la « dette grise » : loin d'améliorer la situation des finances publiques, ces choix conduisent à exposer à davantage de risques la puissance publique, pour un résultat qui pourrait bien être défavorable à l'État à la fin des fins.

De plus, comme le relevait l'inspection générale de l'administration en 2015, les retards dans l'entretien normal des bâtiments se traduisent « par une dégradation physique des bâtiments liée à une maintenance insuffisante, notamment pour sa composante préventive. Or, l'entretien qui n'est pas réalisé à temps coûte beaucoup plus cher une fois que les désordres sont apparus »40(*).

2. Une multiplication de vecteurs budgétaires dans un contexte d'insuffisance des financements
a) Des financements multiples et illisibles...

Les travaux de suivi des financements des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État mettent en évidence une multiplicité de vecteurs de financement, dont les modalités d'emploi ne sont pas strictement définies.

Ainsi, les tableaux transmis par le ministère de l'intérieur montrent que ces dépenses sont couvertes par l'intervention d'au moins neuf programmes budgétaires depuis 2017 :

- les anciens programmes 307 « Administration territoriale », 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées », fusionnés à partir de 2020 au sein du programme 354 « Administration territoriale de l'État », chargé des dépenses immobilières des préfectures et des dépenses de l'occupant des DDI et des DR de l'ATE. En 2023, ce programme a représenté 335 millions d'euros de CP de dépenses immobilières pour l'ATE ;

- le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » qui finance plusieurs postes de dépenses, à l'exception des fluides et des loyers. Ainsi, si les dépenses d'entretien lourd sont en principe le coeur des dépenses du programme, on note que des dépenses d'entretien courant sont régulièrement réalisées sur ce programme. En 2023, 106 millions d'euros de CP de dépenses immobilières de l'ATE ont été couvertes par ce programme ;

- le programme 348 initialement dédié à la « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » et désormais à la « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » contribue également de manière importante à soutenir l'immobilier du programme. Il visait au 31 décembre 2023, 35 projets de rénovations de cités administratives, pour un montant total de 956 millions d'euros. Ces montants concernent donc en partie les directions du périmètre ATE, qui a bénéficié de 168 millions d'euros de CP en 2023 ;

- le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » de la mission « Transformation publique » a également contribué à certaines dépenses des préfectures, des DDI et des DDR du périmètre ATE. En 2023, ce sont ainsi un peu plus de 6,3 millions d'euros de CP de dépenses immobilières (essentiellement de l'entretien courant), qui ont été financés sur ce programme ;

- les programmes 362 « Écologie » et 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » ont également contribué de façon très importante au financement des opérations immobilières du périmètre ATE, soit plus de 150 millions d'euros de CP en 2023 ;

- enfin, le programme 724 « Opérations immobilières déconcentrées » a été supprimé en 2017 et portait jusqu'alors une partie des crédits du périmètre ATE.

Financement des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État de 2017 à 2023

(en CP, en millions d'euros)

Préfectures

Directions départementales interministérielles
et des directions régionales

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le ministère de l'intérieur

La multiplication des supports budgétaires fait l'objet de critiques de la part de l'inspection générale des finances et du conseil général de l'environnement et du développement durable : : « l'architecture budgétaire actuelle traduit la dispersion des crédits dédiés au financement des dépenses immobilières, avec une lisibilité limitée pour les décideurs et pour le Parlement. » 41(*)

La rapporteure spéciale ne peut que partager cette analyse : la présence de multiples vecteurs budgétaires, qui s'accompagne de l'intervention de nombreux acteurs, dont les périmètres d'intervention ne sont pas clairement définis, nuit à la fois à la capacité de pilotage des projets et au déploiement d'une réelle stratégie immobilière, qui s'inscrit dans la durée. La complexité des modalités de financement conduit les gestionnaires à « partir à la chasse aux financements ».

Recommandation n° 5 : simplifier les modalités de financement des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en limitant le nombre de vecteurs budgétaires (direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier, direction du budget et direction de l'immobilier de l'État).

b) ... qui apportent néanmoins des bouffées d'oxygène à un parc immobilier en crise

Les crédits de la mission « Plan de relance » et ceux de du programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » ont néanmoins permis de retrouver des marges de manoeuvre pour mener certaines opérations indispensables pour les bâtiments de l'ATE, et ont offert des leviers aux gestionnaires du programme 354 pour encourager les regroupements de services et déployer des projets de rénovation énergétique.

Concernant la mission « Plan de relance », au total, ce sont 554 projets qui ont été retenus sur la totalité du périmètre ATE, pour un montant total de 2,7 milliards d'euros. La logique d'appel à projets de ce plan a surtout profité à des porteurs de projets qui disposaient d'opérations « prêtes à engager », et, comme le déplore le ministère de l'intérieur dans ses réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale « parfois au détriment des planifications de long terme, notamment les opérations inscrites dans les schémas directeurs ». Néanmoins, cette situation s'explique en partie par la nécessité de débloquer rapidement les crédits, afin de satisfaire l'objectif de relance de l'économie.

Le fichier des projets soutenus par le programme 362 « Écologie » fait apparaître une très grande diversité de situations.

Pour l'administration territoriale de l'État, ce sont 11 projets de plus de 10 millions qui ont été financés sur cette enveloppe :

- la rénovation lourde de la direction régionale et interdépartementale de l'environnement, de l'aménagement et des transports à Paris pour 57 millions d'euros ;

- la rénovation de la cité administrative de Metz, pour 53 millions d'euros ;

- la réhabilitation complète de la direction régionale de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarités (DREETS) de Seine-Saint-Denis, pour 47 millions d'euros ;

- la rénovation d'un site multi-occupant à Evry-Courcouronnes, pour 22,7 millions d'euros ;

- la rénovation du site de la Direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) et de la direction de l'économie, de l'emploi du travail et des solidarités (DETS) pour un total de 20,7 millions d'euros à Saint-Denis de la Réunion ;

- la rénovation d'un site multi-occupant à Remire-Montjoly, en Guyanne, pour un montant total de 18,6 millions d'euros ;

- plusieurs autres rénovations importantes, à Nevers, Montauban, Valence, Montpellier, Dunkerque, pour un total de 68 millions d'euros.

Par ailleurs, 36 projets de plus d'un million d'euros ont également été financés par le programme 362, essentiellement des opérations de rénovation et réhabilitation lourde.

Enfin, l'essentiel des crédits (84 %) du programme ont servi à financer une multitude d'opérations de moins d'un million d'euros qui sont, aux dires des personnes auditionnées, des opérations trop coûteuses pour être financées sur les dépenses immobilières courantes, mais pas assez significatives pour justifier un portage administratif ou politique. Ainsi, le programme a financé des opérations de changements de systèmes de chauffage, de « relamping », de gros entretien réparation ou encore d'isolation des combles...

Répartition par montant des opérations financées
au titre du programme 362

Source : commission des finances, d'après les données de la direction de l'immobilier de l'État

Par ailleurs, les crédits du programme 348, initialement dédié à la « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » et désormais à la « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », ont permis la réalisation de chantiers immobiliers de grande ampleur, et d'atteindre des objectifs ambitieux en termes de densification des espaces et d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments.

En déplacement à la préfecture et à la cité administrative de Strasbourg, la rapporteure spéciale a pu constater certaines difficultés opérationnelles dans la réalisation du chantier, opération d'une très grande ampleur pour laquelle le prestataire ne semble pas répondre de manière pleinement satisfaisante au cahier des charges. Il n'en demeure pas moins qu'au-delà des difficultés locales, inhérentes à la matière immobilière, le programme 348 a bien permis d'améliorer considérablement la situation d'une partie des bâtiments des administrations déconcentrées.

L'exemple de la rénovation de la cité administrative de Charleville Mézière

La cité administrative de Charleville-Mézières est considérée par la Direction de l'immobilier de l'État comme une rénovation exemplaire. Celle-ci est située dans un immeuble de 4 274 m² de surface utile brute, datant de la seconde moitié du 19e siècle.

Le chantier, livré en juillet 2023, a permis la rénovation énergétique du bâtiment, par un aménagement des combles et leur isolation, le remplacement des menuiseries extérieures, et des travaux sur le système de chauffage.

Ces travaux ont permis 34 % d'économies d'énergie : il s'agit d'un gain environnemental avec utilisation de matériaux biosourcés et plus respectueux de l'environnement (revêtement de sol en linoléum, menuiserie en bois avec label PEFC...)

Le projet a également permis de libérer des surfaces et d'améliorer les conditions d'accueil du public et de travail des agents (accès au rez-de-chaussée du public, gestion et sécurisation des flux, meilleur confort thermique, retrait partiel d'amiante), tout en préservant la dimension patrimoniale dans un secteur préservé.

Les entreprises auxquelles l'État a eu recours sont ardennaises et marnaises.

Source : rapport annuel 2023 de la direction de l'immobilier de l'État

Ainsi, ce sont environ 600 000 m² qui ont été concernés par la première vague en 2019 (67 % de gains énergétiques, soit 40 millions d'euros par an économisés). Il convient de relever que les cités administratives n'accueillent pas uniquement des directions de l'ATE, loin s'en faut.

Malgré les apports incontestables du programme 348, il n'en constitue pas moins un programme d'une ampleur limitée au regard des enjeux du patrimoine de l'État territorial. Si les quelques projets emblématiques peuvent avoir servi de laboratoire pour les services de l'État, afin d'identifier les difficultés et les potentielles solutions, l'urgence est désormais au changement d'échelle. Comme l'indique la Cour des comptes dans un rapport de 2023, « au regard des objectifs de rationalisation et de réponse au changement climatique, des résultat décevants avec pour conséquence une mise aux normes et un « mur d'investissement » à franchir dans les vingt prochaines années. »42(*)

II. LE PARC IMMOBILIER DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT DOIT RÉUSSIR LE DÉFI DE SA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

A. L'ÉTAT DOIT RÉPONDRE À DES CONTRAINTES QU'IL A LUI-MÊME FIXÉES

1. Les contraintes nationales et européennes imposent une rénovation thermique des bâtiments publics ambitieuse
a) Des contraintes nationales importantes, qui découlent de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN)

En matière d'efficacité énergétique, le constat des différentes personnes auditionnées par la rapporteure spéciale est unanime : « nous sommes absolument en retard. » Ce retard, et l'absence de réelle planification des besoins de rénovation énergétique, interviennent pourtant dans un contexte de renforcement des obligations nationales et européennes d'amélioration de la performance énergétique des bâtiments.

