II. EXTRAIT DU COMPTE RENDU DE LA RÉUNION DU 14 NOVEMBRE 2024 DE PRÉSENTATION DES CONCLUSIONS DE L'AUDITION PUBLIQUE DU 17 OCTOBRE 2024

M. Pierre Henriet, député, premier vice-président de l'Office. - Mes chers collègues, nous avons un deuxième point à l'ordre du jour, l'examen des conclusions de l'audition publique sur les impacts des plastiques sur la santé humaine. Je laisse la parole à Philippe Bolo qui va nous les présenter.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - Je vais essayer de vous faire un résumé des conclusions de cette audition publique en quinze minutes afin de nous laisser le temps d'échanger entre nous.

Pourquoi avons-nous organisé cette audition publique ? Elle s'inscrit dans la continuité des travaux de l'Office. La production de plastique a été multipliée par deux lors de ces vingt dernières années et atteint aujourd'hui cinq cents millions de tonnes. Cela représente à peu près soixante kilogrammes par terrien. Les perspectives dressées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prévoient que la production devrait s'élever à sept cent cinquante millions de tonnes en 2040, soit quatre-vingt-dix kilogrammes par terrien et à plus d'un milliard de tonnes en 2050, soit cent vingt kilogrammes par terrien.

Cette progression est également corrélée à une croissance exponentielle des déchets. Cela met deux choses en exergue : la non-circularité du cycle de vie des plastiques et l'importance de l'usage unique. Ainsi, seulement 32 % des emballages sont recyclés. Cette croissance exponentielle entraîne une autre conséquence : l'explosion de la présence des microplastiques dans tous les compartiments de l'environnement : sur terre, dans les océans, dans les fleuves, dans les rivières, dans les sols, dans l'air que nous respirons et dans les organismes vivants.

L'une des solutions pour lutter contre la pollution plastique réside dans l'adoption du traité international actuellement en cours de négociation. Dans une dizaine de jours, va s'ouvrir la dernière séquence de négociation à Busan, en Corée du Sud, du 25 novembre au 1er décembre.

Deux sujets majeurs y seront débattus. Le premier porte sur la réduction de la quantité de plastique produit en réponse à ce que je viens d'énoncer. Cette proposition est loin de faire consensus entre, d'une part, ceux qui militent pour ne pas infléchir la trajectoire de production de plastique, d'autre part, les pays qui veulent modifier les choses. Le second sujet qui sera débattu est celui de la préservation de la santé humaine au regard des impacts de la pollution plastique. Il fait davantage consensus.

L'audition publique qui s'est déroulée le 17 octobre a réuni dix chercheurs français, suédois, anglais et australien, dont plusieurs sont membres de la coalition internationale des scientifiques qui vise à donner une base scientifique aux travaux du traité international.

L'audition publique était organisée sous forme de deux tables rondes. La première concernait le plastique particulaire et ses impacts sur la santé, la seconde traitait des substances chimiques associées au plastique.

Il faut retenir deux grandes conclusions de la première table ronde.

La première concerne les difficultés méthodologiques mises en avant par les chercheurs. De quoi s'agit-il ? Nous sommes en face de particules dont la taille et la forme sont variables et qui correspondent à différents polymères. Cela se traduit par de vraies difficultés pour les mesurer. Concrètement, quand vous mesurez la teneur en plastique de l'eau du robinet ou de l'eau en bouteille, les résultats varient en fonction des études, même dans le cas où vous retenez la même ressource en eau. C'est la raison pour laquelle un effort de réglementation a été réalisé : il existe aujourd'hui une norme de l'Association française de normalisation (AFNOR) qui permet de standardiser la façon dont sont caractérisés les microplastiques dans l'eau.

Une autre difficulté méthodologique est liée à la présence de nanoplastiques. Il est très difficile de les doser et leur plus petite taille est un enjeu important. Dès qu'ils sont absorbés par notre organisme, leur petite dimension leur donne la capacité de circuler librement dans le sang.

Il est aussi difficile de mesurer la quantité de plastique que nous ingérons. Une étude de 2019, qui avait eu un grand écho médiatique, montrait que nous absorbons l'équivalent d'une carte de crédit par an. Elle est d'ailleurs citée dans le rapport. Cependant, ce chiffre a été revu à la baisse et est très variable selon les publications scientifiques.

