II. UNE PRISE EN CHARGE DES AICS INSUFFISANTE, EN DÉPIT DE NOMBREUX DISPOSITIFS SPÉCIFIQUES
1. Jusqu'au jugement, un processus long et insatisfaisant
Les délais de jugement des AICS (avec un délai théorique d'écoulement du « stock » d'affaires criminelles de 16 mois) et les modalités de leur gestion avant l'audience peuvent être une source de retards dans la prise en charge médicale, psychologique et sociale de ceux-ci. S'agissant des AICS en détention provisoire, l'accès à une prise en charge est complexe avec un taux de surpopulation de 160 % en maison d'arrêt, des dispositifs disparates selon les établissements, un manque de professionnels de santé et des difficultés à entamer un suivi psychologique ou psychiatrique en cas de non-reconnaissance des faits. Quant aux individus soumis à une obligation de soins dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la qualité et la rapidité de la mise en oeuvre de cette mesure ne font l'objet d'aucun suivi ni évaluation.
La conduite des expertises des auteurs, pourtant obligatoires avant tout jugement au fond, se heurte à un manque criant d'experts psychiatres.
2. Une prise en charge spécifique en détention
88 % des auteurs de viol et 39 % des auteurs d'agression sexuelle sont condamnés à une peine d'emprisonnement ferme ou en partie ferme, avec un quantum moyen de peine s'élevant respectivement à 10,2 et 1,2 années.
La période de détention est donc une étape cruciale, qui suppose un travail pluridisciplinaire - psychologique, criminologique, médical et social - visant à limiter le risque d'une récidive. Alors que les sorties sèches concernent deux tiers des AICS condamnés, la préparation à la sortie est cruciale.
Conformément à la loi du 17 juin 1998 et au protocole santé-justice de 2011, les AICS condamnés sont en principe orientés vers l'un des 22 établissements pénitentiaires « fléchés AICS », devant disposer de moyens sanitaires adaptés et d'une prise en charge pénitentiaire spécifique, avec en particulier des programmes de prévention de la récidive (PPR) proposés par les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP). Le taux de détenus AICS dans ces établissements fléchés n'est toutefois que de 37 %.
Si un travail de qualité est effectué dans certains établissements, la prise en charge est très disparate et non coordonnée entre établissements - et parfois même entre professionnels intervenant au sein d'un même établissement - et se heurte bien souvent à des pénuries de moyens humains. En outre, aucune évaluation de l'efficacité de cette spécialisation et des dispositifs associés n'a été menée à ce jour.
3. Hors de la détention, une prise en charge qui pâtit d'un manque de moyens et de coordination
Le suivi socio-judiciaire est un dispositif central dans la prise en charge des AICS post-détention mais il ne concerne que 20 % d'entre eux, faute de moyens et d'une réelle coordination pluridisciplinaire entre acteurs.
Ce suivi emporte, par principe, le prononcé d'une injonction de soins, qui elle-même donne lieu à un emprisonnement en cas de refus. Cependant, l'efficacité de cette injonction se heurte à des difficultés d'accès aux soins (manque de médecins coordonnateurs et de psychiatres) et, là encore, à un défaut de communication et de coordination entre les différents professionnels impliqués dans la mise en oeuvre du suivi socio-judiciaire. Plus fondamentalement, cette mesure n'intervient qu'à la sortie de détention, souvent longtemps après les faits, et conduit à un ciblage excessif de la prise en charge sur un plan psychiatrique, ne tenant pas compte d'autres facteurs décisifs de désistance (accès à un logement/hébergement, insertion socio-professionnelle...).
4. Le post-sentenciel : un champ sous-investi
Le recours aux mesures de sûreté (surveillance judiciaire, surveillance de sûreté, rétention de sûreté) reste aujourd'hui très limité.
Tout au long de la peine et après celle-ci, des outils innovants, tels ceux de la justice restaurative, existent mais sont encore insuffisamment investis.
Mineurs auteurs d'infractions à caractère sexuel (MAICS) La prise en charge des mineurs - théoriquement plus favorable en raison de la possibilité donnée aux magistrats compétents de mettre en place des mesures éducatives dès le début de la procédure judiciaire -présente de réelles difficultés à toutes les étapes : distension des délais, manques de visibilité des parcours de soins et des parcours judiciaires, ruptures de parcours, appréhensions et défaut de coordination des professionnels censés les prendre en charge... |