L'article 175 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN) impose en effet « de parvenir à une réduction de la consommation d'énergie finale pour l'ensemble des bâtiments soumis à l'obligation d'au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 par rapport à 2010 ». Le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire, dit « décret tertiaire », entré en vigueur à compter du 1er octobre 2019, prévoit que tous les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m² construits avant le 24 novembre 2018 sont concernés par cette obligation.

Obligation de baisse des gaz à effets de serre
des bâtiments tertiaires de plus de 1000 m² au titre de la loi ELAN

Source : commission des finances, d'après l'article 175 de la loi ELAN

Selon l'étude d'impact du décret tertiaire43(*), sa mise en oeuvre rend nécessaire 17 milliards d'euros d'investissements publics sur 30 ans pour remettre à niveau le parc immobilier de l'État, sur la base d'un coût estimé en ordre de grandeur à 180 €/m². Cette estimation, grandement irréaliste car très en deçà des coûts réels de rénovation énergétique44(*), illustre l'ambigüité de l'exécutif depuis 2017 : alors que les nouvelles normes et obligations se multiplient, celui-ci ne se donne pas réellement les moyens d'y répondre. En d'autres termes, en matière environnementale, l'exécutif se place sur le plan des principes, sans se donner les moyens concrets des objectifs qu'il s'assigne.

On peut également citer une intervention de M. Gabriel Attal, alors ministre des comptes publics, dans laquelle l'ambition affichée contraste singulièrement avec les moyens arbitrés, à savoir seulement 130 millions d'euros pour un appel à projet en faveur d'actions à gains de consommation rapides.

Il a ainsi déclaré que « la rénovation énergétique des bâtiments constitue un enjeu absolument majeur pour réduire notre empreinte carbone. Et notre conviction, c'est que l'État, qui pilote un parc immobilier de 94 millions de m2, doit être à l'avant-garde de cette transformation. C'est la raison pour laquelle, dans la continuité des projets initiés dans le cadre de France Relance, nous poursuivons notre action en faveur de la sobriété des bâtiments publics. Nous mettons 130 millions d'euros sur la table dans le cadre d'un nouvel appel à projet qui a permis de faire émerger les initiatives avec le meilleur niveau de retour sur investissement ».45(*) La contradiction entre l'idée d'un État à l'avant-garde et l'ordre de grandeur de l'appel à projet, qui se trompe d'au moins une décimale, ne manque pas d'interroger. 

Pour le périmètre de l'administration territoriale de l'État, le ministère de l'intérieur estime le besoin d'investissement à 226,9 millions d'euros d'ici à 2027. Si le recours à une règle de trois doit faire l'objet de certaines réserves méthodologiques46(*), il convient de relever que ce montant, rapporté aux 3,1 millions de m² de l'administration territoriale de l'État, représente une moyenne de seulement 73 euros par m².

Besoin de financement estimé par le ministère de l'intérieur pour l'ATE

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

TOTAL

Travaux de mise en conformité

34,8

35,3

44,4

50,9

61,5

226,9

Source : réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale

D'après une étude du CEREMA de juillet 202447(*), le coût des travaux nécessaires pour répondre aux objectifs 2030 du décret tertiaire est en moyenne de 300 euros par m², de 500 euros par m² pour l'objectif 2040 et 600 euros par m² pour l'objectif 2050. Ainsi, alors qu'il va être nécessaire d'investir plus de 1,5 milliard d'euros à horizon 2050 pour assurer la transition écologique du seul immobilier de l'administration territoriale, les décaissements prévus à ce stade sont très éloignés de la cible.

Comme l'indiquent explicitement les réponses de la direction de la modernisation de l'administration territoriale au questionnaire de la rapporteure spéciale : « faute de mesure budgétaire dédiée, les investissements nécessaires pour atteindre ces objectifs semblent constituer un mur infranchissable tant pour le programme 354 que pour les autres programmes concourant à la mise en oeuvre de la politique immobilière de l'État. »

b) Le renforcement des exigences européennes de rénovation thermique des bâtiments impose une réaction beaucoup plus massive de l'État

Cet écart est d'autant plus important au regard de la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, adoptée en avril 2024, qui apporte de nouvelles obligations aux États membres de l'Union européenne. Ces derniers devront « rénover les 16 % de bâtiments les moins performants d'ici à 2030 et les 26 % les moins performants d'ici à 2033. »48(*) Ainsi, en application de cette directive, « tous les bâtiments neufs devraient être à émissions nulles d'ici à 2030, et les bâtiments existants devraient être transformés en bâtiments à émissions nulles d'ici à 2050. »49(*)

Pour atteindre cet objectif, des travaux de rénovation énergétique d'une ampleur inédite devront être engagés. D'après le directeur de l'immobilier de l'État, M. Alain Resplandy Bernard, auditionné par la rapporteure spéciale, ce sont de l'ordre de 3 000 euros par m² qui doivent être investis en moyenne pour atteindre cet objectif. Une simple règle de trois conduit à un coût global pour le parc de l'administration territoriale de l'État de l'ordre de 9 milliards d'euros, et pour l'ensemble de l'immobilier de l'État de l'ordre de 280 milliards d'euros d'ici à 2050. En vingt-cinq ans, une telle obligation signifierait que l'État doit investir dans des opérations immobilières dédiées à la rénovation thermique, de l'ordre 10 milliards d'euros par an.

D'après les réponses de la Direction de l'immobilier de l'État au questionnaire de la rapporteure spéciale, les besoins d'investissements identifiés avec le CEREMA se situeraient plutôt autour de 5 milliards d'euros par an d'investissements « vert » dans l'immobilier, là où il ne réalise aujourd'hui que 500 millions d'euros.

Rapporté à la part de l'ATE dans l'immobilier de l'État et des opérateurs, il faudrait que soient réalisés a minima un volume annuel équivalant à 165 millions d'euros d'investissements uniquement dans la transition énergétique des bâtiments. Sans que cette dépense ne puisse être clairement isolée dans les dépenses immobilières du périmètre ATE, il semble néanmoins qu'au cours des derniers exercices, le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » et les programmes de la mission « Plan de relance » ont contribué à rapprocher les dépenses exécutées de cette cible.

Néanmoins, comme le relève la DIE dans ses réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale, les travaux de rénovation énergétique « n'ont pas été finement déclinés au niveau de l'administration territoriale de l'État ; quoi qu'il en soit, les crédits immobiliers consacrés à l'ATE (et singulièrement et DDI et directions régionales) sont notoirement insuffisants ne serait-ce que pour permettre l'entretien des bâtiments. Les crédits immobiliers prévus pour l'entretien et la rénovation thermique des bâtiments de l'État sont donc insuffisants dans l'immédiat, y compris en pluri-annualité. »

Or, la rénovation thermique des bâtiments relève désormais des obligations européennes de la France. La nécessité de ces investissements ne résulte non plus seulement d'arbitrages nationaux pour lutter contre le réchauffement climatique, mais bien d'une obligation juridique de la France, pouvant faire l'objet de recours en manquement si l'État ne se conformait pas à ses obligations.

Au regard de ces éléments, le ministère de l'intérieur doit, sans délai et notamment sans attendre le déploiement d'une foncière publique (cf. infra) :

- expertiser les moyens nécessaires au respect des obligations de rénovation énergétique des bâtiments ;

quantifier les abandons de surface qui devront être consentis pour parvenir à cet objectif ;

- définir une feuille de route précise des besoins annuels d'investissement pour répondre à ces obligations.

On ne saurait se satisfaire plus longtemps d'un pilotage à l'aveugle des dépenses immobilières dans un contexte de réchauffement climatique et alors que les bâtiments représentent encore aujourd'hui 40 % des gaz à effet de serre. Les obligations qui s'imposent au ministère de l'intérieur, tant du fait du décret tertiaire que de la directive sur la performance énergétique des bâtiments doivent le conduire à définir clairement sa feuille de route sur la rénovation thermique des bâtiments de l'ATE.

Recommandation n° 6 : lancer un réel chantier d'objectivation des besoins financiers pour atteindre les objectifs du décret tertiaire et de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

2. Pour atteindre les objectifs énergétiques, la nécessaire adaptation des surfaces par agent
a) L'administration territoriale de l'État est très loin de la cible en termes de surface par agent

Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport sur la politique immobilière de l'État, « deux grands objectifs sont assignés à la politique immobilière de l'État depuis une quinzaine d'année : la rationalisation du parc et la prise en compte du changement climatique. » 50(*) Ces deux objectifs sont néanmoins intimement liés : les objectifs très ambitieux de rénovation énergétique mentionnés plus haut ne peuvent être atteints sans une réduction du parc immobilier de l'administration territoriale de l'État.

Comme le relève Cécile Thévenin, adjointe à la sous-directrice Stratégie et Expertises de l'immobilier de l'État, « la transition ne pourra pas se faire à parc immobilier constant»51(*) Pour être atteints, les objectifs européens imposent une rationalisation des surfaces utilisées et donc des cessions d'emprises, sans lesquelles les objectifs énergétiques seraient intenables.

Les réductions du parc immobilier de l'ATE doivent non seulement refléter la diminution du nombre d'agents dans ces services depuis une dizaine d'année, mais également tenir compte des nouveaux modes d'organisation du travail. Dans son rapport sur les effectifs de l'État territorial52(*), la Cour des comptes évalue qu'au cours des dix dernières années, la réduction des effectifs a représenté 11 000 ETPT, soit 14 % de l'effectif initial (passant de 83 027 ETPT en 2012 à 70 608 ETPT en 2020).

Par ailleurs, les objectifs de densification des bureaux sont loin d'être atteints au sein de l'ATE. La surface utile brute des bureaux se situe autour d'une quarantaine de m² par agents, soit bien au-delà de la nouvelle doctrine, fixée au niveau national par la circulaire du 8 février 2023.

En effet, d'après cette circulaire « un nouveau ratio unique d'optimisation immobilière, exprimé en surface utile brute (SUB) rapporté au nombre de résident, aura pour objectif de s'assurer de cette optimisation. Celui-ci doit se situer autour de la cible pivot de 16 m² SUB / résident, notamment dans les zones où le marché est tendu, en raison du coût du m², et/ou pour tenir compte du télétravail, sans excéder, quelle que soit la zone, un plafond de 18 m² par résident. Dans un souci de simplification, il s'agit désormais du seul ratio normatif. » Ces ratios ne s'appliquent néanmoins de façon immédiate qu'aux nouveaux projets immobiliers de construction ou rénovation, aux acquisitions et aux prises à bail. Elle n'en demeure pas moins la nouvelle valeur de référence pour les opérations de densification.