Une dernière complexité méthodologique concerne les études in vitro. Vous pouvez utiliser des particules plastiques et les exposer à des organismes vivants afin d'analyser leurs impacts. Toutefois, les particules vendues dans le commerce sont sphériques et constituées de polystyrène. Donc, elles ne sont pas représentatives de la diversité des particules plastiques présentes dans le milieu naturel.

La deuxième conclusion de cette première table ronde est la multiplication des signaux d'alarme sur les risques que les plastiques font peser sur la santé.

Nous sommes confrontés au plastique par trois voies d'exposition : la respiration, le contact cutané et l'alimentation. Les chercheurs nous ont fait remarquer que la quantité de plastique absorbée par inhalation est aussi importante que celle absorbée par ingestion. Même si nous n'y pensons pas spontanément, nous respirons en réalité énormément de particules plastiques.

Ensuite, une fois respirées ou ingérées, ces particules peuvent atteindre des organes profonds dans l'organisme par différents chemins. Les surfaces d'absorption sont la peau, les poumons et le colon. Le transport s'opère par le sang et par les nerfs. Les dernières recherches montrent que sont aussi concernés des organes comme le placenta, les reins, les testicules et le cerveau. Les recherches montrent également des corrélations entre cette présence de plastique et des désordres de santé.

La première preuve de l'impact des plastiques sur la santé humaine nous a été apportée à travers l'étude du microbiote qui est, vous le savez, cette cohorte de micro-organismes qui contribuent à notre bonne santé. La présence de microplastiques peut influencer le métabolisme des micro-organismes. Par exemple, certains acides gras à chaîne courte sont plus ou moins bien synthétisés. Ils sont indispensables à la santé et moins bien synthétisés chez l'enfant dont le microbiote est exposé aux microplastiques. Il existe également différentes familles de micro-organismes qui sont plus ou moins présentes suivant la quantité de microplastiques observée. Cela peut provoquer des dysbioses - des déséquilibres du microbiote - qui induisent des effets néfastes sur notre santé.

La complexité est que ces déséquilibres sont également influencés par le régime alimentaire. En effet, certains régimes - notamment ceux riches en gras et en sucres - favorisent la survenue de telles conséquences.

Les chercheurs nous ont également indiqué que dans le cadre de la respiration, il existe un système d'évacuation des particules plastiques qui entrent dans nos poumons. Il s'agit de la clairance macrocytaire. Cette dernière est parfois mise à mal par certaines formes et par certaines tailles de microplastiques qui parviennent à entrer dans la circulation sanguine et peuvent avoir un impact sur la fonction pulmonaire. Ainsi, certaines pathologies respiratoires telles que les rhinites allergiques sont par exemple corrélées à la présence dans le corps d'une grande quantité de microplastiques.

Enfin, les microplastiques ont un impact sur la plaque carotidienne et sur les risques d'infarctus du myocarde. Des chiffres nous ont été donnés : trois cents personnes ont été suivies parce qu'elles avaient subi des chirurgies carotidiennes. Le risque de la survenue d'un infarctus est quatre à cinq fois plus élevé chez les personnes avec les taux de microplastiques les plus élevés.

La seconde table ronde, qui s'intéressait aux substances chimiques associées aux microplastiques, a permis de mettre en exergue trois conclusions.

La première est qu'il existe une grande méconnaissance de toutes les substances chimiques que nous utilisons et qui sont associées aux polymères. Il y a d'abord des additifs : les plastifiants, les antioxydants et les retardateurs de flamme qui sont utilisés avec les plastiques. Sont également présents des auxiliaires de fabrication, qui sont des catalyseurs des réactions de polymérisation. Certaines substances chimiques apparaissent de manière non intentionnelle telles que les impuretés des produits dérivés. Au total, seize mille substances associées au plastique ont été recensées.

Quatre critères permettent de caractériser leur dangerosité : la persistance, la bioaccumulation, la mobilité et la toxicité. 4 000 substances sont jugées dangereuses et sur 10 000 autres, aucune donnée n'est disponible sur les quatre critères de dangerosité. De plus, seulement 6 % de ces substances font l'objet d'une réglementation internationale, ce qui montre la difficulté à laquelle nous devons faire face.

