N° 217
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 décembre 2024
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires
économiques (1)
relatif au programme
Territoires d'industrie,
Par Mme Martine BERTHET, M. Rémi CARDON et Mme Anne-Catherine LOISIER,
Sénatrices et Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.
L'ESSENTIEL
Le mercredi 18 décembre 2024, la commission des affaires économiques a adopté le rapport d'information de Mme Martine Berthet, M. Rémi Cardon et Mme Anne-Catherine Loisier sur le programme Territoires d'industrie.
Soucieux, dans une logique de territorialisation de leur mission de contrôle, de confronter les réalités de terrain aux bilans tirés par les pilotes et acteurs du programme au niveau national, les rapporteurs ont constaté la dynamique très positive - quoique inégale - impulsée par le programme au niveau local, malgré un soutien hétérogène de l'État et de ses opérateurs. Cette démarche s'inscrit dans la logique de « contrôle sénatorial de proximité » souhaité par le Président du Sénat, visant à mieux évaluer l'impact des politiques publiques au niveau local.
Afin d'affermir la composante territoriale de l'effort national de réindustrialisation, les rapporteurs proposent de pérenniser le programme, peu coûteux pour les finances publiques, en le recentrant sur les territoires en capacité de développer une activité structurée autour de filières industrielles. Ils recommandent en particulier de mieux soutenir les initiatives locales visant à renforcer de manière transversale l'attractivité des territoires pour l'industrie et d'encourager le recours aux dérogations, pour mieux s'adapter aux réalités et contraintes locales.
Nombre de Territoires d'industrie labellisés pour la phase 2 (2023-2027) |
Nombre de projets accompagnés dans le cadre du programme depuis 2018 |
Part des Territoires d'industrie dans l'emploi industriel national |
Part d'intercommunalités parties prenantes à un Territoire d'industrie |
I. UN OUTIL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALISÉ TRÈS APPRÉCIÉ DES ACTEURS LOCAUX, MALGRÉ UNE MISE EN oeUVRE ET DES RÉSULTATS HÉTÉROGÈNES
A. UN INSTRUMENT ORIGINAL DE POLITIQUE INDUSTRIELLE TERRITORIALE
1. Le poids estimé du facteur territorial dans les dynamiques industrielles
Le facteur territorial, un puissant levier de réindustrialisation, longtemps ignoré
Lancé en 2018, le programme Territoires d'industrie réintroduit la notion de territoires dans la stratégie de reconquête industrielle engagée au mi-temps des années 2010, d'abord focalisée sur la réduction des coûts de production et le soutien aux grandes filières et à l'innovation. Il s'agissait de construire, de manière proactive, le « facteur territorial » à l'oeuvre, par exemple, dans les districts italiens (constitué de « facteurs invisibles » tels que les relations entre acteurs, les traditions et expériences, la culture industrielle, ...), dont le poids dans les trajectoires industrielles a été récemment évalué par la littérature économique à pas moins de 40 %. Cette approche territoriale est d'autant plus pertinente qu'on estime que le tissu industriel déjà existant concentre 70% du potentiel de réindustrialisation en France ; elle pourrait permettre, au total, la création de plus de 400 000 emplois.
Au total, 183 Territoires d'industrie ont été labellisés lors de la reconduction du programme, pour la période 2023-2027, rassemblant 630 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
2. Une architecture de gouvernance et des modalités de mise en oeuvre novatrices
Conçu comme un outil « biface » de cohésion sociale et territoriale et de politique industrielle, le programme, piloté conjointement par la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'économie et par l'Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT), repose sur une logique ascendante d'élaboration de projets au niveau de chaque territoire d'industrie, piloté localement par un binôme constitué d'un élu local et d'un industriel du territoire, épaulé d'un comité de projet composé de l'ensemble des acteurs locaux pertinents en fonction des caractéristiques du territoire, ainsi qu'un représentant de l'État - généralement le sous-préfet. À l'origine, l'État et ses opérateurs soutiennent le programme uniquement via la priorisation vers les Teritoires d'industrie d'outils de politiques publiques existantes, sans crédits supplémentaires.
« L'objectif était de donner carte blanche aux territoires. »