Détermination de la surface utile brute par résident

La surface utile brute (S.U.B.) correspond à la surface horizontale située à l'intérieur des locaux, de laquelle sont déduits les éléments structuraux (poteaux, murs extérieurs, refends gaines techniques, circulations verticales...), les locaux techniques hors combles et sous-sols (chauffage, ventilation, poste EDF, commutateur téléphonique) à l'exclusion de ceux exclusivement réservés à l'usage d'un locataire (salles informatiques par exemple). Elle est valorisée sur le périmètre soutenu au titre de l'immobilier occupant, comprenant les préfectures, DDI et DR de l'ATE. Les surfaces de travail valorisées sont issues des seuls bâtiments de bureau.

Le nombre de résidents correspond au nombre d'ETP (effectifs notifiés) additionné au nombre de personnes extérieures à l'administration mais utilisatrices régulières et pérennes des locaux. Pour la première année d'application et en l'absence de recensement ad hoc, il est choisi de retenir le nombre d'ETPT (équivalent temps plein travaillé), en reprenant les données fournies par les ministères dans le cadre de l'enquête annuelle sur les effectifs de l'ATE. Les prochaines enquêtes devraient recenser le nombre de résidents.

Source : projet annuel de performances de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2024

Comme le relève la Cour des comptes dans son rapport sur l'immobilier de l'État53(*) de décembre 2023 au sujet de ce nouveau ratio : « outre la complexité du dispositif et le flou autour de la prise en compte du télétravail, aucune disposition coercitive n'est prévue pour que ce ratio soit mieux respecté que le précédent. »

Il est en tout état de cause indispensable qu'une politique beaucoup plus volontariste soit menée pour déterminer les emprises qui ont vocation ou non à demeurer dans le champ de l'ATE et, partant, d'identifier les opportunités de densification. Si l'objectif d'une réduction de 25 % des surfaces du parc tertiaire d'ici à 2030 a été affichée par l'exécutif54(*) en novembre 2023, il est désormais urgent d'entamer une politique de densification beaucoup plus ambitieuse au sein de l'administration territoriale de l'État.

En effet, la cible de surface utile brute par résident pour 2024, d'après le projet annuel de performances annexé à la loi de finances initiale pour 2024, a été fixée à 39,21 m² pour l'ensemble de l'ATE. Des marges importantes de densification des sites existent55(*).

Comme évoqué plus haut, ces densifications peuvent également constituer l'occasion d'abandonner des baux privés, opération génératrice d'économies pour l'État.

Recommandation n° 7 : engager une politique beaucoup plus volontariste en matière de densification des locaux de l'ATE (direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

b) Les ratios de surface par agent doivent néanmoins être adaptés pour tenir compte des spécificités du réseau préfectoral

La rapporteure spéciale considère toutefois qu'il doit être tenu compte de spécificités architecturales et des usages propres aux préfectures, qui ne constituent pas un immobilier de bureaux « classique ». Ainsi, certaines surfaces doivent pouvoir être exclues des ratios. En effet, les espaces de réunion et de réception des préfectures permettent de recevoir les élus et des publics extérieurs : le ratio calculé en fonction du nombre de résidents n'est donc pas toujours pertinent.

Par ailleurs, certains espaces de réception présentent un intérêt patrimonial et il serait dommageable de les traiter comme des espaces de bureaux modulables. Par conséquent, il semble nécessaire d'adapter les ratios actuels pour permettre de déterminer une cible ambitieuse, mais qui demeure réaliste.

Recommandation n° 8 : redéfinir les modalités de calcul des ratios de surface par agent pour exclure les espaces de réception et de réunion des préfectures, afin de garantir le réalisme de ces cibles (direction de l'immobilier de l'État).

B. POUR RÉPONDRE AUX BESOINS MASSIFS D'INVESTISSEMENTS, LA MISE EN PLACE D'UNE FONCIÈRE PEUT CONSTITUER UNE RÉPONSE PERTINENTE DÈS LORS QUE CERTAINES CONDITIONS SERONT REMPLIES

1. L'immobilier de l'ATE en concurrence avec les autres postes du budget du ministère de l'intérieur, un arbitrage perdu d'avance
a) Des effets d'éviction massifs au sein du budget du ministère de l'intérieur

Le vecteur de « droit commun » des dépenses immobilières de l'ATE étant le programme 354, celui-ci est aujourd'hui intégré dans le budget global du ministère de l'Intérieur, prévu par la loi d'orientation et de programmation du ministère (LOPMI).

Or, les choix politiques du ministère, sous contrainte de la loi de programmation, semblent d'abord aller vers les dépenses de titre 2, dédiées aux personnels des forces de sécurité intérieure et vers les principaux projets immobiliers, dédiés à l'administration centrale.

M. Clément Boisnaud, sous-directeur de la 5e sous-direction du budget, a indiqué à la rapporteure spéciale lors de son audition que « le ministère de l'intérieur dispose d'une enveloppe au sein de laquelle il lui revient de faire ses arbitrages. On constate qu'il y a beaucoup de T2, avec un effet d'éviction sur les dépenses hors T2, et notamment sur les dépenses immobilières. De plus, les grands projets immobiliers comme Universeine ou le site unique de la DGSI conduisent à de l'éviction sur le reste des dépenses immobilières du ministère »

En effet, les grands projets immobiliers portés par le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », absorbent une part importante des crédits immobiliers de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». Les projets d'investissements d'administration centrale dont Universeine et le site unique du renseignement Intérieur représentent, d'après le rapport annuel de performances (RAP) de la mission pour 2023, 273,6 millions d'euros.

Comme le relèvent l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable, l'immobilier « se doit d'être géré au coût le plus juste sans dégrader sa valeur en gérant beaucoup d'arbitrages, notamment entre le court et le moyen terme, entre la dépense immobilière et d'autres dépenses, dont la sensibilité immédiate est plus forte, entre des arguments rationnels et des ressentis qui le sont moins, mais sont une caractéristique du rapport psychologique à l'immobilier. »56(*)

Il est désormais indispensable d'en revenir à une approche beaucoup plus rigoureuse de ces arbitrages et de ne plus mettre en balance les dépenses immobilières avec les autres priorités politiques du ministère.

b) Il est nécessaire de sanctuariser les dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en analysant la programmation budgétaire au prisme de sa soutenabilité

Au plan budgétaire, les crédits nécessaires à l'entretien et à la rénovation thermique des bâtiments doivent être sanctuarisés, en écartant la possibilité laissé au ministère de l'intérieur de prioriser d'autres postes de dépenses dans le cadre du pilotage pluriannuel sous loi de programmation.

L'analyse de la soutenabilité des dépenses faite par la direction du budget sur les budgets proposés par le ministère de l'intérieur, doit être réalisée de façon beaucoup plus poussée. En effet, la soutenabilité des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État doit être garantie, alors que l'engagement est désormais pris au niveau européen de rénover massivement les bâtiments publics.

Comme le rappellent l'inspection générale des finances et conseil général de l'environnement et du développement durable, « la structuration d'une fonction immobilière s'inscrit dans le temps long, elle requiert un portage politique fort, et elle nécessite un accompagnement humain soutenu. » 57(*) Il est donc indispensable que soit engagée dès maintenant la structuration de cette fonction, avec des capacités à mener des diagnostics et à réaliser les opérations de travaux indispensables.

Ainsi, la capacité de priorisation de certaines dépenses doit donc être limitée, et conditionnée au respect des engagements européens de la France en matière environnementale.

Recommandation n° 9 : intégrer à l'analyse de la soutenabilité du budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » la cohérence des financements immobiliers au regard des obligations de rénovation énergétique des bâtiments (direction du budget).

2. La mise en place d'une foncière constitue une réponse adaptée aux enjeux de l'immobilier de l'administration territoriale
a) Le modèle de foncière, inspiré d'autres États européens, permettrait de sanctuariser des budgets et des compétences

D'après l'inspection générale des finances et le conseil général de l'environnement et du développement durable, « en pratique, la professionnalisation de la fonction immobilière passe par la création d'une entité dédiée qui permet de mutualiser les ressources humaines disponibles et surtout d'enclencher une stratégie de renforcement des compétences. » 58(*) En conséquence, « à la lumière des transformations immobilières qu'elle a examinées, la mission estime nécessaire de constituer une entité opérationnelle dédiée, qui pourrait prendre la forme d'une agence, chargé de la gestion du propriétaire de l'ensemble de l'immobilier de bureaux des ministères entendus au sens large), [...] soit 12 millions de m2. » 59(*)

En effet, la centralisation auprès d'une entité opérationnelle dédiée pourrait contribuer à répondre aux difficultés opérationnelles rencontrées dans les cités administratives et les sites multi-occupants, relevées par le directeur de l'immobilier de l'État dans une présentation en date du 22 novembre 2021, transmise à la rapporteure spéciale :

- les sites multi-occupants souffrent de beaucoup de défaillances de coordination interministérielle, du fait qu'il n'y a pas d'économies d'échelle ;

- les sous-investissements entrainent une dégradation accélérée des immeubles ;

- le pilotage des risques sécuritaires, réglementaires et financiers est très disparate entre les administrations ;

- la gestion de la qualité des conditions de travail et de l'accueil des visiteurs était globalement jugée insuffisantes.

Ainsi, dans plusieurs États européens, la détention des biens occupés par l'État relève d'une foncière publique : tel est le cas notamment en Allemagne, au Pays-Bas, en Belgique, au Danemark ou encore en Autriche. Les modèles de gouvernance et de financement varient entre ces différents États, comme le documente l'étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restituée en avril 2022 à la Commission européenne par le cabinet Ernst and Young.

Les différents modèles de détention des biens occupés par l'État

Source : étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restitution finale de l'étude, Ersnt and Young pour la Commission européenne, avril 2022

Ainsi, par exemple, aux Pays Bas, le système de location est organisé dans le cadre du système de logement public (rijkshuisvestingsstelsel) et, pour chaque région, le loyer est calculé sur la base d'un prix par m² calculé sur la base de la moyenne du coût du loyer, des installations dans les bâtiments, des prestations de la foncière et de la consommation d'énergie, ainsi que des amortissements et des intérêts. L'occupant peut indiquer à la foncière chaque année le volume d'espace dont il a besoin (pas de contrat à long terme mais un montant fixe de m²).