Un autre effet est loin d'être négligeable : tel un cheval de Troie, les particules plastiques - issues notamment de la dégradation et de l'altération de surface des macrodéchets présents dans l'environnement sur des temps longs - ont, du fait de leurs propriétés physiques et chimiques, la capacité d'adsorber toutes sortes de polluants présents dans l'environnement. Ceux-ci vont donc s'associer à ces microplastiques et être à même de franchir des barrières qu'ils n'auraient normalement pas passées.

La deuxième conclusion est que la population est exposée aux substances chimiques associées au plastique. Les chercheurs ont précisé que 25 % des 14 000 substances des matériaux et plastiques utilisés dans les contenants alimentaires étaient identifiés dans le corps humain. 15 % de la population européenne présente des teneurs dans le sang au-dessus des seuils tolérables pour quatre composés perfluorés les plus fréquents et dont la toxicité est la plus reconnue.

De surcroît, une étude - une revue générale qui réalise la synthèse de 50 revues systémiques, soit environ 1,5 million de données - s'est intéressée à trois molécules (les PBDE, le BPA et le DEHP). Elle démontre, avec des degrés de certitude plus ou moins forts, que de vraies conséquences existent sur les enfants et les adultes. Ces substances peuvent perturber le système endocrinien, provoquer des malformations génitales à la naissance et entraîner une perte de capacités cognitives. L'impact n'est donc pas négligeable.

La troisième conclusion a trait au coût sanitaire de ces substances chimiques dans les plastiques. Une étude exploratoire a été menée aux États-Unis sur les trois molécules citées précédemment et sur un ou deux de leurs impacts sanitaires sur la population américaine. Les coûts sont estimés à 675 milliards de dollars par an pour les seuls États-Unis. Même s'il y a une erreur de 20 % ou de 30 %, ces coûts restent très importants.

Finalement, cela nous montre que si le plastique n'est pas cher pour le producteur et pour le consommateur, il coûte très cher à la société qui doit réparer ses effets néfastes. Outre ceux que j'ai déjà cités, vous pouvez ajouter la contribution croissante de la production de plastique au changement climatique via les émissions de CO2 et les coûts liés à la pollution des sites de production.

À l'issue de ces deux tables rondes, neuf recommandations construites sur la base des propos des scientifiques et destinées aux négociateurs du traité international vous sont proposées. Ces recommandations doivent alimenter la réflexion sur le traité international. Elles figurent dans le document qui vous a été distribué.

La première recommandation est d'aboutir à un traité ambitieux. Elle résulte d'un triple constat :

- la pollution plastique n'est pas présente uniquement dans les océans, mais également dans les autres milieux ;

- la pollution plastique existe tout au long du cycle de vie des plastiques : de l'extraction du pétrole jusqu'à la gestion des déchets en fin de vie ;

- le troisième élément fondamental est qu'on ne résout pas la pollution plastique en s'intéressant uniquement à la gestion des déchets.

Ensuite, il convient de réduire la production de polymères vierges même si cela peut heurter certaines consciences et poser un certain nombre de questions.

Pourquoi ? Parce que les scientifiques nous ont montré que des corrélations existent entre l'explosion de cette production, la présence des déchets qui explose également et l'augmentation de la quantité des microplastiques dans tous les compartiments de l'environnement notamment dans les organismes vivants. Il faut donc réagir.

La réduction, le réemploi et le recyclage sont trois leviers qui permettent de moins produire de pétrole utilisé pour la fabrication des plastiques. Il faut introduire davantage de circularité dans le cycle de vie des plastiques.

De plus, nous produisons quantité de plastiques absolument inutiles dont nous pouvons nous passer sans difficulté.

Il faudra ensuite renforcer les moyens des gouvernements et des scientifiques afin d'approfondir nos connaissances. Au niveau gouvernemental, il faudrait pouvoir échanger les données d'une manière plus efficace pour accroître notre capacité collective à analyser les substances chimiques et les réglementer. Au niveau scientifique, il faudrait disposer de financements plus pérennes afin de pouvoir réaliser des travaux de suivi sur le long terme et ne pas perdre des connaissances lorsque les projets de recherche arrivent à leur terme.

Trois recommandations concernent les substances chimiques : la transparence, la réduction de leur nombre et le renforcement de l'efficacité des réglementations. Il faut également améliorer les analyses du cycle de vie (ACV) des plastiques pour intégrer les coûts générés par la présence durable des microplastiques dans l'environnement. À défaut, on s'expose à des comparaisons stériles entre verre, papier et plastique. Surtout, il faut tenir compte de tous les impacts du plastique en matière de collecte, de tri, de traitement des déchets, d'environnement et de santé pour déterminer son prix.

