B. UNE EXÉCUTION DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX QUI DÉPEND D'ABORD DE FACTEURS DIPLOMATIQUES
En matière migratoire, l'exécution des instruments internationaux est particulièrement mouvante. Cette situation ne résulte cependant au principal ni du caractère parfois juridiquement perfectible des stipulations y figurant, ni de dysfonctionnements administratifs de la part des États signataires : l'exécution des instruments internationaux dépend prioritairement de facteurs diplomatiques.
La totalité des personnes auditionnées ont ainsi confirmé que l'application des instruments internationaux était intrinsèquement dépendante de la qualité de la relation bilatérale entre les États parties. En l'absence de leviers pour contraindre l'État partenaire à se conformer à ses engagements, la bonne exécution de ces instruments relève d'abord et avant tout de la volonté politique.
Les instruments relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière sont à cet égard emblématiques. En matière de retours, aucun instrument ne peut permettre d'obtenir la coopération d'un État tiers qui, pour des raisons politiques, ne le souhaiterait pas. Lors de son audition, le professeur Vincent Tchen a ainsi rappelé que « les autorités françaises sont démunies de réponse efficace lorsque les États signataires ne respectent pas leurs engagements ». Tout juste ces accords peuvent-ils permettre de maintenir un espace de discussion lorsque les relations bilatérales sont le plus dégradées24(*).
À titre d'exemple, la France dispose depuis les années 1990 d'un instrument technique de coopération en matière de retour avec l'Algérie. La présence de cet instrument n'a en rien permis d'infléchir le refus de la partie algérienne de réadmettre ses ressortissants à la suite de la « crise des visas » entre août 2021 et avril 202225(*). Aucun retour forcé n'a ainsi pu être exécuté en direction de l'Algérie sur cette période, en dépit de l'engagement à une coopération efficace retranscrit dans cet instrument technique de coopération.
L'efficacité des instruments internationaux ici étudiés est donc très largement tributaire de la qualité de la relation diplomatique avec l'État partenaire. Les constats exposés dans le présent rapport doivent dès lors être systématiquement replacés dans cette perspective : une norme internationale, aussi pertinente soit-elle, ne peut se substituer à une action diplomatique de qualité. Cela ne signifie pas qu'il faille renoncer à clarifier les objectifs associés à l'utilisation de ces instruments, à améliorer le suivi de leur exécution ou à moderniser leurs outils d'évaluation. Cela implique en revanche que les instruments internationaux doivent, en matière migratoire, être appréciés pour ce qu'ils sont : des outils parmi d'autres pour l'amélioration de la coopération migratoire avec des États tiers. Il serait en effet particulièrement naïf d'imaginer que ces instruments puissent, à eux seuls, garantir une coopération optimale avec les États partenaires.
* 24 Voir les développements figurant au II B de la présente partie pour davantage de précisions.
* 25 Tirant les conséquences d'un défaut de coopération en matière de réadmission, la France a déployé sur cette période des mesures restreignant la délivrance de visas à l'encontre des trois États du Maghreb (avec l'objectif de porter le taux de refus à 50 %).