En Autriche, les loyers sont calculés sur l'ensemble du cycle de vie des projets dits « bigmodern ». L'objectif est de disposer d'un retour sur investissement dans un délai de 10 à 15 ans, avec pour condition préalable que les bâtiments soient exploités de manière efficace sur le plan énergétique.

En France, une telle organisation n'existe pas, les ministères ayant la responsabilité de leur immobilier. Néanmoins, depuis 2021, l'Agence de gestion de l'immobilier de l'État (AGILE) a été mise en place par la direction de l'immobilier de l'État et se développe comme prestataire de services sur trois types d'activités couvrant plusieurs métiers de l'immobilier :

l'exploitation maintenance des sites multi-occupants ;

la maîtrise d'ouvrage et la gestion d'actifs : les services de l'État pouvant faire appel à l'AGILE pour les accompagner en qualité d'assistant à maîtrise d'ouvrage) ou de maître d'ouvrage délégué ;

- la mise en place d'un plan solaire photovoltaïque.

Agile est une société anonyme de droit privé dont le capital est entièrement détenu par l'État.

Agile, bras armé opérationnel de la direction de l'immobilier de l'État

L'Agence de gestion de l'immobilier de l'État (AGILE) est une société anonyme de droit privé dont le capital est entièrement détenu par l'État.

Elle est le bras armé opérationnel de la DIE, au service de la politique immobilière de l'État. L'AGILE est composée au 31 mars 2024 de 80 salariés, avec un objectif de 100 salariés fin 2024. L'AGILE vise à développer, gérer et valoriser le parc domanial, en déployant son savoir-faire aujourd'hui reconnu sur l'ensemble des métiers de la chaîne immobilière, notamment en matière de valorisation d'actifs. Sa gouvernance est assurée par un conseil d'administration composé du directeur de la DIE, de membres de plusieurs ministères (Intérieur, Budget) et de corps de contrôle (contrôle général économique et financier).

L'AGILE intervient :

- dans le cadre de la gestion et de l'exploitation-maintenance du parc domanial. Elle propose ses services aux occupants publics, en administration des biens, entretien-maintenance bâtimentaire et services généraux.

L'AGILE prévoit en 2024 la prise en gestion de 30 nouveaux sites, pour un objectif de plus de 200 sites dans les 5 ans ;

- dans le cadre du plan de sobriété de l'État, pour lequel elle a été désignée « Task force opérationnelle de l'immobilier de l'État ».

Avec un objectif de plus de 3 000 sites et plus de 1 000 prestations déjà réalisées, l'AGILE poursuit ses actions dans les territoires pour apporter son expertise et ses recommandations aux gestionnaires de bâtiments ;

- pour l'accompagnement des services de l'État sur le montage et la gestion des projets immobiliers publics (maîtrise d'ouvrage déléguée et assistance à maîtrise d'ouvrage), la gestion des audits bâtimentaires, énergétiques et environnementaux, ou en matière de valorisation du patrimoine ;

- dans le déploiement d'un plan solaire photovoltaïque, pour faire de l'État propriétaire un modèle d'exemplarité, via des installations d'autoconsommation collective sur des bâtiments de l'État ou des centrales photovoltaïques au sol.

Source : rapport annuel de la direction de l'immobilier de l'État, 202360(*)

b) La foncière, un chantier qui doit être poursuivi avec davantage d'ambitions

Lors de la conférence nationale de l'immobilier public du 26 mars 2024, la direction de l'immobilier de l'État a présenté la méthodologie devant permettre de lancer une structure préfiguratrice de la foncière interministérielle à partir du 2 janvier 2025 dans les régions Normandie et Grand-Est.

Cette foncière serait ainsi chargée des actifs de bureaux de l'administration territoriale de deux ministères, le ministère de l'intérieur (à l'exception des forces de sécurité intérieure) et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

La mise en place d'un projet pilote de foncière

Pour répondre aux difficultés identifiées en matière de gestion immobilière et afin de répondre aux enjeux de transition énergétique des bâtiments, la mise en place d'un projet pilote de foncière a été arbitré au printemps 2024.

À très court terme (2025), le périmètre du pilote porterait sur les bâtiments de bureaux du ministère des finances et du ministère de l'intérieur (hors forces de police et de gendarmerie), les sites multi-occupants et les biens devenus inutiles aux services publics dans deux territoires pilotes (Grand-Est et Normandie). Certains biens en Île-de-France et en Auvergne-Rhône-Alpes seront également concernés pour massifier le patrimoine géré par la foncière et démontrer rapidement son efficience sur des opérations attendues de longue date.

À moyen terme, le périmètre concernera tous les bâtiments de bureaux et les locaux d'activité de l'État, occupés par les services de l'État et ses opérateurs, sur tout le territoire (DROM compris).

Le déploiement doit intervenir de manière progressive, les locaux des forces de sécurité intérieure, les tribunaux et les prisons devant faire l'objet d'une analyse postérieure. Par ailleurs, sont exclus de la cible les biens occupés par le ministère des armées, les biens à l'étranger, les universités ou grandes écoles concernées par la dévolution, ainsi que les équipements particuliers (de type infrastructures), les biens culturels (musées et cathédrale), les forêts domaniales, les espaces naturels et les espaces aménagés.

Afin de garantir un déploiement optimal de la foncière, une vision globale et un pilotage stratégique, les baux externes passés par les services de l'État seront centralisés.

Source : direction de l'immobilier de l'État, la foncière publique interministérielle, un outil au service de l'amélioration de la qualité et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'État

Ainsi, dans l'organisation de la gouvernance d'ensemble, il est envisagé que la direction de l'immobilier de l'État conserve son rôle de pilotage de la politique immobilière de l'État, la foncière assurant les missions relevant de l'État propriétaire et les administrations occupantes les services généraux.

La foncière bénéficierait du transfert des biens occupés par les administrations, en assurerait la gestion, et bénéficierait en contrepartie de recettes correspondant aux loyers payés par les administrations.

Représentation du fonctionnement de la foncière

Source : direction de l'immobilier de l'État, la foncière publique interministérielle, un outil au service de l'amélioration de la qualité et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'État

La rapporteure spéciale considère que la foncière, en limitant le morcellement de la gouvernance et l'éclatement des financements, pourra contribuer de manière très positive à l'amélioration de la gestion de l'immobilier de l'État territorial. Elle recommande par conséquent de maintenir les projets pilotes tels qu'envisagés par le précédent gouvernement.

Recommandation n° 10 : maintenir la mise en place d'une foncière dans deux régions pilotes en 2025 (ministère de l'économie et ministère de l'intérieur).

Dès 2025, les DDI et DR de l'ATE entreraient dans le périmètre de la foncière. Pourraient ainsi être concernés aussi bien les biens domaniaux que les locaux pris à bail et les biens mis à disposition dans le cadre des lois de décentralisation.

Néanmoins, la rapporteure spéciale s'interroge sur les conditions de mise en place de la foncière concernant les biens mis à disposition par les collectivités, selon la forme que prendra la foncière.

En effet, si celle-ci prenait la forme d'une personne morale distincte, bénéficiant d'un transfert de propriété, les biens mis à disposition par les collectivités ne pourraient pas entrer dans cette catégorie et il faudrait pour permettre un transfert à la foncière et la perception de loyers, prévoir la révision des conventions de mise à disposition de ces biens. Par ailleurs, dans un premier temps, seuls les biens relevant du domaine privé pourraient effectivement faire l'objet de l'expérimentation de la foncière - en application du principe d'inaliénabilité du domaine public.

Il conviendra donc d'analyser avec précision les implications de la mise en oeuvre de la foncière, qui pourrait entrainer des travaux importants sur le plan juridique.

En matière de gouvernance de la foncière, la rapporteure spéciale considère qu'il est nécessaire de maintenir une organisation cohérente au niveau territorial. En effet, alors que le Préfet de région représente l'État propriétaire au niveau régional, assisté pour ce faire du responsable régional de la politique immobilière de l'État, il est indispensable que le préfet demeure responsable de la politique immobilière régionale dans le cadre de la foncière.

La rapporteure spéciale considère que l'ensemble des décisions stratégiques doivent continuer à être prises par le Préfet de région, en concertation avec les préfets de départements, qui sont, en application de l'article 19 du décret du 29 avril 200461(*) « responsable de la gestion du patrimoine immobilier et des matériels des services de l'État placés sous son autorité ».

Recommandation n° 11 : confier au Préfet de région la prise de décision sur les orientations stratégiques de la foncière au niveau régional (direction de l'immobilier de l'État, direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

Le préfet de région doit pouvoir disposer d'effectifs dédiés, dotés des compétences nécessaires pour répondre aux enjeux de la politique immobilière au niveau régional et accompagner les différents chantiers.

Ainsi, l'échelon régional doit être considéré comme l'échelon de référence pour l'organisation de la foncière. De plus, alors que les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) sont implantés au niveau supra-régional, la rapporteure spéciale considère que ce maillage doit être renforcé pour garantir une présence dans chacune des régions des compétences immobilières.

L'évolution du périmètre de la foncière vers d'autres ministères à moyen terme doit permettre de parvenir à un nombre d'emplois suffisant dans chacune des régions pour réaliser les principales missions de la foncière à cette échelle.

Recommandation n° 12 : faire de l'échelon régional l'échelon de référence pour l'organisation territoriale de la foncière (direction de l'immobilier de l'État, direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

Par ailleurs, d'après les informations transmises à la rapporteure spéciale, « le périmètre fonctionnel est en cours de définition. La distinction devra s'opérer entre ce qui relèvera 1/ de la foncière ou des services occupants et 2/ de la maintenance à la charge du propriétaire ou à celle de l'occupant, tout comme le niveau de maintenance ou d'éventuels services allant au-delà de ce que pourrait proposer une foncière privée. »

Ces dimensions doivent être précisées, afin d'établir plus clairement les responsabilités de chaque échelon. La rapporteure spéciale recommande, à l'occasion des travaux des deux régions pilotes, de mener un travail d'identification la plus précise possible des responsabilités pour les différentes fonctions immobilières, par référence aux catégories existantes. Pour chacune des fonctions immobilières, il est indispensable qu'une instance unique de décision soit désignée.

