B. DANS LES NÉGOCIATIONS AVAL, DES DISPOSITIFS À AMÉLIORER POUR FLUIDIFIER LES RELATIONS

1. La pertinence d'une date butoir « aval »

Les rapporteurs estiment que le principe d'une date « butoir » annuelle de conclusion des conventions entre industriels et distributeurs ne doit pas être remis en cause. Des négociations « flottantes » placeraient selon eux les industriels dans un rapport de force déséquilibré à l'égard de la grande distribution. La date butoir est désormais ancrée dans les pratiques des professionnels, facteur de stabilité juridique. Tous les acteurs auditionnés par le groupe de suivi sont pour son maintien.

Ils ne sont néanmoins pas opposés à une modification paramétrique, sous réserve de disposer d'un délai de prévenance suffisant pour s'organiser afin de ne pas revivre l'impréparation du cycle de négociations de 2023-2024 lorsque le Gouvernement a souhaité, en octobre 2023, avancer la date butoir des négociations. C'est ce court délai de prévenance, conjugué à la pression déflationniste exercée par le Gouvernement de l'époque à l'encontre des distributeurs qui a généré des mécontentements parmi les enseignes et les industriels.

Dans des conditions d'application normales, les acteurs auditionnés par le groupe de suivi lui ont indiqué qu'une négociation de deux mois serait pertinente : à l'heure actuelle, la négociation est souvent bloquée pendant un mois pour s'accélérer juste avant la date butoir. Cela permettrait en outre d'alléger les ressources qu'une entreprise dédie, un quart de l'année, à ces négociations commerciales.

À des fins de simplicité, ils estiment aussi que cette date doit être la même pour tout le monde. Les négociations 2024 ont fait office d'expérimentation : or les PME qui ont conclu leurs contrats au 15 janvier n'ont pas été mieux traitées que les autres - c'est même l'inverse. Pour les PME qui le veulent, la négociation anticipée, avant les grands groupes, peut déjà être formalisée au moyen de chartes avec la grande distribution : cela doit être poursuivi pour celles qui le souhaitent. Une formalisation de ces pratiques au moyen de chartes doit être privilégiée à l'inscription, plus rigide, d'un seuil de chiffre d'affaires au sein de la loi.

Les rapporteurs préconisent donc de préserver le principe d'une date butoir fixe, sans différenciation selon la taille des entreprises, tout en prévoyant - pour les cycles postérieurs à 2025 - des négociations plus courtes, closes le 1er février. La pratique de négociation des TPE et PME avant les grands groupes, déjà formalisée au moyen de chartes avec la grande distribution, doit être encouragée pour les entreprises volontaires.

2. Améliorer l'effectivité de la sanctuarisation de la matière première agricole

Les rapporteurs estiment que l'amoindrissement de la sanctuarisation de la matière première agricole constaté en 2024 devrait entraîner un renforcement des contrôles de la DGCCRF, au-delà du formalisme du contrat, sur l'économie de ce dernier. Ils appellent à ce que les résultats des enquêtes sur la sanctuarisation de la matière première agricole soient portés à la connaissance du Parlement et publiés.

En outre, depuis la loi Egalim 2 de 2021, les contrats amont et aval incluent une clause de révision automatique du prix en fonction de la variation du coût de la matière première agricole (MPA).

Malgré leur intérêt démontré lors des épisodes récents de variations importantes du coût des matières premières, le fonctionnement de ces clauses demeure insatisfaisant. Elles n'ont d'ailleurs pas empêché les renégociations en marge des contrats en 2022 et 2023. Selon la DGCCRF, certaines clauses ont fonctionné et ont permis d'aboutir à des baisses dès juin 2023 sous l'impulsion du ministère de l'économie concernant des produits à forte composante agricole, par exemple, dans les secteurs de la charcuterie et de la panification. D'après le médiateur des relations commerciales agricoles, elles ont été activées dans seulement 20 % des cas en 2023.

En 2024, l'analyse par la DGCCRF de plus de 1 400 contrats a montré que 85 % des contrats prévoient une clause de révision automatique du prix conformément à la loi Egalim 2. En général, l'absence de clause n'est pas une anomalie et s'explique par l'absence d'indicateurs pertinents, le statut de grossiste du fournisseur ou le fait qu'en raison de la nature des produits le prix est négocié de gré à gré de façon hebdomadaire (c'est par exemple le cas de la viande destinée au rayon boucheries traditionnel par exemple).

Pour les rapporteurs, leur principal défaut tient à ce qu'elles ne sont pas soumises au principe de non-discrimination et font parfois l'objet d'une « négociation dans la négociation » visant la fixation de seuils très élevés de déclenchement ou l'utilisation d'indicateurs non représentatifs des prix d'achat réels des industriels.