La huitième recommandation vise à promouvoir des critères pour la définition des plastiques non essentiels afin de faciliter leur élimination.

La dernière recommandation est de limiter les pertes dans l'environnement, car le traitement et la gestion des déchets ne vont pas tout résoudre. Il ne faut pas oublier que la perte dans l'environnement ne concerne pas seulement les objets que nous avons entre nos mains mais aussi les granulés de polymère industriel utilisés comme matière première dans la fabrication des matériaux et objets plastiques et qui s'égarent dans la nature. Il convient donc de limiter au maximum ces pertes.

M. Pierre Henriet, député, premier vice-président de l'Office. - Je vous félicite pour cette présentation qui témoigne non seulement d'une parfaite maîtrise du sujet, mais aussi d'une vraie passion.

M. Jean-Luc Fugit, député, vice-président de l'Office. - Félicitations également pour ce travail. Nous connaissons la passion de notre collègue sur le sujet. J'ai deux questions à lui poser.

Premièrement, le Di(2-ethylhexyl) phtalate (DEHP) évoqué dans le rapport comme l'une des trois molécules n'avait-il pas été interdit ?

Deuxièmement, il a été évoqué tout à l'heure que des recherches sont menées sur la présence des microplastiques dans l'air. Aujourd'hui, pouvons-nous les mesurer, les identifier et déterminer la taille de ces particules ? Cette taille est-elle inférieure à dix micromètres, ce qui permettrait de les inclure dans la fameuse base de données sur les particules (PM10) ? Comment mesure-t-on la qualité de l'air ?

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - Le DEHP a-t-il été interdit ? Les propos tenus par Martin Wagner, chercheur suédois, portent sur la mise en place d'une base de données internationale qui recense, pour l'ensemble des pays, l'identification des molécules, leur dangerosité, etc. La réponse dépend des pays et des produits.

Sonja Boland a parlé des différentes tailles des particules. Elle a donné une fourchette de 3 à 10 tonnes de particules plastiques présentes dans l'air déposées chaque année en région parisienne. Sachez qu'une application existe et que vous pouvez la télécharger sur votre téléphone portable. Un modèle avait été mis en place : il calculait, en fonction de la météo, la quantité de microplastiques qui tombait sur l'aire de la région parisienne. Depuis, il a été actualisé. Évidemment, plus les particules sont fines, plus elles ont la possibilité de pénétrer profondément dans l'organisme, donc jusqu'à la circulation sanguine.

M. Daniel Salmon, sénateur. - Merci pour cette présentation et pour cette implication dans ce dossier qui me semble essentiel. J'ai deux ou trois questions à vous poser.

Lors de l'audition publique sur l'impact des plastiques sur la santé, nous avons été alertés sur les problématiques cognitives liées au plastique et sur les baisses de quotient intellectuel (QI). À mon avis, ces sujets vont intéresser le public. De plus, nous ne les avions pas anticipés.

L'autre question porte sur la communication. La plupart du temps, le plastique est associé aux déchets visibles. Cependant, nous oublions que ces particules sont également liées à l'usure, car tout objet plastique finit par s'user. Des microparticules sont présentes en permanence autour de nous. Par exemple, lorsque nous mettons nos vêtements à laver, des particules vont se retrouver dans la chaîne alimentaire. Donc, je pense qu'une communication claire sur cet aspect est importante.

Est-ce que l'usure des pneus est considérée comme un déchet plastique ? Il y a en ce moment une campagne « Agir pour l'environnement » sur les pneus. Nous savons que 40 % des particules émises par un véhicule viennent des pneus, c'est donc aussi une vraie problématique. A-t-on quantifié la proportion de particules liées à l'usure des pneus parmi les 3 à 10 tonnes de plastiques qui contaminent l'air en Île-de-France ?

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - En effet, la communication est essentielle, car, aujourd'hui, beaucoup voient dans la pollution plastique un « continent plastique », qui n'existe pas. Cette image est médiatiquement forte. Le problème ne se cantonne pas aux bouteilles plastiques présentes dans la nature ou au recyclage plus ou moins vertueux. Par conséquent, il faut consacrer beaucoup de temps à expliquer que la pollution plastique concerne tous les objets. La question des microfibres textiles est très importante, car elle relie notre sujet à la fast fashion dont le volume explose et pose, de fait, un certain nombre de problèmes en termes de microplastiques, de déstructuration et de déstabilisation des systèmes de collecte et de tri des vêtements.