Les différentes compétences immobilières qui devront être réparties
entre la foncière et les ministères occupants

Gestion d'actifs (Asset Management) :

· optimisation du portefeuille immobilier : analyse et restructuration ;

· conseil en investissement immobilier : services de conseil pour l'acquisition et la cession de biens ;

· gestion des risques : analyse des risques financiers et opérationnels des opérations.

Gestion de la propriété (Property Management)

· gestion locative et charges du propriétaire : administration des baux, maintenance et réparations lourdes ;

· gestion des charges et des services : suivi et optimisation des charges opérationnelles et des services aux occupants.

Gestion des installations (Facility Management)

· gestion technique des bâtiments : entretien des systèmes électriques, de chauffage, de climatisation, etc. ;

· sécurité et conformité : mise en oeuvre de mesures de sécurité et garantie de la conformité réglementaire des installations ;

· services aux occupants : gestion des services de nettoyage, de restauration et autres services aux occupants.

Gestion de bureaux (Office Management)

· aménagement des espaces de travail : conception et optimisation des espaces pour améliorer la productivité et le bien-être des employés ;

· gestion des ressources matérielles : achat et gestion des fournitures et équipements de bureau ;

· support administratif et technique : assistance administrative et support technique pour les opérations quotidiennes du bureau.

Source : commission des finances du Sénat

Il conviendra ainsi, au cours de l'évaluation du projet pilote, de définir très précisément les compétences qui seront confiées à la foncière et les modalités d'intervention des différentes parties prenantes.

En tout état de cause, les conditions de gouvernance de la foncière devront pleinement intégrer ces différentes dimensions et décliner, item par item, les responsabilités et rôles de chacun.

Une mission de l'inspection générale des finances a par ailleurs été mandatée pour faire des propositions relatives au financement de cette foncière. Il convient de relever qu'il existe principalement deux modes de définition des redevances pour les occupants dans les États européens ayant mis en place une foncière : l'un fondé sur une approche des coûts, l'autre sur les prix qui seraient ceux du marché.

Modalités de détermination des loyers de la foncière

Approche fondée sur les coûts

Approche fondée sur les prix du marché

Loyer au m² identique pour tous les utilisateurs au niveau national ou par région

Pas de marge bénéficiaire : le loyer ne fait que compenser les coûts d'exploitation

Principale condition de réussite : un portefeuille composé d'actifs de qualité similaire

Ex. : aux Pays-Bas et en Finlande, un mode de réflexion éloigné du privé mais qui permet plus de flexibilité, induisant encore plus de rationalisation du parc.

Mode de réflexion calqué sur le privé à la manière d'une foncière privé

Loyer dépendant de l'actif occupé (qualité et localisation)

Ex. : en Autriche, le niveau des loyers est déterminé par comparaison avec le marché privé.

Source : étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restitution finale de l'étude, avril 2022

La rapporteure spéciale considère que les modalités de financement qui seront choisie devront garantir deux éléments majeurs, à savoir d'une part, permettre le bon niveau de financement pour assurer la transition énergétique du parc et, d'autre part, maintenir une incitation forte des ministères à rationaliser leurs emprises.

Alors que la fixation d'un niveau de prix équivalent aux prix de marché pourrait avoir pour conséquence un renchérissement considérable de la fonction immobilière pour les administrations occupantes, la rapporteure spéciale recommande de définir les loyers par référence aux coûts supportés par la foncière.

Néanmoins, il s'agira d'intégrer à ces loyers l'ensemble des coûts actualisés qui devront être supportés par la foncière pour maintenir un niveau d'entretien satisfaisant du parc et surtout assurer la transition énergétique en répondant aux obligations de rénovation énergétique fixées par le droit national et européen.

Recommandation n° 13 : définir le niveau des loyers payés par les occupants en fonction des coûts réels pour la foncière, intégrant le coût de la transition énergétique du parc, afin de répondre aux obligations nationales et européennes (direction du budget, direction de l'immobilier de l'État, direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

Ainsi, la mise en oeuvre de la foncière suppose une amélioration très nette de la connaissance du parc, entamée dans le cadre de la détermination des nouveaux schémas directeur de l'immobilier régional.

Ces travaux doivent se poursuivre, afin que les projections financières de la foncière puissent s'appuyer sur un diagnostic précis des besoins de financement pour répondre aux engagements européens de la France : comme le déplore la Cour des comptes, ces obligations ne font « pas l'objet d'une déclinaison explicite dans un plan national. »62(*)

Différents groupes de travail au niveau national et au niveau des deux régions pilotes concernées ont été constitués pour permettre d'approfondir de six axes principaux :

- responsabilités et mode de fonctionnement ;

- gouvernance ;

- questions juridiques et financières ;

- ressources humaines ;

- conduite du changement et communication ;

- modélisation financière.

Les principaux chantiers identifiés par la direction de l'immobilier de l'État

Source : direction de l'immobilier de l'État, la foncière publique interministérielle, un outil au service de l'amélioration de la qualité et de la valorisation du patrimoine immobilier de l'État

Parmi les principaux chantiers identifiés par la direction de l'immobilier de l'État, la rapporteure spéciale souhaite insister particulièrement sur celui des ressources humaines. En effet, les enseignements de la création des secrétariats généraux communs doivent être tirés, notamment au regard des difficultés identifiées par le rapport de Mme Isabelle Briquet, fait au nom de la commission des finances du Sénat en juin 202263(*).

Ainsi, comme l'a documenté le rapport précité, les conditions dans lesquelles est intervenue la création des SGCD ont conduit à ce qu'un grand nombre d'agents, qui disposaient des compétences, ont fait le choix de ne pas suivre leur poste : « il en est résulté, dès l'amorçage de la réforme, des pertes de compétences très importantes. »

Aujourd'hui, dans de nombreuses directions, des fonctionnaires disposent d'une connaissance précise des bâtiments et de leur historique. Il peut être à craindre que la création d'une nouvelle structure, dont la forme juridique reste à définir, conduise ce que ces agents fassent le choix de ne pas suivre leur poste. Il en résulterait une perte de connaissance qui pourrait être très préjudiciable pour l'ensemble des acteurs.

La rapporteure spéciale appelle donc à être particulièrement vigilant pour permettre de maintenir au sein de cette nouvelle structure, les différents personnels qui disposent des connaissances indispensables.

Recommandation n° 14 : Veiller à ce que la création de la foncière n'induise pas une perte de compétence en assurant le maintien des agents ayant la connaissance bâtimentaire au sein de cette nouvelle structure (direction de l'immobilier de l'État, direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur et direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier).

La foncière suscite enfin une interrogation majeure : celle du niveau d'information du Parlement. En effet, alors que le directeur de l'immobilier de l'État, auditionné par la rapporteure spéciale, a indiqué que la foncière pourrait prendre la forme d'une société anonyme ou d'un établissement public industriel et commercial, les informations transmises au Parlement pourraient être très limitées. En effet, les projets annuels de performances des missions concernées indiqueraient le niveau des loyers payés par chacun des ministères, mais aucune information ne serait transmise sur la gestion de la foncière elle-même.

Au regard des enjeux financiers posés par la transition énergétique des bâtiments publics dans les années à venir, le Parlement doit impérativement être pleinement associés aux décisions stratégiques de la foncière. La présence de parlementaires à la conférence nationale de l'immobilier public, si elle est utile, ne saurait être suffisante.

Ainsi, la rapporteure spéciale recommande de renforcer l'information du Parlement en complétant le document de politique transversale dédié à la politique immobilière de l'État, afin d'apporter une information complète aux parlementaires.

Recommandation n° 15 : garantir l'information du Parlement en complétant le document de politique transversale sur la politique immobilière de l'État en présentant précisément les moyens déployés par la foncière et ses objectifs (direction du budget).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 24 septembre 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale, sur l'immobilier de l'administration territoriale de l'État.

M. Claude Raynal, président. - Permettez-moi tout d'abord de féliciter, même si évidemment elle n'est pas parmi nous, notre collègue Marie-Claire Carrère-Gée pour sa nomination comme ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de la coordination gouvernementale.

Nous allons maintenant entendre une communication de Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. - Le patrimoine immobilier de l'administration territoriale de l'État (ATE) doit retenir l'attention de notre commission à trois titres. D'abord parce qu'il est dans un état très préoccupant : c'est le « parent pauvre » du ministère de l'intérieur lors de ses arbitrages budgétaires ; ensuite parce qu'il est confronté, comme l'ensemble de l'immobilier tertiaire de l'État à des besoins d'investissements considérables pour répondre aux obligations relatives à la transition énergétique ; enfin parce que l'immobilier de l'administration territoriale de l'État est, comme l'immobilier de la direction générale des finances publiques (DGFiP), concerné par la mise en place à compter du 1er janvier 2025 d'une foncière interministérielle, laquelle a vocation, à terme, à absorber l'immobilier de la plupart des ministères.

L'immobilier de l'administration territoriale de l'État est dans une situation très dégradée.

C'est ce qu'il ressort des auditions et déplacements que j'ai réalisés. Plutôt que d'avoir une vision proactive et stratégique de son patrimoine immobilier, le ministère de l'intérieur gère en permanence l'urgence.

Je me suis rendue à la préfecture de Bastia où j'ai pu visiter des locaux qui avaient été désertés en trois jours, à la suite d'une décision du préfet, après qu'a été diagnostiquée la présence massive d'amiante dans le bâtiment. C'était une visite irréaliste, digne de la science-fiction : des dossiers gisaient par terre çà et là, les bureaux étant toujours en place au milieu des décombres d'un commencement de travaux...

Si l'exemple de la préfecture de Haute-Corse est à bien des égards singulier, voire caricatural, il n'en demeure pas moins qu'il illustre de façon très marquante une situation : le programme 354 « Administration territoriale de l'État » ne permet aujourd'hui que de gérer des urgences. Il ne peut, en aucun cas, servir de base pour mener une politique immobilière structurée et fondée sur des diagnostics immobiliers précis.