Pourtant, selon eux, ces clauses de révision du prix ont démontré leur intérêt et produisent les effets attendus lorsque leur construction reflète bien les modalités d'approvisionnement en MPA ainsi que le cycle de production de l'industriel.

Les rapporteurs estiment que les clauses de révision automatique du prix en fonction de l'évolution de la matière première agricole devraient figurer dans les CGV de l'industriel, au même titre que la part de matière première agricole pour la détermination du tarif. La présence de cette clause dans les CGV de l'industriel l'inclurait ainsi dans le « socle unique » de la négociation.

En conséquence, ils préconisent de supprimer l'obligation d'insérer dans les contrats une clause de renégociation automatique du prix, obligation qui peut être source de confusion pour les plus petites entreprises, d'autant plus que cette clause n'est que très peu utilisée. À la place, une clause prenant en compte l'évolution des coûts des matières premières industrielles, qui ne sont que trop peu répercutés, serait souhaitable.

3. Une avancée notable concernant les pénalités logistiques qu'il faut poursuivre

Les deux dernières lois Egalim de 2021 et de 2023 ont apporté des avancées concrètes en matière d'encadrement des pénalités logistiques.

Dès 2023, des améliorations concernant la réduction des déductions d'office des pénalités de la facture ont été constatées, en lien avec l'application de la loi Egalim 2 qui prohibe ces pratiques. Selon la DGCCRF, les enseignes ont également mis à jour leurs conditions logistiques pour tenir compte des dispositions issues de la loi Egalim 2. En 2024, 82 % des fournisseurs interrogés par la DGCCRF mi-2024 n'en avaient pas constaté au cours de l'année passée. La part de pénalités infligées sans justification a également diminué.

Néanmoins, la preuve du manquement (fait générateur de la pénalité) et du préjudice justifiant une pénalité logistique reste insuffisante. Selon la DGCCRF, 50 % des fournisseurs constatent des insuffisances en matière de communication de la preuve du manquement ou du préjudice.

La loi du 30 mars 2023 a encore renforcé l'encadrement des pénalités logistiques en les plafonnant à 2 % de la valeur des produits relevant de la catégorie de produits au sein de laquelle a été constaté le manquement. Selon la DGCCRF, les conventions logistiques ont été mises à jour à la suite de l'entrée en vigueur de la loi pour 60 % des industriels interrogés. 73 % d'entre eux indiquent que le plafond de 2 % du montant des pénalités est respecté par les enseignes.

En outre, des divergences d'interprétations demeurent entre distributeurs et fournisseurs concernant la « catégorie de produits », qui fait office d'assiette des pénalités. Plusieurs industriels ont signalé que la notion de « catégorie de produits », à laquelle s'applique le plafond de 2 %, est exagérément source d'interprétation dans le but d'augmenter artificiellement l'assiette des pénalités.

À ce sujet, les rapporteurs rappellent que le taux de 2 % fixé par le législateur est bien un plafond et non un forfait, et qu'il doit être proportionné.

Les rapporteurs recommandent de préciser les modalités d'application des pénalités logistiques, à l'aune des enseignements des contrôles de la DGCCRF pour aller au bout de l'intention du législateur formulée en 2021 et 2023.

4. L'expérimentation du préavis en l'absence d'un accord : de premiers bons résultats

Introduite par l'article 9 de la loi du 30 mars 2023, l'expérimentation de la possibilité pour le fournisseur d'appliquer un préavis de rupture en l'absence d'accord entre les parties à la date butoir des négociations a joué son rôle en 2024.

Contrairement aux critiques formulées par ses détracteurs, ce préavis n'est pas une prolongation des négociations ni un avantage indu donné au fournisseur : il permet de corriger partiellement le rapport de force qui permettait auparavant au distributeur de rompre la relation commerciale en l'absence d'accord à la date butoir. Le principe est d'ailleurs que les conditions du préavis ne doivent pas placer une partie dans une situation plus favorable par rapport aux entreprises ayant conclu leur convention annuelle dans le délai légal. Comme le prévoit la loi, le prix appliqué pendant la durée du préavis doit tenir compte des « conditions économiques du marché » : pour l'application de ce principe, le médiateur (qui a été saisi d'une quinzaine de cas en 2024) a demandé aux parties de lui communiquer, à son seul usage, les prix pratiqués par les autres fournisseurs ou les autres enseignes - ce qui n'a pas posé de difficulté.

Les rapporteurs saluent cette lecture de la règle fixée par la loi de 2023 qui semble avoir donné de bons résultats malgré les nombreuses critiques formulées à son égard. Le cas échéant, ils appellent donc à une prolongation du dispositif au-delà de 2026.

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