La deuxième question portait sur la contribution des différents secteurs économiques à la pollution plastique. C'est un vaste sujet. Il y a vingt ans, le Britannique Richard Tompson a été le premier à écrire un article très intéressant sur les microplastiques. Récemment, il a créé une revue pour recenser l'ensemble des résultats scientifiques sur le sujet.

La première difficulté que nous rencontrons est que l'on cherche avant tout à déterminer la part de responsabilité de chacun. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne approche. S'il est nécessaire de traiter le sujet de manière à ce que les consommateurs connaissent les conséquences de leurs actes de consommation et la question de la gestion des déchets, ce n'est pas suffisant.

Depuis les années 1950, une grande partie des objets plastiques produits (dont seulement 8 % sont recyclés) sont encore en circulation. Le reste est dispersé dans la nature et se dégrade petit à petit. Sans être chercheur, en écoutant les uns et les autres, je suis persuadé que la quantité la plus importante de déchets plastiques reste à venir. C'est la raison pour laquelle nous parlions de « bombe à retardement » dans le rapport de 2020. Ces objets sont en train de se dégrader et émettent un flux continu de microplastiques.

M. Alexandre Allegret-Pilot, député. - J'aurais souhaité avoir des informations complémentaires sur les impacts sanitaires provoqués par les substances chimiques associées aux plastiques.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - Cela se trouve en page 15 du rapport, mais les effets de trois molécules seulement sont répertoriés alors que nous en comptons 16 000 au total. Ce travail est très documenté.

Ce sont des substances chimiques qui entrent dans l'organisme et minent le système hormonal à tous les stades. Par exemple, lorsqu'une femme enceinte est exposée à ces molécules, cela va avoir un impact sur le développement du foetus avec de possibles malformations génitales à la naissance. Ces molécules ont également un impact sur les adultes sous d'autres formes : il y a une perte des capacités cognitives, le développement de maladies cardiovasculaires, de l'obésité, du diabète, etc.

M. Arnaud Saint-Martin, député. - Il est vrai que la dégradation de tous ces plastiques en sommeil invite presque à s'interroger sur l'opportunité de lancer une grande collecte nationale de tous les plastiques à l'abandon pour les recycler.

Je retiens deux grandes choses de ce que vous dites.

La première est que nous sommes confrontés à un enjeu de modèle industriel, économique, et global à l'échelle mondiale, ainsi qu'à un enjeu d'internalisation des externalités négatives.

La seconde concerne la recherche, le suivi de la connaissance afin de pouvoir véritablement mesurer en détail ces externalités pour pouvoir, ensuite, les répercuter sur les producteurs de plastiques.

Quel est, d'après vous, le chiffrage budgétaire d'un projet qui serait suffisamment ambitieux, tout en restant soutenable, pour avoir la capacité de financer ce suivi et cette recherche ? Le cas échéant, à quel niveau de centralisation interviendrait-il ?

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - J'apprécie la première partie de votre prise de parole sur le modèle économique.

Il ne s'agit pas de dire que tous les plastiques sont inutiles. En effet, comme nous l'avons vu à Valence, des industriels construisent des barrières en plastique qui se gonflent automatiquement, permettant ainsi d'éviter les catastrophes liées aux inondations. Les plastiques dans les satellites permettent aussi de mesurer les paramètres physiques de la Terre et de prévoir des catastrophes naturelles. Les plastiques présents dans des véhicules évitent l'émission de CO2, etc.

Pour autant, certains plastiques sont complètement inutiles, conférant à ce matériau une mauvaise image auprès du public.

Combien faudrait-il investir ? La question est complexe car elle concerne tout le cycle de vie. Donc, que peut-on effectuer comme recherches pour réduire le volume des plastiques produits sans perdre les propriétés physiques de ces matériaux ? Si je devais travailler à l'autre bout de la chaîne, je ferais en sorte d'avoir à ma disposition les meilleurs systèmes de gestion. J'ajoute que je me place toujours dans le cadre du traité international.

En France, nous connaissons le coût des plastiques à travers les impôts locaux pour le tri et la collecte des déchets. Quand vous êtes dans un pays où il n'y a aucune infrastructure de gestion des déchets, cela génère d'autres types de coût. Ces derniers varient donc considérablement d'un pays à l'autre.