Comme le relevait l'inspection générale de l'administration en 2015, les retards dans l'entretien normal des bâtiments se traduisent « par une dégradation physique des bâtiments liée à une maintenance insuffisante, notamment pour sa composante préventive. Or, l'entretien qui n'est pas réalisé à temps coûte beaucoup plus cher une fois que les désordres sont apparus. »

Cette alerte est d'autant plus forte pour le patrimoine des directions départementales interministérielles (DDI) et des directions régionales (DR) de l'ATE : les dépenses qui incombent au propriétaire ne sont aujourd'hui plus réellement portées par personne. En effet, le ministère de l'intérieur renvoie vers le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État », du compte d'affectation spéciale « Immobilier de l'État », qui n'a nullement les moyens de soutenir de telles dépenses.

Heureusement, les programmes de rénovation des cités administratives et du plan de relance ont permis de prendre en charge un certain nombre de projets. Ces vecteurs n'étant pas pérennes, les dépenses du propriétaire des DDI et des DR de l'ATE doivent désormais être pleinement intégrées au périmètre du programme 354.

Par ailleurs, je souhaite revenir rapidement sur deux points : la mise à disposition de certains bâtiments par les collectivités territoriales - principalement les départements - et la location de certaines emprises à des bailleurs privés.

Je considère que les bâtiments occupés exclusivement par l'État et mis à disposition par les collectivités doivent pouvoir lui être cédés lorsque les collectivités en sont d'accord. Seraient principalement concernés les bâtiments qui ne sont occupés que par les services de l'État, dans une démarche de simplification et de rationalisation. L'intégration pleine et entière de ces biens au patrimoine de l'État contribuerait à améliorer la vision stratégique du ministère sur son patrimoine.

En ce qui concerne les biens loués par l'État auprès de bailleurs privés, je relève dans mon rapport que les loyers externes ont représenté, en 2023, près de deux fois et demie les dépenses d'investissement immobilier du programme 354. Je déplore cette situation ; je considère qu'il est nécessaire de trouver les moyens de financer des opérations qui permettent d'abandonner ces biens pour privilégier des sites domaniaux et faire des économies de loyers. On ne peut que regretter que certaines opérations, conduisant à un retour sur investissement très favorable à l'État, ne parviennent pas à être financées, surtout lorsqu'elles permettent, de surcroît, de répondre à des objectifs de transition énergétique du parc.

La transition énergétique constitue en effet le deuxième axe de mon contrôle.

Comme me l'a indiqué le directeur de l'immobilier de l'État, les travaux de rénovation énergétique « n'ont pas été finement déclinés au niveau de l'administration territoriale de l'État ; [...] les crédits immobiliers consacrés à l'ATE, et singulièrement aux DDI et aux directions régionales, sont notoirement insuffisants ne serait-ce que pour permettre l'entretien des bâtiments. Les crédits immobiliers prévus pour l'entretien et la rénovation thermique des bâtiments de l'État sont donc insuffisants dans l'immédiat, y compris en pluriannualité. »

Cette situation est d'autant plus préoccupante que la transition énergétique des bâtiments découle non plus uniquement d'arbitrages politiques, mais bien d'obligations juridiques, issues de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Élan, et de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments.

Désormais, les ministères n'ont plus le choix et doivent assurer la transition écologique de leur parc immobilier.

Je constate de ce point de vue un hiatus très marqué entre les annonces des précédents gouvernements et les moyens réellement débloqués pour y répondre.

Ainsi, à l'échelle de l'ensemble de l'immobilier de l'État, le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) estime qu'il faudrait réaliser chaque année autour de 5 milliards d'euros d'investissements « verts » dans l'immobilier, là où l'État ne dépense aujourd'hui que 500 millions d'euros.

La dépense immobilière est ainsi aujourd'hui très insuffisante sur l'ensemble du périmètre de l'État, et singulièrement pour l'administration territoriale.

Dans l'immédiat, le manque de connaissance du parc me conduit à plaider pour que soir lancé un réel chantier d'objectivation des besoins financiers permettant d'assurer la transition énergétique du parc.

Surtout, la transition écologique ne pourra pas se faire à parc immobilier constant : les surfaces doivent impérativement être réduites. En effet, alors que la circulaire de la Première ministre de février 2023, dite circulaire « surface », impose un plafond de 18 mètres carrés de surface utile brute par résident aux nouveaux projets d'installation ou de rénovation, cette surface est aujourd'hui, dans l'administration territoriale de l'État, proche des 40 mètres carrés, soit plus de deux fois le plafond. Il est donc nécessaire de mener une politique de densification beaucoup plus volontariste.

Néanmoins, pour s'assurer du réalisme de ces objectifs, il est nécessaire d'exclure des ratios de mètres carrés par résident certains espaces de réception et de réunion des préfectures, qui sont tournés non pas uniquement vers les résidents, mais vers l'extérieur.

Pour répondre aux différents défis que je viens d'évoquer, le précédent gouvernement a arbitré en faveur de la mise en oeuvre d'une foncière interministérielle, réunissant au départ l'administration territoriale de l'État et le réseau territorial de la DGFiP. Celle-ci devrait être créée le 1er janvier 2025, dans deux régions pilotes : Grand Est et Normandie.

Je recommande de maintenir cette mise en oeuvre. En effet, la foncière doit permettre de limiter le morcellement de la gouvernance et l'éclatement des financements, qui caractérisent aujourd'hui l'immobilier de l'administration territoriale. Je considère qu'elle pourra contribuer de manière très positive à l'amélioration de la gestion de l'immobilier de l'État territorial. Les responsables de cette politique seront ainsi désignés clairement.

Surtout, la foncière doit disposer des moyens nécessaires pour mener une réelle politique immobilière. Les loyers payés par les ministères occupants devront, d'une part, garantir le bon niveau de financement pour assurer la transition énergétique du parc et, d'autre part, maintenir une incitation forte des ministères à rationaliser leurs emprises.

Ainsi, je recommande de fixer les loyers en fonction des coûts supportés par la foncière, en intégrant à ces coûts les besoins de financement de la transition énergétique du parc.

Je considère par ailleurs que l'échelon de référence de la foncière doit être au moins régional. Si la foncière doit bien être nationale, sa déclinaison concrète doit correspondre au périmètre régional et les décisions stratégiques doivent être prises par les préfets de région, aidés pour ce faire par les représentants de la politique immobilière de l'État en région. En effet, il s'agit de s'appuyer sur la structuration actuelle de l'immobilier dans le cadre des schémas directeurs de l'immobilier régional, les SDIR.

Enfin, je considère que le Parlement doit disposer d'informations détaillées sur la mise en oeuvre de la foncière et les financements projetés : le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État devrait être complété par une présentation précise de ces éléments.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Votre travail me fait penser au sujet de l'immobilier de la gendarmerie que nous avons récemment évoqué devant notre commission. Dans les deux cas, l'expérimentation relative à la création d'une foncière me semble utile. Il faut la mettre en oeuvre.

Vous avez aussi souligné, à juste titre, le manque de stratégie de l'État dans la gestion de son patrimoine immobilier. Il faut veiller à ce que sa politique en la matière ne consiste pas uniquement à atteindre un certain ratio de mètres carrés par résident : cet indicateur, en effet, n'est pas toujours significatif car il faut prendre en considération la fonction des bâtiments, la présence d'espaces de réception, etc. Parfois, ce ratio peut apparaître comme relativement élevé : il est alors possible de rationaliser et de densifier. Il faut donc bien différencier selon les usages des bâtiments. Il convient aussi de tenir compte de l'emprise foncière globale, des espaces verts, des chemins d'accès, des parkings, etc. car tout cela a un coût.

L'État a-t-il ouvert une réflexion sur l'opportunité d'être propriétaire de ses locaux ? Ne serait-il pas plus intéressant pour lui parfois d'être locataire ? Il doit également prendre en compte le fait que le télétravail aboutit à libérer de l'espace : deux jours de télétravail par semaine et par agent permettent ainsi de libérer mécaniquement 40 % de l'espace, ou encore le zéro artificialisation nette (ZAN).

Mme Isabelle Briquet. - J'avais commencé à travailler sur la question de l'immobilier de l'administration territoriale de l'État lorsque j'étais rapporteure spéciale de la mission. J'avais constaté que notre patrimoine était dans un état calamiteux. L'une des difficultés tient au fait que beaucoup de préfectures ou de sous-préfectures occupent des sites ou des bâtiments remarquables, qui sont parfois classés monuments historiques.

Notre rapporteure a très bien expliqué qu'il manquait plusieurs milliards pour rénover tous les locaux et les mettre aux normes de la transition énergétique. Les crédits de la mission permettent-ils au moins de réparer les bâtiments et de les maintenir à flot ?

M. Rémi Féraud. - La situation de l'immobilier de l'administration territoriale de l'État me rappelle la situation de notre immobilier à l'étranger, que j'ai étudiée avec Vincent Delahaye : on paie le report, depuis des années, des investissements et des travaux nécessaires. Le retard pris sera très difficile à rattraper, notamment pour adapter notre patrimoine au regard des exigences de la transition énergétique. L'immobilier à l'étranger souffre de régimes juridiques très différents et n'est d'ailleurs pas intégré à la foncière de l'État.

Avec Christine Lavarde, nous représentons le Sénat au Conseil de l'immobilier de l'État. Celui-ci s'est réuni la semaine dernière. Sa position est relativement modérée quant à la création d'une foncière : il faut que nous assurions un suivi de la mise en place de cette structure si nous voulons que les choses changent positivement.

Votre rapport décrit bien les problèmes. Estimez-vous que les relations avec la direction de l'immobilier de l'État (DIE) sont bonnes ? Pensez-vous que la création d'une foncière apportera un plus ? Quelles sont vos inquiétudes ? Au sein du Conseil de l'immobilier de l'État, la crainte est que tout change pour que rien ne change. Chacun sait que le climat politique actuel est délicat. Or un pilotage par les ministères de la fonction publique et du budget est indispensable pour améliorer la situation de l'immobilier de l'État, ce qui, d'ailleurs, serait bon pour nos finances publiques. Il faudra du temps et de la volonté politique, ainsi qu'un contrôle parlementaire, pour avancer sur cette question.

M. Michel Canévet. - Il est nécessaire de clarifier la situation quant à la propriété des biens, car l'État occupe souvent dans les territoires des biens qui ne lui appartiennent pas. L'État impose aux acteurs privés des normes exigeantes en matière de rénovation énergétique, mais il n'est absolument pas exemplaire dans ce domaine et on ne peut que le regretter !

