N° 525

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 avril 2025

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) relatif à la pêche
dans le
golfe de Gascogne,

Par MM. Alain CADEC, Yves BLEUNVEN et Philippe GROSVALET,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente ; MM. Alain Chatillon, Daniel Gremillet, Mme Viviane Artigalas, MM. Franck Montaugé, Franck Menonville, Bernard Buis, Fabien Gay, Pierre Médevielle, Mme Antoinette Guhl, M. Philippe Grosvalet, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, M. Rémi Cardon, Mme Anne-Catherine Loisier, secrétaires ; Mme Martine Berthet, MM. Yves Bleunven, Michel Bonnus, Denis Bouad, Jean-Marc Boyer, Jean-Luc Brault, Frédéric Buval, Henri Cabanel, Alain Cadec, Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, MM. Patrick Chaize, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Éric Dumoulin, Daniel Fargeot, Gilbert Favreau, Mmes Amel Gacquerre, Marie-Lise Housseau, Brigitte Hybert, Annick Jacquemet, Micheline Jacques, MM. Yannick Jadot, Gérard Lahellec, Vincent Louault, Mme Marianne Margaté, MM. Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Sebastien Pla, Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Lucien Stanzione, Jean-Claude Tissot.

L'ESSENTIEL

La commission des affaires économiques a adopté le mercredi 9 avril les conclusions de la mission d'information relative aux conséquences de la fermeture de la pêche dans le golfe de Gascogne un mois par an de 2024 à 2026, et aux solutions alternatives à cette interdiction.

Cette fermeture spatio-temporelle, pour de nombreux engins de pêche (filets, chaluts pélagiques, senne coulissante), du 22 janvier au 20 février, a été décidée en octobre 2023 sur injonction du Conseil d'État, une procédure d'infraction étant ouverte par la Commission européenne depuis 2020.

Cela sanctionne une trop lente prise de conscience de la situation et un premier plan d'action « captures accidentelles » manifestement insuffisant. Le pic des prises accessoires estimé depuis 2016 ne garantissait plus le maintien dans un « état de conservation favorable » du dauphin commun, espèce strictement protégée par la directive « Habitats ».

Si l'efficacité des fermetures pour réduire le nombre de captures accidentelles n'est que peu contestée (division par 4 des captures estimée l'hiver 2024), leur efficience est cependant sujette à caution, son caractère indifférencié ainsi que son coût disproportionné pour la filière, les territoires littoraux et l'ensemble de la société ayant concentré des critiques légitimes.

Le caractère précipité de la mesure a alimenté un climat de tension lié à une « rupture de confiance » entre professionnels, scientifiques et associations de protection de la nature, dans un contexte d'incertitude élevée sur les données (population de dauphins, estimation des captures accidentelles).

Les rapporteurs ont souhaité se livrer à un exercice de vérité sur l'inévitable maintien de la fermeture en 2026 et, de façon transpartisane, ont appelé à une réouverture de la pêche après 2026, dans des conditions qui permettent un maintien de l'état de conservation favorable du dauphin commun. La voie étant particulièrement étroite au regard des données scientifiques et du droit existant, la coopération entre l'ensemble des parties prenantes sera l'une des clés de la réouverture. En ce sens, la mission formule 15 recommandations regroupées en 3 axes :

Ø AIDER : gérer la crise et l'aide économique aux professionnels affectés par la fermeture en 2026

Ø CONCILIER : chercher les conditions de conciliation entre pêche et protection des petits cétacés au-delà

Ø CONNAÎTRE : augmenter l'effort d'acquisition et de diffusion des connaissances scientifiques en parallèle

Chiffres clés :

 
 
 
 

captures accidentelles chaque hiver entre 2017 et 2023 dans les eaux françaises et ibériques (sur environ 180 000 sur le littoral atlantique français et 440 000 dans l'Atlantique Nord-Est hors Irlande)

seuil maximal de captures annuelles jugé compatible avec le maintien d'un « état de conservation favorable » de l'espèce (directive « Habitats ») en application de la règle de gestion « PBR »

coût estimé de la première fermeture (2024) pour l'ensemble de la filière - pêcheurs, mareyeurs, réparation navale, coopération maritime transport frigorifique

taux d'indemnisation maximal accordé aux pêcheurs en 2024 et 2025, à maintenir en 2026

I. 2016-2023 : FACE À LA HAUSSE DES CAPTURES ACCIDENTELLES, CHRONIQUE D'UNE FERMETURE DE LA PÊCHE ANNONCÉE

Source : observatoire Pelagis

Les captures accidentelles estimées par l'observatoire Pelagis (unité mixte de service CNRS-université de La Rochelle) ont fortement augmenté sur la période la plus récente, la moyenne 2016-2022 ayant été deux à trois fois supérieure à la moyenne 1990-2022.

Le projet scientifique Delmoges (DELphinus MOuvements GEStion), conjoint à Ifremer et Pelagis, met en évidence un double phénomène de rapprochement des dauphins des côtes, probablement dans le but de chasser les petits poissons pélagiques agrégés près du fond sur le plateau continental, et de dispersion accrue des populations de dauphins. Les interactions pêche-dauphins sont donc plus nombreuses : 70 % des échouages sont attribués à des prises accessoires de la pêche par Pelagis.

Ces chiffres sont sujets à une forte incertitude et sont vivement contestés par la filière pêche (faible nombre d'autopsies sur les animaux échoués, extrapolation sur la part des dauphins capturés échouant). Le nombre de dauphins dans le golfe de Gascogne serait compris entre 130 000 et 260 000 (intervalle de confiance à 95 %), et le nombre de captures accidentelles entre 2019 et 2021 compris entre 3 081 et 13 300 par an, selon la méthode retenue ( Ciem, 2023). Toujours est-il que la justice a appliqué le droit (protection stricte du dauphin) en se fondant sur les meilleures données disponibles : le seuil de 4 927 captures admissibles, correspondant à 1 % de l'estimation basse à l'échelle de l'Atlantique Nord-Est, a été largement dépassé (environ 6 620 captures en 2018-20 et 9 040 en 2019-21).

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