Sur la communication, le modèle d'organisation de notre consommation est la grande distribution. Cette dernière est un grand utilisateur de tous ces plastiques à usage unique. En définitive, nous réalisons que la part des financements consacrés à la recherche et à la transition du modèle économique est variable d'un pays à l'autre.

La seule chose certaine est que nous devons agir. Dans cette perspective, il serait intéressant d'avoir une première estimation des coûts pour un pays. Je rappelle que chacune des trois molécules précédemment évoquées entraîne un type de dommage qui lui est propre.

Ainsi, contrairement à l'image que nous en avons, ce matériau coûte cher à la société et son usage induit des conséquences néfastes. Si nous décidons d'éviter ce coût, le chiffrage est un levier important. En effet, ce dernier est indispensable pour s'orienter vers la transition sociale, industrielle qui nous est nécessaire pour sortir du problème.

Mme Dominique Voynet, députée. - Merci pour ce travail précieux d'intérêt général. J'ai une question qui fait le lien avec ce que vous disiez concernant l'expertise à consolider et le fait que la recherche indépendante ne devrait pas bénéficier uniquement d'appels à projets, mais de réels financements. Je m'associe à cette recommandation, car elle est nécessaire. Nous devons pérenniser des budgets et des équipes. Est-ce que vous avez des éléments à nous fournir sur le type d'espace qu'il faudrait construire ? Est-ce couplé à de la recherche universitaire ?

Bien évidemment, il faudrait former du personnel à ces recherches. Devrions-nous créer un organisme public ad hoc afin d'assurer l'indépendance et l'intégrité de la recherche publique en ce domaine ? Auriez-vous des informations sur les modalités d'une institutionnalisation de cette recherche ? De fait, elle pourrait peut-être apporter des savoirs nouveaux sur cette vie du plastique.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - Ce que je peux vous répondre est qu'il y a un véritable intérêt et une plus-value à ce qui s'est passé en parallèle des négociations du traité avec la formation d'une coalition internationale de scientifiques. De manière spontanée, 400 chercheurs ont décidé de travailler ensemble. Nous voyons bien qu'il y a une sorte d'émulation en plus d'une prise en compte de la diversité des enjeux selon les pays. Donc, tout cela est très riche et important. Dans le rapport de l'Office de 2020, parmi nos quarante-neuf recommandations, nous voulions mettre en place l'équivalent du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) pour le plastique. Toute la communauté scientifique aurait ainsi pu échanger.

Je pense que nous sommes à un moment charnière. Dans le rapport de 2020, concernant l'effet des microplastiques sur la biodiversité, chacun citait la taille du polymère étudié, la durée d'exposition, la concentration et l'espèce cible. À partir de ces résultats, des convergences se dégageaient permettant d'identifier d'éventuelles conséquences. Cependant, il restait difficile d'associer ou de comparer les études entre elles. Donc, je crois beaucoup à une approche internationale menée dans cet esprit d'harmonisation et d'homogénéisation des méthodes d'analyse.

En France, les débats dépassent la recherche sur le plastique et portent sur toutes les recherches. Je suis persuadé qu'un pays puissant investit dans la recherche et, du même coup, dans sa vision de son avenir. Cela nécessite des financements pérennes et la capacité de mener des recherches à long terme.

Mme Dominique Voynet, députée. - Je voudrais évoquer un problème en devenir : la banalisation de la consommation excessive d'eau ou de sodas encouragée par les énormes campagnes de marketing réalisées par de puissantes multinationales comme Coca-Cola au moment des jeux Olympiques de 2024, ou encore Nestlé. Ces pratiques ont été dénoncées par de nombreux travaux comme ceux de Jean Ziegler ou, plus récemment, par ceux de notre collègue sénatrice, Raymonde Poncet Monge. Je vous remercie pour l'utilité de votre travail. Grâce à cela, nous savons désormais que le contenant pose des problèmes énormes et génère des coûts directs, indirects, sanitaires et environnementaux, etc., que vous avez bien décrits.

Cependant, le contenu cause aussi des problèmes et je n'évoquerais même pas les coûts générés par le transport et l'impact de ces produits sur le porte-monnaie des personnes aux revenus modestes. En effet, bien des travaux évoquent l'impact des sodas sucrés : diabète, obésité, AVC, hypertension, etc. De plus, l'eau du robinet disponible pour presque rien est aussi contaminée par des particules, notamment par les plastiques. Donc, j'espère ne pas alimenter le procès de l'écologie punitive en plaidant pour une régulation, non seulement des produits, que ce soit les molécules plastiques elles-mêmes ou leurs adjuvants, mais également des usages.