Connaît-on le nombre de bâtiments qui ne sont plus en état d'héberger correctement les services de l'État ? De plus, certaines propriétés mériteraient d'être évaluées pour être vendues, afin que le produit des cessions soit affecté à l'amélioration du patrimoine de l'administration territoriale de l'État.

M. Hervé Maurey. - Ce rapport confirme que l'État est un très mauvais gestionnaire. La Cour des comptes en décembre 2023 déplorait déjà le manque de stratégie en la matière. Je n'ai pas l'impression que ses recommandations aient été prises en compte.

Il serait intéressant de connaître - mais est-ce possible ? - la totalité du parc immobilier de l'État, d'évaluer ses besoins réels en termes de surface et d'en tirer les conséquences pour procéder éventuellement à des cessions. Autrement, je ne vois pas comment l'État pourra mettre sur la table 5 milliards d'euros - c'est considérable ! - pour financer la transition énergétique de son patrimoine.

Il conviendrait aussi que l'État se fasse assister par des professionnels de l'immobilier, car certains biens de l'État ont été vendus à des marchands de biens qui ont pu les acquérir à bon prix et les céder ensuite avec de belles plus-values. Ce n'est pas tolérable.

Je ne vois pas, toutefois, comment la création d'une foncière permettra de régler ces problèmes structurels.

M. Grégory Blanc. - Ce rapport montre bien qu'il est nécessaire de disposer d'une vision globale de la situation du patrimoine de l'État et des efforts à fournir. C'est d'autant plus urgent que nous avons besoin de définir une véritable programmation pluriannuelle de la transition écologique à l'échelle de notre pays. Celle-ci devra être déclinée secteur par secteur.

Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. - On cherche déjà à atteindre, dans les nouvelles constructions ou dans les bâtiments rénovés, l'objectif de 16 mètres carrés de surface utile brute en moyenne par résident, et à ne pas dépasser le plafond de 18 mètres carrés. Ces ratios ne sont toutefois pas applicables partout : la structure même de certaines préfectures ne le permet pas toujours.

Sur la question des parkings par exemple, afin de privilégier le recours aux transports en commun, des efforts sont réalisés pour inciter les agents à ne pas utiliser la voiture pour se déplacer. Le télétravail est déjà pris en compte dans l'effort de densification. Celui-ci aboutit en fait à une réorganisation totale des espaces de travail : création de salles de réunion, d'espaces modulaires, de lieux pour s'isoler ou pour téléphoner, etc. La DIE a d'ailleurs organisé ses propres bureaux de la sorte.

Madame Briquet, le fait que les préfectures et les services territoriaux de l'État occupent souvent des bâtiments remarquables rend en effet difficile le respect du plafond de 18 mètres carrés par résident. Certaines préfectures ont des couloirs très larges, sans compter le fait que ces bâtiments doivent abriter, en raison même de leur fonction, de vastes espaces collectifs, de réunion ou de réception.

Les crédits du programme 354 ne permettent clairement pas de maintenir à flot les bâtiments de l'ATE. Ils permettent juste de faire face aux urgences - un toit qui fuit par exemple - et le dernier décret d'annulation de crédits n'améliore pas la situation, puisque les crédits d'entretien ont été divisés par deux.

Vous êtes nombreux à m'interroger sur la foncière. J'ai réalisé beaucoup d'auditions sur ce sujet. Au début, mes réticences étaient identiques aux vôtres : je m'interrogeais sur sa gouvernance ; je craignais qu'elle ne constitue un organisme exclusivement national, sans déclinaisons dans les territoires.

Il me semble toutefois que la création d'une foncière sera de nature à résoudre un certain nombre de problèmes en remédiant à la dispersion des compétences et de la gouvernance entre les différents ministères, puisque chacun possède, à l'heure actuelle, ses propres structures de maîtrise d'ouvrage, mais sans aucune coordination. La foncière permettra ainsi de mutualiser les compétences et de réaliser des économies.

Elle facilitera aussi la mobilisation de fonds pour réaliser les investissements considérables nécessaires pour respecter les objectifs fixés par le décret relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie dans les bâtiments à usage tertiaire du 10 avril 2019, dit décret tertiaire, et la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments, qui prévoie que les bâtiments existants doivent être transformés en bâtiments à émissions nulles d'ici à 2050 !

L'un des problèmes est que l'immobilier de l'administration territoriale de l'État relève du ministère de l'intérieur. Or celui-ci rend toujours des arbitrages budgétaires défavorables pour l'ATE. Le ministère souhaite que lui soit octroyée une majoration de ses crédits de 42 millions d'euros chaque année pour faire face aux besoins de l'ATE au-delà des plafonds prévus par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). C'est impossible ! Le résultat est que les arbitrages budgétaires sont toujours défavorables pour l'immobilier de l'ATE. La foncière pourrait sans doute être une solution à cet égard.

Monsieur Canévet, on constate qu'il est beaucoup plus coûteux à long terme de louer et d'acquitter des loyers que d'occuper des bâtiments domaniaux, même si les investissements à réaliser sont importants. Lorsque l'on parvient à regrouper des emprises sur des sites domaniaux, on réalise des économies.

Monsieur Maurey, il y a bien une volonté de mieux connaître l'immobilier de l'État. La DIE a renforcé son système d'information, comme l'ont fait d'autres pays, pour cela. Les référentiel technique, actualisé lors de la mise à jour des SDIR, permettent de faire remonter les diagnostics et de connaître les besoins. Il faut aussi poser la question des compétences dans le domaine du bâtiment : par exemple, on manque parfois d'ingénieurs au niveau décentralisé, départemental voire régional. La création d'une foncière permettrait de recruter plus facilement des professionnels, avec des salaires qui ne soient pas ceux de la fonction publique. En l'état actuel il est difficile d'établir un diagnostic précis du patrimoine. On ne sait pas comment sont réalisées les remontées de préfectures. Une foncière disposerait de compétences au niveau national qu'elle pourrait décliner au niveau territorial. Voilà qui permettrait de faire les bons choix pour regrouper les bâtiments, baisser le prix des locations, rationaliser. Il est évident que l'on peut réaliser des économies si l'on densifie et réduit les surfaces par agent.

Monsieur Blanc, la transition énergétique des bâtiments n'est pas un choix politique : c'est une obligation ! Il faudra bien programmer les investissements nécessaires. Quel que soit le statut juridique de la foncière - s'agira-t-il d'une société anonyme ? -, elle sera dotée d'actifs, car elle bénéficiera de transferts de propriété. Elle pourra ainsi mobiliser des fonds plus facilement pour répondre aux objectifs de la transition écologique. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, il est évident qu'elle devra être soumise au contrôle du Parlement. La création d'une telle structure constituerait une rationalisation de la gestion de l'immobilier territorial de l'État, laquelle souffre d'un manque de cohérence et de pilotage du fait même qu'elle relève de plusieurs programmes budgétaires.

La commission a adopté les recommandations de la rapporteure spéciale et autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction de l'évaluation, de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier (DEPAFI)

- M. Pierre CHAVY, directeur de l'évaluation, de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur ;

- M. Henri ZELLER, sous-directeur des affaires immobilières.

5e sous-direction de la direction du budget

- M. Clément BOISNAUD, sous-directeur ;

- M. Sébastien DOUMEIX, adjoint au sous-directeur.

Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES)

- Mme Fabienne BALUSSOU, préfète, secrétaire générale adjointe, directrice du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur ;

- M. Pierre MOLAGER, sous-directeur ;

- M. Aurélien ADAM, chef du bureau des moyens de l'administration territoriale.

Direction de l'immobilier de l'État (DIE)

- M. Alain RESPLANDY-BERNARD, directeur.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

Déplacement à la Préfecture du Bas-Rhin et de la région Grand Est (17 juin 2024)

- M. Mathieu DUHAMEL, secrétaire général ;

- M. Pierre SCHIES, secrétaire général adjoint pour les affaires régionales et européennes ;

- M. Laurent GARNIER, directeur régional des finances publiques Grand Est.

Déplacement en Haute Corse à Bastia (10 juillet 2024)

- M. Michel PROSIC, préfet ;

- M. Arnaud MILLEMANN, secrétaire général de la préfecture ;

- M. Gaël GRIMARD, directeur de la Direction départementale des finances publiques ;

- Mme Marie-Claire CARDOSI, directrice du Secrétariat général commun départemental.

Déplacement en Corse du Sud à Ajaccio (11 et 12 juillet 2024)

Secrétariat général pour les affaires de Corse

- M. Alexandre PATROU, secrétaire général ;

- M. Guillaume BESSON, responsable de la mission « transition écologique de l'État ».

Direction régionale des finances publiques

- Mme Christine BESSOU-NICAISE, directrice ;

- M ; Jean-Pascal COURCOUX, responsable de la politique immobilière de l'État.

Préfecture de la Corse du Sud

- M. Xavier CZERWINSKI, secrétaire général ;

- M. Florian STRASER, directeur de cabinet du préfet ;

- M. Vincent ROUAULT, directeur du Secrétariat général commun départemental de Corse du Sud ;

- M. Jean-Michel HERMANT, directeur adjoint du Secrétariat général commun départemental de Corse du Sud.

Direction départementale des territoires de Corse du Sud

- M. Jean-Hugues VOS, adjoint au directeur.

Rectorat

- Mme Virginie FRANTZ, secrétaire générale ;

- Mme Ariane BLIEK, directrice de cabinet du recteur ;

-M. Dominique POGGIOLI, directeur académique des services de l'Éducation nationale.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI (TEMIS)

Proposition

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

Support

1

Prévoir, en fonction des circonstances locales, la possibilité d'un transfert de propriété des emprises préfectorales

Direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) direction de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier (DEPAFI) et collectivités territoriales concernées.

Au fil de l'eau à compter du premier semestre 2025

Révision des conventions de mise à disposition et conventions de cession

2

Garantir le financement d'opérations immobilières dont le retour sur investissement est considéré comme très performant, notamment en termes de performance énergétique

DEPAFI, direction du budget (DB) et direction de l'immobilier de l'État (DIE).