Une société qui se pose la question de son avenir peut-elle se contenter de laisser le marché décider et laisser à la collectivité le soin d'assumer les coûts ? Non.

Le moment viendra où il faudra peut-être créer une nouvelle régulation afin de réserver l'emploi de produits pétroliers précieux et rares à des usages plus nobles que celui des bouteilles plastiques qui vont se retrouver en décharge. Je n'évoque même pas la Polynésie française. À Mayotte, avec la crise de l'eau, des millions de bouteilles plastiques se retrouvent dans les ruisseaux, disséminées sur l'île d'une façon insupportable, car nous n'avons pas de filière de recyclage.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - Mon implication sur le traité international m'a appris une chose que je n'avais pas nécessairement vue. Nous avons évoqué Mayotte. Des pays sans bouteille d'eau existent aussi et ils sont confrontés à de grandes difficultés. J'ai pu rencontrer des personnes de ces régions qui expliquent ne pas avoir de ressource en eau superficielle ou souterraine. En définitive, la seule solution est le recours à la bouteille d'eau.

Ici, le contexte est complètement différent et cela nécessite effectivement d'étudier à nouveau le sujet chez nous. Je fais partie des personnes qui considèrent que l'eau du robinet est de très bonne qualité en France, même si nous pouvons y trouver parfois des choses que nous préférerions ne pas y trouver. Elle est payée par nos impôts et elle est beaucoup moins chère que l'eau en bouteille. À ce titre, je ne comprends toujours pas que certaines personnes se plaignent de payer trop d'impôts pour pouvoir bénéficier de l'eau du robinet alors qu'elles achètent de l'eau en bouteille qui coûte jusqu'à deux cents fois plus cher que l'eau du robinet. Nous entrons ici dans la dimension sociologique du sujet. Ceci pose des questions sur le modèle de consommation et notamment sur les petits contenants. Nous échangerons sur ces questions quand nous débattrons de la proposition de loi visant à l'interdiction des micro-emballages plastiques destinés à contenir des liquides, déposée par le député Pierre Cazeneuve le 29 octobre 2024.

Cependant, je n'irai pas jusqu'à considérer que l'existence de ces contenants n'a aucune utilité. Ils peuvent être utiles dans certains cas à l'échelle planétaire ou dans le cadre de certaines crises où l'eau du robinet n'est plus potable.

Se pose aussi la question de la quantité des contenants que nous utilisons et la gestion des déchets qu'ils génèrent. Il faut rester prudent et ne pas se bercer d'illusions concernant ce qui nous est affirmé sur la capacité à recycler indéfiniment les bouteilles.

Cela nous interroge sur un aspect que je juge essentiel. Nous recourons tous à ces objets plastiques - souvent inutiles - pour assurer notre confort. Or, il est difficile de rebrousser chemin, car l'usage du plastique est commode, pratique et réduit les charges. Par exemple, nous n'allons plus faire les courses tous les jours.

M. Gérard Leseul, député, vice-président de l'Office. - Merci pour ce travail précieux et argumenté et pour votre investissement sur ce sujet. Je partage les interrogations des intervenants précédents. La question de la place du plastique dans les filières m'intéresse aussi. J'ai bien entendu la réponse : il ne faut pas que chacun se renvoie la responsabilité, mais il est aussi important d'avoir une vision, notamment en ce qui concerne la responsabilité de l'alimentation à emporter dans l'ensemble des pollutions plastiques et microplastiques. Bien sûr, il faut aller vers des régulations des produits, des usages et des contenants, ce qui poussera le consommateur à s'interroger et à s'impliquer.

Je voudrais savoir ce que nous pourrions faire dans le cadre d'un dialogue avec les professionnels de la filière plastique afin de les entraîner éventuellement vers une transition. Nous voyons bien que toutes les filières plastiques sont organisées et structurées. Donc, en tant que rapporteur, quelles relations avez-vous eues et quelles relations pourrions-nous avoir avec la Fédération de la plasturgie, le Syndicat des films plastiques, le Syndicat national de l'extrusion plastique, le Syndicat professionnel national de la plasturgie et des composites, etc. ?