À compter du premier semestre 2025

Ligne budgétaire dédiée de la direction de l'immobilier de l'État

3

Unifier le régime de prise en charge des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en supprimant la distinction existante pour les dépenses du propriétaire des directions départementales interministérielles et des directions régionales de l'administration territoriale de l'État

DMATES et DEPAFI

À compter du premier semestre 2025

Évolution de la doctrine d'emploi du programme 354

4

Renforcer la maîtrise d'ouvrage de l'État, notamment en permettant la mobilisation des compétences au-delà des périmètres ministériels

DIE

À compter du premier semestre 2025

Tous moyens

5

Simplifier les modalités de financement des dépenses immobilières de l'administration territoriale de l'État, en limitant le nombre de vecteurs budgétaires

DEPAFI, DIE et DB

À compter du premier semestre 2026

À intégrer au projet de loi de finances pour 2026.

6

Lancer un réel chantier d'objectivation des besoins financiers pour atteindre les objectifs du décret tertiaire et de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments

DMATES et DEPAFI

À compter du premier semestre 2025

Tous moyens

7

Engager une politique beaucoup plus volontariste en matière de densification des locaux de l'ATE

DMATES et DEPAFI

À compter du premier semestre 2025

Circulaire ministérielle

8

Redéfinir les modalités de calcul des ratios de surface par agent pour exclure les espaces de réception et de réunion des préfectures, afin de garantir le réalisme de ces cibles

DIE

Premier semestre 2025

Publication d'une note explicative de la DIE

9

Intégrer à l'analyse de la soutenabilité du budget de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » la cohérence des financements immobiliers au regard des obligations de rénovation énergétique des bâtiments

DB

2025, pour le budget 2026.

Tous moyens

10

Maintenir la mise en place d'une foncière dans deux régions pilotes en 2025

Ministère de l'intérieur et ministère de l'économie

Janvier 2025

PAP du projet de loi de finances pour 2025

11

Confier au préfet de région la prise de décision sur les orientations stratégiques de la foncière au niveau régional.

DIE, DMATES et DEPAFI

Janvier 2025

Textes relatifs à la foncière

12

Faire de l'échelon régional l'échelon de référence pour l'organisation territoriale de la foncière

DIE, DMATES et DEPAFI

Janvier 2025

Textes relatifs à la foncière

13

Définir le niveau des loyers payés par les occupants en fonction des coûts réels pour la foncière, intégrant le coût de la transition énergétique du parc, afin de répondre aux obligations nationales et européennes

DB, DIE, DMATES et DEPAFI

2025

PAP du projet de loi de finances pour 2025

14

Veiller à ce que la création de la foncière n'induise pas une perte de compétence en maintenant le plus possible les agents ayant la connaissance bâtimentaire au sein de cette nouvelle structure

DIE, DMATES et DEPAFI

Janvier 2025

Tous moyens

15

Garantir l'information du Parlement en complétant le document de politique transversale sur la politique immobilière de l'État en présentant précisément les moyens déployés par la foncière et ses objectifs

DB

2025

Compléter l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005


* 1 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable.

* 2 Le terme est issu du rapport Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 3 C'est l'un des principaux constats de l'audit relatif aux investissements immobiliers du ministère de l'intérieur, mené en 2 mars 2022 par l'Inspection générale de l'Administration, l'inspection générale de la police nationale, l'inspection générale de la gendarmerie nationale et l'inspection générale de la sécurité intérieure.

* 4 Cité par la Cour des comptes dans La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 57.

* 5 La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023, Cour des comptes, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, p. 7.

* 6  Fiche d'impact générale, Décret relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie dans les bâtiments à usage tertiaire, 10 avril 2019.

* 7 L'étude du CEREMA publiée en juillet 2024 estime que le coût moyen pour les objectifs 2050 (soit trente ans), seraient plutôt de l'ordre de 600 euros par m² - Rénovation BBC et exigences du dispositif éco énergie tertiaire, repères technico-économiques pour passer à l'action, Les références, CEREMA, juillet 2024.

* 8 Adoption d'une directive sur la performance énergétique des bâtiments pour réduire les factures énergétiques et réduire les émissions, Représentation en France de la commission européenne, 12 avril 2024.

* 9 Directive (UE) 2024/1275 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte) (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE).

* 10 Rapport annuel de la direction de l'immobilier de l'État, 2023, p. 24.

* 11 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable.

* 12 Il est notable que le statut de ces mises à disposition était envisagé comme transitoire. En effet, l'article 22 de la loi du 7 janvier 1983 disposait que les biens préfectoraux « pourront faire l'objet d'un transfert en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire ». Cet article a néanmoins été abrogé.

* 13 Article 13 de la loi n° 85-1098 du 11 octobre 1985 relative à la prise en charge par l'État, les départements et les régions des dépenses de personnel, de fonctionnement et d'équipement des services placés sous leur autorité.

* 14 La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 15.

* 15 La gestion du parc immobilier des préfectures et sous-préfectures, exercices de 2004 à 2008 de juillet

2010.

* 16 Étude comparative sur la gestion de l'immobilier d'État en Europe, restitution finale de l'étude, Ersnt and Young pour la Commission européenne, avril 2022.

* 17 Rapport annuel de performances de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2020, p. 62.

* 18 Cette notion exclut a priori les dépenses du propriétaire du périmètre des dépenses immobilières couvertes par le programme 354.

* 19 Les dépenses du propriétaire sont constituées par les dépenses d'acquisition, construction, travaux structurants et entretien lourd. Celles-ci sont majoritairement des dépenses d'investissement.

* 20 Document de politique transversale, annexe au projet de loi de finances pour 2024, Politique immobilière de l'État, p. 123.

* 21Ibid.

* 22 Il existe plusieurs exceptions à ce principe général.

* 23 Annexe n° 15b au rapport général fait au nom de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024, Compte d'affectation spéciale : Gestion du patrimoine immobilier de l'État, M. Claude Nougein.

* 24 Réponses du ministère de l'intérieur au questionnaire de la rapporteure.

* 25 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 26 Ibid.

* 27 Un peu moins de 3 millions d'euros sur les 176 millions d'euros de demandes réalisées sur le PNE.

* 28 Réponses de la direction de l'immobilier de l'État au questionnaire de la rapporteure.

* 29 En 2024, ce seraient ainsi près 16 millions d'euros, soit environ de 2,2 millions d'euros d'effets de bord résultants des opérations de rénovation du plan de relance, ainsi que 13,8 millions d'euros générés par les rénovations des cités administratives par le programme 348, pour le seul périmètre de l'ATE, que le programme 354 devra supporter. Le responsable de programme a fait le choix de dédier 8 millions d'euros pour prendre en charge partiellement ces frais accessoires (résultants à la fois des opérations du programme 348 et du plan de relance).

* 30 Le terme est issu du rapport Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 31 C'est l'un des principaux constats de l'Audit relatif aux investissements immobiliers du ministère de l'intérieur, mené en 2 mars 2022 par l'Inspection générale de l'Administration, l'inspection générale de la police nationale, l'inspection générale de la gendarmerie nationale et l'inspection générale de la sécurité intérieure.

* 32 Dont, notamment, le rapport Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, et l'Audit relatif aux investissements immobiliers du ministère de l'intérieur, mené en 2 mars 2022 par l'Inspection générale de l'Administration, l'inspection générale de la police nationale, l'inspection générale de la gendarmerie nationale et l'inspection générale de la sécurité intérieure.

* 33 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 34 La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 5.

* 35 La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 5.

* 36 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 35.

* 37 Ibid, p. 14.

* 38 Ibid, p. 35.

* 39 Ibid, p. 43.

* 40 Cité par la Cour des comptes dans La gestion de l'immobilier préfectoral, janvier 2023, Cour des comptes, p. 57.

* 41 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 39.

* 42 La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023, Cour des comptes, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, p. 7.

* 43 Fiche d'impact générale, Décret relatif aux obligations d'actions de réduction des consommations d'énergie dans les bâtiments à usage tertiaire, 10 avril 2019.

* 44 L'étude du CEREMA publiée en juillet 2024 estime que le coût moyen pour les objectifs 2050 (soit trente ans), seraient plutôt de l'ordre de 600 euros par m² - Rénovation BBC et exigences du dispositif éco énergie tertiaire, repères technico-économiques pour passer à l'action, Les références, CEREMA, juillet 2024.

* 45 Communiqué de presse du 14 mars 2023 - Immobilier de l'État et sobriété énergétique : l'État se mobiliser en sélectionnant 1 000 projets de réduction rapide de la consommation d'énergie fossile pour 130 millions d'euros.

* 46 Certaines emprises sont inférieures à 1 000 m² et n'entrent pas dans le champ du décret tertiaire mais les données transmises par le ministère de l'intérieur ne permettent pas d'isoler ces bâtiments. De plus, elles devront également faire l'objet de travaux de rénovation énergétique, même si elles n'entrent pas directement dans le champ du décret.

* 47 Rénovation BBC et exigences du dispositif éco énergie tertiaire, repères technico-économiques pour passer à l'action, Les références, CEREMA, juillet 2024.

* 48 Adoption d'une directive sur la performance énergétique des bâtiments pour réduire les factures énergétiques et réduire les émissions, Représentation en France de la commission européenne, 12 avril 2024.

* 49 Directive (UE) 2024/1275 du Parlement européen et du Conseil du 24 avril 2024 sur la performance énergétique des bâtiments (refonte).

* 50 La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023, Cour des comptes, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, p. 7.

* 51 Rapport annuel de la direction de l'immobilier de l'État, 2023, p. 24.

* 52 Les effectifs de l'État territorial, Cour des comptes, mai 2022.

* 53 Cour des comptes, La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, décembre 2023.

* 54 Interview donnée par Bruno Le Maire et Thomas Cazenave à La Tribune, publiée le 19 novembre 2023.

* 55 Une réduction de 25 % de ces surfaces conduirait à maintenir le ratio de SUB par résident à près de 30 m², soit 12 m² au-dessus du plafond de la circulaire « surface ».

* 56 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable.

* 57 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 58 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 59 Immobilier de l'État : une nouvelle architecture pour professionnaliser, avril 2022, Inspection générale des finances et Conseil général de l'environnement et du développement durable, p. 1.

* 60 Rapport annuel de la direction de l'immobilier de l'État, 2023, p. 17.

* 61 Décret n°2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.

* 62 La politique immobilière de l'État, une réforme nécessaire pour aborder les enjeux à venir, décembre 2023, Cour des comptes, communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale.

* 63 Les secrétariats généraux communs, une réforme au milieu du gué, Rapport d'information n° 740 (2021-2022) de Mme Isabelle BRIQUET, déposé le 29 juin 2022.

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