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - Il est vrai qu'il est important de connaître le degré de responsabilité des uns et des autres. Quand nous connaissons l'étendue de notre responsabilité, nous pouvons nous mettre autour d'une table pour déterminer comment agir.

Cela renvoie à un autre sujet tout aussi important : celui du mode de comptabilisation. Par exemple, les chercheurs ont indiqué que l'empreinte du plastique sur l'ensemble du cycle de vie est supérieure à celle de l'aviation.

Sur le lien avec les professionnels, au-delà de ces conclusions, l'héritage du rapport de 2020 apparaît à travers des sollicitations quasi hebdomadaires sur ce sujet de la part d'ONG mais aussi de professionnels. Rien n'est caché : il y a quinze jours, j'ai rencontré l'un des syndicats qui traitent cette problématique. Grâce à ces dialogues, nous pouvons mesurer la complexité du sujet. Nous sommes en présence d'enjeux portant sur l'industrie, des emplois, des familles et des bassins de production. Avec la présence de tous ces plastiques inutiles, je suis convaincu qu'un levier d'action existe. Les professionnels s'en rendent compte et, lors des échanges, nous pouvons constater qu'ils ont deux positionnements opposés.

Certains sont en avance dans leur pratique et ont anticipé un certain nombre de virages qu'ils devront prendre afin d'éviter d'être montrés du doigt. Ainsi, ils ne craignent parfois pas la réglementation car ils ont déjà anticipé plus que ce qu'elle exige.

D'autres pratiquent le business as usual et ne changent rien en prétendant ne pas connaître les impacts des microplastiques.

Au sein de la profession, nous sommes en présence de différentes manières d'observer la situation. Il ne faut jamais oublier non plus que les industriels sont confrontés à une contrainte économique. Néanmoins, ils peuvent être sincères dans leur démarche. De plus, le sujet est mondial de sorte que beaucoup de plastiques que nous considérons inutiles viennent d'Asie. Par conséquent, les professionnels du secteur peuvent penser qu'une transition bien menée chez eux peut éviter la mise en concurrence de certains produits.

Nous pouvons citer l'exemple du sac plastique. En France, nous avons beaucoup légiféré sur son épaisseur. Celle-ci a donc évolué et le sac plastique est devenu de meilleure qualité et, parfois même, réutilisable. Toutefois, des sacs plastiques d'origine chinoise ne respectant pas cette norme reviennent sur le marché.

Le sujet de la pollution plastique est complexe, mais nous avons l'obligation de dialoguer avec les industriels. J'invite chacun de nous à le faire. De cette manière, nous pourrons nous faire rapidement une opinion sur les interlocuteurs qui viennent avec l'idée de construire et sur ceux qui pratiquent leur lobbying en utilisant des cas d'espèce. Pour conclure, je considère qu'il ne faut surtout pas fermer la porte au dialogue et je m'applique cette règle.

M. Pierre Henriet, député, premier vice-président de l'Office. - Le dernier cycle de négociation sur le traité se tiendra dans quelques jours à Busan.

M. Philippe Bolo, député, rapporteur. - Oui, du 25 novembre au 1er décembre.

Si le rapport que je vous présente est adopté, il sera traduit et largement diffusé. Je l'enverrai même au président du Comité international de négociations, Luis Vayas Valdivieso, ainsi qu'aux scientifiques.

Le rapport de 2020 avait permis de créer une coalition internationale de parlementaires à l'initiative d'Angèle Préville et de moi-même. Aujourd'hui, cette coalition regroupe 26 parlementaires issus de 15 pays différents : nous sommes la voix de 2,3 milliards de citoyens. Chaque membre de la coalition parlementaire recevra la note en anglais et en français. Je les invite à prendre le temps dans leurs parlements respectifs, de réunir les chercheurs de leur pays et d'aller parler avec leurs industriels. En coordonnant nos actions, nous serons plus forts et nous pourrons peser sur les négociations.

M. Pierre Henriet, député, premier vice-président de l'Office. - Je propose que nous adoptions les conclusions de l'audition publique, ce qui permettra de diffuser ce support dans le cadre des négociations prochaines.

L'Office adopte à l'unanimité les conclusions de l'audition publique sur les impacts des plastiques sur la santé humaine et autorise la publication, sous forme de rapport, du compte rendu de l'audition et de ces conclusions.

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